galerie 1912 lundi, 20 février 2006

Cette bouteille est un mystère, car cette Yquem 1912 est mise en bouteille au château, commercialisée par de Luze, mais ce qui est étonnant, c’est que la capsule porte une inscription gravée sur la partie circulaire de la surépaisseur du verre qui est : "Graves Royal Sec".

Est-ce un ancêtre de "Y" ? Ce serait passionnant de le découvrir.

This bottle is a mystery. This Yquem 1912 was bottled by the Chateau and commercialised by de Luze. What is amazing is that on the capsule, engraved on the circle where the glass is thicker, is written : "Graves Royal Sec".

Is this bottle an ancestor of "Y" ? It will be passionating to check it.

festival omnivore lundi, 20 février 2006

On me transmet cette information : Festival Omnivore. Je la transmets telle quelle en pensant que ce festival risque de ressembler à la FIAC, où, pour se dire moderne, l’art a besoin de provoquer. A chacun de juger ce que suggère ce texte :

Pour réussir, l’innovation culinaire suppose que le consommateur y soit réceptif. Cela s’impose par exemple lorsqu’on sert, parmi quelques autres aliments improbables, des lamelles de lombric au piment et au beurre d’ail, selon une recette du biologiste Michel Durivault. Après la stupeur, vient une sorte de soulagement, lorsque, une fois la première bouchée avalée, on apprend qu’il s’agit non de ver de terre, mais d’une variété de cactus !

Omnivore Food Festival
Sur les docks Océane. Quai de la Réunion, rue Marceau 76600 Le Havre.
Inscriptions : www.omnivore.fr

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Autre surprise : l’oeuf de caille au plat, dont le blanc est teinté artificiellement en bleu vif et qui rappelle les spaghettis au bleu de méthylène des banquets futuristes des années 1930. Encore plus insolite, le homard séché réduit en poudre, placé dans une gélule rose vif et entouré d’algues en paillettes, qui n’enthousiasme guère les gourmands classiques, tandis que la morue aux fraises avec mayonnaise chantilly aux câpres, le tout flambé au pastis, provoque une belle polémique.

Tentées récemment à Tours (Indre-et-Loire), ces expériences seront peut-être au rendez-vous du premier festival de la jeune cuisine. Prévu les 20 et 21 février au Havre (Seine-Maritime), Omnivore Food Festival sera consacré à la cuisine créative et « aux cuisines en général, dès l’instant où elles ont envie d’avancer », précisent les organisateurs, Luc Dubanchet et Laurent Séminel, fondateurs du journal Omnivore. Le Havre se met à l’heure de la modernité en cuisine, avec la présence de Génération. C (lire Génération point C), association nouvelle de jeunes cuisiniers présidée par Gilles Choukroun, chef du restaurant parisien Angl’Opéra et inventeur d’une cuisine « conceptuelle et ludique ».

Après les rencontres de Saint-Sébastien, de Madrid et d’Oxford (Le Monde du 30 avril 2004), l’ambition des organisateurs d’Omnivore Food Festival est de doter la France d’une manifestation où une trentaine de démonstrations culinaires, des ateliers, des débats, des rencontres permettront de mettre en commun savoirs, pratiques, techniques, idées et concepts, dans le seul but d’enrichir le patrimoine culinaire.

« RASSEMBLER »
Cet ambitieux projet suscite autant d’enthousiasme parmi la centaine d’adhérents de Génération. C que de prudence chez les anciens. Paul Bocuse, 80 ans, qui fêtait en juin 2005 ses « quarante ans sous trois étoiles » confie avec humour : « La retraite ? J’y songe d’ici une vingtaine d’années, car il faut laisser la place aux jeunes. » Lionel Lévy, le jeune chef d’Une table au sud, sur le Vieux-Port à Marseille, espère que ce festival, « huit ans après celui des Espagnols, permettra d’arrêter de se dire qu’on est dépassés ».

