Archives de catégorie : dîners ou repas privés

déjeuner au restaurant de l’hôtel Saint James à Bouliac jeudi, 17 avril 2008

Joli petit amuse- bouche et salade de calmar

 

Deux plats très épicés. Les cuisses de grenouille sont délicieuses. Quant au plat de bar, dommage qu’il soit perdu dans une imposante montagne de saveurs très typées.

Sur la photo de ce sorbet et dés de banane on peut imaginer la trace de droite sur l’assiette comme l’encre lancée par une seiche troublée.

 

dîner à la « Poudette » à Pujols avec de grands vins jeudi, 17 avril 2008

Je vais chercher mon ami S., collectionneur américain à son hôtel, le Plaisance à Saint-Emilion. En contrebas, des vaches multicolores.

 

En attendant mon ami, je constate que dans la belle salle à manger du Plaisance, derrière une vitre, s’offrent des Pavie bien sûr, mais aussi des vins anciens respectables.

 

Jambon de cochon noir au toast aillé et belle pièce de boeuf. Cuisine de grand plaisir.

Champagne Krug Grande Cuvée non millésimé.

 

Chateau des Fougères, la Folie de Montesquieu, Graves 2006 apporté par Corinne et Patrick Baseden, propriétaires.

 

Chateau Haut-Brion blanc 1985 (les vins qui suivent, et celui-ci ont été apportés par mon ami S.)

 

Chateau Latour à Pomerol 1964 et Romanée Saint Vivant Marey Monge Domaine de la Romanée Conti 1969, deux vins sublimes.*

 

Autres vues de ce Romanée Saint-Vivant.

Bas Armagnac Chateau de Gaube Francis Darroze 1971 offert par le patron.

Ermitage Chave Cuvée Cathelin 1998 mardi, 15 avril 2008

Mon épouse adore le restaurant Laurent. Pour fêter un anniversaire de mariage dont on  ne compte plus les années, puisqu’on aime, il est tout naturel d’y aller. Dès notre arrivée, nous nous sentons bien. Toute l’équipe est souriante et aux petits soins pour nous. Connaissant tous les plats, il n’y aura pas de surprise avec les langoustines et les pieds de porc. Je choisis un Ermitage Chave Cuvée Cathelin 1998. Lorsque j’avais ouvert ce vin pour un réveillon dans ma maison du Sud, je savais que je commettais un infanticide, mais j’ai aimé la découverte. Lorsqu’un ami présent au réveillon en partagea un quelques mois plus tard avec moi au restaurant Laurent, ce bambin avait la saveur de l’amitié. Ici, alors que je suis seul à boire, je me rends compte qu’il faut lui appliquer la formule mitterrandienne, « il faut laisser du temps au temps ». Ce vin a tout pour lui, son fruit est immense, sa générosité est hors norme. Mais laissons-lui le temps de se domestiquer. N’ayant consommé qu’une partie de la bouteille, je la conservai pour en faire profiter les amis que je vais retrouver.

 

Deux plats "culte".

 L’Ermitage Chave Cuvée Cathelin 1998 bu ce soir et qui sera partagé au siège du champagne Salon avec des amis.

brunch au Kube dimanche, 13 avril 2008

Le lendemain toujours en famille, nous allons prendre un brunch dominical au Kube, un hôtel branché qui est du même groupe que le restaurant Murano.

Avant le brunch, chez ma fille, mon gendre ouvre un Dom Pérignon 1999. Un goût de bouchon nous a rebutés.

La décoration résolument moderne du Kube est très inspirante. C’est jeune, coloré, imaginatif. On se sent bien. Le service est attentionné et dégourdi. La cuisine est sommaire mais comme c’est un brunch on peut picorer ce qui nous fait plaisir. Une jeune fille belle comme une Madone vient nous proposer d’aller regarder une exposition de l’artiste qui a pendu des tableaux sur toutes les cimaises. Les futurs Warhol ont encore du travail. Je fais ouvrir un champagne Krug Grande Cuvée fort adapté à cet exercice. Tout le monde est en jean, les enfants gambadent, l’atmosphère est à la joie de vivre en famille. Quelques belles bulles sur un camembert et c’est un rayon de soleil qui prouve que partout, un essai gastronomique peut donner du bonheur au cœur.

