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expérience inoubliable au restaurant El Bulli et un vilain désagrément samedi, 2 juin 2007

Un grand jour se prépare car un ami vigneron nous a aidés, ma femme et moi, à trouver une place au restaurant El Bulli. L’arrivée à l’aéroport de Perpignan commence par un salut au Canigou, qui de son sommet contemple des vins parmi les plus grands de mon coeur, les Rivesaltes, les Banyuls, les Maury,  vins gorgés de soleil. Nous longeons la côte extrêmement ventée jusqu’à Roses en passant par les ravissants villages de Collioure et de Cadaquès. A Roses, l’hôtel Vistabella surplombe la mer dans le même esprit que l’hôtel des Roches au Lavandou. Ici, la protection du littoral n’a pas des règles aussi strictes qu’en France et les constructions s’ajoutent de façon anarchique. L’hôtel est confortable, notre chambre est agréable. On nous dit qu’il y a un restaurant gastronomique animé par un nominé pour une étoile pour le guide Michelin. Nous prenons donc le grand menu dégustation pour vérifier cette assertion. Je m’étais promis de ne pas boire de vin, mais la lecture de la carte des vins me fait céder. Je jette mon dévolu sur  Vieux Château Certan 2000. Je suis assez subjugué par sa perfection. Plus que de dire c’est un authentique Pomerol, je dirais : c’est un authentique Bordeaux. Il a le charme que tout bordeaux devrait avoir. Elégant sans forcer, subtil, c’est un grand vin. Il n’y a pas beaucoup de bordeaux que je mettrais à ce niveau là, du fait de cette élégance sans artifice. Le menu dégustation d’un chef extrêmement talentueux oscille entre la création pour le seul fait de créer et la cuisine la plus subtilement exécutée qui soit. Nous avons longuement commenté avec lui chacune de ses préparations lorsqu’il a rejoint notre table. Ces commentaires lui ont plu. Un chef qui promet car son talent est rare, mais qui se cherche encore. Il va se trouver.

Il y aura avant le 2 juin 2007 et après le 2 juin 2007. J’ai connu des renaissances comme celle qu’occasionna un ami libanais amoureux des vins qui me dit : « connais-tu les vins d’Henri Jayer ? ». Je ne connaissais pas et j’ai pris conscience de l’abîme de mon ignorance. Avoir gâché tant d’années en passant à côté de ce qui se faisait de plus pur dans les vins de Bourgogne m’a donné une profonde culpabilité. En ce jour, savoir que j’ai attendu 64 ans avant de découvrir El Bulli me montre une erreur de même magnitude. Ce soir, c’est une seconde naissance. Cette soirée, je la vis comme la pomme de Newton. Il y a avant et après. C’est la découverte de la roue, c’est l’apparition de Léonard de Vinci ou de Picasso. Je ne pourrai plus jamais regarder la meilleure des cuisines par le monde sans penser que là-bas, dans ces terres inhospitalières, sur cette crique féerique qui s’enfonce dans des paysages lunaires, il y a un chef qui a tout vu, tout compris, tout réinventé en faisant jouer les goûts sur des registres totalement inexplorés. Il y a dans cette cuisine une prise de hauteur que je n’ai jamais rencontrée. Ferran Adria repousse toutes les limites de ce que je connaissais en matière culinaire. Il y a dès la première bouchée la sensation que l’on est embarqué dans un vaisseau extragalactique. Il serait vain de décrire ce qui est indescriptible. Tout dépasse les limites de tout ce que j’ai vécu.

Revenons un instant en arrière. Nous sommes à notre hôtel, le Vistabella parce que la vue est belle sur la mer et l’on nous suggère de prendre un taxi. Nous empruntons une route escarpée sinueuse, qui s’engage dans des paysages inviolés irréels. C’est l’Irlande, c’est lunaire, d’une beauté à couper le souffle. On distingue une crique qui protège du vent très fort qui souffle encore. Nous entrons dans une petite propriété où l’on sent que tout est soigné. Je n’arrive pas à trouver la porte d’entrée aussi mes pas me portent le long des cuisines où Ferran Adria donne ses consignes à un personnel fort jeune.

