Dîner de gala de l’académie du vin de France vendredi, 14 novembre 2014

L’Académie du Vin de France tient son assemblée en son siège, le restaurant Laurent. Avant le dîner de Gala, à 19 heures, une paulée est organisée au premier étage du restaurant dont le principe est simple : chaque vigneron fait goûter l’un de ses vins de la dernière année qui vient d’être mise en bouteilles. Ce sera, selon les régions ou les maisons, 2012 ou 2011. On peut goûter Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2011 à la subtilité pleine de grâce, Vosne Romanée 1er Cru aux Malconsorts domaine Dujac 2012 de belle construction et de bel équilibre, Morey-Saint-Denis domaine Dujac 2012 un peu plus dur et jeune que le Vosne Romanée, Volnay-Santenot du Milieu 1er Cru domaine des Comtes Lafon 2011 d’une très forte personnalité dans la séduction, Crozes-Hermitage Alain Graillot 2012 aussi souriant et convaincant que l’académicien qui l’a fait, Côte-Rôtie Maison Rouge domaine Georges Vernay 2011 très plaisante, L’Hermitage domaine Jean-Louis Chave 2011 éblouissant de pétulance, Château Gazin Pomerol 2012 superbe de construction, Château Corbin-Michotte Saint-Emilion 2012 que je trouve absolument superbe, Château Calon Saint-Georges Saint-Emilion 2012
qui se cherche encore un peu, Château Montrose Saint-Estèphe 2012 très prometteur, Mas Jullien Terrasses du Larzac 2011 de grande gourmandise et charnu, Châteauneuf-du-Pape Château de Beaucastel famille Perrin 2011 très bien construit et chaleureux, Château Simone Vin de Provence 2011 brillant au possible. Beaucoup d’autres rouges étaient présentés.

J’ai pu me souvenir des millésimes grâce aux photos que j’avais prises. Les blancs étant dans des seaux, je n’ai pas de photos permettant de signaler les années. Dans ce que j’ai goûté, les plus grands blancs sont l’Hermitage Chave, le Riesling Clos Saint-Hune de Trimbach, le Riesling Rangen de Thann de Zind-Humbrecht, le Condrieu du domaine Georges Vernay et le Beaucastel. Mais il y en avait beaucoup d’autres. Pour les liquoreux, seulement deux vins, le Jurançon Quintessence du Petit-Manseng Cauhapé au final incroyable de longueur et de charme et le Château de Fargues 2009 royal et imposant.

Bien sûr on pense plus à bavarder avec les vignerons présents qu’à analyser en détail ces vins, mais comme chaque fois, on est favorablement impressionné par la qualité des vins des académiciens. On redescend de l’étage pour l’apéritif. Le Champagne Pol Roger Brut Réserve sans année
est agréable à boire, gentiment titillé par des toasts à l’anguille, au foie gras et au pied de porc.

Malgré les appels pressants du personnel du restaurant, personne ne passe à table, tant il est agréable de discuter avec les uns et les autres, Eric Orsenna, Bernard Pivot, le président de l’académie Jean-Robert Pitte, Michel Bettane et tant d’autres.

A la table où je suis placé, il y a, entre autres, Anne et Jean Charles de la Morinière du domaine Bonneau du Martray, venus avec un couple d’amis bourguignons, Monsieur Delmas, l’homme qui a fait Haut-Brion pendant tant d’années, Pierre Trimbach, Anne de Laguiche. Antoine Pétrus est venu rejoindre notre table un peu plus tard, rattrapant les plats qu’il n’avait pas eus.

Le menu du dîner de gala de l’académie du vin de France, préparé par un groupe d’académiciens pour coller aux vins, avec la collaboration de Philippe Bourguignon et du chef Alain Pégouret
est : huîtres spéciales n°3 David Hervé, gelée iodée et salicornes / queues d’écrevisses, mousseline de brochet et bisque légère / caille dorée en cocotte, rôtie aux abats, pommes soufflées « Laurent » / Saint-nectaire / marron Mont-Blanc, litchis.

Les vins du repas sont ceux des vignerons les plus récemment entrés à l’académie. Le Riesling Clos Sainte-Hune maison Trimbach 2005 n’a pas l’ampleur du magnifique 2002 que j’avais bu la veille mais il a comme lui une incomparable précision. Le riesling est brillant et l’accord avec les huîtres mais surtout la gelée iodée est magique. C’est à mon sens le plus bel accord du dîner car la continuité gustative est parfaite, rafraîchissante.

Le Condrieu « Coteau de Vernon » domaine Georges Vernay 2011 est un solide gaillard avec une belle mâche gourmande et un peu de fumé. Avec le plat, il prend encore plus de coffre. Les queues d’écrevisse sont goûteuses, la mousseline de brochet apporte sa douceur face à la bisque divine qui excite le vin par ses épices joyeuses. Le plat est pour moi le plus beau et l’accord sur la bisque est exaltant.

La Côte Rôtie Maison Rouge domaine Georges Vernay 2007 a un nez d’une générosité extrême. Il promet des bonheurs gourmands. Mon avis va différer de celui d’autres convives dont Philippe Bourguignon à qui j’en ai parlé, car une amertume un peu prononcée sur la fin de bouche limite mon plaisir. Philippe est au contraire enthousiaste pour ce vin. La caille est belle et c’est surtout la sauce qui donne des ailes non pas à la caille mais au vin.

Le Mas Jullien Coteaux du Languedoc 2007 est joli dans sa simplicité généreuse, main de fer dans un gant de velours, droit et expressif. Du fait de sa jeunesse, j’ai trouvé une impression de granulé dans sa matière. C’est un beau vin qui devrait vieillir avant que l’on n’y touche.