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Dîner de famille impromptu samedi, 12 avril 2008

Dîner de famille impromptu. J’ouvre un champagne Taillevent rosé 1988 élaboré par Deutz. La couleur est d’un rose intense de grand raffinement. Le nez est avenant et en bouche, ce champagne me réconcilie avec les rosés. D’une grande pureté ce champagne élégant est très intense et charmant. L’âge lui va bien. J’ai prélevé en cave au hasard un Nuits-Saint-Georges Ed. Loiseau 1982. Au vu de l’étiquette, il n’y a pas de miracle à attendre sur un délicieux gigot à l’ail de mon épouse. Nous sentons, c’est délicieusement avenant. La couleur est clairette, et dès que nous portons ce vin à nos lèvres, mon fils et moi nous nous regardons. Qui de nous deux dira le premier que c’est sacrément beau ? Il y a dans ce vin simple un très beau fruit joyeux, et ce frisson bourguignon qui encanaille le cœur. Comment imaginer qu’un tel vin nous donne tant de plaisir ? Il ne faut pas le dire, car serions-nous crus ?

 

 

dîner chez un ami amoureux des vins anciens samedi, 5 avril 2008

Nous arrivons chez nos amis qui avaient partagé avec nous l’impressionnante verticale de Pommard Epenots du domaine Parent il y a deux mois. Lui est un habitué de mes dîners, fanatique des vins anciens. Elle est plus raisonnable et sera hélas collée à ses fourneaux, car elle a placé la barre très haut pour réaliser des plats délicieux d’une cuisine raffinée.

Comme nous sommes en avance, Lionel m’annonce qu’il envisage de ne pas servir un Hermitage blanc Ozier 1945 car un de ses amis qui n’apprécie pas les vins anciens pourrait le rejeter. Nous le goûtons et je morigène mon ami, car ne pas boire ce vin ce soir serait un crime. Ce vin a un nez intense et en bouche, il est pénétrant. Il pourrait bien sûr conduire à des contresens, si on ne comprend pas son évolution. Mais il est intense, profond et délicieux. Les autres amis arrivent, tous des quadras actifs et dynamiques, souriants, et nous commençons par un Champagne Gosset rosé.

Je le trouve très agréable, expressif et goûteux, sans l’amertume habituelle de certains rosés. Avec les petits sablés au parmesan, c’est un bonheur. Toujours à l’apéritif, nous goûtons un Corton Charlemagne Louis Latour 1981. Le nez est extrêmement généreux, le vin est de grande qualité, même s’il n’est pas tonitruant, ce que l’année explique.

Un des amis a apporté un Hermitage blanc Chave 1983. Puissant, mais sans excès, typé, il est un excellent « faire-valoir » de l’Hermitage 1945 et l’ami qui émet souvent des réserves sur les vins anciens en convient. Le plus jeune est très rassurant et bien fait, mais le plus âgé, plus concentré, plus expressif, a une trace en bouche quasi éternelle par rapport à ce jeune Chave. Un consommé de foie gras agrémenté d’une délicieuse madeleine au foie gras et un consommé de cèpes à l’ail s’harmonisent parfaitement à ces grands blancs.

Le passage aux rouges se fait avec un Château d’Issan 1926 absolument merveilleux. Il y a dans cette année une capacité à l’envoûtement quasi irrésistible. Le vin a une couleur d’une grande jeunesse, d’un rubis profond, un nez séducteur et en bouche, c’est un festival de framboises, de grande race. Nous en jouissons. C’est alors le tour d’un magnum de Château Léoville-Las-Cases 1952. La couleur est aussi jeune, le nez est un peu moins charmeur et en bouche, c’est un Saint-Julien de belle facture. Le vin est un peu strict mais se boit avec un  grand bonheur. Sur la lotte, l’accord est judicieux.

