Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Les amis de l’ami de Marc Veyrat au restaurant Ledoyen mercredi, 29 avril 2009

Nous nous appelons les amis de Marc Veyrat. Il serait plus logique de nous baptiser : « les amis d’un ami de Marc Veyrat », car un seul d’entre nous, notre cornac dans l’univers merveilleux de Marc Veyrat, peut prétendre à ce titre. Il y a longtemps que nous ne sommes pas allés déjeuner ou dîner dans un restaurant de Marc Veyrat, du fait des restructurations et convalescences du Maître, aussi rendez-vous est-il pris au restaurant Ledoyen car nous apprécions tous la cuisine de Christian Le Squer.

Avec l’ami (le vrai), nous explorons tous deux la carte des vins où il est possible de dénicher de belles pioches. C’est à signaler. Il y a bien sûr comme partout des prix inaccessibles, mais d’autres sont convenables. Le Champagne Jacquessson non dosé 1988 à dégorgement tardif est un champagne qui a déjà pris un bel or. La bulle est active et le champagne combine élégamment une belle jeunesse et un début de maturité. Il est agréable, mais il manque quand même un peu d’une petite once de folie. Les amuse-bouche donnent un aperçu de la sensibilité culinaire du chef. J’aime beaucoup son art des suggestions et sa mise en valeur des saveurs marines.

Dès la première gorgée du « Y » d’Yquem 1985, nous savons que nous avons gagné le gros lot. Car ce vin est un miracle. Tout en lui est au faîte de la gloire. Le nez est opulent, généreux, évoquant la magie d’Yquem. En bouche le vin est évidemment sec mais il aime esquisser le mystère du botrytis dont il n’est pas atteint. Ce vin est immense. Et la variation sur le thème du mousseron le fait chanter plus encore. Nous sommes au septième ciel culinaire.

Hélas, trois fois hélas, nous pensions avoir fait une bonne pioche en commandant un Clos de la Roche Domaine Armand Rousseau 1991, année que le « vrai ami » et moi adorons en Bourgogne, mais ce n’est pas ça. La couleur du rouge est assez grisée. Le nez est légèrement acide et le goût du vin est coincé, délavé. Le vin n’a aucune ampleur, aucune générosité. Alors bien sûr il se boit, bien sûr on reconnaît le travail bien fait. Mais on est loin du plaisir que nous attendions d’un vin d’un domaine que nous aimons.

Le pigeon traité comme un orientaliste peindrait un paysage, a la peau qui craquelle d’un doré de sérail. Les épices abondent et c’eût été un mauvais choix de plat avec un Clos de la Roche parfait, aussi savourons-nous le plat pour lui-même. On est loin du Le Squer défendant sa Bretagne dans ces recettes-là. Les dattes fourrées au citron parviennent à tirer deux ou trois mots du bourgogne bégayant.

Le Château Climens Barsac 1976 n’en parait que plus beau. D’une belle année de Sauternes et Barsac, ce vin opulent et chaud illumine nos sourires par sa richesse dorée. Le dessert où cohabitent le pamplemousse et l’écorce d’orange confite se marie au Barsac dans la consanguinité assumée.

J’avais écrit aux participants du dîner de ce soir : « surtout ne buvez pas de vin au déjeuner et ne mangez pas trop ». Quand j’ai quitté la table vers 16 heures, je mesurai avec effroi que j’allais remettre le couvert pour un dîner de onze vins. Mais je ne regrette pas ce déjeuner d’amitié dont le « Y » d’Yquem représente un bijou.

déjeuner au restaurant Ledoyen – 13 photos mercredi, 29 avril 2009

Le chic de Ledoyen, qui rappelle le chic de la période des Lejeune, où l’on dînait sur des nappes en dentelle avec des couverts en vermeil.

Cette photo doit vous donner envie de cliquer sur la suite, pour voir les douze autres.