Nous entrons dans un couloir et nous sommes accueillis avec le sourire. « Voulez-vous visiter les cuisines ? ». Nous disons oui. « Attention à la marche » doit être répété des centaines de fois. Nous entrons et nous sommes photographiés avec le maître qui se demandait s’il fallait ou non qu’il soit de la photo.

On nous présente le serveur qui va accompagner notre voyage. Le sommelier est tout sourire et m’apporte le lourd livre de cave. M’attendant à une forte diversité de goût, je choisis le seul vin qui me paraît pouvoir tenir l’ensemble du repas : Champagne Salon 1982. Ce Salon 1982 est en ce moment dans sa période de plénitude absolue. Il est dans la force la plus belle qu’il ne connaîtra sans doute à nouveau que dans quelque vingt ans. Le sommelier eut cette remarque qui signe l’excellence du sens du service : « vous savez, j’ai vu votre site internet ». Serais-je reconnu en ces terres aussi reculées ? Plus tard il a montré à quelques uns de ses adjoints le champagne d’exception que j’avais choisi. Je suis particulièrement fier d’avoir commandé ce vin car à aucun moment, alors que nos papilles font les montagnes russes, le Salon 1982 n’a failli à sa tâche. Il fut exact sur toutes les saveurs, les mettant en valeur, ayant l’intelligence de toutes les situations. Ce champagne parfait a fait un parcours sans faute.

Le menu n’est pas traduit mais il me semble indispensable de le citer : cosmopolitan-mallow / aceitunas verdes sféricas-l / frutas LYO / pepitas de oro / merengue-profiteroles de remolacha y yogur / catanias saladas / corteza de cerdo con olivas negras / « corteza » de pistacho con gorgonzola / bizcocho de pistachos con mousse de leche acida / bizcocho de sésamo y miso / dacqoise de pina verde y pinones / flores de horchata / bombones de mandarina, cacahuete y curri / fondant de frambuesas con wasabi y vinagre de frambuesa / yogur de ostras con px en tempura / judion con panceta Joselito / merengue de tonica Fever-Tree con fresitas al limon / anchoa con jamon y yuba de yogur / risotto de citricos / gnoquis de polenta con café, yuba al azafran y margarita / esparragos en diferentes cocciones / won-ton liquido / topinambour con bacalao / ventresca de caballa en escabeche de pollo con cebolla y caviar de vinagre / raya / rabo de cordero con won-ton de setas / jugo de liebre / torta canarejal con frutos rotos / frutas escarchadas / cereza de oro / Morphings … Les photos de tous ces plats seront sur le blog.

Chaque moment est fascinant. Chaque texture est étudiée, et le processus d’évolution du goût en bouche est éblouissant. Je m’attendais à me laisser guider dans une excursion gustative où j’aurais l’esprit ouvert de la découverte. Je n’eus aucun besoin de me forcer tant j’allais d’émerveillement en émerveillement. Je pense n’avoir jamais participé à un dîner de cette qualité. Il n’est aucune comparaison possible avec quelque chef que ce soit. Sur trente plats, même si l’on boit lentement, il arrive un moment où le Salon tarit. Et le sommelier m’apporte un Amantillado O?ana Garvey Jerez-Manzanilla de Sanlùcar. Je le bois sur le jus de lièvre et c’est tétanisant de justesse. Pour le dessert, le sommelier m’ouvre un Dom Berenguer Solera 1918 De Muller Priorat, un grenache fort doucereux, idéal pour les desserts.

Le service est exemplaire, sobre et efficace, intervenant quand cela se justifie.

La soirée fut malheureusement assombrie par un événement fâcheux. Lorsque nous goûtions un délicieux maquereau, ma femme me fit part d’un goût fort désagréable que je ne sentais pas. Peu de temps après, prise de malaise, elle prit l’air, ne finissant pas son repas. Sa nuit fut commandée par une forte intoxication alimentaire avec vomissements. Au-delà de cet incident, je fus surpris, quand tout l’hôtel sut le lendemain matin que la dame du 115 était malade, car l’on me dit : « vous étiez à El Bulli, ça ne nous étonne pas, car c’est assez fréquent ». Je préfère imaginer que ceci n’a pas été dit. Le malaise de ma femme se prolongea la nuit suivante, ce qui est fort long. Mon étonnement se fit plus fort lorsque la masseuse de l’hôtel me dit : « il m’arrive souvent de masser des gens qui sont allés à El Bulli et qui ont vomi la nuit ».