Le Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Hors Choix maison Trimbach 2007 est une merveille de fraîcheur et de glisse. Il se boit si facilement ! Pierre Trimbach nous explique que « Hors Choix » a été inscrit pour exprimer que dans ce vin, il y a non seulement la sélection des grains nobles, mais la crème de la crème des raisins. On le croit sur parole tant le vin au fruit infini est bon. Le litchi lui va bien , comme l’ensemble du dessert.

Dans ce repas, mon classement serait : 1 – Gewurztraminer, 2 – Riesling, 3 – Condrieu. Tous les accords ont été réussis, ce qui veut dire que la commission nommée pour préparer le repas de l’académie a contribué à un réel succès. L’accord de la gelée iodée avec le riesling est magique. La bisque avec le Condrieu n’en est pas loin.

Comme chaque année Jacques Puisais a décrit les vins du repas avec une audace dalinienne. Qui d’autre que lui pourrait digresser ainsi ? Il a été applaudi, comme Philippe Bourguignon à qui l’on doit ce superbe repas et un service impeccable. Tous les plats ont été d’une réalisation parfaite. Quand le Michelin s’en apercevra-t-il ?

Après le repas les discussions allaient bon train. J’avais raté à l’apéritif le Champagne Billecart-Salmon cuvée François Billecart 1999 aussi ai-je rattrapé cette erreur au moment du café. Le champagne est guerrier, solide, campé sur ses assises fortes. C’est un très bon champagne puissant, idéal pour finir agréablement cette belle soirée d’amitié avec de grands vignerons et leurs amis.

 

Quelques vins présentés à la « paulée » :

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les vins du repas (préparés par un sommelier du Laurent, il y a une erreur de millésime pour le Sainte-Hune qui est un 2005 au dîner et non 2009)

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Dîner au restaurant Encore avec Latour 1907, La Tâche 1969, Haut-Brion 1926 et beaucoup d’autres samedi, 8 novembre 2014

C’est en mars 2001 que j’ai commencé à écrire sur un forum américain de vins, « Bordeaux Wine Enthusiasts ». L’intérêt d’échanger sur des forums croît lorsque l’on rencontre les membres dans la vie réelle. Des voyages aux USA, en Bourgogne et à Bordeaux ont permis de créer des liens d’amitié. Lorsque Tim s’est installé à Paris, très naturellement, il s’est inscrit aux séances de l’Académie des Vins Anciens. A l’occasion de la présence à Paris de Bill et Janet, un couple de texans avec lequel j’avais il y a dix ans, partagé de belles soirées, Tim me suggère un dîner avec ces amis, et annonce deux bouteilles à niveau assez bas, La Tâche 1969 et Haut-Brion 1926. C’est l’occasion de proposer de mon côté quelques bouteilles à risques, de niveaux qui peuvent représenter un danger, et je remplis mes musettes de sept bouteilles, avec l’idée que s’il y en a deux bonnes, mon apport sera satisfaisant.

Au restaurant Encore, dont le chef japonais est Masahide Ikuta, nous serons cinq, Tim, Bill et Janet, un ami français de Tim et moi. Dès 19 heures Tim et moi ouvrons les vins pour savoir lesquels seront retenus. Pour donner du cœur à l’ouvrage, Florian Perate, le sommelier du lieu me suggère un Champagne Pierre Gerbais l’Originale fait à 100% de pinot blanc. J’adore ce champagne léger, précis, de belle pureté, qui se boit facilement, d’une acidité joyeuse.

Les trois premières bouteilles de mon apport semblent encourageantes. Comme il y a profusion de vins, je n’ouvre qu’une seule autre de mes bouteilles, parce qu’elle est un symbole amusant. L’assiette où s’entassent les bouchons est noire de déchets de bouchons, dont ceux du Latour 1907 qui m’a posé énormément de problèmes, car le goulot de la bouteille est très resserré en haut, interdisant au bouchon de sortir entier .

Le menu nous est imposé, et nous rajoutons au menu de base les suppléments possibles, foie gras et truffe blanche : velouté d’héliantis au foie gras, écume de café / noix de Saint-Jacques au lard noir gascon, mousseline de carotte à l’orange et safran / lieu jaune de l’île d’Yeu nacré sur la peau, poireau, beurre blanc au Tosazu / pigeon, chou Kale, mousseline de panais / Mont-Blanc, crème glacée au pin de Gènes. La truffe blanche très odorante s’est retrouvée dans plusieurs plats.

Le Meursault d’un négociant de Beaune 1950
à la couleur légèrement ambrée a un parfum superbe et intense. Il a une belle acidité et une grande précision malgré ses origines modestes, et se signale par un final extrêmement long. Nous adorons ce vin que j’ai apporté. C’est une surprise.

A côté de lui, le Trebbiano d’Abruzzo Luigi Cataldi Madonna 2005
vin italien qui titre 13°, même s’il est agréable à boire, fait beaucoup trop simple à côté de la complexité du meursault qu’il met en valeur. Le 1950 réagit bien sur l’écume de café et sur le lard des coquilles.

Le lieu jaune n’est pas vraiment idéal pour les bordeaux, mais nous nous en accommodons. Le Château Latour 1907
que j’ai apporté a un nez extraordinaire. Il est impressionnant de personnalité. En bouche, son attaque est assez légère, mais tout se joue dans le final qui est remarquable. Tous les amis sont conquis par ce grand vin, qui aura attendu 107 ans avant d’être bu !