Les quatre vins que nous avons partagés entre amis

Champagne Jacquesson 1988 non dosé et « Y » d’Yquem 1985

Clos de la Roche Domaine Armand Rousseau 1991

Château Climens Barsac 1976

apéritif et amuse-bouche

raviolis de mousserons et pigeon

Le sublime dessert parfait pour le Climens (surtout la peau d’orange caramélisée)

Grande Cascade – photos samedi, 25 avril 2009

Champagne Egly-Ouriet 2000

Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1992

amuse-bouche

lisette pochée aux condiments, gelée de crabe vert, rémoulade de céleri et raifort wasabi

pavé de cabillaud, grosse morille farcie aux légumes verts, avec une émulsion de chorizo (avant et après service de l’émulsion)

merveilleux dessert à la fraise et mignardises

 

Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1992 au restaurant de la Grande Cascade samedi, 25 avril 2009

Il fait beau depuis dix jours à Paris. La météo nous annonce un samedi pluvieux. Spéculant sur une incertitude des professionnels de la prévision, nous réservons à déjeuner au restaurant de la Grande Cascade. Un de nos jeunes amis, ancien partenaire de squash, est entrepreneur. Il a investi à Tahiti il y a peu de temps et ses plans changent avec l’ampleur de la crise. Il est de passage à Paris. C’est l’occasion de l’inviter.

L’accueil dans cette bonbonnière Second Empire est toujours aussi chaleureux. Les météorologues ne se sont pas trompés mais cela ne changera rien à notre humeur joyeuse. Dans la carte des vins du restaurant, je commande deux champagnes.

Le premier est un Champagne Egly-Ouriet Brut 2000, issu de vieilles vignes d’Ambonnay. Le champagne est hélas trop froid, ce qui limite considérablement le plaisir. Dès la première gorgée, on sent qu’il s’agit d’un grand champagne. Il a été dégorgé en janvier 2008 et a donc connu un passage en cave de 78 mois. Extrêmement typé et vineux, il est fortement imprégnant et jamais je ne me départirai de la gêne que sa bulle me cause. Elle est tellement lourde et pénétrante qu’elle darde la langue comme le croc d’une vipère. Quand je m’en ouvre à Emma, charmante sommelière et de plus compétente, elle me dit qu’elle avait hésité à nous proposer de carafer ce champagne. C’eût été une bonne initiative. Un petit amuse-bouche à base de homard prépare bien le palais, suivi d’une petite croquette de cabillaud et un jus d’asperge au lait d’amande. A chaque saveur le champagne répond présent. Puissant, multiforme, il est à son aise. Mais la lourde bulle m’obsède toujours.

Dans le menu suggéré dont le prix est très doux, j’ai choisi la lisette pochée aux condiments, gelée de crabe vert, rémoulade de céleri et raifort wasabi. Le plat est délicieux, et la lisette est délicieusement adaptée au champagne dont la robe est déjà ambrée d’un or guerrier.

Le deuxième champagne est une pépite, une rareté, une légende, c’est le Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1992. C’est un blanc de noirs. Emma m’annonce que c’est la dernière de la cave du restaurant. Je lui ai servi un verre, car il ne faut pas laisser passer de telles occasions. Le champagne avait été ouvert en même temps que l’Egly-Ouriet aussi a-t-il eu le temps de se réchauffer. Là aussi, la première gorgée est déterminante. L’image qui me vient instantanément est celle d’un « glockenspiel », d’un carillon qui fait sonner une multitude de petites clochettes. Car ce champagne est d’une complexité infinie. Sa bulle est extrêmement fine, et son goût est merveilleux. Ce vin d’une parcelle minuscule provient de deux vignes de pinot noir non greffées et non touchées par le phylloxéra, cultivées en foule comme on le faisait jadis, selon une technique de développement de la vigne par provignage et assiselage qui donne une impression de joyeux désordre mais répond à un usage séculaire de reproduction de la vigne en s’affranchissant de la linéarité. C’est assez intéressant puisqu’il s’agit de vignes pré-phylloxériques, ce qui est rare, mais quelle est l’influence sur le goût, je ne le sais pas. C’est un champagne d’esthète qui ne se livre pas facilement, car il faut un dictionnaire gustatif pour savoir le lire. J’ai choisi un pavé de cabillaud, grosse morille farcie aux légumes verts, avec une émulsion de chorizo. J’ai pris la précaution de faire déposer l’émulsion à part, pour tenter l’accord du champagne avec la chair seule. Et c’est absolument divin. Le champagne est noble, prenant des notes de fleurs et de fruits blancs comme la chair du goûteux poisson. L’accord avec l’émulsion fonctionne aussi, mais la virilité du chorizo correspond peu au pianotage discret du champagne subtil. La confrontation est malgré tout excitante. Le dessert est à base de fraise gariguette, comme un fraisier à la pistache. Ces saveurs tirent aussi des accents charmants du champagne à la longueur inextinguible. J’avais gardé un verre du précédent champagne. Il a perdu de sa bulle et il devient charmant, floral, printanier, et beaucoup plus amène. Il n’a pas la complexité du Bollinger qui continue à distiller sa palette de saveurs. Les deux champagnes sont brillants. Je suis heureux d’avoir eu accès à ces champagnes grâce à la politique tarifaire intelligente pratiquée par la Grande Cascade. Il pleuvait légèrement sur le beau jardin printanier. Mais sur des plats bien exécutés, dans une ambiance agréable, ces vins rares ont mis du soleil dans nos cœurs.