Laissons à ce désagrément le statut d’accident, qui démontre qu’en cuisine, même les génies sont des hommes. Je tiens à conserver le souvenir de l’excellence absolue. Sur les trente services il n’y a que deux plats auxquels je n’ai pas adhéré ce qui n’est pas important. J’aurais aimé que l’on donne à chaque plat une petite fiche qui explique la volonté du Maître et les saveurs qu’il veut faire apparaître et j’aurais aimé que l’on fasse des commentaires finaux sur l’ordre choisi dans la succession des plats, car c’est un aspect fascinant de son génie. Alors que ma femme repose, mise sur le flanc par un vilain poisson ou une vilaine algue, c’est à elle que je donnerai le mot de la fin. Elle me dit : « si notre taxi avait été en retard, cela ne justifierait pas que nous critiquions El Bulli. J’ai eu un accident qui ne remet pas en cause le génie de ce cuisinier ». Je lui dis : « si je te propose de revenir très vite en ce lieu, le souhaites-tu ? ». Sa réponse fut : « j’attendrai quand même un peu ».

El Bulli – dîner – 1 samedi, 2 juin 2007

Le cocktail de bienvenue :

 

Les premières entrées :

 

la sensation d’olive est très étrange

 

on s’installe instantanément dans des gammes de goûts uniques

 

Ces bouchées sont irréelles de complexité.

 

Le cône doit être badigeonné d’un yaourt que je n’ai pas photographié

 

Ce qui ressemble à une algue ou une éponge est délicieux, et la meringue est irréelle

il y a normalement quatre de ces soucoupes mais j’ai réagi tardivement pour prendre la photo. C’est fondant, glacé, sur un lit gazeux

 

J’ai photographié la petite cuiller, car cette mesure de capacité est amusante.

 on va de surprise en surprise

El Bulli – dîner – 2 samedi, 2 juin 2007

Dans le verre, l’huître est assez étonnante. En bouche on a une représentation spatiale de l’huître.

 

Des goûts assez étranges, dont les algues

 

C’est le plat dans cette feuille d’or qui m’a le moins convaincu, car il n’y avait aucune logique de combinaison de goûts

délicieux poisson

 

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Ces deux plats sont délicieux, mais j’ai été subjugué par la texture des asperges

 

On est depuis quelques plats dans la partie la plus créative de la cuisine de Ferran Adria

 

 C’est sur ce plat que ma femme a commencé à ressentir les signes d’un malaise. Elle avait en bouche un goût de maquereau que je ne ressentais pas.

El Bulli – dîner – 3 samedi, 2 juin 2007

Ce filet de raie évoque par son dessin des aventures diaboliques. Voici le vin qui devait compenser la soudaine décrue de Salon 1982 : Amantillado O?ana Garvey Jerez-Manzanilla de Sanlùcar.

 

Quelle belle couleur !

 

A droite ce qui sera l’esquisse d’un jus de lièvre. Pas évident mon cher Watson !

 

plat éblouissant de lièvre, rehaussé par le vin.

le lièvre et le vin

 

magnifique grenache : Dom Berenguer Solera 1918 De Muller Priorat

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une fontaine de bonheur

une pipette pour la mûre 

la couleur du 1918 comparée à celle du Salon 1982

 

merveilleux dessert

la fiche de service de notre serveur

 

les mignardises

 

déjeuner au Bistrot du Sommelier mercredi, 30 mai 2007

A peine réveillé, je me rends au rituel déjeuner de conscrits qui se tient au Bistrot du sommelier. Nous sommes dans le petit salon au fond de la cour ce qui permet de débrider nos propos. Je suis en charge de choisir les vins même si je n’invite pas. Connaissant bien l’ami qui invite, je laisse libre cours à mon voyage dans l’intelligente et solide carte des vins de Philippe Faure-Brac.

