Dîner avec trois beaux champagnes mercredi, 3 février 2016

Un nouveau dîner avec mon fils. Une sommelière fidèle de l’académie des vins anciens m’a offert un Champagne Sensation 1995 de la maison Couche Père & Fils dégorgé le 1/10/2010. La bouteille est jolie, mais le bouchon aggloméré est de piètre qualité alors qu’il s’agit d’une cuvée exceptionnelle de 2584 bouteilles. Le nez est assez discret mais racé. Le vin est fringant, joli, de belle facture. On se sent bien avec ce champagne qui n’a pas une complexité extrême mais se révèle un bon compagnon de gastronomie. Deux jambons ibériques, l’un plutôt sec et l’autre bien gras accompagnent le champagne élégamment.

Le plat est de tagliatelles aux dés de foie gras poêlés. Tout vin conviendrait à ce plat gourmand et le champagne de Couche s’en sort bien. Quand il est arrivé à son terme, je sers le reste de la veille du Champagne Krug 1982. Et j’ai bien fait de servir les champagnes dans cet ordre car le Krug pris en premier aurait nui au plaisir du Couche. Nous avons raison d’aimer le champagne de Buxeuil, mais Krug se positionne à un niveau supérieur, avec de magnifiques. Il a une belle vivacité, et la palette de ses complexités que l’on est au sommet de la Champagne.

Ce Krug est floral, romantique mais vif, un exemple de champagne. Pour les fromages, j’ouvre un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1983. A l’ouverture, au nez et en bouche c’est le café qui envahit les narines et le palais. C’est très curieux, plaisant et cela ne dure pas. Le champagne est cinglant, vif, de belle bulle. Il est à l’aise, vineux, et sait se montrer généreux. Il se place bien après le Krug.

Ce soir les trois champagnes se sont montrés brillants. Tant mieux.

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Péripéties avec des champagnes mardi, 2 février 2016

Un de mes fournisseurs de vins me tente avec une caisse de quatre magnums de Krug Private Cuvée qui doit dater des années 50. La caisse est magnifique, avec ses paillons qui entourent les magnums emballés dans du papier Krug. Sur la caisse il y a marqué « Poids : 28 kilos » imprimé au fer chaud. C’est le petit détail qui force mon achat. Sur les quatre magnums, deux ont un niveau correct, le troisième a perdu un tiers et le quatrième a perdu deux tiers. Le prix tient compte des niveaux, j’achète.

J’ai envie d’essayer le plus bas niveau avec mon fils. Par précaution je prends un Pommery 1990. Ma femme a prévu un poulet à l’ail et des petites pommes de terre sautées. Le champagne n’est pas le meilleur ami de ce plat, mais j’ai envie de goûter le magnum de Krug.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 50 a l’entourage du bouchon particulièrement sale. Je nettoie tout autour du goulot, le haut du bouchon se détache, laissant le bas en place ce qui me permet d’enlever toute trace et d’avoir un goulot parfaitement propre. Le bas du bouchon est enlevé au tirebouchon et aucun pschitt n’apparaît. Versé dans le verre le champagne a une couleur d’un rose beaucoup trop foncé pour être honnête. Le nez est agréable, très conforme à ce que doit être le parfum d’un champagne de plus de cinquante ans. En bouche, l’attaque est celle d’un champagne ancien avec un fruit jaune prononcé. Et puis, patatras, tout s’effondre dans le finale, acide et désagréable. Et la trace en bouche quand on a avalé n’est pas nette. Inutile d’insister, ce champagne est mort.

J’ouvre alors le Champagne Pommery Brut 1990. Le pschitt est sensible et lorsque je verse dans les verres, la bulle est abondante et active. Par contraste, on est heureux avec ce champagne joyeux, fruité, ensoleillé. Mais assez rapidement je ressens un problème. C’est comme un goût de bouchon, alors que le nez ne montre rien. Et ce goût de bouchon va en s’amplifiant.

Comme il n’est pas question de rester sur un échec, j’ouvre un Champagne Krug Vintage 1982. En tournant le bouchon, il se cisaille. Reste dans le goulot la partie fine du bouchon que j’enlève au tirebouchon. Fort heureusement, aucun doute n’est possible, nous sommes en présence d’un champagne parfait. Il est romantique et je ressens fortement la rose, et des évocations florales. Mais il y a aussi de fortes épices et un poivre insistant. C’est un champagne noble qui tient bien son rang. La soirée est sauvée.