repas de famille restaurant Astrance jeudi, 23 avril 2009

De longue date, un repas de famille est prévu au restaurant Astrance. Nous serons huit dont mes trois enfants et leurs conjoints, ma femme et moi. J’ai envie de programmer des vins des années de naissance de chacun. Mon fils est de 1969. Il y aura un Champagne Besserat de Bellefon 1969. Mon gendre est de 1970. Il y aura un Champagne Dom Pérignon 1970. Mon autre gendre est de 1966. Il y aura Château Palmer 1966. Ma fille aînée est de 1967. Il y aura un Chambolle-Musigny Bouchard Père & Fils 1967. Ma fille cadette est de 1974. Il y aura La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1974. Mais ma fille est enceinte. Alors ce sera un magnum ! Je suis de 1943 (mille fois hélas). Il y aura un Château La Mission Haut-Brion 1943. Ma femme est de XXXX. Alors, il y aura un Clos Haut-Peyraguey qui a eu la délicatesse d’effacer son millésime.

Ma bru (quel affreux mot pour ma belle-fille) est de 1966. Ce sera Château d’Yquem 1966. Mais j’apprends que ma bru ne sera pas là. Quel dommage qu’elle ne puisse venir. Le vin ne sera pas ‘bru’.

Christophe Rohat m’a demandé de ne venir qu’à 18h30, car tout le monde prend une pause entre les deux services. A l’heure dite, j’entre par une porte dérobée du côté de la minuscule cuisine qui bourdonne pour préparer les plats du dîner. Et je suis déjà en place quand arrive Pascal Barbot toujours aussi souriant. Je profite de sa présence pour lui faire sentir les bouteilles que j’ouvre ce qui permet de composer le menu ensemble. Le Palmer 1966 a une odeur prometteuse. La Tâche 1974 combine assez bien salinité et fruits rouges. La Mission Haut-Brion 1943 a une odeur un peu fanée mais on sent que le retour en vie sera rapide et que la puissance sera au rendez-vous. En ouvrant la bouteille je découvre l’année du sauternes qui est 1959, une grande année. Deux bouteilles ne seront pas ouvertes, celle de 1967 et l’Yquem 1966. J’ai le temps de me promener dans les rues avoisinantes par un printemps ensoleillé qui fait percer les boutons des fleurs. Les cônes de fleurs blanches tachées de rouge des marronniers pointent vers le ciel, formant des chandeliers qui célébrent le sacre de cette belle saison.