Le Champagne Zoémie de Sousa cuvée merveille 50% chardonnay, 40% pinot noir et 10% pinot meunier dégorgé en octobre 2005 est d’une maison d’Avize que j’aime particulièrement. Mais cette cuvée merveille ne m’émerveilla pas. Son discours est plutôt banal. Est-ce mon humeur qui n’était pas à l’apprécier ? Je ne l’exclue pas.

Le Château Laville Haut-Brion 1983 au contraire chante à mes papilles. Voilà un immense vin de Bordeaux avec un fumé délicat qui me réconcilie après le pâle 1958 que j’avais apporté au dîner chez Laurent. Ce vin blanc intensément expressif est un compagnon de folle gastronomie.

Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1996 que Mona, jeune sommelière dont je dirai un mot, me fait sentir, a l’expression d’un bourgogne. Je hume, je réfléchis, et l’image bourguignonne ne cesse de se renforcer. Ce vin d’une subtilité infinie, est un monde en soi. Car il montre qu’il existe un autre Châteauneuf-du-Pape, plein d’un charme exquis.

J’ai une inclination particulière pour l’année 1997 pour les grands vins de Marcel Guigal. Et la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1997 ne fait pas mentir cet amour. Ce vin est absolument immense. D’emblée, il séduit le palais par un envoûtement terriblement sensuel. Et ce que j’aime de l’année 1997 c’est qu’elle est de faible puissance. Et cette Landonne chante un fado qui me prend au plus profond de mon être. Ce vin subjugue mes convives. C’est de la sensualité écorchée sous un discours politiquement mesuré. Un vin à reboire et reboire sans modération. C’est Mona qui nous suggère le Château Les Justices Sauternes 1999 et j’acquiesce car j’ai une amitié particulière pour la famille Médeville qui fait de si grands sauternes. Ce Justices est un chef d’œuvre d’équilibre joyeux. On est évidemment encore dans les limbes d’une année qui n’est pas la plus spectaculaire, mais ce vin joyeux se boit avec bonheur.

pause dans le Sud entre dux dîners de wine-dinners samedi, 26 mai 2007

Le cœur encore enflammé par les délicieux vins du dîner chez Laurent, je vole vite vers le Sud car un autre dîner de wine-dinners m’attend dans cinq jours. Je ne me consacre qu’à mon bateau et à un nécessaire repos, juste troublé par une Côte Rôtie La Mordorée Chapoutier 1998 que je trouve absolument charmante. Facile à vivre, facile à lire, ce vin donne un plaisir franc. Que demander de plus. Ces vins du Rhône ont une approche qui me convient.

Clos Sainte Hune 1976 et Bienvenue Bâtard Montrachet 1999 mercredi, 23 mai 2007

I had met the director of a magazine specialised in wine, and he had considered the idea that I could write in it on old wines as I do regularly in a Swedish magazine. He had insisted that we have lunch together and the day before, his secretary calls me and says : “Mr XX is happy to have lunch with you. Has the place been decided between you ?”. I say no, and she proposes to reserve in a restaurant, and asks me if there is a place where I feel well. I say “Laurent”, and she sends me an email confirming that she has booked.

This morning, the lady calls me and says that Mr XX wants to talk with me. He says that he is happy that we meet, but says : “I would be happy to know who invites whom. Because if it is you, I will be happy to go to Laurent, but if it is me, I will have to choose another place, as we have rules and budgets for invitations”. I say that there is no problem and I invite him.

I arrive first, and I ask Ghislain to prepare a Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1976, a year that I specially love, and we will choose the other wine with the menu.

I suggest that we have crab with the Sainte Hune, and I propose an unconventional try, which is to associate a pigeon to white wine. Philippe Bourguignon, the remarkable director of the place smiles and says that it should be interesting, and I take a Bienvenue Batard Montrachet Domaine Leflaive 1999.