A côté de lui le Château Haut-Brion 1926, d’une année que je considère comme la plus belle que j’aie bu pour Haut-Brion, a une couleur incroyable. On dirait 2006 que l’on ne se tromperait pas sur la couleur. Son parfum est moins expressif que celui du Latour. Il a une belle attaque généreuse, fruitée et veloutée, mais son final est faible. En fait il lui faudra du temps car progressivement le final va s’assembler. Le Latour, de son côté, ne va jamais faiblir, se montrant éblouissant, même si ce n’est pas sur l’attaque ou sur le fruit qu’il brille le plus. C’est sa rémanence gustative et sa subtilité qui emportent nos suffrages.

Le Château Lafite-Rothschild 1988
est un vin bien construit, mais la proximité des 1926 et 1907 montre à quel point il est peu complexe comparé à ces deux anciens, exactement comme le blanc italien à côté du meursault. Lafite rattrapera ses aînés lorsqu’il aura des cheveux blancs !

Juste après les bordeaux et avant la viande, nous buvons le vin que symboliquement j’ai ajouté. C’est un Corbières, VDQS mis en bouteilles à Longjumeau des années 60, car il y a plus de quarante ans que je l’ai acheté dans un lot chez un épicier auvergnat. Il porte encore son prix : 4,00 F. Bien évidemment nous n’en attendons rien, mais nous sommes extrêmement surpris qu’il soit aussi précis, fruité, et agréable à boire. Aucune déviation n’en perturbe le goût. Contrairement à la chanson de Georges Brassens, le temps fait quelque chose à l’affaire, en bonifiant ce petit vin au point de le rendre plaisant. C’est le troisième exemple qui montre que « old is beautiful ».

C’est maintenant le grand moment, car nous allons boire deux vins de la Romanée Conti. Celui de Tim a un niveau très acceptable, alors que le Richebourg que j’ai apporté souffre d’un niveau très bas. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953
a un nez assez époustouflant, nettement plus expressif que celui de La Tâche. Mais il a un côté perlant, avec une impression de pétillant, qui interdit de l’aimer. On ne peut pas demander l’impossible aux très bas niveaux. En revanche, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969, s’il n’a pas le parfum superbe du Richebourg a une tenue en bouche exemplaire, avec le caractère salin des vins du domaine et un velouté remarquable. C’est un très grand vin, de belle structure et charme intense.

Tim sert son Château Pavie 1975
et semble l’apprécier, mais je le trouve déséquilibré.

Le Coteaux du Layon Chaume Domaine Cady 1995
est très agréable, enveloppant, simple mais charmeur et bien réactif sur le dessert. J’adore son fruité très spontané. A côté de lui, le Château Filhot crème de tête 1990 est un grand vin mais trop lourd car le sucre est surabondant. Dans quelques années ce sera une autre affaire lorsqu’il aura tempéré ses ardeurs.

Mes amis ont voté pour Latour 1907 avant La Tâche 1969. J’ai fait le classement inverse. Ensuite, c’est Haut-Brion 1926 et le Meursault 1950 qui complètent le quarté. Avec douze vins pour cinq, nous avons poussé très loin les limites du raisonnable. Florian le sommelier est extrêmement sympathique, la cuisine est excellente. Le lieu est à recommander. L’atmosphère était superbe, ce fut un grand moment.

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la couleur des deux liquoreux (à gauche le 1990)

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il n’y a pas de photo du velouté. Un comté de 36 mois a été ajouté au menu.

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Déjeuner au restaurant Garance avec un Chambertin Louis Latour 1961 sublime mardi, 4 novembre 2014

Mon ami Tomo était devenu papa et nos folies s’étaient arrêtées depuis plus de six mois. Cela nous manquait à l’un et à l’autre. Je propose à Tomo que nous déjeunions ensemble. Il acquiesce et choisit le lieu : le restaurant Garance. Il annonce son vin le premier : Gevrey-Chambertin 1er Cru Clos Saint-Jacques Armand Rousseau 1969.

Je cherche dans ma cave des vins qui pourraient accompagner le sien et je choisis un Corton-Charlemagne Peyret Frères 1949 au beau niveau et dont la couleur est un peu ambrée, puis une bouteille absolument magnifique de couleur et de niveau, un Chambertin Grand Cru Louis Latour 1961. Mon emploi du temps ne me permettra pas d’ouvrir les vins longtemps à l’avance.

A mon arrivée, pendant que j’officie pour ouvrir les vins, Tomo me tend un verre de champagne que je trouve fort bon. Bien que je l’aie bu il y a peu de temps, je ne cherche pas à reconnaître. C’est le Champagne Dom Pérignon P2 1998. Il est intense, équilibré, avec une belle acidité, des fruits jaunes et une bonne mâche. Il a vocation à permettre au Corton Charlemagne de se refroidir dans un seau à glace.

Ayant salué le chef Guillaume Iskandar, j’ai vu sur son plan de travail des champignons qu’il associe normalement avec des seiches. Je lui ai demandé de nous préparer une assiette de champignons sans rien d’autre pour le vin blanc.

Nous commençons par la traditionnelle brioche avec une crème épaisse et goûteuse qui met en valeur le Corton-Charlemagne Peyret Frères 1949. Sa couleur dans le verre est nettement moins ambrée que ce que j’avais vu à travers le verre de la bouteille. Le nez est profond, intense, évoquant des fruits confits. La bouche est gratifiante car le vin est très carré, solide, structuré. Il a des fruits confits, une belle acidité, mais tout se joue dans le final qui expose tous les agrumes que l’on pourrait imaginer : orange, sanguine, pomelos et citron vert, le tout étant suggéré plus qu’imposé.