Par curiosité, je reprends un peu du Pommery 1990. Toute trace de bouchon a maintenant disparu. Allez comprendre ! Son fruit est redevenu joyeux. Il ne fera pas oublier que l’instant magique de ce repas, c’est au Krug 1982 que nous le devons.

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c’est curieux que le nom du champagne soit imprimé sur le haut du bouchon, sous la capsule !

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le bouchon est déformé au point que la capsule est de biais

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Un bien joli Montrachet Nicolas 1976 lundi, 1 février 2016

Un pot au feu au chou, avec des navets, pommes de terre, carottes et une saucisse de Morteau, c’est pour moi le chemin du paradis. La logique voudrait que je choisisse un vin blanc du Jura, mais j’ai envie d’essayer une bouteille que j’ai acquise il y a bien longtemps, un Montrachet Nicolas 1976. La bouteille est belle, la couleur du vin vue à travers le verre de la bouteille est belle et jeune et le niveau est superbe. Cette bouteille me tente.

Le nez du vin est puissant, riche comme celui d’un montrachet. Son acidité est joliment contrôlée et le vin se montre jeune goûteux, au beau fruit jaune joyeux. On n’est pas en face de l’un des plus grands montrachets, mais il tient bien sa place, ayant la mâche large d’un vrai montrachet. De plus, le palais étant réchauffé par le plat, l’alcool ressort et la joie aussi. Il faut évidemment bien choisir après quel composant du plat on boit le vin. J’ai choisi de le boire systématiquement derrière la saucisse légèrement fumée et l’accord se trouve bien.

Comme il reste du vin, nous prenons avec mon fils un peu de fromage. L’accord le plus brillant est celui trouvé avec un Salers suffisamment jeune. Le vin devient encore plus large.

Le repas se finit sans vin, sur une gourmandise pure, une meringue sphérique saupoudrée de pépites chocolatées dont le nom originel n’a pas le droit d’être prononcé, selon un bienpensant usage.

La bouteille Nicolas comporte un écusson d’un kitsch délicieux. Deux lièvres à collier tiennent l’écusson comportant trois barriques de vin. Au-dessus un casque fleuri du moyen-Age est surmonté par un lévrier doté de deux ailes comme une licorne, qui tient en sa bouche une laisse. Et la devise, avec cette orthographe est : « je raporte fidélement ce que je décowre ». Qui aurait dit que ce vin de réserve Nicolas de la récolte 1976 mis en bouteilles à Beaune se doterait d’un si noble écu ? L’imagination humaine est infinie.

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Henri Jayer lundi, 1 février 2016

Lors du déjeuner pour déguster les Gaudichots DRC 1929, nous avons ouvert deux Cros Parantoux d’Henri Jayer et nous avons été filmés par « lotelduvin ».

Voici un extrait de ce qui fera partie d’un film sur Henri Jayer EXTRAIT

Et le récit du déjeuner :  DEJEUNER

 

Dîner et déjeuner avec mon fils samedi, 30 janvier 2016

Pour dîner avec mon fils, j’ouvre un Champagne Alfred Gratien Cuvée Paradis sans année. Le bouchon très chevillé vient facilement et indique que le champagne est très probablement des années 80. Le goût corrobore cette impression car c’est un champagne vif mais déjà légèrement évolué. Ce qui frappe, c’est l’ampleur du fruit présent dans ce champagne, et aussi que le fruit soit rouge. Ma femme sent aussi un peu de miel, qu’on ne retrouve pas en bouche. C’est un beau champagne intéressant, curieusement original par la juxtaposition d’un début d’évolution, marquée par des notes de tisane, avec un fruit rouge généreux et copieux qui lui donne de la gourmandise. Sur un délicieux foie gras truffé le champagne se régale. Il collabore aussi avec des fromages, camembert pour moi et saint-nectaire pour mon fils.