The Sainte Hune appears a little too cold, so the first sip has citrus and a disagreeable taste of glycerine. But the colour is so nice, of prune gold, that it promises a lot. And the wine expands in the glass and broadens with air and becomes ageless, completely balanced and logically structured. It is a wine of perfection. And the crab enlarges even more the wine.

We are happy.

The Bienvenue has a more pale and green yellow colour, has a smell with a fantastic complexity, and on the taste of the meat of the pigeon, it gains a complexity which is my complete pleasure. My guest is not so much at ease with this association, but personally, I find it quite exciting. The wine has a complexity that is above the one of many Montrachet. It has not the body, the power of a Montrachet, but it compensates it by this extreme variety of directions of tastes. It is obviously a great wine. It is elegant, romantic, playing on its subtlety.

We finish the two wines with cheese and some mignardises.

The restaurant Laurent is obviously a fantastic place which should never had lost one star. We were in the garden and it was delightful. The service is perfect and the food was great. Philippe had added morels to the pigeon to go with the Burgundy.

This was happiness. Will I write in the magazine ? I have probably built the first subject of a future paper, if I forget the beginning of my story.

déjeuner au restaurant Laurent avec un patron de presse mercredi, 23 mai 2007

En plusieurs occasions, j’avais rencontré le directeur de l’une des plus grandes revues du vin en France. Nous trouvant voisins de table au dernier dîner au château de Beaune où furent servis des vins légendaires de la cave de Bouchard Père & Fils, nous convînmes de nous revoir. Je l’invite au restaurant Laurent. Arrivant, comme souvent, très largement avant mon convive et ayant le choix des armes, je cherche dans la belle carte des vins de quoi faire une expérience intéressante. Je demande à Ghislain de préparer un Clos Sainte Hune, riesling Trimbach 1976, d’une année que j’affectionne, et nous déciderons du deuxième vin quand mon invité sera là.

Je propose que nous prenions l’araignée qu’Alain Pégouret prépare si élégamment, et que nous fassions l’expérience d’associer un pigeon avec  des vins blancs. Philippe Bourguignon, le remarquable directeur de cet endroit sourit de l’essai que je veux faire et dit : “ça peut marcher”. Je choisis un Bienvenue Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 1999.

Le Sainte-Hune apparaît un peu trop froid, aussi le premier contact est acide et glycériné. Mais la couleur est tellement belle, de prune dorée, que ce vin promet d’être grand. Et quand il s’épanouit dans le verre, il devient intemporel, d’un équilibre rare et d’une structure d’une logique profonde. C’est un vin de perfection que l’araignée élargit encore. A ce stade, nous sommes heureux.

Le Bienvenue a une couleur plus pâle tendant vers le jaune citron. Son nez est d’une complexité fantastique. En bouche, sur le pigeon, il trouve un accélérateur de complexité ce qui me comble d’aise. Mon camarade d’essai n’est pas aussi convaincu de la pertinence de la combinaison, mais à mon goût, c’est une association osée que j’adore. Ce Bienvenue a une complexité qui est très supérieure à celle de beaucoup de Montrachet. Il n’a pas le corps et la puissance d’un Montrachet, le sommet de la gamme des blancs de Bourgogne, mais il compense par l’extrême variété des directions gustatives explorées. C’est manifestement un très grand vin, élégant, romantique, jouant sur sa subtilité.

Nous finissons les deux vins sur des fromages et sur des mignardises. Le restaurant Laurent est un endroit au confort naturel. Il est évident qu’il n’eût jamais dû perdre sa deuxième étoile. Nous étions dans le jardin au charme rare. Le service est parfait, l’équipe souriante. Une attention qui montre où nous sommes : sachant que le pigeon serait goûté sur des blancs, Philippe Bourguignon a fait ajouter des morilles au plat. C’est au guide de s’apercevoir qu’on est là au paradis.

déjeuner cosmopolite chez Yvan Roux samedi, 19 mai 2007

Un australien qui contribue (en français dans le texte) sur le forum de Robert Parker m’annonce sa visite en famille dans le Sud de la France. Il est prévu que nous l’accueillions dans notre maison du Sud en même temps qu’un amateur de vins hollandais d’un autre forum accompagné de son fils. Tout ce groupe arrive à l’heure de l’apéritif et j’ouvre un Champagne Salon en magnum 1995. Etait-ce l’importance du groupe, je n’ai pas trouvé dans ce grand champagne l’émotion que j’éprouve habituellement. Il lui manque sans doute quelques années de cave car il n’est pas impossible qu’il connaisse en ce moment un léger repli.