Impulsion nouvelle à la cuisine, partage de vision et de techniques : cette manifestation, selon le chef marseillais, doit être capable de « rassembler toutes les générations ». Pour cela, sont attendus au Havre quelques invités qui ont fait leurs preuves, comme Ferran Adria (chef du El Bulli, en Catalogne), Alain Ducasse, Michel Bras, Andoni Luis Aduriz (du Mugaritz, en Espagne), Thierry Marx (Château Cordeillan Bages, à Pauillac), ou encore Pierre Hermé.

Lionel Lévy veut éviter de tomber dans le cliché du « service en tee-shirt dans une ambiance hip-hop ». Son souci, avait-il prévenu en invitant la presse lors d’une rencontre le 28 novembre 2005 à Marseille, est de ne pas laisser le mouvement être récupéré. Pour l’heure, il prépare en tandem avec Frédéric Coursol (chef du Radio, à Chamalières) un menu terre et mer, pour lequel il médite un tartare d’anchois aux lentilles.

Le festival du Havre aura lieu deux mois après le Forum organisé à Tours par l’Institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation (IHCA), avec le parrainage du Monde, les 2 et 3 décembre 2005. Des historiens, des géographes, des cuisiniers, des sociologues y avaient débattu des nouvelles tendances culinaires devant 200 professeurs des écoles hôtelières. Gilles Choukroun et Luc Dubanchet avaient eu l’occasion de faire partager leur conviction que la tradition rejoint l’innovation lorsque cette dernière n’est pas seulement nostalgie.

La cuisine est créative et développe sa propre identité lorsqu’il y a conjonction de l’intelligence, d’une histoire qui se raconte, des produits et des techniques. Le chef de Génération. C justifiait alors son propos en donnant la recette d’une crème brûlée appliquée au foie gras, assaisonné à la cacahuète – à dire vrai, assez peu convaincante. Mais c’est à Michel Bras et à Olivier Roellinger qu’il revint de faire rêver l’auditoire en exprimant avec onirisme et intensité leur rapport intime au paysage, un thème introduit par le professeur de géographie Jean-Robert Pitte.

La jeune cuisine saura-t-elle imposer ses vues à ceux pour qui la cuisine ne doit pas céder au métissage ni s’enrichir des différences entre les cultures ? Le nouvel épisode de la querelle des anciens et des modernes qui s’annonce au Havre ne peut être qu’enrichissant.

 

dîner de wine-dinners chez Patrick Pignol – le menu jeudi, 16 février 2006

les deux champagnes et le Chevalier Montrachet ne sont pas sur la photo
Dîner du 16 février 2006 au restaurant de Patrick Pignol /
Bulletin 172
Les vins de la collection wine-dinners
Champagne Ayala Brut ancien vers 1980
Champagne Salon « S » 1983
Corton Charlemagne Eugène Ellia 1993
Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1993 
Vouvray le Haut Lieu Demi Sec Huet 1971
Château Coustolle Côtes de Canon-Fronsac 1966
Château Margaux en magnum 1970
« SEG » F. Sénéclauze (13°)  Saint Eugène (Oran) récolte 1952
vin très ancien de la cave de M. Bichot père, probable avant 1920 (voire avant 1900)
Arbois Jaune Louis Carlier 1949
Château d’Yquem 1959
Le menu composé par Patrick Pignol
Damier de Saint-Jacques et truffes noires
Langoustines croustillantes infusées au citron et parfum de marjolaine
Oursins en coque, mousseline de persil tubéreux
Animelles dorées au beurre de cardamome
Cochon de lait en cocotte, légèrement pimenté au gingembre
Salsifis lardés
Mimolette « vieille » dans sa simplicité
Clémentines caramélisées et petites madeleines au miel de bruyère

dîner de wine-dinners au restaurant de Patrick Pignol jeudi, 16 février 2006

Le 66ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant de Patrick Pignol. J’étais allé dîner quelques jours auparavant après le spectacle de Laurent Gerra pour évoquer diverses hypothèses d’accords. Le chef est à Rungis avant l’aurore et fait son menu en fonction des produits qu’il trouve, mais bien sûr avec quelques idées en tête que mes vins lui suggèrent. C’est cela que j’étais venu scruter, car Patrick aime créer des recettes nouvelles avec des clins d’œil joyeux.