Pour les fromages, Lionel nous sert un Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1982. Le charme bourguignon, le charme spécifique du domaine agissent redoutablement. Le côté salin est ici d’une belle évidence, et s’ajoute aux touches terriennes. Sa longueur est infinie. Sur l’un des fromages, l’accord joue magnifiquement. Je me suis amusé à expliquer comment profiter au mieux des accords vins et fromages en supprimant le pain et en salivant abondamment. Dans une atmosphère où le studieux cédait au plaisantin, ces recommandations surprirent plus d’un  par leur pertinence.

Nous essayons un stilton sur un Château Raymond Lafon 1943, délicate attention de mon ami. Le bouchon déclare « contigu d’Yquem », comme pour se rassurer. Le vin a tellement mangé son sucre qu’il est carrément sec, et son alcool ressort. Il est d’un charme énigmatique, déclinant des saveurs intrigantes, et nous offre un grand plaisir sur le très complexe et goûteux dessert de notre hôtesse. Il est cependant dans une évolution plus avancée que son année ne devrait créer.

Globalement, les vins de mon ami ont été d’une qualité remarquable, surtout les rouges. Mais c’est la générosité qui me marque le plus. Si je devais classer mes préférences, je le ferais ainsi : 1 – Château d’Issan 1926, 2 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1982, 3 – Hermitage blanc Ozier 1945, 4 – Château Raymond Lafon 1943. La qualité des discussions, la générosité de mon ami, le talent culinaire de la maîtresse de maison, je ne sais pas classer ces qualités-là.

 

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Pour ses 40 ans, Jean Philippe Durand nous traite avec des vins royaux vendredi, 28 mars 2008

Pour ses 40 ans, Jean Philippe Durand nous traite avec des vins royaux

L’ami qui pourrait aisément troquer sa blouse de médecin pour celle de grand chef veut fêter ses quarante ans. Il invite un petit groupe d’amis qu’il considère comme des amateurs de vins et de gastronomie et nous nous retrouvons  à six pour dîner au restaurant de l’hôtel Bristol. Jean-Philippe était déjà venu mettre au point le menu avec Eric Fréchon et Jérôme Moreau. C’était au même moment que nous déjeunions chez Laurent où nous avons bu le Royal Kébir 1923. Jean-Philippe serait probablement venu s’il n’avait cette importante mise au point.

Avez-vous déjà remarqué que les retardataires à un rendez-vous sont les seuls qui ont connu d’épouvantables conditions de circulation ? Pour punir les contrevenants, j’avais suggéré que nous ouvrions le champagne « de secours », le champagne Jacques Selosse 1998. Mais la vengeance étant un vin qui se boit froid, Jérôme a voulu attendre que la température soit idéale et nos amis indisciplinés ont eu l’insolente chance d’arriver au moment où on leur glissait en main une coupe de ce délicieux breuvage. Ce petit retard ne porta pas à conséquence. Le champagne évoque du caramel, de la brioche et du beurre et l’un des amis lui trouve « le goût anglais » des champagnes déjà matures. Dans la coupe le goût évolue et quelques minutes plus tard c’est le pamplemousse qui fait son apparition. Ce champagne précis plait à nos papilles.

Nous passons à table et nos noms sont inscrits sur de petits cartons. Face à l’ami fêté, je tourne le dos à la salle et je peux  voir la tapisserie encadrée de forts beaux lambris qui enserrent aussi au plafond des scènes mièvres de jeunes femmes entre Jugendstil  et art naïf. L’arrivée du « Y » d’Yquem 1968 est un grand plaisir pour Jean-Philippe qui se demandait ce que ce vin donnerait. La couleur est d’un ambre clair, le nez est la copie conforme de celui d’un Yquem qui a « mangé » son sucre, comme l’on dit, et avec l’un des amis nous conviendrons que cet « Y » a des accents d’Yquem 1932. En bouche, le cousinage avec Yquem est assez caractéristique. Sur la sucette de thon mariné, écume de wasabi, très originale, l’Y se cherche. Sur le millefeuille de foie gras et anguille fumée, ne cherchons pas, l’Y devient Yquem, explosant d’une joie communicative. Nous sommes heureux. Le dé de gelée d’eau de mer et bigorneaux est croquant et marin, mais n’interpelle pas l’Y qui ne sait comment se placer. Et l’huître en coque de concombre absolument divine fait revenir l’Y dans sa plus pure définition. L’Y redevient un vin sec avec une longueur respectable. Nous serons divisés en deux camps, ceux qui au sein de ces quatre entrées trouvent que le meilleur accord est entre l’Y et le foie gras et ceux qui comme moi pensent que l’huître, en remettant l’Y dans sa vraie définition, a produit un accord de tout premier plan.