Yvan Roux nous a dressé une table face à la mer et nous a fait l’immense plaisir de n’accepter aucun autre convive. Nous allons être seuls à profiter de son talent. La cuisine étant ouverte sur l’espace qui nous est réservé, nous avons tout loisir d’admirer ce qu’Yvan a préparé avec sa générosité coutumière. Nous prenons force photos et Yvan nous coupe des tranches de Pata Negra qui accompagnent les restes des vins de la veille, le  Chateau Pibarnon Bandol 1990, doux, civilisé, soyeux, charmant, trouvant sa place exacte en bouche et le Châteauneuf-du-Pape Domaine du Vieux Télégraphe 1990 hautement expressif, talentueux, et vibrant de l’accord avec le jambon gras.

Nous nous asseyons à la grande table donnant à tous une belle vue sur les îles et la presqu’île, et nous commençons par Chateauneuf du Pape “Pure” domaine La Barroche 2004 sur des asperges et du poisson quasi cru. Le « Pure » est une bombe. Il a un taux d’alcool extrêmement élevé que je situerais au dessus de 15° mais il est élégant, franc, facile à vivre, et en aucun cas excessif. Comme je savais que mon ami hollandais Harry, qui prépare un livre sur les Châteauneuf-du-Pape, viendrait avec des vins surpuissants, j’ai apporté « R » de Rimauresq, Côtes de Provence 2003. Ces deux vins sont dans la même ligue, des vins à réveiller les maures. J’ai trouvé que le spectre aromatique du vin régional est plus large que celui du vin papal. Les deux vins sont bons, même s’ils n’appartiennent pas vraiment aux types de goûts que je recherche.

Nous avons sur table de fines tranches de poisson juste poêlées avec des fleurs de courgettes. Sur ce plat et sur le Saint-pierre, c’est l’occasion de goûter Ridge Monte Bello Cabernet Sauvignon 1981, cadeau de mon hôte australien et Châteauneuf-du-Pape Domaine de Saint Préfert 1990 de Mr Serre que j’ai pris dans ma cave. Le charme du Chateauneuf est certain, avec une belle personnalité, mais c’est le Ridge qui me conquiert, faisant de l’ombre au Saint-Préfert. Ce Ridge est si beau ! Il a de la douceur, du sucré, sur un corps solide et structuré. Ce nouvel ami ayant demandé que j’ouvre son second cadeau, le Dominus de Christian Moueix 1987, je le fis, mais ce ne fut pas un service à lui rendre, car le Dominus apparaît strict, fermé, sans référence californienne, offrant plutôt des accents de Pomerol, ce qui ne surprend pas.

Yvan nous prépara à ma demande des tranches de mangue juste poêlées qui firent avec Château d’Yquem 1986 un numéro de trapézistes coordonné au millième de seconde. Mes amis n’en reviennent pas.

Sur le dessert au chocolat, où la croûte solide enserre un fondant le Maury La Coume du Roy 1925 conclut cette « séance » où ce sont les accords qui comptent plus que les valeurs intrinsèques des vins.

Ce déjeuner ayant bien duré quatre heures, nous entreprîmes avec les enfants des uns et des autres de jouer au tennis ce qui acheva de me tuer. Les amis australiens nous quittèrent et nous restâmes avec nos hollandais. Il y avait assez de vins à finir. Le champagne Salon a gagné de l’ampleur, le Saint-Préfert est nettement plus épanoui et expressif, alors que le Dominus reste ronchon. Ma femme refit quelques tranches de mangue pour que nous nous pâmions de nouveau sur le reste d’Yquem 1986.

