dîner chez un ami amoureux des vins ancienssamedi, 5 avril 2008

Nous arrivons chez nos amis qui avaient partagé avec nous l’impressionnante verticale de Pommard Epenots du domaine Parent il y a deux mois. Lui est un habitué de mes dîners, fanatique des vins anciens. Elle est plus raisonnable et sera hélas collée à ses fourneaux, car elle a placé la barre très haut pour réaliser des plats délicieux d’une cuisine raffinée.

Comme nous sommes en avance, Lionel m’annonce qu’il envisage de ne pas servir un Hermitage blanc Ozier 1945 car un de ses amis qui n’apprécie pas les vins anciens pourrait le rejeter. Nous le goûtons et je morigène mon ami, car ne pas boire ce vin ce soir serait un crime. Ce vin a un nez intense et en bouche, il est pénétrant. Il pourrait bien sûr conduire à des contresens, si on ne comprend pas son évolution. Mais il est intense, profond et délicieux. Les autres amis arrivent, tous des quadras actifs et dynamiques, souriants, et nous commençons par un Champagne Gosset rosé.

Je le trouve très agréable, expressif et goûteux, sans l’amertume habituelle de certains rosés. Avec les petits sablés au parmesan, c’est un bonheur. Toujours à l’apéritif, nous goûtons un Corton Charlemagne Louis Latour 1981. Le nez est extrêmement généreux, le vin est de grande qualité, même s’il n’est pas tonitruant, ce que l’année explique.

Un des amis a apporté un Hermitage blanc Chave 1983. Puissant, mais sans excès, typé, il est un excellent « faire-valoir » de l’Hermitage 1945 et l’ami qui émet souvent des réserves sur les vins anciens en convient. Le plus jeune est très rassurant et bien fait, mais le plus âgé, plus concentré, plus expressif, a une trace en bouche quasi éternelle par rapport à ce jeune Chave. Un consommé de foie gras agrémenté d’une délicieuse madeleine au foie gras et un consommé de cèpes à l’ail s’harmonisent parfaitement à ces grands blancs.

Le passage aux rouges se fait avec un Château d’Issan 1926 absolument merveilleux. Il y a dans cette année une capacité à l’envoûtement quasi irrésistible. Le vin a une couleur d’une grande jeunesse, d’un rubis profond, un nez séducteur et en bouche, c’est un festival de framboises, de grande race. Nous en jouissons. C’est alors le tour d’un magnum de Château Léoville-Las-Cases 1952. La couleur est aussi jeune, le nez est un peu moins charmeur et en bouche, c’est un Saint-Julien de belle facture. Le vin est un peu strict mais se boit avec un  grand bonheur. Sur la lotte, l’accord est judicieux.

Pour les fromages, Lionel nous sert un Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1982. Le charme bourguignon, le charme spécifique du domaine agissent redoutablement. Le côté salin est ici d’une belle évidence, et s’ajoute aux touches terriennes. Sa longueur est infinie. Sur l’un des fromages, l’accord joue magnifiquement. Je me suis amusé à expliquer comment profiter au mieux des accords vins et fromages en supprimant le pain et en salivant abondamment. Dans une atmosphère où le studieux cédait au plaisantin, ces recommandations surprirent plus d’un  par leur pertinence.

Nous essayons un stilton sur un Château Raymond Lafon 1943, délicate attention de mon ami. Le bouchon déclare « contigu d’Yquem », comme pour se rassurer. Le vin a tellement mangé son sucre qu’il est carrément sec, et son alcool ressort. Il est d’un charme énigmatique, déclinant des saveurs intrigantes, et nous offre un grand plaisir sur le très complexe et goûteux dessert de notre hôtesse. Il est cependant dans une évolution plus avancée que son année ne devrait créer.

Globalement, les vins de mon ami ont été d’une qualité remarquable, surtout les rouges. Mais c’est la générosité qui me marque le plus. Si je devais classer mes préférences, je le ferais ainsi : 1 – Château d’Issan 1926, 2 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1982, 3 – Hermitage blanc Ozier 1945, 4 – Château Raymond Lafon 1943. La qualité des discussions, la générosité de mon ami, le talent culinaire de la maîtresse de maison, je ne sais pas classer ces qualités-là.

 

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