Sa mère voudrait qu’il aille se coucher car il a eu une longue journée après le vol de Miami secoué par des vents exceptionnellement violents, mais selon une tradition établie, le champagne est doublé et j’ouvre un Champagne Salon 1988. Le contraste avec le champagne précédent est fort. Le Paradis était fruité, le Salon est vineux, extrêmement puissant, vif et tranchant. Avec Salon, on ne rigole plus, on est avec un champagne guerrier. Le Salon 1988 marche sur les traces du 1982. Il est plus viril, mais aussi complexe. S’il est guerrier il est aussi serein et nous rassure par sa faculté d’être calme et urbain. C’est un champagne magnifique, à la longueur infinie.

Il en reste pour le déjeuner du lendemain, consacré encore au foie gras et aux fromages. Nous nous regardons avec mon fils, étonnés l’un et l’autre car le Salon 1988 montre aujourd’hui des fruits généreux qui n’existaient pas hier. Comment est-ce possible ? Et ce nouvel aspect le rapproche encore du Salon 1982 qui est l’un de mes Salon préférés. S’il a encore sa force vineuse, il ajoute maintenant la grâce du fruit, parfois rouge, et montre encore plus de sérénité. Cela veut-il dire que l’oxygénation lente conviendrait aussi aux champagnes ? Je ne suis pas loin d’en être convaincu.

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197ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent vendredi, 29 janvier 2016

Le 197ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Laurent. Philippe Bourguignon, l’emblématique directeur et Patrick Lair chef sommelier sont partis ensemble à la retraite au 1er janvier de cette année. J’ai choisi de faire ce dîner en cette maison que j’apprécie, pour faire un petit clin d’œil à ces deux personnes attachantes que je n’ai pas eu l’occasion de saluer et de remercier au moment de leur départ.

Nous serons onze dont quatre femmes, avec neuf habitués et deux nouveaux. Les horizons sont variés, dont avocats, informaticien, ingénieur, médecin, sénatrice, restauratrice et architecte.

Je me présente au restaurant vers 16h30 pour ouvrir les vins. Daniel, le fidèle sommelier m’apporte les vins qui étaient en cave du restaurant depuis une semaine. Le bouchon du Haut-Brion 1924 colle au verre et le tirebouchon ne retire que des miettes. Il faut s’y reprendre à plusieurs fois pour qu’il sorte et je constate que si le bouchon s’est émietté, c’est parce que le cylindre intérieur du goulot est étranglé en un endroit, interdisant que l’on lève le bouchon sans le déchirer. Il faut dire que la bouteille au cul très profond me semble beaucoup plus ancienne que 1924.

L’odeur qui m’inquiète le plus est celle de l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1990. Il y a de la cire sèche dans cette odeur qui n’est pas une odeur de bouchon. Le Suduiraut 1928 exhale un parfum encore serré dont je pense qu’il va s’élargir.

Un des plus fidèles membres de l’académie des vins anciens rêvait de venir à l’un de mes dîners. C’est chose faite ce soir. Il avait souhaité arriver très en avance pour que nous goûtions sa « madeleine de Proust », le vin qui lui a fait découvrir et aimer les vins anciens. Il découvre un Champagne Veuve Clicquot Brut sans année à l’étiquette orange, dont la cape est marquée de l’inscription : « bicentenaire 1772-1972 » exactement comme le Veuve-Clicquot 1973 que j’ai bu tout récemment qui comporte la même mention, mais sur un fond de ciel étoilé.

Daniel ouvre le champagne et nous goûtons un merveilleux champagne ancien, certainement des années 70, avec une patine joyeuse de beau vin ancien. Ce vin est un régal. Nous décidons que les premiers arrivants du dîner auront le plaisir d’en goûter un peu. Ce champagne évolué aux notes légèrement fumées allant vers le thé et les fruits bruns est noble. Il me plait autant que le 1973 bu il y a peu de jours.

L’apéritif se prend avec le Champagne Dom Pérignon 1978. Je suis très favorablement impressionné par ce champagne qui joue dans la cour des grands. Un ami le situe plus dans la lignée des sublimes Dom Pérignon des années 60. Je trouve qu’il n’a rien à envier aux Dom Pérignon d’années plus célèbres. C’est un grand champagne follement romantique, jouant sur sa grâce féminine. Alors qu’on le sent contemporain du Veuve Clicquot de mon ami, le Dom Pérignon est dans un romantisme gracile quand le Veuve Clicquot est pénétrant et fort. Mon cœur penche vers le Dom Pérignon.