On nous sert maintenant le Champagne Krug Clos du Mesnil 1988. Le nez de ce champagne est un parfum d’une intensité inimaginable. Nous sommes envahis. La bulle est d’une grande finesse. Et l’impression qui me vient est celle de la visite d’une cathédrale pendant un office. On est gagné par la ferveur. En tenant la coupe entre les mains, c’est comme si je porte le Saint-Sacrement. Ce champagne d’une pureté inégalable est la définition la plus immanente du champagne parfait. Nous sommes comme un groupe d’amis qui aurait acheté un billet de loterie et qui constate que le numéro est gagnant. Le Krug est si parfait que l’on ne veut pas y croire, comme ce numéro qu’on relit dix fois pour se persuader que c’est vrai. Les macaronis farcis d’artichaut et de foie gras, truffe noir et gratinés au vieux parmesan sont un des piliers de la cuisine d’Eric Fréchon. Mais avec le Krug le courant ne passe pas. Nous sommes quelques tricheurs à avoir repris de l’Y sur les macaronis pour constater que l’accord est spectaculaire, l’Y trompetant au dessus du Krug sans toutefois attenter à sa dignité. Le Clos du Mesnil a une longueur en bouche faite de groseilles blanches et de fleurs blanches renversante.

Le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1998 joue un jeu parfait et très attendu. Peu de surprise avec ce grand vin. C’est l’accord avec le homard bleu rôti à la broche, polenta moelleuse d’asperge verte aux truffes noires qui va nous laisser sans voix. Disons-le tout de suite, si le niveau de trois étoiles Michelin devait avoir un étalon, ce serait le homard bleu d’Eric Fréchon exécuté magistralement. Et l’accord qui se forme est intéressant à plus d’un titre. Il existe des accords d’interpénétration, où le plat et le vin se modifient l’un l’autre dans leur mariage. Cet accord est ici de juxtaposition, c’est-à-dire que ni le plat ni le vin ne changent leur personnalité, mais ils se marient naturellement avec une justesse de ton idéale. L’accord d’interpénétration serait un tango et l’accord de juxtaposition serait un menuet. J’imagine volontiers le dialogue qui se noue entre le plat et le vin. Le vin dit au plat : « tu veux être mis en valeur ? Je suis d’accord de te faire briller ». Et le plat répond : « tu veux que je te donne une belle longueur ? Je te la donne ». Cet accord dont j’analyse bouchée par bouchée la pertinence me captive absolument. Le vin naturellement grand joue comme on pouvait s’y attendre un jeu ample, puissant, de belle complexité. J’étais plus concentré sur le plat d’un goût qui m’a conquis.

L’ami ayant quarante ans, c’est un Château Margaux 1968 qui survient maintenant. D’une couleur rose clairet, ce vin se présente avec un coffre supérieur à ce qu’on attend de 1968. Je vois mes amis faire force compliments sur ce vin et je dois dire que je suis nettement plus en retrait. Car si l’attaque en bouche est opulente, le final très court et un peu amer laisse mon palais sur sa faim. Le ris de veau de lait braisé, écrasée de pommes de terre ratte, jus à l’essence de truffe noire est une redite puisque j’ai eu le même plat au déjeuner de ce jour. La qualité du ris et de la pomme de terre est exemplaire. J’aurais toutefois supprimé la truffe pour que le ris de veau mette plus en valeur le vin gracile qui mérite, malgré ma réserve, notre intérêt.

