Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Encore un Chambertin Armand Rousseau jeudi, 18 octobre 2007

Un déjeuner de travail pour préparer le Grand Tasting, ce grand salon de dégustations de haut niveau ouvertes au public. Je choisis le restaurant « les Muses », de l’hôtel Scribe. La salle est en sous-sol ce qui est toujours étrange. D’imposants poteaux masquent la vue ce qui demande au personnel une attention particulière pour que les clients ne se sentent pas ignorés. Etant en avance, j’étudie la carte des vins fort avenante, aux prix encourageants. Je repère une pépite, et dans ce cas, il est assez rare que je me prive. A voir la réaction du sommelier quand j’annonce le vin, on sent le respect. Il s’agit d’un Chambertin Armand Rousseau 1999. Quel vin ! Il suffit d’une gorgée pour que le décor soit planté : c’est parfait. Et on ne passe pas son temps à analyser, à chercher la trace de pellicule sur un col de veste. Ce vin est parfait, se boit comme il est, sans autre forme de procès.

La cuisine du chef qui a succédé à Yannick Alléno qui m’avait fait aimer ce lieu est vraiment agréable. Franck Charpentier n’en fait pas trop, il joue juste. Pas de chichi, quel bonheur. Le service est très convenable mais devrait surveiller tous les recoins. C’est vraiment une table à recommander.

A l’Astrance, je suis en trances ! mercredi, 17 octobre 2007

Le lendemain midi nous déjeunons en amoureux, ma femme et moi au restaurant l’Astrance, pour nous remettre en mémoire le monde culinaire de Pascal Barbot. Les libations de la veille imposent de l’eau, et ce n’est pas plus mal, car cette cuisine subtile serait moins bien perçue avec un vin. La variété des mets imposerait sans doute un champagne, dont la discrétion suivrait le talent du chef sans jamais lui voler la vedette.

Disons-le tout net, je suis très sensible au style de Pascal Barbot. Il y a une recherche de sincérité, de sensibilité dans la mise en œuvre des produits, presque idéalisés dans l’assiette. Le goût de chaque ingrédient est élégant, presque fragile comme une porcelaine rare. Je ne suis pas totalement convaincu que chaque recherche japonisante soit nécessaire, car un produit n’est pas meilleur parce qu’il est japonais, mais on est embarqué avec Pascal comme en un tableau de Watteau.

La crème de potiron ne m’a pas convaincu.

La grosse crevette perdue dans un champ d’herbes folles est une merveille. Le saint-pierre avec des copeaux de châtaignes est particulièrement goûteux, la chair du poisson aspirant avec envie les arômes du marron, l’ormeau sur un navet serait délicieux si une crème japonaise ne venait troubler leur danse, tandis qu’une petite tranche de sardine est succulente comme le péché. Un thon rose presque cru sur des petits haricots exprime tout ce que Pascal sait faire avec grâce. Le veau sur des cèpes est aussi frais que la joue d’une jeune fille qui a couru par un grand froid.

Il y a dans cette cuisine une légèreté voulue, une délicatesse polie et une élégance unique, toute dans la personnalité de ce chef attachant. On aura compris que j’en suis fan.

 

Clos du Barrail, Cérons 1943 mardi, 16 octobre 2007

Nous allons dîner chez un ami et nous boirons quelques vins fort sympathiques. Il m’annonce que le dernier vin sera bu à l’aveugle, et que je le connais. Lorsqu’arrive le moment de le boire, il me donner une indication supplémentaire : ce vin, tu es le seul à l’avoir bu, car lorsque je mets son nom sur Google, ce sont tes écrits et eux seuls qui sont mentionnés. Je goûte, et je sens un vin étrangement sec alors que nous sommes au dessert. Je cherche et ne trouve pas. Il s’agit du Clos du Barrail, Cérons 1943. J’adore les Cérons mais c’est la première fois que je bois un Cérons aussi sec. Le témoignage est de toute façon très émouvant car j’aime ces vins simples au message direct, qui ne prétendent pas impressionner le monde, mais sont d’une justesse rassurante.

dîner impromptu chez l’amie d’un ami dimanche, 14 octobre 2007

Un ami comédien à la sensibilité que j’adore organise un dîner. Le contenu est assez vague, car il se tiendra chez une de ses amies que je ne connais pas, les convives que je ne connais pas devront apporter les vins et je ne sais donc pas quel sera le niveau de leurs contributions. La cuisine sera faite par Michel Orth, restaurateur à Brumath, et son menu n’est pas une mince affaire. Jugez plutôt : rosace de saumon mariné aux herbes, bortsch de betteraves et raifort / tartine au pain six céréales, saveurs de sous-bois, foie de canard cru au sel romain et jambon de chevreuil / grosses crevettes au garum et cicerona (recette romaine) / filet de loup de mer poché au lait anisé, marinière d’huîtres et échalotes / ris de veau Saint-germain, béarnaise de foie gras / jeune cerf rôti aux coings et gnocchi / foie gras d’oie et canard sur toast « Hutzelbro » / dessert surprise de Pierre Hermé.

Nous arrivons à l’heure dite et nous apprenons que Michel Orth est dans un TGV venant de Strasbourg qui aura deux heures et demie de retard. Si nous n’avons rien à manger, nous aurons à boire, car il y a dans ce groupe une particulière générosité. Michel arrive après 22 heures, ce qui nous entraînera au-delà de 2h30 du matin pour égrainer son intense repas. Voici ce que nous bûmes.