Le menu créé par Alain Pégouret est ainsi composé : pâtes sèches de blé dur farcies de gambas, crème légère au parmesan / crémeux d’œuf aux langues d’oursins, corail au naturel / pigeon à peine fumé et rôti en cocotte, pommes soufflées « Laurent » / selle et carré d’agneau de lait des Pyrénées rôtis, moussaka d’aubergine / mangue rôtie en croûte de cacao, parfait glacé praliné.

Le Champagne Pol Roger Brut Vintage 1990 est comme le Veuve Clicquot très conquérant. Plus jeune il est dans des gammes de goûts que l’on connaît et crée moins de surprise. Orthodoxe, il est de haute qualité. Les pâtes sèches constituent un plat qui offre beaucoup trop de saveurs pour avoir sa place dans l’un de mes dîners.

Alors que je me félicite toujours des prestations du restaurant Laurent, qui est très souvent le siège de mes dîners, un problème est apparu qui mérite analyse et remède. Suivant les ouvertures des vins autours de 17 heures, Daniel a mis les blancs dans la cave du jour des blancs et les rouges dans la cave du jour des rouges, deux meubles à la température normalement contrôlée. Or les blancs sont arrivés beaucoup trop froids, et les rouges beaucoup trop froids, au point d’être resserrés, ce qui a nui à leurs performances. Les vins s’en sont sortis avec les honneurs mais auraient pu être beaucoup plus chaleureux et dans le cas de l’Aloxe-Corton 1929 dont j’attendais beaucoup, j’ai senti que les saveurs avaient mis le frein à main, resserrées et donc incomplètes. Malgré cela, nous avons tous apprécié ces vins de haute qualité.

Le Meursault Guy Leblanc 1952 est particulièrement cher à mon cœur. Dans ma cave fondée ex nihilo il y a quarante-cinq ans, il y a peut-être une trentaine de vins seulement qui proviennent de mon grand-père. Ce meursault en fait partie. Depuis plus de trente ans, il m’aguichait et me tentait. Il trouve sa justification aujourd’hui. A l’ouverture, son parfum était magique, avec des petits fruits rouges aigrelets ce qui est inhabituel pour un meursault. Maintenant, son parfum est magique au point qu’on pourrait se contenter de sentir le vin. Ce parfum est d’une personnalité folle. Le vin est d’un bel ambre doré et s’il est évolué, il est d’un charme de fruits d’automne absolument entraînant. On n’est pas à proprement parler dans le territoire des meursaults, mais la gourmandise est là au point que ce vin obtiendra dix votes sur onze participants votants, ce qui est le plus grand nombre de votes exprimés pour un vin du dîner.

Fort curieusement, le Chablis Grand Cru Grenouille La Chablisienne 1997 est presque aussi ambré que le meursault ce qui est anormal et l’on voit bien que le meursault paraît plus jeune que le chablis qui a manifestement une évolution qu’il ne devrait pas avoir. Il n’est pas mauvais mais il n’a en rien les caractéristiques d’un grand cru. Le crémeux d’œuf aux langues d’oursins est un plat merveilleux qui met en valeur les vins blancs et leur convient parfaitement.

Nous avons maintenant trois bordeaux rouges pour accompagner le pigeon. Je suis impressionné et mes amis aussi par le fait qu’ils sont tous les trois dans un état exceptionnel.

Le Château Latour 1965 est une divine surprise. D’une année particulièrement faible, il brille, vif, cinglant, riche et profond, incisif. C’est un grand Latour et je suis vraiment surpris.

Le Château Latour 1950 est beaucoup plus riche et opulent que le précédent mais ne l’écrase pas de sa noblesse. Il offre une autre facette de Latour, le 1965 plus cinglant et le 1950 plus complexe et rayonnant.

Le Château Haut-Brion 1924 est lui aussi une brillante surprise. Il est riche, évoque merveilleusement la truffe et sa mâche est gourmande. Je n’attendais pas autant d’un 1924. Je ne lui ai pas rendu l’honneur qu’il méritait dans mon vote, car il est exceptionnellement gourmand et riche, d’une trame et d’un grain magnifique.