vin de Bichot de plus de cent ans. Mystère ! Pour lui donner un nom, j’ai supposé : Beaune Bichot 1899 (lire le compte-rendu ci-joint)

J’arrive pour l’ouverture des bouteilles. Deux journalistes et un photographe vont assister à cette cérémonie devenue un rite. Comme je réponds à des questions tout en ouvrant, je suis peut-être moins attentif à certains détails, et la statistique quasi irréelle de bonne tenue de mes bouteilles va se faire plomber ce soir. Le vin qui m’inquiète, c’est l’Arbois. Il a un nez plat de vin fatigué. Je suis prêt à le déclarer mort, car il me chiffonne trop. Je vais lui laisser une chance, mais il est exclu qu’il accompagne les oursins. On va donc lui substituer le Vouvray au nez rassurant, en demandant au chef de faire ressortir le coté sucré des oursins. Le message lui parvient.

Tout en répondant aux questions des deux journalistes, je fais mon inspection des odeurs, et voilà que le Corton-Charlemagne est bouchonné. A peine perceptible en bouche, mais le nez rebute trop. Je décide de prendre sur la carte de Patrick Pignol un Chevalier-Montrachet. Pas question de décevoir mes hôtes malgré un volume de vins très nettement supérieur à la moyenne habituelle pour les neuf que nous serons. Le bouchon du Bichot confirme qu’il a plus de cent ans. Cette bouteille sans étiquette fait du vin une énigme. Son odeur est redoutablement belle.

Mes hôtes arrivent avec une ponctualité remarquable et nous faisons un tour de table pour nous présenter sur un Champagne Ayala Brut ancien vers 1980. En fait, en  bouche, je dirais volontiers 1975. Les participants comprennent dès ce premier vin que nous entrons dans le monde des vins anciens. Belle rondeur en bouche et trace longue, équilibre chaleureux. C’est une belle mise en bouche.

Voici le menu composé par Patrick Pignol, menu de retour de marché : Damier de Saint-Jacques et truffes noires / Langoustines croustillantes infusées au citron et parfum de marjolaine / Oursins en coque, mousseline de persil tubéreux / Animelles dorées au beurre de cardamome / Cochon de lait en cocotte, légèrement pimenté au gingembre, salsifis lardés / Mimolette «vieille » dans sa simplicité / Clémentines caramélisées et petites madeleines au miel de bruyère. Il y aura dans ce voyage gastronomique de belles émotions. Et les clins d’œil subliminaux ne manqueront pas.

Nous avons autour de la table deux couples qui sont venus à la suite de l’interview de France Info de l’année dernière, qui a manifestement été entendue en Suisse et dans le limousin, les deux journalistes, une amie d’enfance qui, au lieu d’avoir le pieux recueillement que suggèrent mes doctes propos, ne cessait de me plaisanter comme quand nous avions vingt ans, et l’ami cuisinier de génie à ses heures que je voulais remercier de ses prouesses racontées dans de précédents bulletins. Pour la première fois depuis bien longtemps c’était un dépucelage pour tous les convives. Il y a d’habitude toujours un « ancien » qui joue les vétérans. Là, point. Le dîner commence.

Le Champagne Salon « S » 1983 aura du mal à exprimer son nez car nous sommes sous un nuage de parfum de truffe. Le plat est éblouissant et le Salon affiche des personnalités différentes que révèlent le sucré de la coquille ou l’insistance de la truffe. Ce champagne a la couleur d’une pêche déjà rosie, une belle bulle active et une profondeur en bouche qui est rare. Et l’accord met nos sens en éveil tant il faut être attentif pour déceler tout ce qui se passe dans notre palais. Nos papilles sont heureuses.