Les champignons donnent au vin une ampleur extrême. Le vin a relativement peu de complexité malgré ce final excitant mais il est solide et très riche. Il n’évoque pas trop un Corton-Charlemagne mais on peut dire que c’est un grand vin de grande vitalité et sans trace d’âge.

Guillaume le chef qui connaît mes goûts a ajouté aux champignons de fines tranches de saucisse de Morteau et sur ce blanc, c’est un régal incroyable.

Le lièvre sera présenté en deux services. Trois morceaux différents et une sauce diabolique, puis le deuxième service en un effiloché de chair, sur une sauce encore plus forte. C’est un régal complet.

Le Gevrey-Chambertin 1er Cru Clos Saint-Jacques Armand Rousseau 1969
est clairet. Le nez est extrêmement expressif et m’évoque des vins de la Romanée Conti. Et cette impression se retrouve en bouche. Le vin est salin, très bourguignon et je suis sûr qu’à l’aveugle j’aurais dit un vin de la Romanée Conti, par exemple une Romanée Saint-Vivant. Car l’amertume, la rigueur sont très proches de ce que je trouve dans les vins du domaine de la Romanée Conti. Il a une belle longueur, aucun fruit mais de belle variations vineuses sur un message strict.

Ce vin est le jour et la nuit si on le compare au Chambertin Grand Cru Louis Latour 1961. Car le chambertin est rond, riche, fruité, glorieux, plein, d’une mâche conquérante. Sa puissance est étonnante. Il est à l’aise sur toutes les composantes des deux plats de lièvre, mais c’est surtout sur les sauces qu’il trouve un écho fantastique. Tomo, comparant les deux vins, dit que l’on voit bien que le 1961 est un grand cru, comparativement au 1969. Le chambertin est indéniablement la vedette de ce repas. Il est fruité, joyeux, riche.

J’ai rapporté chez moi le reste du chambertin, qui a été chahuté dans les transports. Le dernier cinquième bu au dîner est noir, d’une matière lourde et dense et le vin est tout simplement divin. Ma femme, sentant le vin lui donnerait cinquante ans de moins ! Ce vin est immense.

Par hasard, Tomo avait trouvé un catalogue Nicolas de 1972. Des Grands Crus de 1961 se vendaient dans les 50 Francs, le Chambertin Grand Cru Louis Latour 1961 se vendait 150 F et la Romanée Conti 200 F. Le chambertin que nous avons bu était au sommet du tarif de Nicolas !

Ce déjeuner a relancé la machine qui nous fera partager des grands vins. Vite, lançons le suivant.

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Dom Pérignon P2 1998 et Corton Charlemagne 1949

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Quatre saisons à la Romanée Conti jeudi, 30 octobre 2014

4 saisons à la Romanée Conti 001

Le film de Thomas Bravo-Maza « Quatre saisons à la Romanée Conti » est disponible à « Phares et Balises ».

http://www.phares-balises.fr/

C’est dans ce film que je bois une Romanée Conti 1986 et une 1996 au restaurant Le Grand Véfour, en compagnie de mon ami Tomo, les deux bouteilles venant de nos caves.

L’histoire est racontée dans ce blog :

http://www.academiedesvinsanciens.com/degustation-matinale-puis-a-un-dejeuner-de-deux-romanee-conti-du-domaine-de-la-romanee-conti/

http://www.academiedesvinsanciens.com/deux-romanee-conti-au-grand-vefour-photos/

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maison de Champagne Pommery samedi, 11 octobre 2014

Lorsque l’on arrive au siège de la maison de Champagne Pommery, cela rappelle immanquablement le hameau Duboeuf à Romanèche-Thorins ou bien Eurodisney. Il y a des tourniquets pour les visiteurs à l’entrée et à la sortie. Il faut des badges, il y a des boutiques, cela respire l’orientation commerciale.

Mais dès que Thierry Gasco, le chef de caves, entre en piste, la visite de mon groupe composé de cinq russes, deux allemands, un italien et moi prend une toute autre forme. Le côté « usine » disparaît. Les galeries de champagnes peuvent aussi être des galeries d’art et le thème retenu par Nathalie Vranken est le bleu Pommery, différent de ton du bleu Klein. Il est figuré par des dizaines d’artistes. Nous descendons et remontons les 116 marches de l’escalier célèbre et Thierry nous conduit dans un salon de dégustation où tout est luxe, calme et … Pommery.

Nous apprenons que Pommery qui possède un Clos en centre ville de Reims a créé une cuvée « Clos Pompadour ». Le premier millésime qui a été fait est 2002, mais il faut déclarer les millésimes quand on veut les faire et comme Pommery ne savait pas si 2002 pourrait donner lieu à un millésime puisqu’il n’y avait pas de repère de vinification, l’étiquette porte la mention : Champagne Pommery Clos Pompadour magnum mis en cave en 2003, alors qu’il s’agit en fait d’un 2002. Ce vin est curieux, car il est très évolué. Très typé, je le trouve très bon.

Le Champagne Pommery Cuvée Louise magnum 2002 est très élégant et peu dosé. C’est un grand champagne.

Thierry Gasco nous fait un grand honneur. La première année où la cuvée Louise a existé est 1979. Et la première année où l’on a fait des magnums de cuvée Louise est 1980. Nous buvons le Champagne Pommery Cuvée Louise magnum 1980. Je sens des zestes de fruits et des fruits confits. Ce vin a été dégorgé il y a dix ans et n’a aucun dosage. Il est d’une élégance rare et je suis bouleversé. Les membres de mon groupe s’en aperçoivent et en rient. Ce vin est de la trempe du Billecart-Salmon 1961 d’hier. C’est un vin de fraîcheur et de noblesse, direct et amical, vin de première grandeur.