Tout le monde ressent que cette triplette est d’un niveau rare. Le pigeon s’est bien trouvé avec les trois vins.

C’est avec l’Aloxe Corton «Les Brunettes» Louis Latour 1929 que je ressens le plus l’effet d’une température trop froide qui a rétréci les vins. On sent bien sûr à quel point il est brillant et à l’ouverture c’est sur lui que je comptais pour être au firmament. Dépité je ne l’ai même pas mis dans mon classement alors qu’il finit deuxième au classement qui synthétise les votes des onze convives. C’est la majestueuse année 1929 qui donne de l’ampleur à ce vin bourguignon triomphant.

A côté de lui, l’Echézeaux domaine de la Romanée Conti 1990 dont je craignais l’odeur à l’ouverture a encore un parfum poussiéreux mais qui n’a aucune influence sur le goût. Et je suis même étonné au contraire de l’ampleur de ses fruits rouges généreux. On sent le sel caractéristique des vins du domaine et la rose n’est plutôt qu’une autosuggestion. Le vin me rassure, il est brillant et d’une force que je n’attendais pas à ce niveau.

Le Tête de Vouvray Mme Dubech Jeune 1937 a une jolie couleur légèrement ambrée et le vin est sec et a très probablement toujours été sec. Il est donc à contremploi sur le dessert et c’est bien dommage car mis en situation, il serait brillant. C’est un beau vouvray sec mais hors sujet ce soir.

Le Château Suduiraut 1928 a une couleur tellement sombre de chocolat noir que certains convives se demandent si c’est normal. Dès qu’ils sentent le vin et le boivent, les doutes disparaissent tant ce Suduiraut est royal. Certains qui lisent mes bulletins assidument découvrent l’accord sauternes et mangue et sont subjugués par sa pertinence. Ce vin est riche, puissant, déborde de fruits exotiques mais aussi de caramel et de miel. C’est une merveille. Le vin un peu trouble n’est pas le meilleur des Suduiraut 1928 que j’ai bus aussi est-ce la raison pour laquelle je ne l’ai pas classé premier alors qu’il le mériterait.

J’ai ajouté au programme une très jolie demi-bouteille de Vin de Paille Domaine de la Pinte 1959. La devise sur l’étiquette est amusante : « plante beau, cueille bon, pinte bien ». Le vin m’étonne car il exprime un alcool inhabituel pour les vins de paille. Mais il est tellement bon, gourmand et joyeux que je l’ai inclus dans mon vote. On dirait un vin de paille qui a fauté avec un marc. Il est délicieux sur les légendaires palmiers du Laurent.

Jamais il n’aura été aussi difficile de voter pour les vins tant les prétendants aux bonnes places ont été nombreux. De ce fait au lieu de voter pour quatre vins, nous avons voté pour les cinq préférés de chacun. Sur les treize vins puisque fort opportunément quelqu’un a voté pour le Veuve Clicquot, onze figurent dans les votes ce qui est remarquable et les deux oubliés le sont pour des raisons logiques : le chablis ne figure pas parce qu’il est anormalement évolué et le vouvray, parce qu’il est sec et donc mal placé dans le déroulement du repas. Cinq vins ont eu les honneurs d’être nommés premiers, le Suduiraut 1928 cinq fois, le Latour 1950 deux fois comme le Haut-Brion 1924, l’Aloxe-Corton 1928 comme l’Echézeaux 1990 étant nommés une fois premier.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Suduiraut 1928, 2 – Aloxe Corton «Les Brunettes» Louis Latour 1929, 3 – Château Latour 1950, 4 – Meursault Guy Leblanc 1952, 5 – Château Haut-Brion 1924.

Mon vote est : 1 – Château Latour 1950, 2 – Château Suduiraut 1928, 3 – Vin de Paille Domaine de la Pinte 1959 , 4 – Meursault Guy Leblanc 1952, 5 – Château Haut-Brion 1924.

Après coup, je pense que je n’ai pas rendu l’hommage que méritait le Haut-Brion 1924. Mais les votes se font dans l’instant et la spontanéité. On ne les réécrit pas après.