Un Champagne Duval Prétrot brut à Fleury la Rivière de bienvenue, simple et de bon aloi est suivi d’un Champagne Grande Année Bollinger en magnum 1997 qui fait se lécher les babines. C’est profond, goûteux, fruité et d’une longueur rare. Le Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1996 ne connaîtra pas la cuisine de Michel Orth, car il est tellement bon que la bouteille est asséchée avant qu’on ne s’en aperçoive. Ce fut joué ainsi : « on lui en laisse un peu ? », suivi de « trop tard ». Le Château Bouscaut Graves blanc en magnum 1970 que j’avais apporté m’a particulièrement plu (normal, c’est le mien) par sa fraîcheur, une acidité très agréable et une belle rondeur, une longueur à signaler et une maturité respectable. Le Saumur Château Yvonne 1997 est un vin simple qui se boit bien. Le Condrieu Mathilde et Yves Gangloff 2004 n’est pas aussi typé que je l’imaginais, mais c’est un vin à la palette gustative très large, vin de sourire. Le Corton Charlemagne Bouchard Père & Fils 1999 a encore un peu de temps devant lui avant de s’ouvrir vraiment, mais il se signale par une définition d’une rare pureté.

Ce n’est qu’au-delà de minuit que l’on attaque les rouges avec un Pommard Catherine et Claude Maréchal 2003 très élégant et délicat, charmeur dont nous aurons deux bouteilles, comme du Château de Beaucastel Chateauneuf-du-Pape 1998, impérial, sûr de lui et dominateur, d’un travail parfait. Ce qui est amusant, car c’est tellement naturel, c’est que l’apporteur généreux des Corton Charlemagne et des Beaucastel défendait bec et ongles son Chateauneuf quand je jubilais de la perfection éblouissante de la Côte Rôtie La Turque Guigal 1998 que j’avais apportée, trompette de Jéricho gustative, qui enrobait le cerf de son charme incontournable. Les deux vins du Rhône ont chacun leur personnalité et sont grands. N’est-ce pas cela qui compte ?

Le Riesling Rittensberg Bernhard Reibel 2003 est beaucoup trop sec avec le foie gras et c’est le Riesling Vendanges Tardives Zinnkoepfle René Muré 2004 qui est strictement adapté, subtil et délicat. Le Maurydoré Caves Estève, Paule de Volontat 1932 est d’une puissance à faire trembler les murs. Il faut cela pour soutenir le choc des macarons de Pierre Hermé qui sont la combinaison irréelle d’une puissance évocatrice provocante avec une légèreté diabolique. Une merveille, servie par un vin envoûtant. Il fallait cela pour conclure cette longue, longue soirée amicale.

Michel Orth est un perfectionniste de la cuisine qui cherche à faire revivre des recettes très anciennes, allant même jusqu’au temps des romains. Cette recherche conduit à des saveurs très intéressantes, mais la complexité des plats n’est pas l’amie naturelle des vins. Sa générosité, son talent compensent le chemin parallèle euclidien que suivent mets et vins, sauf sur quelques fulgurances, comme le cerf et la Turque, le Riesling vendanges tardives avec le délicieux toast au foie gras, et le Maury sur les variations gustatives géniales de Pierre Hermé. Il y a toujours quelque chose à prendre dans ces happenings. Ce soir ce furent quelques vins splendides, la gentillesse d’un chef passionné et des convives généreux.

Three dinners in San Francisco with very rare wines mardi, 9 octobre 2007

I have met two years ago a wine collector who lives in San Francisco. We became friends, and we decided that we would meet twice a year, once in Paris and once in San Francisco, to share some rare bottles of our collections. We try to balance our inputs, and there is a very sympathetic competition in our generosity, as when he proposed a Lafite 1865, I proposed a Chateau Chalon 1864, when he proposed a Latour 1924, I proposed a Pétrus 1947, and so on.

My wife, who does not drink wine except liquorous wines (especially Yquem), comes with me for our annual meeting in San Francisco. We arrive at the Mandarin Oriental hotel, and the chief concierge talks to me as if I were the emperor of China. He is already informed about what should happen. We have a room on the 39th floor which allows us to see the Golden Gate Bridge, where we will see the planes of the Blue Angels make a fantastic show for a memorial. My friend and his wife who live not far from the town’s Center have taken a room in the same hotel. I decide to invite them for the first dinner, in the restaurant “Silk’s” belonging to the hotel, as I know that they will take care of us for the rest of our stay. I had been very enthusiast one year ago by the menu made by the creative chef Joel Huff when we had shared Mouton 1926 and Cristal Roederer 1949, but this time, I have not been so convinced. We joked about the food as every course had foam. One oyster was lost by a too spicy cream, my seared scallop, crab carbonara, smoked avocado had a too spicy avocado, the Japanese Kobe beef skirt steak, sunchoke puree is perfect, and the pear cake, buttermilk panna cotta, shiso green apple sorbet is a declared enemy of wine.

I was not smart enough as I did not immediately declare bad a champagne Krug Grande Cuvée obviously too acidic and bitter, and when I talked to the sommelier, asking him to taste it, he told me that a very agreeable acidity is a sign of youth. Which means : “I do not intend to change your bottle”. We had more pleasure with a Corton-Charlemagne Vincent Girardin 2003 absolutely delicious, expressive, of a nice definition, and of an appreciable length. This elegant wine has many qualities. And we were happy to drink a Clos de Vougeot domaine Méo Camuzet 2002,a Burgundy with a great charm and a great authenticity. With the Kobe beef, it is a delight.

After a day of tourism, with a lunch by Sutro’s, on the Pacific Coast, we have the first real dinner which is a familial dinner as we are with my friend and his wife, their two sons, and the fiancée of the elder son. The dinner is by restaurant Masa’s, whose chef is Gregory Short. At 5pm I had opened my wines brought by air transportation one month ago. The cork of the Carbonnieux 1928 comes into pieces, and as I have not my tools with me, some small pieces of cork fall in the wine, and the sommelier says to me : I will take care of that. My fault has been to have not checked what happened next. The cork of the Suduiraut 1929 comes in one piece, and the perfume of the wine is fantastic. My friend wants me to leave the room to let him open his wines, which is unusual for our meetings.