Devant la profusion des vins, je n’ai même pas cherché à savoir si le Corton Charlemagne Eugène Ellia 1993 revenait à la vie. On ne le saura jamais. Le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1993 est tellement éblouissant que la question n’a plus d’intérêt. C’est un vin jeune puissant, chaleureux, qui joue sur du velours avec une langoustine goûteuse à souhait. Ici, on ne se pose aucune question car tout est naturel et parfait.

Cela n’allait pas être le cas avec l’oursin et le Vouvray le Haut Lieu Demi Sec Huet 1971. Je dis un peu trop vite que je trouve la mousseline trop salée. Le chef informé vient rectifier notre appréhension sur le plat. Et effectivement mon impression change après deux ou trois cuillérées. L’oursin a des accents de châtaignes, avec cette légère douceur qui convient au Vouvray. Notre table se divise en deux camps, ceux qui pensent que l’oursin rétrécit le vin, qui s’épanouit dès que le plat est fini, et ceux qui comme moi pensent que l’accord est d’un immense intérêt. On pourrait sans doute rapprocher les points de vue en admettant que le plat n’élargit pas le vin mais que l’accord est judicieux. Malgré les remarques de quelques convives, je pense que cet essai se devait d’être tenté, parce qu’il sollicite les papilles comme en un manège, où l’on est pris dans un tourbillon de saveurs variées. Ce Vouvray est éblouissant de charme et de sérénité.

Les animelles devraient sans doute s’appeler animâles, car il s’agit des parties sexuelles mâles qui généralement vont par deux. Faisons le calcul. Nous sommes neuf, et nous avons chacun dans notre assiette trois moitiés de testicules de veau. Où est le chaînon manquant ? Est-ce la masse manquante de l’univers ? Plat délicieux qui a montré que je ne devrai plus essayer le Château Coustolle Côtes de Canon-Fronsac 1966, car cette bouteille bouchonnée (je ne l’avais pas remarqué à l’ouverture) fait suite à un autre malheureux essai. Heureusement, il suffisait d’avoir le Château Margaux en magnum 1970, qui après avoir installé un suspense sur la première gorgée non encore ouverte, fit montre de l’éclat rayonnant d’un beau bordeaux chaleureux. Ce n’est pas le meilleur Margaux qui soit, mais quand il a trouvé son épanouissement, il communique un plaisir sans mélange.

Je tenais absolument à voir en situation de repas ce « SEG » F. Sénéclauze (13°)  Saint Eugène (Oran) récolte 1952. Il n’a pas manqué son rendez-vous. Epanoui, chaud en bouche, au message simple mais convaincant, j’ai adoré, alors qu’un bourguignon présent à table allait évidemment lui préférer le vin très ancien de la cave de M. Bichot père, probable avant 1920 (voire avant 1900). Ce vin m’avait été offert dans la cave de M. Bichot, vin sans étiquette, sans dénomination, que l’on aurait pu identifier en se référant aux numéros des cases. Mais cela a-t-il de l’importance ? La couleur évoque un Beaune, et le goût aussi. Le bouchon m’avait indiqué la fin du 19ème siècle. Le goût me suggère 1899 car j’en ai le souvenir. Je ne garantis évidemment pas cela, mais comme il n’est plus possible de vérifier, disons : Beaune Bichot 1899. Ce vin est splendide. Il sera définitivement sacré dans les votes. Sa jeunesse étonne, et la plénitude de l’assemblage de toutes ses composantes. Magnifique sur le cochon de lait, il ne doit pas faire oublier le vin d’Oran que j’ai beaucoup apprécié, dans des atmosphères de Rhône.