Que retenir de ce dîner ? Le problème des températures de service est important et doit être regardé pour l’avenir. L’entrée ne correspond pas à ce qui est nécessaire pour ces dîners : une lisibilité complète et une cohérence des goûts d’un plat. Voilà pour le négatif, largement compensé par le positif : un service impeccable, une cuisine sensible. A notre table l’atmosphère fut enjouée, les moments de rire nombreux. J’ai été impressionné par le fait que les cinq rouges se sont présentés à un niveau qualitatif exceptionnel. Ce dîner fait partie des souvenirs que l’on chérit.

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le bouchon du Haut-Brion 1924 est venu déchiré, car coincé par une surépaisseur de l’intérieur du goulot

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la très jolie bouteille du vin de paille 1959 très ancienne

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les bouchons disposés dans l’ordre de service

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Déjeuner au restaurant de l’hôtel Mandarin Oriental vendredi, 29 janvier 2016

Ce soir, se tiendra le 197ème dîner. Deux jours avant le dîner j’ai écrit à chacun des participants les recommandations d’usage, de ne pas conduire après le repas et de déjeuner léger le jour de ce dîner. La grève des taxis va m’obliger à ne pas respecter l’engagement numéro un et peu avant dix heures ce matin, je reçois le message d’un vigneron : « êtes-vous libre pour déjeuner aujourd’hui au Mandarin Oriental ». Je vais donc désobéir aussi à la recommandation numéro deux.

Arrivé au restaurant de l’hôtel Mandarin Oriental, je suis accueilli par David Biraud tout sourire, sommelier que j’ai connu à l’hôtel de Crillon et avec qui j’ai réalisé des dîners mémorables. Ici il est un peu comme Eric Beaumard au George V ou comme était Philippe Bourguignon au Laurent, à la fois guide des mets et des vins. Il nous explique le menu où l’on peut choisir de cinq à huit plats. Nous prendrons le programme minimum qui pour moi sera : friture de barbue, poivre Sansho / œuf bio, riz Carnaroli, cresson de fontaine / bar de ligne, châtaigne, butternut et jus kabuto / poitrine de pigeon, fenouil cru et cuit, noisette torréfiée et raisin blanc / sweet Bento et Ylang-ylang.

De plus en plus, dans un plus grand nombre de restaurants, la recherche de recettes nouvelles nous emporte dans un monde lexical aux termes inconnus.

Nous prenons l’un des trois champagnes au verre proposés, le Champagne Pol Roger « Pure » extra-brut sans année. Avec David Biraud nous convenons que les champagnes non dosés sont un effet de mode, car l’extra-brut n’est pas le plus charmeur des champagnes. Nous le vérifions avec celui-ci, de belle matière mais janséniste, rigoureux, ascète, qui se présente pour nous rappeler que le plaisir est péché.

Et l’on pourrait dire que la cuisine de Thierry Marx suit les mêmes tendances que ce champagne, car sur un fond de dextérité et d’évident talent, on explore des saveurs parfois ingrates ou tout du moins faisant du « hors-piste » par rapport aux saveurs gourmandes que l’on aime. J’adore le bar, j’adore le pigeon, mais le diable gustatif s’habille non pas en Prada mais dans les goûts collatéraux. Il y a de l’invention, du talent comme avec cet œuf magnifiquement mollet, mais par moment on est plus dans l’intellectualisme que dans la gourmandise.

Mon hôte étant le président des champagnes Henriot et de la maison Bouchard Père & Fils, quoi de plus naturel que de boire un vin que j’affectionne tout particulièrement, le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 2009. Tout en ce vin est charmant. Il est velours, il est soie. Quelle grâce et quelle élégance. Alors que 2009 est une année puissante, le vin est tout en finesse et délivre ses messages avec subtilité. Il s’accommode bien du bar mais c’est surtout sur la chair goûteuse du pigeon qu’il est à son aise.

Thierry Marx qui est venu nous saluer a ajouté la surprise d’une truffe noire particulièrement goûteuse et l’enfant Jésus a cherché à se confondre avec elle, le vin devenant une truffe délicate.

Les desserts sont innombrables, aux saveurs exquises extrêmement variées. Comme on ne retient pas la présentation qui est faite de ces desserts, on s’aventure « à l’aveugle » sur des pistes gustatives intéressantes mais très abondantes et très disparates.