Le menu composé par Pascal Barbot est le suivant : parmesan crémeux, thym / brioche tiède, beurre au romarin et citron / foie gras mariné au verjus, galette de champignons de Paris, pâte de citron confit / langoustine pochée, pâte d’algue Kombu, condiment langoustine / rouget au naturel, feuille d’arroche, pok, chaï, crème d’anchois, sardine et anchois fumé / carré de veau de lait, fondue de parmesan, tomme d’Auvergne gratinée, morilles cuisinées, jus de viande / épaule de cochon de lait, premiers petits pois au chorizo / pigeon de Sologne cuit au sautoir, condiment griottes-amandes, chou nouveau / vacherin glacé au miel-orange, crème au beurre au thé vert / mangue caramélisée, tuile aux fruits de la passion / madeleines au miel de châtaignier / capuccino amande / lait de poule au jasmin. C’est un festival de saveurs qui nous a émerveillés.

Nous commençons par le Champagne Besserat de Bellefon 1969. La couleur est délicatement ambrée, la bulle est active. Le goût de ce champagne est merveilleusement multiforme et à chaque seconde on découvre une nouvelle saveur. On ne se lasse pas de ce Fregoli. Je le trouve un peu amer sur la première gorgée mais tout le monde réfute cette impression et le parmesan remet les choses en place. Sur la brioche le champagne s’épanouit encore et le sommelier Alexandre est ébloui par sa richesse. Je ne cesse de dire à quel point les champagnes anciens sont d’une créativité gastronomique exemplaire.

Le compagnon de ma fille aînée venant pour la première fois en ce lieu, je lui vante à l’avance la mâche spectaculaire du plat phare de ce restaurant, le foie gras au champignon de Paris. Hélas, dès la première morsure dans ce beau gâteau, je constate que Pascal Barbot innove et intercale de fines tranches de pomme verte, qui enlèvent complètement la sensation « Pullman » de la mâche de ce plat délicieux. Je m’en ouvrirai à Christophe d’abord, puis en fin de repas à Pascal Barbot qui constate que cette innovation a plus de partisans que d’opposants dont je fais partie. Ce plat est bon bien sûr, mais je ne retrouve plus la jouissance de mordre avec confort dans ce délicat gâteau. Le Champagne Dom Pérignon 1970 est brillant. Son aîné d’un an que nous venons de finir faisait « vieux champagne », alors que celui-ci respire la jeunesse. Sa couleur est encore d’un jaune pâle, la bulle est incroyablement fine, et son goût est racé. C’est fou comme il est confortable. La petite crème au citron excite le champagne avec un bonheur d’esthète. Nous serions bien incapables de dire quel champagne nous préférons tant ils sont différents.

Lorsque Pascal Barbot m’avait proposé de mettre des langoustines dans le menu, alors que je n’avais prévu aucun vin blanc sec, il fallait du courage pour dire oui. J’ai répondu : « oui, mais pures ». Et le plat qui nous est servi est exactement ce que j’aime : la langoustine est pure, divinement cuite, et à côté, il y a deux petites crèmes, l’une à l’algue et l’autre au contenu broyé de la tête de langoustine. C’est mon rêve de gastronomie. Sur ce plat le Château Palmer 1966 se présente sous une étiquette blanche, comme le négatif de l’étiquette noire habituelle. C’est l’étiquette de Mähler-Besse, distributeur et actionnaire de ce château à l’époque. La robe du vin est d’un rouge rubis fou de jeunesse. Le nez est pur, dense, poivré. En bouche, le vin est spectaculaire. Mon souvenir de ce vin ne se situait pas du tout à ce niveau de perfection. Combiner langoustine et Palmer demande une acclimatation, mais j’adore. Et c’est avec la crème faite avec la tête que l’accord est absolument divin. Ce Palmer 1966 est vraiment une réussite totale.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti en magnum 1974 va accompagner trois plats de viande. Enfin, un poisson et deux viandes. Le sommelier Alexandre est né en 1974 ce qui, on le comprendra, joue dans son appréciation du vin, qu’il trouve merveilleux. Il nous fait part de sa divine surprise. Le vin est délicat, velouté, charmeur, et autour de moi, je sens qu’on apprécie. Mais je le trouve quand même un peu fatigué, comme essoufflé. Mais c’est un vin du Domaine, aussi sait-il bien se tenir. Là aussi, oser un rouget sur La Tâche, il faut le faire, et cela se justifie. L’anchois fumé étant en toute petite portion, j’ai apprécié l’accord fugace qui s’est créé sur cette bouchée hasardeuse. Il faut savoir oser. Ce plat ne réservait que de bonnes surprises pour se marier au vin bourguignon.