Nous avons eu un cadeau unique et nous remercions vivement Thierry Gasco de ce geste.

Le foudre sculpté par Gallé et l’éléphant sont des emblèmes de Pommery

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les expositions actuelle ont pour thème le bleu Pommery. Une cheminée de trente mètres de haut est éclairée en bleu

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vins bus à la dégustation dont le nouveau « Clos »

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Maison Diebolt-Vallois à Cramant et fin du voyage samedi, 11 octobre 2014

La dernière visite de nos trois jours à pas cadencés est à la Maison Diebolt-Vallois à Cramant. C’est bien de finir sur une maison familiale de petite taille. Jacques Diebolt nous accueille et nous emmène dans un hangar où l’on est en train de dégorger et boucher des rosés. Ceci permet à mon groupe de voir cette opération en mouvement. La fille et le fils de Jacques sont au travail et ça ne chôme pas.

Nous allons dans le chais où nous goûtons plusieurs vins que Jacques a préparés. Là aussi hélas, je n’ai pas pris de notes. Les deux premiers vins sont deux cuvées comprenant du pinot noir, un blanc et un rosé.

Le Champagne Diebolt-Vallois rosé est d’un rose très foncé. Il est fait d’addition de vins rouges de Bouzy. Il est très bon pour un rosé car il est plus champagne que rosé.

Le Champagne Diebolt-Vallois Blanc de Blancs Premier Cru est l’entrée de gamme, mais comme un restaurateur trois étoiles célèbre, plusieurs membres de mon groupe considéreront que c’est celui qu’ils préfèrent de la gamme. Il est fait de 2009 et de 2010.

Le Champagne Diebolt-Vallois Blanc de Blancs Grand Cru Cuvée Prestige est très agréable, subtil blanc de blancs et c’est celui que le préfère de la gamme.

Le Champagne Diebolt-Vallois millésimé 2007 est un vin agréable et bien fait comme tous ceux de la maison.

Le Champagne Diebolt-Vallois Fleur de Passion 2005 est le vin le plus noble de la gamme de cette maison mais je trouve qu’il n’a pas assez d’ancienneté pour approcher la largeur du Prestige, que je commanderai en magnums à la fin de la visite.

Jacques Diebolt nous fait un cadeau extrême, car dans cette petite maison, les réserves de vins anciens sont particulièrement petites. Le Champagne Diebolt-Vallois millésimé 1976 est absolument exceptionnel d’équilibre, de complexité et de fruits subtils. Il y a un peu de fruits roses, et de la noix. C’est un grand champagne qui confirme le potentiel de vieillissement.

Jacques nous a raconté tous les éloges et toutes les notes superlatives que ce champagne recueille, et c’est justifié. Il m’a donné le reste de la bouteille de 1976 et c’est en rédigeant ces notes que je me régale tant ce vin tout en douceur contenue montre des subtilités de fruits exceptionnelles. Ce vin romantique communique une grande émotion et beaucoup de vibration.

Nous rentrons à l’hôtel, je dis au revoir aux membres des deux groupes. Je retrouverai une douzaine d’entre eux dimanche soir pour un dîner de wine-dinners au restaurant du Bristol.

J’ai voulu que mon groupe de visite, mais aussi l’autre, puissent aborder des maisons emblématiques comme Salon et Krug, des grandes maisons comme Pommery et Lanson et aussi des maisons familiales ou restées gérées comme des maisons familiales avec Péters, Selosse, Diebolt-Vallois, Philipponnat. Dans chaque maison nous avons eu le privilège qu’on nous ouvre des bouteilles exceptionnelles, faisant de ce voyage un événement unique.

Rajoutons à cela des repas dans les maisons les plus étoilées de Reims, l’Assiette Champenoise et les Crayères où Andrei m’a fait bénéficier de sa générosité éclairée. Je ne sais pas si je recommencerai cet exercice d’accompagner des visites de vignerons, mais je suis très heureux d’avoir conduit cette expérience et d’avoir eu la chance de tant de générosité de la part de grands vignerons pour lesquels j’ai une grande admiration. Merci la Champagne quand elle a autant de classe.

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dîner wine-dinners n° 183 au restaurant Laurent vendredi, 19 septembre 2014

Le lendemain du 182ème dîner de wine-dinners, me voici de retour au restaurant Laurent pour ouvrir les vins du 183ème dîner de wine-dinners. Ce sont les hasards de calendrier liés aux grèves récurrentes d’Air France qui font que ces deux dîners se succèdent, mes convives américains ayant dû recomposer leurs visites en Europe puisque l’incertitude existe sur leurs vols de retour. Ce dîner sera en petit comité puisque nous ne serons que quatre. Il inaugure une autre forme de dîners dont l’idée directrice est de mettre en exergue un vin prestigieux. Le thème principal de ce dîner est de déguster Château Lafite-Rothschild 1949, année particulièrement brillante pour ce château. Le reste du programme se construit autour de cette vedette.

A 17h30, l’ouverture des vins ne pose aucun problème. Aucun vin de rechange ne sera appelé à témoigner. A notre table, le fondateur d’une agence de voyages qui a organisé ce dîner pour un sympathique couple d’américains qui vivent en Floride mais aussi dans plusieurs autres capitales et en Asie du Sud-est. John a commencé à constituer une cave de grands vins il y a cinq ans. Il veut faire connaissance avec des vins plus anciens que ceux qu’il achète.

Malgré les prévisions des sites de météo parisienne, qui annoncent de la pluie, Philippe Bourguignon a fait dresser les tables sur la terrasse. Il fait si beau et si chaud que le repas  a pu se passer dehors, pour notre plus grande satisfaction.