La mimolette à pleine maturité allait accompagner un revenant, l’Arbois Jaune Louis Carlier 1949. C’est vraiment un ressuscité car le vin que j’aurais volontiers déclaré mort tenait son rôle à ce stade du repas. Légèrement fatigué, sans doute, mais redevenu de sa région.

Le Château d’Yquem 1959 a une couleur qui ferait pâlir d’envie les publicitaires qui veulent vanter une crème solaire. Ce vin a la couleur des délicieuses gelées de coing dont ma femme règle l’alchimie. Le nez est exact. C’est l’Yquem dans sa plénitude totale. La longueur est infinie, et bien malin qui pourrait trouver le moindre défaut à ce sauternes idéal. Plus beau, plus chaleureux que le 1937 de l’académie. Là-dessus, la clémentine caramélisée a capté avec une précision absolue l’organigramme de cet Yquem. Et l’accord est impressionnant. On est en présence d’une perfection culinaire totale. Inutile de dire que la joie est à son comble.

Nous ne serons que huit à voter car une jolie chypriote férue d’art s’en sent bien incapable. Le Beaune de Bichot rafle quatre places de premier et trois places de second. Le vin d’Yquem reçoit trois votes de premier et le Salon un vote de premier. Le palmarès résultant de tous les votes serait : Beaune Bichot vers 1899, Château d’Yquem 1959, Château Margaux 1970, Vouvray le Haut Lieu Huet 1971 et champagne Salon 1983. Mon vote : Château d’Yquem 1959, Beaune Bichot vers 1899, Vouvray Huet 1971, champagne Salon 1983.

L’ambiance était à la joie, aux rires, aux petites taquineries amusantes, avec un Patrick Pignol souriant et épanoui, sa cuisine au diapason de son humeur, un service attentif. Une soirée qui illuminera le ciel des souvenirs de chacun des participants.

la Saint-Valentin au restaurant Taillevent mercredi, 15 février 2006

C’est le jour de la Saint-Valentin. Je mets une cravate dont le motif est un couple d’oiseaux exotiques qui se bécotent sur une branche. J’aime ces petits symboles qui montrent que l’on n’est pas indifférent à l’instant que l’on vit. Arrivée au restaurant Taillevent avec un accueil chaleureux, souriant, qui fait plaisir. Nous sommes assis côte-à-côte comme en une loge de théâtre. Ce qui nous permettra de voir beaucoup de choses. D’abord la décoration du lieu, rassurante, que l’on aimerait peut-être un peu encanaillée, mais si c’est comme cette sculpture représentant un orifice disgracieux qui nous toise, alors, restons classiques. Une autre constatation est celle du rôle indispensable que joue Jean-Claude Vrinat. Il voit tout, sent tout, corrige tout, et la perfection d’un service attentif est pour beaucoup liée à son intuition.

La cuisine est rassurante, imprégnée de la personnalité du maître des lieux. Je me dis qu’en fait Taillevent ressemble à la Tour d’Argent quand Claude Terrail avait l’âge de Jean-Claude Vrinat. Il y a beaucoup de similitudes. Et au fil des plats si l’on s’interroge sur le fait de dévergonder aussi les recettes, c’est une réaction normale, mais il faut surtout que ce restaurant n’en fasse rien. Il a son style, et ce style est nécessaire dans le panorama gastronomique. Beaucoup de gens auraient rêvé que Christin Scott Thomas se lâche un peu. Il est bien qu’elle n’en ait rien fait, quand Emmanuelle Béart a failli. Là, à côté des chefs qui cuisinent à l’azote liquide et au chalumeau, il faut ce lieu aux plats rassurants, confortable comme un bon fauteuil anglais.

Le menu : royale de foie gras, cappuccino de châtaignes / épeautre du pays de Sault en risotto, cuisses de grenouilles dorées / saint-pierre clouté au basilic, soupe de roche safranée / pigeon farci, roquette et pignons de pin, jus court au banyuls / brie de Meaux affiné aux noix, pomme fruit et céleri / gelée de poire au gingembre / craquant au chocolat et au caramel. C’est délicatement équilibré, la chair du saint-pierre emportant la palme de la création, avec une expressivité rare.

