Archives de catégorie : vins et vignerons

dîner à Chateau Palmer avec des amis américains vendredi, 27 mai 2005

J’arrive à mon hôtel
Le Relais de Margaux est un gigantesque domaine pour golfeurs. C’est particulièrement impersonnel. Le quart de bouteille d’eau (demie de demie) à 4 euros va-t-il me faire aimer le vin ?
Accueil chaleureux à Château Palmer par le jeune et dynamique directeur général Thomas Duroux dont la forte expérience s’est bâtie chez Mondavi et Ornellaia. Son discours dans les chais est brillant, d’une grande clarté justifiant les choix et les options que prennent les vignerons. Ayant en main une coupe de Bollinger spéciale cuvée, nous arpentons les vignes pour admirer le château, maison d’apparat, vu du cœur du terroir.
Dans une salle des innombrables annexes du château nous partageons le dernier dîner officiel de notre groupe d’amoureux du vin. Le repas est fort intelligent. La lamproie met en valeur l’Alter Ego de Palmer 1999 qui montre une structure fort agréable. On se dit alors qu’il vaut plus que d’être un second vin, mais le Palmer 1996 explique pourquoi. Vin opulent, à la texture d’une finesse raffinée, ce vin à la jeunesse folle est éblouissant. Il est magnifique comme il est là. Il se bonifiera bien sûr. Mais à ce stade on le goûte bien. Le Palmer 1989 qui avait été peu aéré m’apparaît plus vieux que son âge. Il a des caractéristiques de vin âgé, alors que le Palmer 1981 est impérial de sérénité. C’est le joli vin épanoui. Mes amis américains n’ont pas du tout le même jugement sur la fatigue du 1989 et je comprends volontiers que pour eux, admettre que le 1981 puisse être au dessus du 1989 demande peut-être trop d’effort.
Mes amis américains et européens se souviendront de l’accueil de Bernard Hervet à Beaune avec des vins vénérables, de la gentillesse de Jean-Jacques Bonnie à Malartic-Lagravière, du sourire et de l’immense réception de Corinne Mentzelopoulos à Margaux, de la simplicité chaleureuse de Jean Guyon à Rollan de By, de l’accueil d’Alexandre de Lur Saluces et de toutes ces uniques occasions de partager des vins de légende. Cette semaine comptera éternellement pour tous les membres de notre groupe. Je ne fus pas le dernier à être émerveillé. Quels vins retenir de tout cet invraisemblable parcours ? Le Beaune Bouchard 1906, le Montrachet Bouchard 1961, le Haut-Brion blanc 1999, le Chypre Commandaria 1909, château Margaux 1995 (plus que le 1961 évidemment bon), Palmer 1981, Pavie 1964, le Pommard Rugiens Bouchard 1929, château de Fargues 1988, Haut-Brion 1990, Haut-Brion 1970 en magnum, Harlan Estate 1994, Laville Haut-Brion 1988, Ducru Beaucaillou 1959, Canon La Gaffelière 1950 forment un programme à faire rêver tous les amateurs de vins.

visite au Chateau Canon La Gaffelière et dîner jeudi, 26 mai 2005

Le Comte Stephan von Neipperg nous reçoit pour visiter Canon La Gaffelière. Un long exposé sous le soleil de plomb dans les vignes nous fait toucher du doigt que le travail de la terre et de la vigne n’est pas de tout repos. D’un humour fréquent, incisif, intelligent, le Comte fait des considérations brillantes sur le vin et la façon de le faire. Sous un immense magnolia du château un Pol Roger délicat étanche notre soif. Le dîner dans une belle salle de garde avec Stéphane Derenoncourt et Nicolas Thienpont nous permet de découvrir Domaine de l’A 2000 de Stéphane Derenoncourt que j’avais rencontré lors de la dégustation de ce miraculeux Gaffelière 1904, le Château Bellevue 2001, le Pavie Macquin 1998, le Canon La Gaffelière 1996 absolument délicieux et meilleur à mon goût que La Mondotte 1997 que le Comte préfère. Le premier est authentiquement bordelais quand le second est moderne. Stephan nous fait l’honneur de faire ouvrir Canon La Gaffelière 1950 absolument délicieux, dont le goût n’est évidemment pas dans les recherches actuelles du Comte, mais représente un témoignage du plus bel intérêt.
Le repas de traiteur est absolument délicieux : homard qui est du homard, lapin (original en bordelais, mais Stephan l’est) à la chair intense. Après la dernière bouchée, d’immenses cigares pointèrent vers le ciel, créant un nuage cubain de la plus belle senteur.