Deux énormes vessies se présentent renfermant la poularde de Bresse cuite aux écrevisses, royale d’abats et girolles. On nous sert le Romanée Saint Vivant Domaine de la Romanée Conti 1978. Lorsque Jérôme apporte sur table les bouchons des vins de ce dîner, c’est assez incroyable de constater que le bouchon très pur, non encore modifié par l’âge a une poussière de couleur noire à son sommet qui sent la terre de la cave de la Romanée Conti. Constance, constance ! La prise de possession de mon cerveau par ce vin tient de l’envoûtement. Ce vin est la définition lexicale de la personnalité du domaine de la Romanée Conti. Il y a toute la noblesse et l’énigme de la Bourgogne, le salin de la Romanée Conti, et cette étrange complexité qui n’appartient qu’au domaine. Notre excitation est à son comble. Car nous sommes tous les six des aficionados des vins du domaine. Le vin est prodigieusement déroutant et envoûtant, et c’est la royale d’abats qui lui parle le mieux.

Un des amis pense que le roquefort se mariera mieux que le stilton au Château d’Yquem 1988. Je ne parie même pas que ce sera le stilton, car un KO au premier round est une victoire trop facile pour justifier un pari. Mon ami convient que l’écart est sans conteste en faveur du stilton. L’Yquem 1988 me pose beaucoup de questions. Alors que c’est pour moi le leader du trio 1988, 1989, 1990, je le trouve d’une banalité intrigante. J’exprime sans trop insister mes réserves sur ce vin et le coup de grâce va être asséné par le Château d’Yquem 1968 qui arrive insolent de beauté dans sa robe d’un acajou royal. Car le 1968 a une personnalité sans comparaison avec le 1988. C’est un Yquem expressif, interpellant, où le thé, le poivre cohabitent avec la mangue, le santal et le coing. Le 1968, c’est le chanteur engagé alors que le 1988, c’est le notable endormi qui joue sur sa réputation. Le dessert, pamplemousse, mangue caramélisée, sorbet fruit de la passion a tous les ingrédients pour coller à l’Yquem ; mais un excès de sucre est refusé par ce sauternes subtil.

Nous n’avons pas voté puisqu’il ne s’agissait pas d’un de mes dîners mais du dîner organisé par Jean-Philippe avec qui je partage beaucoup de sensibilités dans les choix de composition d’un dîner. Mais j’ai exprimé mon choix. Le premier est le Krug Clos du Mesnil 1988. Le deuxième est le Château d’Yquem 1968 car cette personnalité rare d’Yquem mérite d’être mise en valeur. Mes amis se partagent entre ceux qui ont le même deuxième que moi et ceux qui intervertissent avec mon troisième, le Romanée Saint Vivant Domaine de la Romanée Conti 1978, parfaite définition du talent de ce domaine à l’envoûtement certain. Le quatrième est pour mon goût le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1998, mais on aurait pu, comme Jean-Philippe, mettre l’Y 1968 en quatrième devant le Leflaive.

Nous étions six, tous connaisseurs ou passionnés de vins anciens, aussi la communion de pensée, les réactions simultanées ont ajouté à notre plaisir. Dans ce cadre enchanteur, avec un engagement motivé de toute l’équipe du Bristol, nous avons passé un grand moment de gastronomie et d’amitié. Les vins ont été de haut niveau, parfois inconnus comme les trois 1968, et nous avons, cerise sur le gâteau, profité d’un accord émouvant, celui du homard et du Chevalier-Montrachet. Jean-Philippe a été d’une extrême générosité. Il faudrait décréter que les anniversaires se fêtent tous les mois et non tous les ans !

dîner au Bristol – les photos 28 MARS 2008 vendredi, 28 mars 2008

La salle et notre table, avant le dîner.

Champagne Jacques Selosse 1998 dégorgé au début 2007.

Les quatre entrées arrivent en pirogue, et c’est l’huître qui manie la pagaie.

L’Y d’Yquem 1968

Les macaronis

Le champagne Krug Clos du Mesnil 1988

Le magique homard bleu

Le Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1998

Le ris de veau avant et après l’ajout de truffes. Il me semble que le Château Margaux eût plus brillé sans la truffe.

Château Margaux 1968

Effet de vessie

Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1978. C’est un Morey-Monge.