Madame s’impatiente quand je décrypte cette liste impressionnante aux prix devenus insensés. Dans un forum, j’avais signalé que la carte de Taillevent n’était pas prise de la folie actuelle des cartes des vins. Hélas, c’est fait. Marco, sommelier que j’apprécie pour la justesse de ses avis m’a conseillé dans cette carte immense  un Chapelle-Chambertin Domaine Trapet 1997. Je suis cette idée, mais le vin, que je sens bien construit, ce qui justifie qu’on me le suggère, est   trop amer. Je bous sur mon siège, car je ne veux pas le renvoyer, mais manifestement, il ne me plait pas. Il se trouve que lors du premier dîner avec la jeune fille ici présente qui allait partager ma vie, j’avais renvoyé un vin. Elle n’avait pas apprécié, croyant que je voulais l’impressionner par ce vil moyen. Je n’allais pas lui refaire le coup plusieurs décennies après.

N’y tenant plus, j’appelle Marco et je demande un Châteauneuf du Pape Beaucastel 1989. Patatras, la bouteille est bouchonnée et Marco qui a pourtant goûté le vin ne l’a pas perçu. C’est à cause d’un mauvais rhume. Un Beaucastel 1989 de compétition succède au premier, liquide puissant, chaud, velouté, de pur plaisir simple.

Nous étions cernés de quatre tables d’américains à la voix souvent forte. Les couples d’amoureux étaient minoritaires. A une table voisine, je voyais de beaux flacons qui s’asséchaient à rythme soutenu. De loin, je reconnais l’étiquette de Méo-Camuzet. C’est un Nuits-Saint-Georges aux Boudots Méo Camuzet 1988. Vinification d’Henri Jayer, me dit Marco. Par une de ces complicités dont je remercie son auteur, Marco m’en donne un demi-verre. Tout simplement fabuleux. Une complexité, une finesse, une élégance qui tranchent avec la joie de vivre simple du Beaucastel. Les américains se faisant ouvrir un très vieux calvados, un même accident de trajet en fait échouer un verre sur ma table. Un bon calvados soigne de tous les tracas de la vie.

Ce parcours mouvementé avec des vins inattendus dans cette maison classique mais nécessaire a ponctué comme il convenait cette tradition fort agréable de célébrer l’amour.

La Saint-Valentin mardi, 14 février 2006

Dans un article du Figaro, François Simon a déclaré que fêter la Saint-Valentin au restaurant est du dernier ringard. C’est has been.

Je trouve au contraire que c’est une délicieuse tradition.

Autant je fuis Halloween détestable coutume, autant le jour des morts est sacré, car on se recueille sur la tombe de ses aïeux, avec tous les souvenirs d’eux, mais surtout de soi, qui reviennent.

A la Saint-Valentin, on se recueille sur son amour.

J’ai choisi une cravate dont le motif répétitif représente deux jolis oiseaux sur une branche qui se bécotent. Ça fait plaisir de jalonner ce jour de repères purement gratuits.

Nous irons ce soir chez Taillevent.

Non, la Saint-Valentin autour d’une bonne table ce n’est pas ringard.

andouille et andouillette lundi, 13 février 2006

Ayant mangé de l’andouille, délicieuse, sur un Bâtard Montrachet Chanson Père et Fils 1959, j’ai demandé la différence entre andouille et andouillette sur le site www.andouillettes.com Voici ce qui m’a été répondu:

Pour répondre à votre question, Andouille et Andouillette sont 2 produits différents;

– l’Andouille est servie froide, en entrée, et n’est pas composée exclusivement de porc (on y ajoute du boeuf, souvenez-vous il y a 2 ans avec le crise du boeuf!). Les éléménts rentrant dans la fabrication sont différentes partie des abats (porc + boeuf).