visite rapide à Haut-Brion mercredi, 25 mai 2005

Je suis toujours avec mes amis américains que j’ai virtuellement connus sur un forum internet. La mémoire encore vivace de l’accueil d’une irréelle gentillesse au château Margaux donne à mes lèvres la courbure d’un sourire de nouveau-né.
La visite au Château Haut-Brion s’apparente aux visites calibrées. C’est une hôtesse en charge des visites qui nous reçoit. Le charme du lieu, la majesté qu’exprime ce grand vin font qu’on oublie le format stéréotypé. Quand on boit les vins, on est sous le charme. Le Bahans Haut-Brion 1999 est particulièrement bon pour un second vin. Le Haut-Brion 1999 est évidemment bon et traditionnel. Il n’a pas tout à fait le panache qu’il pourrait avoir, ce qui paraît encore plus clair en buvant le Haut-Brion blanc 1999 qui est absolument exceptionnel. C’est magiquement bon, frais en final, donnant l’envie d’en reprendre. Un très grand blanc.

visite au chateau Malartic Lagravière et déjeuner mercredi, 25 mai 2005

Nous sommes accueillis à Malartic Lagravière par Jean-Jacques Bonnie, propriétaire et fils de propriétaire. Il est chaleureux, très explicatif et nous commente les investissements avant-gardistes consentis dans la propriété. C’est impressionnant. C’est Beaubourg dans les chais. Nous goûtons le Malartic-Lagravière 2000 que je trouve extrêmement élégant. Oserais-je le dire, il m’a donné plus de plaisir que le Haut-Brion 1999.
Dans le château, dont l’intérieur a été agencé pour le plus grand confort possible, comme seuls les belges sont capables de le concevoir, des tables ont été dressées et un menu intelligent, remarquablement exécuté va mettre en valeur les vins. Le Malartic Lagravière blanc 2003 est catapulté par la tarte fine feuilletée à la sardine à un firmament gustatif. Ses saveurs citronnées, sa jolie complexité sont mises en valeur.
Je trouve le Malartic Lagravière 2001 plus moderne que le 2000. Le 2000 est élégant, subtil, quand celui-ci est plus scolaire, concentré, moderne. Est-ce une tendance ? Le 1990 porte déjà des traces d’âge. Il manque d’oxygène, aussi ne verrai-je que lentement un bien élégant vin un peu léger s’ouvrir à la vie. L’hospitalité que nous reçûmes, franche, sincère, directe fut un véritable cadeau.

visite rapide au chateau d’Yquem mercredi, 25 mai 2005

L’arrivée à Yquem est toujours un moment émouvant. Il fait beau, la nature croule sous le poids d’un chaud soleil. Les roses embaument les allées. Je salue des personnes connues avec plaisir, et la visite va se faire avec Sandrine Garbay, tonique et compétente vinificatrice, maître de chai d’Yquem. Nous nous retrouvons avec joie. Mes amis entendent des propos structurés sur le plus grand vin du monde. Nous buvons le 1999, un Yquem classique, sans aspérité particulière, sans une once de folie, mais plus agréable que le dernier que j’ai bu. L’ambiance est à la gaieté, et l’émotion unique de ce temple pénètre chacun de mes amis américains, canadiens, suisses et allemands.

Sandrine Garbay explique le botrytis

visite au chateau de Fargues mercredi, 25 mai 2005

Un petit trajet en car et nous voici à Fargues où Alexandre de Lur Saluces nous accueille, coiffé d’une casquette que ne renierait pas un djeune de banlieue. Historique des lieux, explication des techniques, visite des chais sont des précisions que l’on goûte d’autant plus qu’Alexandre mêle forcément Yquem à son discours car il lui a consacré sa vie. Et on recoupe l’influence qu’a naturellement eue Alexandre sur la vision de Sandrine dont les propos reprenaient des convictions du Comte. Nous nous rendons dans sa maison où nous goûtons d’abord Fargues 1999 que des américains préféreront à Yquem 1999, ce que je ne partage pas. Fargues est plus typé, iodé, épicé, mais Yquem est Yquem.
Le Fargues 1988 est doré comme un coing, dense comme le plomb, chaud aux lèvres, avec des notes épicées et une longueur suave infinie. Décidément, notre groupe est particulièrement choyé.
Devant nos yeux, des vaches bazadaises à la robe d’un gris distingué paissent consciencieusement. A goûter ces grands vins avec une hospitalité inoubliable, on se prend à aimer cette nature au charme poétique.

