un grand format de Romanée Conti samedi, 24 septembre 2005


6 litres, est-ce Mathusalem ? En bordelais c’est impériale. Cette bouteille est de 1979. Avec qui la partager?

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Dîner de wine-dinners au restaurant Le Pré Catelan jeudi, 22 septembre 2005

Dîner de wine-dinners du 22 septembre 2005 au restaurant Le Pré Catelan
Bulletin 153

Les vins de la collection wine-dinners
Magnum de champagne Dry Monopole, Heidsieck 1952
Vouvray sec Clovis Lefèvre 1961
Fonsalette, Chateauneuf du Pape blanc de Rayas 1980
Château Mouton-Rothschild 1979
L’Angélus, Saint-Emilion 1959
Hermitage rouge Chave 1997
La Tâche, Domaine de la Romanée Conti 1965
Château Doisy, Barsac 1966
Château Monteils, Sauternes 1934

Le menu composé par Frédéric Anton
La Betterave. Fines lamelles parfumées à la muscade, vieux Comté en copeaux, jus gras
La Fregola « Sarda », cuite dans un bouillon, recouverte de copeaux de truffe et parmesan
L’ Os à Moelle, l’un parfumé de poivre noir et grillé en coque, l’autre farci de girolles et d’une compotée de chou à l’ancienne mijotée dans un jus de rôti
Le Ris de Veau cuit en casserole, cèpes poêlés aux herbes fraîches, jus gras
Le Pigeonneau poché dans un bouillon aux épices, semoule au brocoli préparée comme un couscous, cuisses en petites merguez, quelques pois chiches
Le Cantal de Salers, le Bleu des Causses
Le Citron Confit, sorbet au basilic, feuilleté caramélisé et pâte de fruit légèrement sucrée
Café et Mignardises