Château d’Yquem 1988

Château d’Yquem 1968 (sur la photo de gauche, la couleur de l’Yquem 1968 est à comparer à celle de l’Y 1968 dans les verres).

Le dessert

Evidemment, Jean Philippe a quelque chose de plus …

Le tableau de famille final

Les bouchons ont toujours quelque chose à dire

La table avec sa forêt de verres

déjeuner avec La Tâche 1956 vendredi, 28 mars 2008

L’ami qui a apporté le Vega Sicilia au déjeuner chez Laurent doit fêter l’anniversaire d’un des ses amis né en 1956. Il a prévu de lui ouvrir La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956 et me demande si je veux me joindre à eux. Une telle idée ne se refuse pas. J’arrive au restaurant La Truffe Noire à Neuilly-sur-Seine et mon ami attend avec la bouteille de La Tâche ouverte ce matin à 8 heures. Le niveau est assez bas et le bouchon, comme d’habitude, est noir sur les trois quarts de sa longueur, et sent encore, plus de quatre heures après l’ouverture, la terre noire légèrement humide. Je sens le vin par le goulot. La terre, le sel, l’humus et une certaine acidité sont perceptibles.

Mon ami a aussi prévu un vin blanc de Hongrie, un Tokaji Furmint Mandolas Oremus 2004 qui présente la caractéristique d’être produit et distribué par Vega Sicilia Unico. Ce vin titre 13°. Nous voyagerons aussi avec un vin espagnol Priorat L’Ermita 1995 vieilles vignes.

Le fêté arrive et selon la tradition des restaurants de truffes, on nous fait sentir un bocal de truffes. Et, surprise, surprise, ça sent la truffe.

Les asperges vertes sont croquantes à souhait, mais trois seulement, ça fait un peu chichounet. Le vin blanc a de l’expression, d’une modernité colorée. Il ne brille pas par une intelligence évidente et s’apparente trop à des vins internationaux aux traits grossiers, mais le jugement s’adoucit sur la nourriture dont il avait besoin.

Le ris de veau est délicieux, traité avec intelligence et la truffe lui apporte plus qu’elle ne le fait aux asperges. Mon ami me verse le premier verre de La Tâche, d’une couleur inquiétante. La couleur tuile est orangée, le vin n’est pas très homogène. Je sens qu’un léger soupçon de bouchon, infime, se déclare. La cause est-elle entendue ? Tout l’indique. Et c’est à ce moment que l’on prend conscience de l’inanité de tout préjugé sur le vin. Mon ami complète mon verre d’un peu du milieu de la bouteille, ce qui donne plus de consistance à la couleur, et le goût en bouche ne reflète plus la vieillesse que les yeux et le nez détectaient. Il y a dans le goût des racines bourguignonnes, du sel comme souvent dans les vins du domaine. Puis comme l’effeuilleuse qui enchaîne les suggestions dans une savante progression, on voit apparaître de l’écorce d’orange, du pruneau et de la rose joliment exposée. Mais c’est surtout le charme qui envoûte, délicieusement féminin, raffiné, et notre plaisir n’est pas de l’autosuggestion, il est réel. Bien sûr, en filigrane, la fatigue du vin n’est pas absente. Mais le charme et le plaisir dominent. Jamais la première approche n’aurait indiqué un tel niveau de qualité. Il y a l’originalité de La Tâche, poussée ici vers une séduction rare. Cette année 1956 très porteuse de risques sait parfois faire émerger des pépites. La Tâche 1956 en est une.

Le Priorat qui arrive à la suite fait un peu équarisseur dans un magasin de lingerie fine. Mes amis l’éreintent un peu et je leur fais remarquer que si ce vin était associé à un vin français de la même trempe, il serait loin de jouer les seconds rôles. Bien sûr, ce vin est influencé par toutes les tendances des vins modernes. Il ne donne pas dans la dentelle et la finesse des tannins n’est certainement pas le commentaire qui le concerne. Il arrache les gencives. Mais dans un autre contexte, je le trouverais volontiers plaisant. L’ami fêté nous a offert le repas. Les excès de générosité ont ceci d’intéressant qu’ils sont contagieux et qu’on devient rapidement accro. Ces plaisirs auront des suites.