We come back at dinner time and here is the menu : butternut squash soup, brown butter foam / bone marrow custard, truffle sauce, crispy bone marrow / farm raised Siberian Osetra caviar, melted leeks, salsify purée, chive infused oil / German butterball potato salad, applewood smoked bacon, Spanish capers, French cornichons, micro celery, whole grain mustard vinaigrette / whole roasted Hiramé, wilted young spinach, maitake mushrooms, preserved meyer lemon infused broth / sweet butter poached Maine lobster, caramelised baby lettuce, brioche toast, lobster vinaigrette / whole roasted Mallard duck foie gras, French green lentils, jonathan apples, red shiso, apple gastrique / sautéed Paine farmes squab breast, honey roasted quince, wilted young chard, confit leg, “jus de grenadine” / pan-roasted rack of Millbrook farms venison, poached seckel pear, roasted chestnuts, sauce “au poivre” / Artisan cheese, fleur de maquis (sheep), capricious (goat), Montbriac (cow) / petit sorbet, ginger-orange-carrot “slurpee” / pear charlotte, carmelized pears, raspberries, blackberries, streusel, caramel sherbet.

It is clear that the way to announce the dishes shows the personality of the chef. He has made a very great meal, which would deserve certainly one star in the Michelin. The combinations wines and food were not always perfect but it did not prevent us from enjoying the wines.

The Champagne Cristal Roederer 1990 is an agreeable surprise. It is a champagne that I do not often drink, and it is above the image that I had formed. It has already signs of maturity with some aspects of candied fruits. Dense, very typed, of a strong personality, it is a great champagne.

The Château Olivier, Graves white 1945 is of a colour of gold not far from mango. The nose is very polite and handsome. This wine could be considered as a lesson. Because for all the ones who consider a mature white wine as maderised, this wine could show that it is not the case. This wine has developed a new personality different from what it was when the wine was young, but which is of a great talent, and of a gastronomic particular interest.

The Château La Gaffelière, Saint-Emilion 1959 is of an incredible youth. I spent my time saying that it was exactly what a 1986 is. And while saying that, I did not take enough advantage of this delicious wine, as I was lost by its abnormal youth.

The contrast is extreme with the Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1934 which is really an example of this year. The colour is very light, like pink, but in mouth the wine is really solid. It is a little fragile, but I like this testimony, very representative of a year that I like. The acidity does not disturb, and we enjoy this wine.

I am furious as the Château Carbonnieux 1928 which appears now is corked, thing that my friend and I we had not noticed by the opening. What has happened meanwhile? I am furious because I hate to provide a wine which is not perfect. Last year, I had brought a Chateau d’Issan 1899 which was weak, and now this one. I am unhappy. Fortunately the pepper sauce of the venison helps to rub the corky taste, and we can taste without too much pain the wine even if it is not at its top. I have drunk many times the Carbonnieux 1928 red with always a great success. It is the first diminished one.

The Echézeaux Domaine de la Romanée-Conti 1964 makes me smile as I recognise immediately by the smell the peppery signature of the Domaine. This very Burgundy wine has all to please me. It is agreeable and friendly even if lacking a little of power. The joy of life of the wine compensates that.

The Château Suduiraut 1929 compensates all my pain. It has a very powerful nose, full of expression. The aromas are candied orange, the fruit of a palm tree. It is an exceptional wine with broadness, joy and perfection. It goes very well with the taste of nuts and caramel of the dessert.

I did not ask for votes except from my friend. His vote was : 1 – Château Olivier 1945, 2 – Château Suduiraut 1929, 3 – Echézeaux DRC 1964, 4 – Château La Gaffelière 1959.

My vote has been : 1 – Château Suduiraut 1929, 2 – Champagne Cristal Roederer 1990, 3 – Château La Gaffelière 1959, 4 – Echézeaux DRC 1964.

The Suduiraut compensates my frustration with the Carbonnieux. The chef has made a very good menu, especially with the foie gras, magnificently treated, and the pigeon. The service was friendly and efficient.

The next day is the high point of our stay in San Francisco. This will be a dinner for men only, all collectors. The wives make their own party. We open the wines at 5 pm with Steve, and this time I can see the wines brought by every attendant. We are six. My input is Palmer 1947 and Mouton 1928, with a beloved label.

The restaurant “Fleur de Lys” has a French chef, Hubert Keller, from Alsace, who made a fantastic dinner : passed « canapés » / tsar Nicoulaï « select » California osetra caviar accompanied with parsnips blinis / roasted Maine lobster on artichoke purée, citrus salad, porcini oil / boneless quail, scented with a juniper berry & orange essence / Colorado lamb loin & lamb cheek sausage, « tarbais » bean « cassoulet », whole grain mustard & tarragon sauce / venison topped with sauteed foie gras, served with truffled Port wine sauce / assortment of artisanal French cheeses served with rustic fig bread / classic Grand Marnier soufflé served with an orange & cardamom ice cream / assortment of petits fours & chocolates.

All was devoted to our pleasure, and the combinations with wines were more accurate that by Masa’s, even if the food was of a very great quality in both cases.

The Champagne Brut Classic Deutz in magnum 1975 plays perfectly its game, to be an opener. And the “canapés” are generous and of a great sensibility. The champagne is already gently mature, lacks a little power and body, but is truly appropriate, and very flexible with the imaginative tastes of the food.

The champagne Louis Roederer 1959 has a very unfriendly smell, but in mouth if one enters in its logic, it plays like a toboggan : you let yourself be conducted by it, and you feel good. If one is not too impressed by a small bitterness, it becomes passionating. I am absolutely impressed by the farm caviar from California, as it deserves respect. It is certainly of the quality of a Russian caviar. With the Roederer, the combination works splendidly. It is not the case for the Montrachet Domaine Ramonet in magnum 1996 which refuses to play with the caviar. It works much more with the lobster, and makes a beautiful combination. I find this Montrachet a little scholar, smart, but with no outrageous appeal.