Le repas conçu par Alain Pégouret est : Langoustines rôties aux cèpes / Selle en croûte d’épices tandoori et carré d’agneau de Lozère grillotés, Paimpol tomaté au jus / Pigeon de Vendée rôti, courgettes sautées au curry, chorizo / Soufflé chaud au lait d’amande.

A l’apéritif, de délicats amuse-bouche accompagnent un Champagne Heidsieck Monopole Diamant Bleu 1973. La bouteille est très jolie, de forme et de couleurs. Le champagne a une belle couleur ambrée presque rose. Il n’a quasiment plus de bulle, mais le picotement en bouche confirme que le pétillant est toujours là. Ce champagne est élégant, avec des évocations de fruits roses mais aussi de pommes. Il s’accorde très bien avec les langoustines mais c’est surtout avec les cèpes qu’il trouve une belle ampleur et une mâche de bon aloi.

A l’ouverture, le Château Lafite-Rothschild 1er Grand Cru Classé de Pauillac 1949 m’avait immédiatement rassuré. Il promettait d’être grand. Stocké depuis l’ouverture dans un endroit trop frais, il a du mal à délivrer ce que j’attends de lui. Heureusement il va gentiment se réchauffer et nous goûtons un vin au parfum intense et profond, aux notes charbonnées et truffières. En bouche, le vin est dense et percutant. Il a beaucoup de truffe, de fruits noirs pressés, et sa persistance aromatique est affirmée. Le vin est dans l’esprit historique de Lafite. Il a des similitudes avec le sublime 1900 que j’ai eu la chance de boire de nombreuses fois. C’est un grand Lafite et un grand vin.

La selle d’agneau en croûte est un peu trop épicée, un peu « brûle-gueule » et c’est avec le carré que l’accord se trouve pour notre ravissement.

La Romanée Domaine Comte Liger-Belair 1988 fait changer de planète. Le pinot noir est joyeux, frais, avec des notes framboisées. Quand on revient vers Lafite, on voit combien la trame de la structure du Lafite est infiniment plus serrée. Mais le charme immédiat est du côté de la Romanée. C’est un vin de charme, d’élégance courtoise et aussi de plaisir. Il laisse une trace en bouche très probante. Si l’on voulait pinailler, on dirait que sa personnalité n’est pas encore assez affirmée et qu’il faudrait attendre une ou deux décennies pour qu’il gagne en persuasion. Mais c’est un vin qui se déguste avec envie. Le pigeon superbe ajoute à sa gourmandise. Il est rare d’avoir des vins aussi différents que le pauillac et le bourguignon.

Le Château Gilette Crème de Tête Sauternes 1949 est brillantissime, car son sucre est tellement mesuré, présent mais sans excès, que l’on sent des accents secs par delà le botrytis raffiné, apportant une fraîcheur supplémentaire. Ce vin est un régal. C’est même un péché de gourmandise. Il a une trace indélébile, il est joyeux et Lynn a le sourire aux lèvres. L’accord avec le soufflé est agréable sans apporter beaucoup au sauternes qui vit sa vie propre.

John n’a pas voulu que l’on vote, considérant que chaque vin lui a apporté des émotions uniques qui ne se hiérarchisent pas. Ce dîner n’aura donc qu’un vote, le mien : 1 – Château Gilette Crème de Tête 1949, 2 – Château Lafite-Rothschild 1949, 3 – Romanée Comte Liger-Belair 1988, 4 – Champagne Heidsieck Monopole Diamant Bleu 1973.

Dans le joli cadre d’une belle terrasse le long des Champs-Elysées, avec un service attentif, des plats ingénieusement conçus et exécutés, nous avons partagé une bouteille mythique, Lafite 1949, accompagnée de vins superbes. Ce 183ème dîners en petit comité de quatre ne demande qu’à faire école.

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Champagne Heidsieck Monopole Diamant Bleu 1973

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Château Lafite-Rothschild 1er Grand Cru Classé Pauillac 1949

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La Romanée Domaine Comte Liger-Belair 1988

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Château Gilette Crème de Tête Sauternes 1949

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visite d’un caviste : « Hedonism Wines » et déjeuner au restaurant Alain Ducasse at the Dorchester samedi, 13 septembre 2014

La journée du lendemain du séjour à Londres commence par la visite d’un caviste : « Hedonism Wines ». Clayton qui nous accueille, directeur de la boutique, est souriant. Il est enthousiaste et passionné. Cette cave a été fondée il y a deux ans par un jeune russe richissime qui a investi des sommes colossales pour avoir tout ce qui se fait de mieux et de plus rare. Comment en deux ans a-t-il pu constituer un trésor que n’ont pas acquis des maisons pluriséculaires ? Mystère. C’est une caverne d’Ali Baba où j’ai pu voir deux Yquem 1811, des Romanée Conti comme s’il en pleuvait et une collection unique au monde de Penfolds Grange australien. Le jeune russe est apparu dans la boutique, suivi de journalistes qui l’ont interviewé et de décorateurs qui lui ont proposé des articles de décoration pour cette cave artistiquement agencée.

Comme nous cherchons des vins sur les mêmes pistes de chasse, y aura-t-il un intérêt à créer des événements en commun ? C’est relativement peu probable, mais qui sait ? Cette cave impressionnante et probablement l’une des plus imposantes au monde.

Après cette visite au cours de laquelle j’en ai « pris plein les mirettes », nos pas nous portent vers l’hôtel Dorchester où se trouve le restaurant Alain Ducasse at the Dorchester. Damien, le directeur et Vincent, le chef sommelier sont d’une amabilité joyeuse et attentionnée.