dîner de wine-dinners au Pré Catelan jeudi, 22 septembre 2005

Nouveau repas de wine-dinners au Pré Catelan. J’arrive pour ouvrir les bouteilles alors qu’une grande table est encore en pleine discussion. Joël Robuchon est là, et à sa sortie de table nous bavarderons aimablement, évoquant sans insister la critique que j’avais faite de l’ouverture des vins à ce qui était annoncé comme le dîner du siècle, qu’il avait organisé au Japon avec Robert Parker. Il pense que tout a été bien fait. Les images montraient le contraire. C’est sur le terrain qu’il faudra confronter les méthodes. Frédéric Anton se détend un peu entre deux services, ce qui nous donne l’occasion de bavarder de gastronomie pendant que j’ouvre les bouteilles du dîner avec un sympathique sommelier, Jérémie.
Un phénomène qui méritera des investigations supplémentaires me fait toujours autant d’impression. Quand je découpe la capsule de La Tâche 1965, sous la capsule et sur le bouchon, un noir sédiment sent la terre et ressemble à celle de la cave de la Romanée Conti. J’ai fait sentir cette odeur lourde à Frédéric Anton. Aubert de Villaine, à qui j’avais relaté les constatations précédentes m’avait demandé de prélever cette terre pour l’examiner. En fait, c’est difficile et dans le feu de l’action, faute d’outil de laborantin, j’oublie le prélèvement. Mais quelle constance dans ce qui devient presque une signature du Domaine ! Le seul vin qui m’inquiète au nez est l’Angélus 1959. Nous le goûtons avec Frédéric. Un peu léger il me laisse de l’espoir alors qu’il rebute Frédéric Anton. On verra plus loin les miracles que peut accomplir l’oxygène, quand il est judicieusement sollicité. Le bouchon de La Tâche accuse un problème de stockage, car la première moitié de sa longueur est comme brûlée d’une sécheresse excessive, l’autre moitié, bien souple, puant même généreusement.
La mise au point du menu s’était faite par un dialogue que j’ai eu avec Frédéric Anton et Olivier Poussier, meilleur sommelier du monde au savoir encyclopédique sans limite. Et c’est ce que j’aime. Je commenterai plus loin ce programme absolument exceptionnel : la Betterave, fines lamelles parfumées à la muscade, vieux Comté en copeaux, jus gras / La Fregola « Sarda », cuite dans un bouillon, recouverte de copeaux de truffe et parmesan / L’ Os à Moelle, l’un parfumé de poivre noir et grillé en coque, l’autre farci de girolles et d’une compotée de chou à l’ancienne mijotée dans un jus de rôti / Le Ris de Veau cuit en casserole, cèpes poêlés aux herbes fraîches, jus gras / Le Pigeonneau poché dans un bouillon aux épices, semoule au brocoli préparée comme un couscous, cuisses en petites merguez, quelques pois chiches / Le Cantal de Salers, le Bleu des Causses / Le Citron Confit, sorbet au basilic, feuilleté caramélisé et pâte de fruit légèrement sucrée / Café et Mignardises. Il y a une intelligence et une sensibilité dans ce repas que je vais largement tam-tamer par la suite.
La table est artistiquement dressée par un personnel joyeux avec qui nous évoquons des souvenirs de vins. Le plateau rond est si grand que j’ai peur que l’on ne discute pas avec son vis-à-vis. Or en fait tout le monde a participé aux échanges, et nous avons vécu la même aventure, ce qui n’arrive pas toujours quand la forme de la table divise les clans. Un grand chroniqueur gastronomique, une journaliste japonaise à la grande culture française et gastronomique, une femme auteur de best-seller, des amateurs gourmets, c’est le cocktail idéal pour de passionnantes discussions. L’ambiance fut agréablement enjouée.
Le magnum de champagne Dry Monopole, Heidsieck 1952 est d’une immense beauté. Le liquide qui m’est servi pour goûter a encore de la bulle qui, comme le génie de la lampe, va s’évanouir pour conquérir d’autres cieux. La couleur est d’un miel ensoleillé, le nez est profond et distingué. Et si l’on admet – ce que fit toute la table – que la faiblesse de la bulle ne doit pas gêner la dégustation, on prend connaissance d’un délicieux « champagne-vin » qui décline des saveurs complexes où les agrumes, les fruits roses et le thé ne sont qu’une faible partie de ce qui est exposé. Le plus spectaculaire, c’est la longueur. La betterave est osée. Elle est merveilleusement traitée, sans franchement ajouter au plaisir de ce très rare champagne.
Le plat suivant est joyeux, chantant le sud, mais ne met pas en valeur le Vouvray sec Clovis Lefèvre 1961 qui m’a profondément étonné. J’avais le souvenir d’un vin sec, âpre, et voilà que celui-ci, sec objectivement, y ajoute un doucereux et une intensité rares. Pénétrant, expressif, il damnerait tous les dégustateurs à l’aveugle. Là encore plat et vin ne s’ajoutaient rien, l’un à l’autre, la semoule freinant le vin quand la truffe l’accélérait.