What is interesting in such a meeting of collectors is that every one of us is largely more in favour of his own wines. This is purely normal as each of us wanted to present a wine to please the others. So it is normal that he loves what he wanted to offer. My attitude is absolutely not different from the others. I am in love with the Château Palmer 1947 which I find completely extraordinary. It seems to me that it is impossible to dream of something better. With the boneless quail, it is perfect. I have encountered very perfect 1947 with Cheval Blanc, and more with Latour. This Palmer 1947 belongs to the top few of what 1947 can offer.

I nearly faint with pleasure when I am served with the Château Mouton-Rothschild 1928 because it is even greater than the Palmer. It has more personality. The colour is very young, as it was for the Palmer, and the taste is fantastic, very typed among the greatest Mouton. It is under the 1945 and the 1900, but it is a wine which could make me have tears. It is unbelievable. Perfect, balanced, with salt and pepper, it has a deepness which touches me. It is a total happiness. It will belong to my Pantheon of Bordeaux wines.

The Château Latour 1926 is highly impressive, as it looks like it would need some more years to reach its total performance. It is a promising wine, which is incredible for a 1926, a very special year for me, which my friend chose on purpose. The wine has an enormous potential to live for ever, and requires truffle, to create a perfect match. Fruity, good with foie gras, but limited on venison, it has a strength which is impressive. It is a solid young wine.

The Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1985has a very DRC smell. It evokes for me stones boiled by a volcano. The Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1964 has a more tired smell. The 1985 is peppery, salty. Its seduction appears only when one tries to find it. It goes very well with a salty cheese. The 1964 is quieter, lighter. The Epoisses softens the 1985 and enlarges the 1964. The 1964 has more seduction. It has an exciting finish. What is pleasant is that the two versions of the DRC Richebourg are incredibly dissimilar and raise our interest.

The Château Climens 1937 is very opposite to the Suduiraut 1929 of yesterday. It has tones of coffee, tea and tobacco, which is the contrary of tastes of tropical fruits. It is an expression which is less sunny than others, but which is adorable too.

My friend has added a wine which is not on the menu, a surprise. We drink it blind, and it is something that none of us has already drunk. The image which comes to me is a sugar which would be wet with a syrup of blackberry. It is a Tokaji Essencia 1856. I have already drunk very old Essencias, but this one is completely out of this world. There is no reference. It is so sweet that this wine will live for ever. The alcohol is very weak, and the taste in mouth cannot disappear. It is heavy as lead. It lets a trace in mouth for ever.

All of us, we are so happy with the performances of our wines that we vote with pleasure. We do not forget to vote for our own wines. Among six voters, the Mouton 1928 gets three votes of number one, and this helps me to forget the bad appearance of the Carbonnieux. Latour 1926 gets two votes as first, and the Tokaji 1856 gets one vote as first.

The average vote would be : 1 – Mouton 1928, 2 – Latour 1926 and Richebourg DRC 1985, 4 – Palmer 1947.

My vote has been : 1 – Mouton 1928, 2 – Palmer 1947, 3 – Louis Roederer 1959, 4 – Latour 1926.

The service was excellent; the cook was very original, very precise and adapted. The atmosphere was friendly.

I am happy to have met this so incredibly generous friend. We plan to make a tour in Burgundy in February, before our annual dinner in Paris which will be in April.

We have spent time visiting San Francisco and we met another friend who is a wine lover and was gentle enough to open an Yquem for my wife.

All that combined made this trip to SF be a complete friendly success.

San Francisco day 4 – day 5 lundi, 8 octobre 2007

Le lendemain du fabuleux dîner avec des collectionneurs, j’emmène ma femme goûter les délices du Cable Car. C’est d’un charme désuet émouvant. Nous allons jusqu’au terminus, debout en porte à faux sur les marches extérieures du véhicule, pour revenir presque à notre point de départ. Nous cherchons des cadeaux dans les boutiques de China Town. On ne peut pas s’imaginer comme l’invention humaine peut se débrider (excusez cette allusion assez facile) pour créer des horreurs. Elizabeth, la femme de mon ami collectionneur nous conduit à Castro, un quartier qui est en hauteur, peu éloigné des Twin Peaks. Il y a quelque chose qui ressemble à un marché en plein air où s’égaye (excusez encore cette allusion assez facile) une population homosexuelle en pleine revendication d’identité assumée.

Ce qui est assez amusant, c’est de constater que dans le souci de montrer une « altéralité », il y a un immense conformisme. Nous allons ensuite sur les Twin Peaks, ces deux collines qui surplombent la ville, observer sous un autre angle le ballet des avions de chasse, pour la dernière journée de leurs manœuvres aériennes.

(en allant voir les maisons victoriennes d’Alamo Park, je rêvais que des avions passent au dessus des toits. Ce fut fait !)

Un ami californien, James, connaisseur de vins à la sensibilité que j’apprécie, vient avec son épouse nous chercher à notre hôtel. Il nous emmène dans un quartier proche de celui bigarré que nous avions visité, au restaurant Zuni lieu assez branché où nous dégusterons des anchois (house-cured anchovies with celery, Parmesan and niçoise olives), puis des gnocchis (Bellwether farms ricotta gnocchi with chard and pistachios) et la spécialité de la maison (chicken roasted in the brick oven, warm bread salad with scallions). Le repas se finira sur Apple huckleberry tart with vanilla ice cream.

James sort de son cartable un Meursault Charmes Domaine Roulot 1999 qui titre 13,2°. Il le goûte et semble rencontrer un problème. Il demande un seau à glace, attend un peu, et après de longues minutes je suis « autorisé » à percevoir ce dont il s’agit. Le goût de bouchon qu’il avait décelé n’est plus perceptible au nez, mais il est sensible en bouche. Cela gâche évidemment la dégustation. Il se produit alors un phénomène que j’ai maintes fois observé : brusquement, sans crier gare, le goût de bouchon disparaît. Et ce n’est pas une rémission à 90 ou 95%. C’est une rémission totale. Quand un défaut peut être éliminé par l’oxygénation, il l’est à 100%. Le Meursault devient alors sur les anchois très goûteux, et glisse gentiment sur les gnocchis.