Sur le carré de veau de lait, on retrouve des accords gastronomiquement corrects et le vin développe son caractère velouté. L’accord ne se fait pas avec le cochon de lait, alors que c’est la viande de cochon que j’avais suggérée au moment du débouchage des vins, et c’est à cause du chorizo, trop fort pour respecter la finesse du vin de Bourgogne.

Le pigeon est d’un charme absolu. Cette cuisine en suggestion, en douceur, est celle qui a mes préférences. Et le Château La Mission Haut-Brion 1943 est d’une divine bonté. La couleur est encore très jeune, le nez est noble et la densité du vin est remarquable. Ce vin est racé, riche, avec un velouté qui ne masque pas la solide structure. Ce vin est une leçon et rejoint le peloton de tête des Bordeaux de 1943 que j’ai aimés. C’est à dessein que j’avais séparé les deux bordeaux par le bourgogne, pour que l’on n’ait point la tentation de les comparer. Mais c’est aussi parce que ce vin, le plus fort des trois rouges, serait le meilleur compagnon de la chair de pigeon. Accord sublime, vin resplendissant, tout nous était bonheur.

Le Clos Haut-Peyraguey Sauternes 1959, dont l’année a été révélée à l’ouverture, est d’un or légèrement rose, qui se rapproche comme par mimétisme du vieux rose de la jolie capsule. Le nez est délicieux, de mangue, de poivre et de pomelos. En bouche,  c’est un sauternes charmeur, séduisant et subtil. Il n’a pas la puissance des plus grands des sauternes mais il est particulièrement plaisant. Dans un petit panier d’œufs en papier mâché, les œufs de poule sont arrivés avec l’un d’entre eux ayant une bougie à la place du lait. Il me fallut la souffler puisque c’était mon anniversaire. Nous avons discuté fort tard, dans une ambiance familiale joyeuse et heureuse.

Nous n’avons pas classé les vins et ce serait bien difficile. Trois vins me semblent ressortir du lot, la Mission Haut-Brion 1943, le Palmer 1966 et le Dom Pérignon 1970. Mais c’est bien injuste car le Besserat de Bellefon 1969 et La Tâche 1974, deux vins qui ont impressionné Alexandre, étaient aussi brillants. Alors, ne classons rien et applaudissons une cuisine  légère et sensible qui correspond à mes désirs et mes attentes, pour des combinaisons attendues ou osées, mais desquelles on apprend chaque fois quelque chose. Ce fut un beau repas familial.

dîner d’anniversaire au restaurant Astrance jeudi, 23 avril 2009

Le 23 avril, c’est mon anniversaire. J’ai retenu de longue date une table à l’Astrance, mon restaurant chouchou. Nous serons huit dont ma femme, mes trois enfants et leurs conjoints.

L’idée est intéressante de mettre un vin de l’année de chacun. Il est des occasions où je ne le fais pas. Pourquoi pas cette fois-ci ?

Mon fils est de 1969. Ce sera un Champagne Besserat de Bellefon 1969

Mon gendre est de 1970. Ce sera un Champagne Dom Pérignon 1970

Je suis de 1943 (mille fois hélas). Ce sera un Château La Mission Haut-Brion 1943

Mon autre gendre est de 1966. ce sera Château Palmer 1966

Ma fille aînée est de 1967. Ce sera un Chambolle-Musigny Bouchard Père & Fils 1967 (du faite de l’abondance, je ne l’ai pas ouvert)

Ma fille cadette est de 1974. Ce sera La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1974. Mais ma fille est enceinte. Alors ce sera un magnum !

Ma femme est de XXXX. Alors, ce sera un Clos Haut-Peyraguey qui a eu la délicatesse d’effacer son millésime.

Quel tact que de s’effacer !