Le Fonsalette, Chateauneuf du Pape blanc de Rayas 1980 montrait, bouteille encore fermée, une couleur qui annonçait un vieillissement. Il fallait donc boire ce vin comme il venait, sans penser trouver un Chateauneuf du Pape comme on le boirait aujourd’hui. Et si l’on admet de déguster ainsi, on entre dans un de ces plaisirs culinaires qui marquent une vie. Je n’ai jamais mangé un os a moelle de cette qualité. C’est le traitement qui en fait le génie. Et le vin se met à transformer tout cela avec une propulsion invraisemblable. Le vin donne au plat de la consistance et le plat modèle le vin qui atteint des longueurs infinies. Et chaque convive voit bien la différence énorme qui se crée quand le vin et le plat se parlent, se séduisent et s’enlacent. Ce moment fut d’une intensité rare. Il va expliquer ce qui suit.
Le ris de veau d’une chair, d’une densité, d’une expressivité sans pareilles accueille deux vins, le Château Mouton-Rothschild 1979 et L’Angélus, Saint-Emilion 1959. Et immédiatement, à la première bouchée et la première gorgée de chaque vin, on se sent bien, étonnamment rassuré. C’est comme ces publicités pour des marques de matelas qui imagent leur élasticité par des sauts de trampolines. On est dans un confort pullman, on a des saveurs qui sont toutes lisibles. Les bordeaux sont de grands garçons bien élevés. Ils nous font le baisemain. L’Angélus est tellement époustouflant, balayant d’un revers de main les craintes de l’ouverture, que l’on aurait du mal à imaginer bordeaux plus sensuel que cela. C’est rond, chaleureux, séduisant, emplissant la bouche comme la couronne de frangipaniers orne le cou des vahinés. Alors, le Mouton parait plus strict, plus linéaire lors du premier contact. Mais le Mouton étend son charme et le charme agit. C’est un Mouton d’une année faible, mais ici d’une subtilité appréciable. Et l’Angélus est immense de la première à la dernière goutte. Ce ris de veau est un bonheur.
Le pigeon a une chair savoureuse (rien n’est plus savoureux que le pigeon). Alors, l’Hermitage rouge Chave 1997 s’en réjouit et s’exhibe de la plus belle façon. C’est évidemment un petit choc de revenir sur des goûts très actuels, mais cette virilité contrôlée est tellement conquérante qu’on se laisse aller. Les merguez faites avec les cuisses du pigeon sont à se damner. C’est l’exacte munition que réclame le Chave ! Le spectacle est beau quand le vin et la chair se provoquent comme cela.
Nous venions d’avoir à la suite trois plats où le vin et le plat chantaient à l’unisson. Quel bonheur !
Il fallait cela pour l’enterrement qui allait suivre. La Tâche, Domaine de la Romanée Conti 1965 dont le nez ne m’avait pas trop alerté, était manifestement trop usé pour représenter sa légendaire lignée. Ce qui me conduit à une remarque. Je croyais avoir suffisamment étalonné les senteurs d’ouverture. Or j’avais peur pour l’Angélus qui fut sublime, et j’avais confiance dans La Tâche qui fut absent au rendez-vous. Les diagnostics à l’ouverture ne sont donc pas toujours parfaits. Le Salers était délicieux. Le vin racontait quand même un peu l’histoire de La Tâche ce qui lui valut de recevoir les votes de deux convives. Belle solidarité.
Le Château Doisy, Barsac 1966, déjà présent à plusieurs dîners, a toujours cette couleur orangée et dorée, cette senteur profonde et ce goût rassurant du liquoreux sage, sûr de son effet. Sur un bleu bien gras, c’est un accord sécurisant.
Le Château Monteils, Sauternes 1934 m’est inconnu. Où est ce domaine, je ne le sais. Le vin que l’on découvre d’un bel or rosé et d’une odeur toute en finesse n’a pas la puissance des plus grands, mais il en a l’élégance. Ces Sauternes de 70 ans gagnent en rondeur et en expressivité de façon remarquable. Et je recommande aux amateurs d’acheter ces vins moins connus dans des années anciennes, car il y a une gratification énorme. Le sorbet méritait de l’eau, car il est goûteux comme pas deux, mais trop explosif. Le Barsac va bien avec la fine et délicate pâtisserie, belle comme la jolie pâtissière qui l’a faite. Mais on ne peut pas dire que les deux, le feuilleté et le Barsac ont des choses à se raconter.
Les cigares fusèrent dès que ce fut permis et l’on vota. L’Angélus 1959 a fait un carton, sans doute l’un des plus beaux de tous les dîners, avec sept places de premier sur dix convives, et deux places de second. Les plus votés ensuite furent le champagne Dry Monopole et le Vouvray sec.
Mon vote fut le suivant : Angélus 1959, champagne Dry Monopole 1952, Vouvray sec Clovis Lefèvre 1961, Fonsalette 1980. Tous les vins, sauf un eurent au moins un vote dans les quartés, ce qui est toujours réconfortant pour mes choix et ma cave.
On parla abondamment de ces trois plats de rêve, dont tout le monde dit qu’il valent trois étoiles, en classant en un l’os à moelle en deux le pigeon et en trois le ris de veau. Trois plats de souvenir éternel, illuminés par des vins qui leur collaient au cœur pour un pur ravissement.
Le service fut exemplaire, tout ici fleurait bon la très grande cuisine. Lorsque Frédéric Anton m’appela le lendemain (c’est toujours agréable de se parler le lendemain quand il s’agit d’une victoire), le débriefing fut un moment de bonheur tant ça fait du bien de disséquer ce qui fut grand.