Une nouvelle plongée dans la sacoche, et c’est un Chateauneuf-du-Pape Réserve des Célestins Henri Bonneau 1992 qui apparaît. Ce bambin qui affiche 14,5° montre une précocité certaine dans le monde parkérien. Le vin est ultra puissant pour son année, et son charme n’exclut pas une certaine brutalité.

Il se savait outre-Atlantique que ma femme ne boit qu’Yquem. La sacoche devient corne d’abondance en découvrant Château d’Yquem 1986. Ma femme le trouve délicieux aussi aurais-je mauvaise grâce à ajouter le moindre commentaire à ce qui lui a plu. C’est un sauternes qui trouvera son épanouissement dans trente ans.

James est un être sensible et raffiné. J’adore parler de vin avec lui. Ce moment d’amitié est précieux pour moi, porteur de promesses d’autres grands moments de partage. Je travaillerai à l’organisation d’un voyage en Bourgogne avec ce groupe d’amis.

Le lendemain, petit-déjeuner avec Steve Elizabeth et l’un de ses fils pour se dire au revoir et se remémorer ces instants uniques de partage de grands vins. Nous allons ensuite faire du shopping. La baisse du dollar est une incitation à acheter beaucoup.

Nous allons au Pier 39 voir les « sea lions », éléphants de mer qui font la sieste sur un embarcadère. Des achats de cadeaux totalement inutiles mettent un point final à ce voyage de rêve américain. (photo d’une vitrine et les "sea lions du Pier 39)

 

(grosse surprise à notre fenêtre, un ouvrier travaille en extérieur au 39ème étage ! on voit au fond le brouillard venant de l’océan qui traverse par le Golden Gate et va envahir la baie de San Francisco)

 

Le brouillard va envelopper Alcatraz, et ce front de brouillard va progressivement ouater le centre ville.

La progression est spectaculaire.

San Francisco day 3 – le dîner de collectionneurs samedi, 6 octobre 2007

La journée du lendemain doit être calme, car le dîner marquera le point culminant de ce voyage. Ma femme fait du shopping avec Elizabeth, je fais un court shopping de mon côté, et nous prenons place dans notre chambre pour le spectacle du ballet aérien sur la baie de San Francisco. Des milliers de bateaux se sont rangés dans la baie pour se faire des sensations fortes, car les avions vont faire des piqués et raser le haut de leurs mâts. Une foule immense a envahi les quais pour suivre le spectacle particulièrement impressionnant. Le plus vibrant est quand deux avions foncent l’un sur l’autre à moins de cent mètres de hauteur, et dévient leurs trajectoires au dernier moment. Quatre avions en formation serrée passeront sous le Golden Gate Bridge. J’imagine la réaction des automobilistes qui traversent le pont à ce moment-là.

Nous partons avec Steve pour ouvrir les bouteilles au restaurant « Fleur de Lys », accueillis par Marcus Garcia souriant qui se propose de nous aider. Je m’aperçois qu’il n’y a pas de longue mèche, aussi nous partons avec Steve acheter cet accessoire. Le taxi que nous trouvons difficilement, tant la ville est en plein mouvement, ne veut pas nous attendre malgré des palabres. Je serai obligé de rester dans le taxi pour éviter qu’il ne s’en aille pendant que Steve achète l’outil qui me sera utile. J’ouvre le Château Palmer 1947 dont le bouchon est très sec dans sa partie haute et très souple dans sa partie basse. Il sort entier. Ce n’est pas le cas du Château Mouton-Rothschild 1928, magnifique bouteille. Son bouchon imbibé et fragile viendra en plusieurs fois, mais aucun morceau ne tombera dans le liquide, contrairement à ce qui était arrivé pour le Carbonnieux 1928 de la veille. Nous sommes six garçons autour de la table, pendant qu’Elizabeth a regroupé les épouses pour laisser les mâles se livrer à leur passion favorite.

Le menu préparé par Hubert Keller, un chef français, alsacien de Ribeauvillé, et servi par un français fort sympathique est un vrai chef d’œuvre : passed « canapés » / tsar Nicoulaï « select » California osetra caviar accompanied with parsnips blinis / roasted Maine lobster on artichoke purée, citrus salad, porcini oil / boneless quail, scented with a juniper berry & orange essence / Colorado lamb loin & lamb cheek sausage, « tarbais » bean « cassoulet », whole grain mustard & tarragon sauce / venison topped with sauteed foie gras, served with truffled Port wine sauce / assortment of artisanal French cheeses served with rustic fig bread / classic Grand Marnier soufflé served with an orange & cardamom ice cream / assortment of petits fours & chocolates.

Le menu a été exceptionnellement bien traité par Hubert Keller comme l’indiquaient d’emblée les petits canapés d’un raffinement particulier. Le Champagne Brut Classic Deutz en magnum 1975 joue parfaitement son rôle d’ouverture. Doté d’une très belle maturité, il manque sans doute un peu de puissance et de coffre, mais il est très agréable et laisse une belle trace en bouche. Flexible, il s’adapte à tous les caprices des amuse-bouche.

Le champagne Louis Roederer 1959 a un nez très inamical, mais en bouche, si on accepte sa logique, c’est comme un toboggan : on se laisse aller, et c’est bon. On ne se laisse pas impressionner par l’amertume et il devient passionnant. Je suis assez estomaqué par le caviar d’élevage californien qui est d’un goût qui impose le respect. Avec le Roederer, l’harmonie est totale. Ce n’est pas du tout le cas pour le Montrachet Domaine Ramonet en magnum 1996 qui ne veut pas s’associer au caviar. Il est beaucoup plus accueillant envers le homard avec lequel il forme un accord de grande beauté. C’est un bon Montrachet que je trouve un peu scolaire. Il est très élégant, mais sans fanfare.