– l’Andouillette est servie chaude (pour les connaisseurs, elle s’apprêcie froide afin de mieux saisir le goût!!)? et est constituée exclusivement de chaudin de porc! Elle est assimilée à un plat principal!

humeur sur les trois étoiles lundi, 13 février 2006

Il y a une recrudescence d’articles sur les trois étoiles.

Comme si l’on était en juin 1789. Comme s’il fallait absolument casser ce qui existe (pour qui?)

On veut leur opposer ceux qui font de la cuisine avec de l’azote liquide ou un chalumeau, et jouent du cocktail Molotov en bouche pour créer de nouvelles sensations.

Mais en fait il y a de la place pour tous. Et on voit rarement la clientèle des trois étoiles ressortir en faisant grise mine.

Alors, mode, volonté d’être rebelle à bon compte, je ne sais pas. Mais au lieu de surmédiatiser ces chefs, de les opposer (à qui, à quoi ?), on ferait mieux de les laisser tranquilles. Les "beautiful people" ont besoin qu’on parle d’eux en bien ou en mal. Laissons ces chefs s’exprimer au fourneau. Si ça ne va pas, ça se saura très vite. Les clients de ces endroits sont plutôt exigeants. On ne leur dira pas ce qu’il faut penser. Pourquoi ? Parce qu’ils pensent par eux-mêmes, et autrement…

dîner de famille dimanche, 12 février 2006

Mon fils appelle sa mère : nous venons ce soir. Il est 17 heures, des achats s’imposent. Je fais des courses, mon fils aussi, la nourriture s’amoncèle dans la cuisine. Je vais choisir en cave deux vins. Il ne faut pas réfléchir, juste se demander : est-ce justifié ? Le Bâtard-Montrachet Chanson Père & Fils 1959 a une couleur prometteuse. Je le prends en main. J’hésite plus sur le rouge. Mais un signal d’amitié et d’émotion pour mon ami Bernard Hervet, directeur général de Bouchard parait évident. Ce sera Grands Echézeaux Bouchard Père & Fils 1954.

A l’ouverture le Bâtard est capiteux, profond, un parfum. Le Grands Echézeaux est presque plus capiteux ce qui parait invraisemblable : quel tir groupé irréel. Tout cela promet.

Sur une andouillette de Guémené, le Bâtard-Montrachet Chanson Père & Fils 1959 est joyeux. Ce vin extrêmement puissant a une longueur en bouche inimaginable. Il est rond, chaud, emplit la bouche généreusement. Il y a bien sûr quelques petites traces de fatigue mais qui s’en soucie. Le message généreux et la longueur altière nous ravissent.

Sur une épaule d’agneau, le nez du Grands Echézeaux Bouchard Père & Fils 1954 annonce instantanément ce que le vin sera. Mon fils dit : « ça, c’est grand, c’est même très grand ». Je retrouve avec plaisir des similitudes avec le Grands Echézeaux du Domaine de la Romanée Conti 1942 bu il y a peu. Le DRC est plus racé, et le Bouchard est plus jeune. Pour plaisanter j’ai dit à mon fils : on dirait un 1999. C’est faux bien sûr mais c’est pour imager cette rare fraîcheur. Il y a toute la complexité bourguignonne et un goût de sel. Terre et sel, joli symbole. Ma bru qui n’est pas une adoratrice des vins anciens l’apprécia. C’est un signe. En le buvant je pensais à la maladie de notre époque d’organiser en permanence des dégustations verticales où l’on aligne le plus grand nombre de millésimes d’un même vin. Ce 1954 serait peut-être ignoré dans une dégustation verticale car on subirait l’influence de l’image qu’a laissée cette année. Mais ici, ce vin brille, tout heureux d’être aussi fringant. Désacraliser les hiérarchies, c’est un peu ce que j’aime faire.