Le menu que je prends comporte : belles langoustines d’Ecosse, Granny Smith, avocat, vinaigrette coraillée / Flétan au bouillon, coquillages à la marinière / pigeonneau d’Anjou à la broche, girolles et pousses d’épinard.

Dans une liste des vins intelligente où il faut louvoyer tant les prix sont londoniens, je choisi un Champagne Larmandier-Bernier Terre de Vertus 1er Cru 2008 non dosé. Il est d’une grande pureté, d’une grande clarté de dessin et de dessein. Il est franc, gastronomique, superbe. Il est agréablement chatouillé par la belle mise en bouche de crabe du Dorset en gelée et cristal caviar de Chine.

Pour le superbe pigeon, Vincent m’apporte un verre de Morey-Saint-Denis « La rue de Vergy » Domaine Perrot-Minot 2008. Ce vin est superbe de délicatesse, très bourguignon, au beau fruit un peu évolué. Il réagit à merveille sur le pigeon et je félicite Vincent de sa suggestion. Le tournedos de bœuf Rossini de mon amie est accompagné d’un foie gras exceptionnel.

Le fruit du Perrot-Minot est un régal. Le vin est frêle, fragile, tout en suggestion et j’adore.

Avec une évidente envie de nous faire plaisir, nos serveurs ont ajouté trois desserts à ceux du menu, dont l’invraisemblable baba au rhum. On nous propose de choisir l’un des quatre rhums en sentant les bouchons. Je choisis le rhum blanc, plus typé et direct que les bruns. Ce baba est une des sept (maintenant huit) merveilles du monde. Et, étonnement complémentaire, le champagne accompagne bien ce dessert à se damner.

Londres deviendrait-elle une capitale gastronomique ? Elle en prend le chemin.

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on remarque ci-dessus des casiers en bois très élégants. Mais il y a aussi ces suspensoirs à l’imagination débridée (ci-dessous)

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une unique collection de Penfolds Grange

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vue d’une rue de Londres

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hall d’entrée du Dorchester

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jolies serviettes brodées

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Beau dîner dans le sud avec des vins originaux samedi, 23 août 2014

Gerhard est un compositeur et chef d’orchestre grand amateur de vins. Son épouse concertiste et ses deux fils partagent la même passion, enrichie par de nombreuses visites qu’ils font ensemble chez des vignerons devenus au fil du temps leurs amis. C’est ainsi, entre autres, que Gerhard a pu organiser chez lui en Autriche une verticale de la Romanée Liger Belair de 41 millésimes. Leurs périples changent chaque année mais une halte est presque toujours prévue dans ma maison du sud. C’est l’occasion d’un dîner de vins.

J’ai invité d’autres personnes pour former une table sympathique et pouvoir partager de nombreux vins. Les journées étant plus courtes, j’ai demandé que les convives arrivent à 19h30 pour profiter d’un apéritif face à la mer.

Gerhard arrive à 17 heures avec ses vins et j’ouvre les vins du dîner, les siens et les miens, car nous serons les deux seuls apporteurs de vins pour le dîner. Mes vins seront marqués d’une « * ». L’ami Cédric, traiteur, arrive à 18h15 pour préparer avec son collaborateur Denis l’apéritif et le dîner. Cédric sera à table à nos côtés.

A 19h30 nous attendons un vigneron et un couple de vignerons. A 20h personne. La pluie menace et le jour tombe. Nous devions commencer par un champagne ancien, mais tout le monde a soif. Pour tromper notre attente, j’ouvre un champagne non prévu, un *Champagne Delamotte 2004. Il accompagne des petites sardines délicieuses. Le Delamotte est toujours aussi précis, rassurant blanc de blancs qui fait un sans faute, très fluide et de belle soif. A 20h15, je commence à être agacé et je sers le *Champagne Salon magnum 1997. Il sera rejoint par de fines tranches de Cecina de Leon, de Pata Negra découpé devant nous et de poutargue. Dès la première gorgée on ressent le saut qualitatif que représente Salon. Il est plus vineux, plus complexe, de très grande longueur et l’effet magnum joue à plein pour lui, donnant plus d’ampleur et de coffre à son message. A 20h30 le vigneron arrive. Ma fille qui devait ne participer qu’à l’apéritif fera-t-elle venir ses amis pour remplacer le couple de vignerons absents ? Le nombre de places à table oscille entre 10, originellement prévu, 11, si ma fille vient avec ses deux amis qui remplaceraient le couple qui entretemps m’avait envoyé un message expliquant leur absence, puis 9 quand j’apprends que les amis de ma fille avaient déjà dîné. Rester zen.

Cédric nous sert des tranches de truffes d’été posées sur des morceaux de pain blanc recouverts de gouttes d’huile d’olive et d’une pincée de gros sel. L’effet avec le Salon 1997 est miraculeux, car le champagne est enhardi par le caractère terrien de la truffe. Un accord de rêve. Salon a une complexité dynamique que j’apprécie.

Nous passons à table. Les camerones, immenses crevettes juste poêlées sont associées à deux vins. Le Riesling Weingut Brundlmayer Vieilles Vignes Autriche 1997 est d’un joli jaune citronné. Le vin est clair, précis, net comme les rieslings savent le faire. Il est très agréable, un peu perlant et manque un peu de longueur. Mais nous constaterons que dans le verre il restera tout au long de ce repas d’une solidité à toute épreuve. A côté de lui le *Chateauneuf-du-Pape Château La Nerthe Clos de Beauvenir blanc 1999 a une couleur déjà très ambrée. S’il est oxydé, il est quand même agréable à boire avec de petites notes fumées. Le Riesling est le plus pertinent sur les camerones et le Châteauneuf est divin avec la poêlée de cèpes qui suit. Cédric n’a sélectionné que des cèpes de petite taille et le plat est intensément goûteux. Et le blanc du Rhône est magiquement ragaillardi. Original et hors norme, il est très accompli sur les cèpes.