visite à Rollan de By et dîner chez Jean Guyon mercredi, 25 mai 2005

Quand on programme des visites, on veut trop en faire. Nous arrivons au château Rollan de By avec un extrême retard. Jean Guyon arbore un sourire naturellement accueillant malgré cet écart. Nous visitons ses chais à toute vitesse car il suffit à Jean de quelques mots pour synthétiser ce que l’on doit savoir, quand d’autres domaines jouent la montre en décrivant des détails qui sont particulièrement loin des préoccupations de l’amateur. La dégustation de ses jeunes vins est assez bluffante. Bien sûr il n’y a pas la complexité de certains vins, mais c’est franchement bon. Ici ou là on verra du modernisme. Je l’ai trouvé suffisamment intelligent pour ne pas tomber dans l’excès. Il y a du beau travail qui est fait. Le dynamisme entrepreneurial de Jean Guyon se voit dans chacun de ses mots. On peut imaginer que cela indispose certains. Force est de constater qu’il bouge dans le bon sens. Cette liberté de ton, cette décontraction se verront au dîner à son domicile, car il nous a traités en amis, comme le fit Corinne Mentzelopoulos à Margaux et Jean Jacques Bonnie à Malartic Lagravière. Si mes amis américains s’imaginent que c’est toujours comme ça, leurs prochaines tentatives montreront comme ils furent gâtés pendant cette semaine inoubliable.
Dans les chais nous avons bu : château Tour Séran 2002 fort plaisant pour un vin d’entrée de gamme, château La Clare 2002, château Rollan de By 2002 et château Haut-Condissas 2002. Faciles en bouche, de complexités croissantes, fort agréables. A table au château, après un champagne Ayala 1996, le château Rollan de By 1993 en double magnum montre une séduction particulièrement remarquable pour un vin de cette année. C’est intelligent et plaisant. Le Haut Condissas 1997, lui aussi en double magnum est brillant. Un nez de grand vin, une élégance particulière. Jean Guyon réussit là une belle démonstration de la valeur de ses vins. Il nous avait autorisés à apporter nos propres vins, ce que nous fîmes. Il convient de remarquer que Jean Guyon avait annoncé que contrairement à moi il n’aimait que les vins jeunes. Quand il but à l’aveugle un délicieux Ducru-Beaucaillou 1959 (qu’il reconnut, bravo) et un château Pavie 1964 d’une rare perfection et quand il s’enticha de ces deux vins, j’ai douté de ses pétitions de principe contre les vins anciens.
Nous faisons l’expérience d’un Penfold BIN 389 Cabernet Shiraz australien 1998 qui titre 14,5°. Etrange jus de cassis aux notes mentholées que certains appellent du vin. J’offre à mes compagnons de voyage une Commandaria de Chypre 1909 au nez exquis, au lien de parenté très fort avec les Chypre 1845 dont j’ai de nombreux exemplaires. C’est un vin que j’adore, fait de saveurs doucereuses évoquant les pruneaux et les coings. La trace en bouche est infinie. Mes amis n’ayant pas de repère furent un peu désemparés. Nous fîmes une comparaison avec un Maury Mas Amiel 1985. Il est amusant de constater les points communs entre les deux vins, le Chypre brillant par sa longueur immense et sa complexité. Ayant débouché la bouteille, j’avais encore le lendemain la trace de ce parfum sur mes mains, comme cela m’arrive avec les plus vieux Chypre. Les notes de réglisse abondent.
Jean Guyon nous a traités en amis, car c’est son caractère.

visite au Chateau d’Issan avec mes amis américains mardi, 24 mai 2005

Le premier rendez-vous est au Château d’Issan, élégante demeure aux douves plus romantiques que défensives. Un très ancien chai accueille aujourd’hui des concerts. Emmanuel Cruse nous reçoit, tout sourire, plein d’humour. Sous le discours amène, quelques vérités cinglent, loin de la langue de bois. Nous buvons ses paroles et son 2004 particulièrement élégant.

visite de Lynch Bages et déjeuner mardi, 24 mai 2005

A Lynch Bages au contraire, c’est l’usine à dégustation. C’est la Sécurité Sociale du goûteur, et l’on se sent calibré. Le contact est impersonnel même si on nous fait goûter un sympathique Lynch Bages 1999 un peu moderne, après avoir dissout nos gencives par l’acidité des 2004 de la maison aux nombreux domaines. On apprécie d’autant plus le privilège d’avoir Jean Michel Cazes s’asseyant à notre table de déjeuner dans la gentille auberge où je dînais hier. C’est un patron, un homme de management. Il réfléchit à long terme, sait ce qu’il veut. Il est d’une génération aux longues dents qui fait le goût que le consommateur veut. Et si ce goût est américain on fera de l’américain. Ce n’est pas lui qui le dit, c’est l’impression que j’ai eue. Homme charmant, charmeur, puissant, fonceur, il fait sans doute beaucoup pour le dynamisme de sa région. Son hôtel en est un exemple, comme les Caudalies pour la famille Cathiard ou le Plaisance pour la famille Perse.
A table nous profitons d’un Ormes de Pez 1990 fort joli, fidèle représentation du charme de l’année 1990. Le Lynch Bages 1985 servi en magnum, variable selon les magnums, est un peu simplifié. Mais comme on le verra plus loin, la dégustation forcenée de vins à ne pas boire, puisque la mode est de présenter les vins pressés il y a seulement sept à huit mois modifie notre palais. L’ambiance du repas à la belle cuisine puisqu’elle est inspirée par Thierry Marx met un sourire sur nos lèvres.

visite à Léoville Las Cazes mardi, 24 mai 2005

On nous avait recommandé d’être d’une ponctualité rigoureuse à Léoville Las Cazes, mais une fois sur place, on nous demanda d’attendre. Après plusieurs vins de l’année sobrement expliqués en français par le maître de chai, le Léoville Las Cazes 2002 montre une belle intelligence, sans me faire sauter en l’air.