On constatera dans ce repas que chacun est particulièrement sensible aux vins qu’il a apportés, car ayant voulu faire plaisir aux autres, il les chérit particulièrement. Je ne manque pas d’adopter cette attitude, car dès que je suis servi du Château Palmer 1947 que j’ai inscrit à ce dîner, je le trouve complètement extraordinaire. Il me paraît impossible de rêver mieux. Avec la caille désossée et le ris de veau, c’est parfait. Ce vin est charmeur comme il est difficile de l’imaginer. Il incarne ce que 1947 peut créer de plus beau.

Je vacille, car le deuxième vin que j’ai apporté, rareté extrême, Château Mouton-Rothschild 1928, est encore meilleur, marqué d’une plus forte personnalité. Comme pour le Palmer 1947, le Mouton est d’une couleur d’une jeunesse folle. Le goût est fantastique, très typé. C’est un vin immense, incroyable, à pleurer. Le 1947 est un vin parfait mais équilibré. Le 1928 est invraisemblable. Il a la jeunesse, il a du sel et du poivre, une profondeur qui me touche au-delà du possible. C’est un bonheur total. La profondeur de ce vin est incroyable. Il rejoint mon Panthéon des vins de Bordeaux.

Le Château Latour 1926 de mon ami Steve donne l’impression de ne révéler qu’une partie de ce qu’il pourrait donner. Il a encore tellement de potentiel que c’en est incroyable. Quand nous goûtons le vin un convive dit : « ce vin appelle la truffe », et voilà qu’elle survient ! Ce 1926 est fruité, doux, parfait avec le foie gras, et mal à l’aise avec le gibier qui est trop fort du fait de sa sauce trop intense. Le 1926 a une force de structure qui est spectaculaire. C’est un vin très solide et jeune.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1985 a un nez très DRC (domaine de la Romanée Conti). Il m’évoque des pierres de lave encore en fusion. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1964 a un nez fatigué.

Le 1985 a un goût très poivré, très salé. Sa séduction ne se découvre que si on la recherche. Il va bien avec un fromage « tête de moine », très salé aussi. Le 1964 est plus adouci, plus aqueux, mais d’une trace plus longue. Il est très agréable. L’époisses adoucit le 1985. Le 1964 est charmeur et velouté, il joue en séduction contrairement au 1985. Son final titille et impressionne. Les deux vins du DRC font un contraste et une rupture gustative très forts avec les bordeaux.

Le fromage bleu est trop salé pour accompagner le Château Climens 1937. Ce sauternes, très différent du Suduiraut 1929 qui m’est apparu plus flamboyant a un goût de café, de thé et de tabac. C’est donc une acception moins ensoleillée du sauternes.

Steve a ajouté un vin surprise. C’est un Tokaji Essencia 1856. J’ai déjà bu des Essencias très anciens. Mais ici, on quitte tout repère. Le vin, si l’on peut encore appeler cela du vin, est très épais, incroyablement sucré. On penserait à un « canard », sucre qui aurait trempé dans une liqueur de cassis, de prune et de raisin. C’est un vin qui est différent de tout ce que l’on peut connaître. Il a encore une acidité énorme, qui compense la sucrosité. Il emporte la bouche dans laquelle il a une présence infinie. Une curiosité passionnante que l’on imagine avoir une vie éternelle.

Nous sommes six et nous procédons aux votes de ces dix vins. Neuf d’entre eux auront un vote, ce qui est plus que satisfaisant. Bien évidemment chacun vote pour les vins qu’il a apportés, car il les aime. Le Mouton 1928 recueille trois places de premier, soit pour la moitié de la table, ce qui me fait plaisir après l’ennuyeuse contre-performance du Carbonnieux 1928, et le Latour 1926 en recueille deux. L’Essencia 1856 reçoit un vote de premier.

Le vote du consensus serait : 1 – Mouton 1928, 2 – Latour 1926 et Richebourg DRC 1985, 4 – Palmer 1947.

Mon vote : 1 – Mouton 1928, 2 – Palmer 1947, 3 – Louis Roederer 1959, 4 – Latour 1926.

Le service a été excellent et attentif, la cuisine fut originale, goûteuse, précise. Les amis de Steve sont de grands amateurs de vins, joyeux, décontractés mais réfléchis lorsqu’ils dégustent. Ce fut un dîner d’une rare qualité, amical, aux vins particulièrement brillants. Il justifie sans aucune hésitation le voyage que nous avons fait en terres californiennes.

San Francisco day 2 vendredi, 5 octobre 2007

Avec Elizabeth, la femme de mon ami, nous allons faire du shopping. Dans un immeuble immense, un centre d’achats ressemble à la fois à un souk de Marrakech, aux Puces de Saint-Ouen et à un fourre-tout de China Town. L’objet essentiel de cet ensemble de magasins, ce sont les cadeaux, les bijoux et les diamants. Il y a de grandes tentations à des prix rendus plus doux par la faiblesse du dollar. Nous visitons ensuite le MOMA, le musée d’art moderne de San Francisco, et nous allons déjeuner à Sutro’s, un restaurant qui surplombe la mer sur la côte Pacifique, à côté d’une immense plage de sable où un vent violent projette des vagues qui attirent des kite-surfs. Une barmaid aux gestes adroits, saccadés et efficaces prépare des cocktails pendant que nous attendons qu’une table se libère dans la salle à manger qui donne sur une mer déchaînée.

Nous faisons ensuite une promenade touristique en voiture qui nous conduit au Golden Gate au moment où les « Blue Angels », la patrouille de voltige de l’armée de l’air fait de nouveau des exercices au dessus de la baie de San Francisco.