Ce fut intéressant de rencontrer des amateurs de vins avec qui j’échange sur la Toile. L’atmosphère est dans ces cas-là immédiatement chaleureuse, comme si nous nous connaissions de toujours. Le Ridge, qui m’évoque par certains aspects le charme de Vega Sicilia Unico fut la vedette de cette journée.

Salon, Ridge, Dominus, Yquem, and several Chateauneuf with Loren Sonkin and friends samedi, 19 mai 2007

Loren Sonkin had informed me about a trip that he would do in France. We decided that he would come with his wife and his children to our house in the South of France. As a friend of mine, a Dutch man, Harry, had planned to visit us, we organised a meeting by our house with Loren and his family and with Harry and his son.

They arrived for lunch time and we had for aperitif a Champagne Salon in magnum 1995. The champagne is obviously a great champagne, but I was not so impressed, as it did not give the emotion that I like in Salon. What was missing ? I would be unable to say. Probably just only some years of cellaring, despite a convenient format of magnum.

We went to a restaurant near our house which is completely confidential. No sign, no name, no indication to find the place. The restaurant was booked for us only and as the chef is a friend, we could organise the lunch to our will, with our wines.

We looked at what was prepared as the kitchen opens in the dining room, and we drank with a Pata Negra two wines that I had kept after a dinner of 1.5 day before : Chateau Pibarnon Bandol 1990 which is very sweet, civilised, velvety, charming and filling gently the mouth. The other is Chateauneuf-du-Pape Domaine du Vieux Télégraphe 1990, highly expressive, talented wine matching very well the fat ham.

(the wines among whom we chose the wines of the lunch)

(Yvan Roux was preparing some small tomatoes and he prepared the accompaniement of our fishes)

We sit at the table with a wonderful view on the sea and the islands, and we begin with Chateauneuf du Pape “Pure” domaine La Barroche 2004, on asparagus and fish.

The “Pure” is a bomb. It has an extremely high level of alcohol, certainly above 15°, but it is elegant, frank, easy going, and by no mean excessive. As I knew that Harry would bring a wine of this kind, I had brought with me “R” of Rimauresq Cotes de Provence 2003. It is in the same league of very expressive wines with an enormous power. I found that the Cotes de Provence has a broader spectrum of tastes than the Chateauneuf du Pape. But the two wines were good, even if they do not belong to the usual tastes that I try to find.

(The "Pure" and the Saint-Prefert)

Then we had flowers of courgette with simply cooked slices of grouper. On that and on John Dory fish, we had a Ridge Monte Bello Cabernet Sauvignon 1981, a gift of Loren, and a Chateauneuf du Pape Domaine de Saint Préfert 1990 of Mr Serre that I had brought. The Chateauneuf is an excellent wine, with a very high personality, but the charm of the Ridge conquers me and makes shadow to the Saint Préfert. It is so nice ! It has sweetness, softness, and has a great personality. I loved this wine, and it made Loren happy. So he asked that we open his other gift, Dominus of Christian Moueix 1987. This wine, after the Ridge seems very strict, stiff, with no Californian reference. It is more Pomerol like.

We had then slices of mango with Chateau d’Yquem 1986 (two halves). The combination is fantastic and my friends laughed when I told them so many times : “chew and sip the smallest quantity of wine” (I said that minimum ten times).

We had then a chocolate dessert, with a solid cake including a liquid chocolate. It went with a Maury La Coume du Roy 1925 which was absolutely delicious and completely adapted to the dessert.

After such a long lunch, we played tennis, which finished killing me. Loren and his family drove back to Aix en Provence. Harry and his son had dinner by our home, and we finished the wines of the lunch. The Saint-Préfert was largely better now, and surpassed the Dominus which remained strict and a little too simple. The Yquem was glorious with mango as we had on the lunch.

This was a good opportunity to meet people that I knew only through their messages on the mark Squires forum, and to meet Harry with whom I had shared some dinners in New York and Paris. The wines were pleasant, and the atmosphere was peaceful and smiling. The wine which made me particularly happy is the Ridge 1981, which, in a way, evokes the Vega Sicilia Unico, as it has density, a sharp structure, and a gentleness which makes me feel well.

We have spent a very friendly day, by a wonderful weather along the sea.