Ma bru (quel mot laid pour dire belle-fille) est de 1966. Ce sera Château d’Yquem 1966. hélas elle ne pouvait pas venir. Le vin ne fut pas ‘bru’.

Mais j’apprends que ma bru ne sera pas là. Le vin ne sera pas bu. Quel dommage qu’elle ne soit pas là !

dîner à l’Astrance – 23 photos jeudi, 23 avril 2009

Les bouchons du magnum de La Tâche 1974 et du Mission Haut-Brion 1943

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Le bouchon du Chateau Palmer 1966 et celui du Clos Haut-Peyraguey qui découvre enfin son année : 1959

Les deux champagnes : le rouge et le noir

Le Besserat de Bellefon 1969 et le Dom Pérignon 1970

Parmesan crémeux, thym

Brioche tiède, beurre au romarin et citron

Foie gras mariné au verjus, galette de champignons de Paris, pâte de citron confit

Langoustine pochée, pâte d’algue Kombu, condiment langoustine

Rouget au naturel, feuille d’arroche, pok, chaï, crème d’anchois, sardine et anchois fumé

Carré de veau de lait, fondue de parmesan, tomme d’Auvergne gratinée, morilles cuisinées, jus de viande

Épaule de cochon de lait, premiers petits pois au chorizo

Pigeon de Sologne cuit au sautoir, condiment griottes-amandes, chou nouveau

Vacherin glacé au miel-orange, crème au beurre au thé vert

Mangue caramélisée, tuile aux fruits de la passion

Madeleines au miel de châtaignier

Capuccino amande

Lait de poule au jasmin (dans une coquille il y a une bougie d’anniversaire !)

La table

La Tour Eiffel avant et après ce beau repas

 

 

dîner chez Yvan Roux samedi, 4 avril 2009

Descendre dans le sud, cela implique quasi automatiquement d’aller dîner chez Yvan Roux.  J’invite trois amis à me prendre chez moi. J’ouvre un magnum de Champagne Henriot 1996. Le vin est d’une belle ampleur, la bulle est très présente. De fines tranches de poutargue excitent le champagne par leur salinité. Nous emmenons le magnum avec nous, et j’ai pris aussi un autre vin dans ma musette.

Sur des tranches de Pata Negra particulièrement grasses et sentant la noix, le champagne est d’un heureux équilibre et montre son caractère vineux.  Un carpaccio de pagre denti avec du pesto se marie divinement avec le champagne, l’ail et le parmesan lui tirant des accents chantants. Yvan nous présente ensuite des araignées gratinées avec des croûtons au pain, céréales et ail confit. C’est bon, mais Yvan est plus à l’aise sur les poissons que sur ce crustacé.

Je fais servir le Meursault Genévrières Bouchard Père et Fils 2004 en magnum, qui est un pur bonheur. Il est fruité, puissant, joyeux et emplit la bouche avec un fort sentiment de plénitude harmonieuse. Sur le pagre denti accompagné de pommes de terre et Pata Negra, la combinaison marche comme sur du velours. Yvan connait mes péchés, car les premières fraises Gariguette de l’année baignent dans une légère glace à la vanille dont Yvan doublera ma ration. Ce repas est le sacre du printemps

Dîner d’amis samedi, 28 mars 2009

Nous allons chez des amis. A 20h30, toutes les lumières s’éteignent pour une heure, comme cela a été suggéré à la planète entière. Le cri du cœur qui s’échappe de plusieurs d’entre nous, c’est : « pas le four quand même ! ». Car le médecin qui nous accueille est un fin cordon bleu. Un champagne Deutz se boit avec plaisir.

Sur des langoustines et un rizotto de compétition, tant il est subtil, trois vins se mesurent. Un Beaumes de Venise rouge qui titre 15,5°. Il est sucré comme un Rasteau. Vient ensuite un Chateauneuf du Pape Mont-Redon 2005, d’une belle puissance, c’est le moins que l’on puisse dire. J’ai apporté une Côte Rôtie La Landonne Guigal 1984. Les deux vins qui précèdent mettent en valeur la subtilité tranquille de ce grand vin. Ce qui comptait le plus, c’était les retrouvailles de vieux amis puisqu’il y a trente ans, nous étions tous des fous de squash, sport où la France brille aujourd’hui.