A 17 heures, je vais avec mon ami Steve ouvrir les vins du dîner familial. Ce sera au restaurant Masa’s, dont le chef est Gregory Short, le chef sommelier Alan Murray, et le maître d’hôtel Adam Lovelace. J’ouvre mes deux bouteilles et Steve les ouvre hors de ma présence, car il ne veut pas que je sache à l’avance les surprises de ce soir. Le bouchon du Carbonnieux 1928 vient en mille morceaux. Les odeurs que révèle la bouteille me paraissent saines. Le bouchon du Suduiraut 1929 vient entier et c’est un parfum capiteux qui envahit la pièce. Nous retournons à l’hôtel pour nous préparer et nous nous retrouvons, Steve, Elizabeth, les deux enfants de Steve, la fiancée de l’aîné, ma femme et moi dans une salle toute petite, qui est l’antichambre de la cave du restaurant. Une table de sept y est dressée. La confidentialité de notre groupe est préservée, mais les émanations de vins dans cette cave mal aérée vont tirer des bâillements toute la soirée de la part de nos hôtes, sensibles au manque d’oxygène.

Le menu est tout un programme : butternut squash soup, brown butter foam / bone marrow custard, truffle sauce, crispy bone marrow / farm raised Siberian Osetra caviar, melted leeks, salsify purée, chive infused oil / German butterball potato salad, applewood smoked bacon, Spanish capers, French cornichons, micro celery, whole grain mustard vinaigrette / whole roasted Hiramé, wilted young spinach, maitake mushrooms, preserved meyer lemon infused broth / sweet butter poached Maine lobster, caramelised baby lettuce, brioche toast, lobster vinaigrette / whole roasted Mallard duck foie gras, French green lentils, jonathan apples, red shiso, apple gastrique / sautéed Paine farmes squab breast, honey roasted quince, wilted young chard, confit leg, “jus de grenadine” / pan-roasted rack of Millbrook farms venison, poached seckel pear, roasted chestnuts, sauce “au poivre” /  Artisan cheese, fleur de maquis (sheep), capricious (goat), Montbriac (cow) / petit sorbet, ginger-orange-carrot “slurpee” / pear charlotte, carmelized pears, raspberries, blackberries, streusel, caramel sherbet.

Tous ces intitulés sont révélateurs de la volonté du chef. Il a réussi un repas de très grande qualité, valant au moins une étoile. Les accords avec les vins n’ont pas toujours été pertinents, mais cela n’a pas empêché de bien les déguster.

Le Champagne Cristal Roederer 1990 est une agréable surprise. Je ne bois pas fréquemment ce champagne, favori d’Elizabeth, et celui-ci me ravit. Donnant déjà des signes de maturité, il a des accents de fruit confit. Dense, typé, de forte personnalité, c’est un grand champagne.

Le Château Olivier, Graves blanc 1945 est d’une couleur d’un or presque mangue. Le nez est policé. En bouche, ce vin pourrait constituer une leçon de choses. Car trop de gens pensent qu’un vin blanc évolué est madérisé. On est en présence d’un vin élégant à qui la maturité a donné une autre personnalité, d’un talent certain. Ce vin de gastronomie est d’un immense plaisir.

Le Château La Gaffelière, Saint-Emilion 1959 est d’une jeunesse folle. Son nez est frais et expressif, et en bouche, on jurerait un 1986. Je suis tellement dérouté par sa jeunesse que je ne profite pas comme il conviendrait de son équilibre joyeux.

Le contraste est fort avec le Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1934 qui lui, fait vraiment son âge. Sa couleur est étonnamment claire, d’un rose maigrelet, mais en bouche, c’est un agréable témoignage de 1934. Pas le meilleur car il accuse une certaine fragilité, mais j’aime beaucoup sa façon de se présenter, l’acidité ne gênant pas le plaisir.

Le Château Carbonnieux 1928 que j’avais senti avec intérêt à l’ouverture affiche maintenant une odeur de bouchon. Ça m’énerve au plus haut point, car cela fait deux bouteilles faibles que je partage avec mon ami Steve, l’Issan 1899 fatigué et ce Carbonnieux 1928 bouchonné. Heureusement, la sauce au poivre du daim permet d’apprécier le vin qui en bouche ne se ressent pas trop de son nez de bouchon. Mais quand même, on ne peut le déguster comme il pourrait être, car il sait être brillant, l’un des beaux exemples de 1928.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée-Conti 1964 me fait sourire en le sentant, car il y a cette signature poivrée qui n’appartient qu’au domaine. Le vin très bourguignon ne peut que me séduire. C’est un vin très agréable et complice même s’il manque un peu de coffre. Il compense par une belle joie de vivre.

Le Château Suduiraut 1929 avait un nez d’une puissance rare à l’ouverture. Il confirme maintenant. D’une couleur très foncée, il offre des arômes d’orange confite, de datte. C’est un vin exceptionnel de plénitude, de joie, de perfection. Il va très bien avec les saveurs de noix et de caramel.

Je n’ai pas fait voter l’ensemble de la table, mais j’ai recueilli le vote de Steve. Il classe ainsi : 1 – Château Olivier 1945, 2 – Château Suduiraut 1929, 3 – Echézeaux DRC 1964, 4 – Château La Gaffelière 1959.

Mon vote est : 1 – Château Suduiraut 1929, 2 – Champagne Cristal Roederer 1990, 3 – Château La Gaffelière 1959, 4 – Echézeaux DRC 1964.

La performance du Suduiraut que j’avais apporté compense ma vexation d’avoir apporté un vin bouchonné. Les vins furent tous très bons à part celui-là. Le chef a réussi son dîner et particulièrement le foie gras et le pigeon, le service fut impeccable. N’était l’absence d’aération de notre salle où nous étions cernés par des rangées de bouteilles de la cave et submergés par des odeurs de vin, ce fut un dîner très agréable, marqué par le désir de partage que nous avons structuré avec cet ami américain.