Le cadre du restaurant est très étonnant. Les tables sont très confortables. David Biraud est un amphitryon extrêmement sympathique et compétent. Son dynamisme joyeux est entraînant. Je lui demande si le chef pourrait s’intéresser à créer des dîners pour mes vins. Sa réponse immédiate est que mes dîners, qu’il connaît pour avoir participé à la mise au point de plusieurs, ne sont pas dans les axes de recherche du chef.

Cela n’enlève rien au plaisir d’avoir déjeuné agréablement dans un des grands restaurants de Paris.

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Week-end en famille avec des bas et des hauts ! dimanche, 24 janvier 2016

On en rirait tant c’est improbable. Ma fille vient à la maison. J’ouvre un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998. Le champagne est plat, fade, sans vibration. Ma femme a cuit des saucisses genre chipolata tellement épicées que ce sont des brûle-gueule. Le champagne n’aime pas. J’essaie une poutargue, mais si elle a le goût, sa texture farineuse empêche de l’apprécier. J’ouvre une terrine de foie gras, et elle manque d’énergie.

Après un tel début, nous passons à table et j’ouvre un Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1996. Là, il y a de la vibration, on entre dans de belles saveurs. Mais une soupe est fadasse et ne peut cohabiter, une saucisse est possible, un Brie de Melun manque totalement d’énergie. Décidément tout est ligué contre nous. Il y a des Spéculos bios, mais ils sont fades aussi. Même une tartine beurrée révèle un beurre un peu pataud. Nous étions sous une lune contraire et c’est le regretté Philippe Seguin qui le disait le mieux : « quand ça ne veut pas, ça ne veut pas ».

Le lendemain midi, il y a mes deux filles et quatre petits-enfants. Pour l’apéritif nous finissons le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1996. Il a gardé sa vigueur et s’est élargi. Je vais chercher un Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Carte d’Or 1973. Sous la cape, le long du bord du verre au contact du haut du bouchon, il y a de la moisissure que j’essuie consciencieusement. Le bouchon vient facilement. Il n’est pas touché par la moisissure et le parfum du champagne paraît très pur. Lorsque je verse le champagne, sa couleur est d’un bel or saumoné. Le nez est très expressif et en bouche, ce champagne n’est que plaisir. Enfin ! Il est riche, vif, joyeux, plein en bouche. Il y a de beaux fruits oranges et roses. S’il est un peu évolué, cela n’a aucune influence sur son goût. Nous grignotons des petits biscuits d’apéritifs suffisamment neutres pour convenir au beau champagne.

Nous passons à table. Ma femme s’est lancée dans la confection d’un couscous et je dois dire que c’est une vraie réussite. Elle n’a pas cédé à la tentation de trop épicer le plat ce qui va faciliter l’accord avec le vin. Par quel miracle ai-je acquis un Barbaresco Alfredo Candela 1959, je ne sais pas. Il m’est apparu pouvoir convenir à ce plat. Dès que j’ai découpé la capsule, j’ai vu que le bouchon avait été enfoncé avec un outil de bouchage manuel, le cercle du piston ayant laissé une forte trace d’enfoncement au-delà du raisonnable. Le tirebouchon n’a tiré qu’une infime partie du bouchon qui se déchire et la quasi-totalité colle au verre. Quand j’ai essayé d’émietter le bouchon, des morceaux sont tombés dans le vin. J’ai donc utilisé un entonnoir et un chinois pour carafer la bouteille. Et c’est un liquide assez clairet qui a été versé dans la carafe car une lie abondante et lourde est restée dans le chinois. Malgré cela, le vin que je verse maintenant a la couleur claire d’un vin de Bourgogne et son parfum est profond et intense. En bouche il montre de grandes qualités. Un peu fumé, au fort tannin, il est riche et s’adapte tout-à-fait au couscous, montrant fraîcheur et fluidité. Ce nebbiolo du Piémont est raffiné, gastronomique et accompagnera le plat sur toutes ses saveurs. C’est une surprise que je n’attendais pas à ce niveau. De plus, sa vivacité est telle qu’on imaginerait un vin du début des années 90 plus qu’un vin qui a 56 ans. Après le dîner d’hier, je ne cache pas ma joie d’avoir ouvert ce vin qui colle si bien à un couscous délicieux.