Un Mouton 1961 d’une remarquable subtilité vendredi, 27 mars 2009

Un ami fidèle parmi les fidèles avait fait une OPA sur les casual Fridays en organisant le dernier au restaurant de Gérard Besson. Mais suis-je propriétaire de cette nouvelle institution ? Non, bien sûr. Il avait invité l’une de ses amies qui suggéra que l’on se retrouve chez sa mère pour un casual Friday hors des sentiers battus. Nous nous retrouvons à l’heure dite – enfin, c’est vite dit, car mon ami vit en décalage horaire permanent par rapport à ses rendez-vous – au domicile de cette dame qui m’est inconnue. Dans le beau centre de Paris ce petit appartement est finement décoré avec de nombreux objets qui ont participé à la gloire créatrice des artistes français. Le lieu est plein de dévotion car le père de cette dame, appelons-la Anne, fut un immortel de l’Académie Française. Je suis accueilli par un champagne Mumm Cordon Rouge qui est particulièrement goûteux sous un message simple et direct. Immédiatement nous nous trouvons des amis communs et la discussion s’engage avec facilité. J’ai apporté deux vins en laissant à la maîtresse de maison le soin de choisir si l’un d’entre eux pourrait être ouvert au déjeuner. Lorsqu’elle voit le vin du Jura plus que soixantenaire, elle fait un petit « oh » de contentement, et comme elle a un doute sur son vin rouge, elle décide que mon vin rouge sera ouvert. Elle me fait goûter son vin que je trouve absolument délicieux, ce qui récuse ses doutes. Sur des filets de barbue et asperges accompagnés d’une mousseline aux herbes délicieuse, nous buvons un Beaune Clos des Mouches Joseph Drouhin 2004. Le vin est joliment fruité, assez opulent et comme il est en carafe, j’imagine l’année que je situe à quelque huit ans de plus. Anne a fait servir le Vega Sicilia Unico Réserve Spéciale, une combinaison de 1960, 1962 et 1972, un vin que je chéris, et sa fille s’en lèche les babines, délaissant le blanc de Bourgogne pour ce noble espagnol. Je demande que l’on boive en premier le vin d’Anne, pour éviter que le Vega Sicilia n’en efface la finesse. Il s’agit d’un Château Mouton-Rothschild 1961 servi en carafe dont nous verrons plus tard qu’il vient de demi-bouteilles. Au premier abord, le vin ne peut souffrir la comparaison avec l’espagnol, mais son nez est d’une belle délicatesse et son goût a la légendaire subtilité de Mouton. Les ris d’agneau et petites côtes d’agneau sont goûteuses. Le Vega Sicilia est puissant. Son goût s’exprime comme une fusée Ariane. Le premier étage du goût est avenant mais calme. Dès le second étage en milieu de bouche, le vin devient d’une longueur et d’une profondeur invraisemblable, comme s’il voulait laisser un sillage infini. Les deux vins sont diamétralement opposés et ce qui est un signe de la magie du vin, c’est que les deux rouges se mettent mutuellement en valeur. L’espagnol fait aimer le bordelais et inversement. Il est évident à mon palais que le Mouton est d’une plus grande race. Car il possède une divine complexité alors que le Vega Sicilia tient son charme de déclinaisons plus simples. C’est un plaisir de passer de l’un à l’autre, le Mouton qui devient de plus en plus velouté, avec une finesse de plus en plus subtile et le Vega Sicilia à la longueur extrême qui prend des tons légèrement fumés.

Une glace au caramel de chez Bertillon est un véritable régal. Le Château de Malle 1975 ne peut rien faire pour se marier avec elle. Le vin est strict et même un peu dévié. Dans une ambiance de grand raffinement, le Mouton 1961 a brillé. Il a éclairé une rencontre de qualité.  

Beaune Clos des Mouches Joseph Drouhin 2004

Vega Sicilia Unico Reserva Especial mis en bouteille en 1980 et Mouton 1961