Lorsque j’avais ouvert la Côte Rôtie Côte Blonde A. Dervieux-Thaize 1979 j’avais constaté que la moitié supérieure du bouchon était complètement noire. Une étiquette indiquant que la bouteille a été importée par un marchand de vins de San Francisco et achetée par Gerhard en Allemagne, on peut supposer que des différences de températures dans les divers transports a créé la torréfaction que montre ce vin. On devine ce qu’il aurait pu être mais il est trop « cuit » pour être plaisant. Il met sans le vouloir encore plus en valeur le *Chateauneuf-du-Pape rouge Jean et Jean-Paul Versino 1989 qui est une merveille de fluidité et de précision. Ce vin est enthousiasmant tant il glisse bien en bouche, équilibré, généreux et gracieux. C’est un achat de hasard et je ne m’attendais pas à trouver le vin à ce niveau. Le ris de veau juste poêlé se comporte bien avec les deux vins, donnant un coup de main à la Côte Rôtie pour la rendre plus sociable. La selle d’agneau avec un pressé de pommes de terre est brillante, fondante, et avantage encore plus les deux vins.

N’ayant peur de rien, j’avais programmé une deuxième viande pour les deux « costauds » qui arrivent. Nous étions déjà rassasiés mais le cœur de romsteak est tellement fondant que l’on ne peut résister. L’aubergine confite est, elle aussi, fondante à souhait. Le Chateauneuf-du-Pape rouge Domaine du Vieux Télégraphe 1971 est un seigneur. Il a la sérénité d’un millésime réussi. C’est un bonheur de boire un tel vin. A côté de lui, le *Château Rayas Chateauneuf-du-Pape 2005 est un trésor de complexité envoûtante. Au premier contact, je ressens une trace saline qui est celle des vins du domaine de la Romanée Conti. Mais peu de temps après, c’est une impression sucrée et de douceur qu’offre ce vin. Enfin, viril, puissant, il laisse une trace en bouche de chaude complexité.

Les deux vins cohabitent très bien. On serait bien en peine de désigner un vainqueur, tant ils sont différents. Le 1971 est plus dans la logique de l’appellation, le 2005 est plus énigmatique, mais les deux sont au sommet de leur art, même si le 2005 va s’accomplir encore et encore.

A la surprise de mes convives, le Rayas a bien voulu se prêter à l’exercice de la cohabitation avec un camembert Jort. Il l’a réussi.

Cédric est le prince du moelleux au chocolat. Face à ce moelleux divin et satanique de séduction, deux vins dissemblables. Le *Maury Mas Amiel 15 ans d’âge mis en bouteille en 1998 après 14 ans de fût et une première année en bonbonne de verre est un bonbon tant il est doux et sensuel. C’est lui qui crée le plus bel accord avec le chocolat. Le Pedro Ximenez 1927 Alvear est trop lourd de sucre. Il a des intonations de noix, de café, de caramel et écrase le dessert de sa lourdeur. Il mériterait un dessert comme une tarte aux pommes acides ou une glace au café.

Cédric a appliqué à la lettre la recommandation que je lui avais faite : « le produit, le produit, le produit, sans fioriture ». Ce fut un succès d’autant plus grand que ses fournitures sont de première qualité. Le plat le plus saisissant est la poêlée de cèpes, la sensation la plus forte est la truffe d’été avec le Salon 1997. Les viandes étaient fondantes. La plus belle surprise parmi les vins est le Chateauneuf-du-Pape rouge Jean et Jean-Paul Versino 1989. Les plus grands vins sont Rayas 2005, le Vieux Télégraphe 1971 et le Salon 1997 en magnum.

C’est fort tard que nous avons salué nos convives, heureux d’avoir partagé un grand moment de plats superbes et de grands vins.

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Quelques vins bus dans le sud samedi, 19 juillet 2014

En plusieurs occasions avec des amis, j’ai eu l’occasion d’ouvrir un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998. Ce qui apparaît immédiatement, c’est son équilibre, sa sérénité, sa facilité de message. Il est confortable mais il manque peut-être un peu de l’inspiration que j’ai trouvée dans d’autres millésimes. Il faut sans doute lui laisser le temps de s’épanouir encore. Ses facultés d’adaptation gastronomique sont remarquables.

Une autre fois, j’ai ouvert un Château de Pibarnon Bandol rosé 2004. Vin magnifique. Quelle autorité, quelle présence ! Sa couleur est d’un rose orangé proche de la mangue. Sa densité est prégnante. Il tient bien sa place dans un repas et se montre un rosé de grande tenue.

Le Champagne Delamotte 2002 joue dans la cour des grands. Ce blanc de blancs est romantique, évoquant les fleurs blanches, il est délicat, raffiné, féminin, tout de grâce et de belle complexité. J’avais déjà plusieurs fois goûté ce vin que je trouve de plus en plus brillant.

A la suite, j’ouvre un Château de Pibarnon Bandol rouge 2001. Par une journée orageuse de forte chaleur, il est servi à 15° donc suffisamment frais. Dès la première gorgée, j’ai une vraie déception, car ce vin contraste avec les Pibarnon que j’ai bus récemment. L’alcool domine, le vin est lourd, parkérisé comme je les déteste. Est-ce un problème de bouteille ? Cela m’étonne que ce Pibarnon ait perdu les accents de garrigue, de fenouil et d’olive que j’aime tant. Je vérifierai prochainement, pour ne pas rester sur une déception.

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