The wines which were brought to California jeudi, 4 octobre 2007

I used the freight company which works for my friend.

I was highly anxious to ship wines for such a long distance.

 Chateau Carbonnieux 1928 from Nicolas cellar that I have drunk several times, for the first family dinner.

 Chateau Suduiraut 1929, one of my favorite Sauternes, for the family dinner.

 Chateau Palmer 1947 for the collectors’ dinner (the label went apart. My friend put some glu on it to fix it on the bottle)

 

Chateau Mouton Rothschild 1928 with a very nice label, for the collectors’ dinner.

 

A "Chypre Ferré" with no indication of year but should be from 1845 as my other Cyprus wines. A gift to my friend.

 

Chateau Palmer 1966 bottled by Mähler Besse, a gift to my friend.

Californie – day one jeudi, 4 octobre 2007

Départ aux Etats-Unis pour retrouver un ami collectionneur. Le voyage débute dès Roissy, où l’on peut prendre la mesure des effets du gigantisme. Dès que l’on est enregistré après avoir serpenté dans les files d’attente, ce ne sont pas moins de huit contrôleurs qui vérifieront successivement que nous sommes bien porteurs de titres de voyage et de papiers d’identité conformes au chemin que nous suivons. Autre signe : lorsque les portes de l’avion se ferment après vérification de la présence de tous les voyageurs, il nous faudra une demi-heure avant que les roues de notre avion ne quittent le macadam. L’humanité reprendra le dessus avec notre steward, jovial, drôle même, qui égaye notre voyage par des remarques souriantes, naïves parfois mais d’une grande gentillesse.  Les repas qui sont servis dans le ciel, au lieu de prendre de la hauteur, sont d’un morne horizon. Et les vins que l’on propose, qui ont peut-être plu à l’acheteur de la compagnie aérienne pour leurs prix attractifs, sont un rempart contre la propagation de l’alcoolisme, car on n’y touche pas. Faut-il absolument manger cantine quand on est transporté par une compagnie française ?

Les formalités douanières sont conformes à leur réputation, pour montrer que l’entrée dans le paradis du  Far West se mérite. L’arrivée sur San Francisco en taxi est riche d’impressions et d’évocations. Nous entrons à l’hôtel Mandarin Oriental où le chef concierge s’adresse à moi comme si j’étais l’empereur de Chine. Il risque quelques mots en français, du meilleur chic, et tout dans l’accueil est ici feutré, policé, motivé et concerné. Notre chambre d’angle, au 39ème étage a deux fenêtres qui regardent vers le centre ville et une autre qui offre en spectacle le Golden Gate Bridge ainsi que la baie de San Francisco et Alcatras. Le luxe fait du bien.

Il faut du temps pour accorder l’heure biologique à l’heure locale. Et nous ne sommes pas aidés par une alerte au feu qui se déclenche vers 3 heures du matin. Quand on est au 39ème étage, les réflexions ne sont pas les mêmes, et l’on ne peut s’empêcher de penser au 11 septembre. Le temps de trouver ce que j’emporterais avec moi, je me retrouve dans le couloir quand l’on annonce fausse alerte. Si l’alerte avait été réelle et avait entraîné une panique, ma lenteur aurait conduit à graver mon nom sur un mémorial.

Golden Gate, Japanese Tea garden, Union Street shops, Lombard Street et ses rues serpentines, Union Square où l’on prend un café, et soudain, le ciel vrombit. Pendant trois heures, tous les avions les plus rapides de l’armée de l’air, et les antiques avions de voltige vont sillonner le ciel dans un vacarme étourdissant. Revenus dans notre chambre nous assistons à des exercices de voltige extraordinaires, en préparation d’une grande parade qui aura lieu dans quelques jours. Nous sommes aux premières loges pour contempler ce spectacle frissonnant. Voir des simulacres d’attaques de buildings pourrait paraître de mauvais goût, mais l’Amérique est ainsi faite.

Nos amis arrivent au même hôtel, où ils séjourneront avec nous, bien qu’ils habitent dans le voisinage. C’est une preuve certaine d’amitié, et une sage précaution en prévision de ce que l’on va boire.

Nous invitons nos amis à dîner au restaurant de l’hôtel Mandarin Oriental. C’est ici même que nous avions dîné il y a un peu plus d’un an avec cet ami, sur Cristal Roederer 1949 et Mouton-Rothschild 1926. Le jeune chef avait fait alors un repas admirable. Celui de ce soir marque une baisse sensible de qualité. Une huître perd son âme sur une mousse trop épicée, des coquilles Saint-Jacques sont en procédure de divorce avec la garniture trop épicée à base d’avocat (seared scallop, crab carbonara, smoked avocado). Le bœuf de Kobe japonais, traité de façon classique (Japanese Kobe beef skirt steak, sunchoke puree), est parfait. Le dessert (pear cake, buttermilk panna cotta, shiso green apple sorbet) crée une rupture gustative qui tue les vins. Et l’après dessert à base de chocolat chaud et de bière brune fait crier au secours un palais chaviré.

J’ai manqué de réactivité en ne renvoyant pas un champagne Krug Grande Cuvée trop amer et acide. Je m’en ouvris trop tard au chef sommelier qui visiblement n’avait pas envie de reprendre ce vin. Les deux grands moments furent d’une part le Corton-Charlemagne Vincent Girardin 2003 absolument délicieux, goûteux, expressif, d’une belle définition et d’une longueur appréciable. Ce vin élégant a beaucoup de qualités. L’autre fut le Clos de Vougeot Grand Cru domaine Méo Camuzet 2002, bourgogne d’un charme particulier et d’une authenticité remarquable. Ce vin accompagne le bœuf avec une fidélité exemplaire. Au moment des retrouvailles après nos agapes d’il y a cinq mois, marquées par un Mouton 1945 et un Pol Roger 1921, on ne retiendra que ces deux vins, le blanc et le rouge, au plaisir certain.