Le prétexte de notre déjeuner est de tirer les rois pour les petits-enfants avec une galette faite par ma femme, fourrée de confiture d’orange au lieu de frangipane. Et l’accord entre les zestes d’orange assez doux et le champagne de 1973 est un petit miracle. Cela donne au champagne un aspect encore plus joyeux et fruité et une longueur quasi infinie.

Le repas se finit avec l’impression qu’il compense largement les insuccès de la veille. Tant mieux !

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couleur du champagne

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la lie recueillie dans le chinois

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le couscous déjà largement entamé

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Rhône Vignobles présente ses vins à Paris et nous offre une surprise samedi, 23 janvier 2016

Ils sont quatorze vignerons, tous copains, qui ont créé « Rhône Vignobles » pour faire ensemble la promotion de leurs vins en France et à l’étranger. Ils invitent pour une dégustation d’après-midi à la Maison de l’Aubrac. Pour attirer une large audience, ils annoncent une surprise des « Winegroovers » et une dégustation de millésimes d’exception. Les quatorze domaines sont du nord au sud du Rhône : Jean-Michel Gérin, Yves Cuilleron, François Villard, Louis Chèze, Combier, Graillot, Courbis, Alain Voge, Delubac, Montvac, La Janasse, Beaurenard, la Citadelle et Revelette.

J’ai la chance de bénéficier de l’amitié des membres du groupe car nous nous sommes plusieurs fois rencontrés autour de vins anciens dont ils sont friands et de leurs vins. Après avoir salué chacun, je commence à goûter leurs blancs de 2014. Malgré leur jeunesse beaucoup sont agréables à boire. Selon les appellations, ils sont très différents, bien faits et typés. 2014 s’annonce comme une belle année de blancs. Je prends des notes, mais il serait fastidieux de les reproduire car dans cette salle bruyante du fait du monde, les conditions de dégustation ne sont pas les meilleures. Lorsque j’attaque les rouges, je prends de moins en moins de notes. Les vignerons présentent plutôt leurs rouges 2013 voire 2012 et 2011. On peut grignoter des cochonnailles à un bar comptoir au centre de la grande salle. Je suis étonné que ces cochonnailles soient aussi peu avenantes alors que la maison de l’Aubrac est célèbre pour ses viandes.

Le président de Rhône Vignobles Alexis Rousset-Rouard prend la parole mais son discours est recouvert par une vidéo des Winegroovers. Ce sont tous les vignerons qui chantent et jouent du rock. Grâce à un outil de modification d’images, on voit tous les vignerons et vigneronnes avec des chemises ou pulls fluos et les lunettes de soleil opaques des mêmes couleurs. C’est vivant drôle, et montre leur camaraderie. Le président veut reprendre la parole, mais la vidéo repart en boucle, avec la chanson « il faut le boire pour le croire ». Il annonce qu’il sera remplacé par une nouvelle présidente de Rhône Vignobles, Cécile Dusserre du domaine de Montvac à Vacqueyras.

Vient ensuite la partie la plus passionnante : chaque domaine a apporté des magnums de vins de 2010, 2009 et même plus vieux, jusqu’en 2003. Quand on voit le saut qualitatif que représentent ces vins plus mûrs, on est obligé de se demander pourquoi l’on commet l’erreur de mettre en vente des vins trop jeunes. Ces vignerons qui représentent l’excellence de leurs appellations font des vins superbes lorsqu’ils ont une dizaine d’années. C’est à méditer.

La joie de vivre et la compétence des membres de ce groupe vieux de vingt-cinq ans a attiré un nombre impressionnant de visiteurs du monde du vin et de la restauration. Longue vie à Rhône Vignobles, qui compte les plus beaux fleurons des Côtes Rôties, Condrieu, Saint-Joseph, Crozes-Hermitage, Hermitage, Cornas, Saint-Péray, Rasteau, Cairanne, Gigondas, Vacqueyras, Châteauneuf-du-Pape, Lubéron et Coteaux d’Aix. Leur joie de vivre est aussi souriante que leurs vins.

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