déjeuner d’amis au bistrot du sommelier mercredi, 21 septembre 2005

Avec un petit groupe de conscrits, pas copains de régiment mais c’est tout comme, nous soignons périodiquement nos cholestérols dans d’appétissantes ripailles. Comme j’invite, je fais appel à mon ami Philippe Faure-Brac pour concocter un moment de bonheur au bistrot du sommelier.
Le champagne Pol Roger 1993 pur Chardonnay est une leçon de choses. On ne se lasse pas de ces saveurs aux accents sépia. La calligraphie chinoise se lit dans chaque gorgée précise, florale, romantique. Le tartare de saumon et de haddock est justement adapté car le saumon adoucit un haddock qui fouette la bulle pour la rendre encore plus active. L’émulsion caresse le tout.
Le magnum de Mission Haut-Brion 1972 est mis en valeur par un maquereau dont j’ai fait enlever tout accompagnement. La chair exquise et brutale fait ressortir toute la valeur de ce vin au nez bourguignon, à la fatigue de façade, mais qui révèle une personnalité immense. Ce vin ne laisse pas indifférent, bouscule tous les repères que l’on a sur l’année, et donne un velouté qui ferait pâlir quelques Chambertin.
Le magnum de Château Margaux 1970 court après un col vert fort goûteux et le rattrape. Ils copinent avec le sourire. Le Margaux annonce tout de suite le message : il veut que l’on reconnaisse qu’il est Château Margaux Et on le reconnaît. En légèreté, en subtilité élégante mais jouant un peu en dedans, son charme conquiert mes amis.
Le comté de dix mois, sage choix, propulse un passionnant Côtes du Jura blanc Jean Bourdy 1967 dans des dimensions canailles. Ce vin a des saveurs d’après match, quand on a gagné, et qu’on lance au patron « fais péter tes truffes ». C’est ça ce vin du Jura, l’appel à la folie gastronomique, quand on se laisse aller au goût pur. Chaque fois, cet appel purement ésotérique me ravit l’âme.
Philippe Faure-Brac, dont nous étrennions la carte d’automne qu’il lance aujourd’hui a un dessert au chocolat parfaitement calibré. C’est tellement léger qu’on jouit des cèpes mariés au chocolat avec un à propos certain. Le Rivesaltes Pierre Granger 1959 qui titre 16,5° fait la balance avec la légèreté du chocolat. Expressif mais manquant d’exubérance, il a quand même ponctué par un sourire un repas au raffinement amical. Toute l’équipe de Philippe veut bien faire, et c’est un plaisir de construire avec un personnel souriant un repas de belle et heureuse gastronomie.
Un expert en vins venu me rejoindre sur place pour préparer les abondantes ventes aux enchères actuelles goûta avec moi les fonds de Mission et le Margaux. Malgré la petitesse de l’année, le Mission est redoutablement intéressant et racé quand le Margaux pétule de charme.

galerie 1925 mardi, 20 septembre 2005

Quatre hommes en habit sont dans les chais. A quelle légende cela correspond-il ? On m’a dit que ce serait lié à la fête de Pâques ?

Pour quoi cette étiquette très anglicisante pour ce Banyuls Ermitage de Consolation 1925 ?

Four men are in the cellar. For which conspiracy ? To which legend does it correspond ? I was told that it has something to do with a Christian ceremony.

Why does the label looks very British ? This Banyuls Ermitage de Consolation 1925 has a marvellous taste.

déjeuner dans l’historique salle à manger du siège d’AXA vendredi, 16 septembre 2005

Une société indépendante de gestion de capitaux reçoit à déjeuner, avec la complicité d’une grande maison française d’assurance, dans le siège mondial de cet immense groupe. Un hôtel particulier chargé d’histoire possède des salles d’une richesse inimaginable, de pur 18ème siècle, avec des meubles, des objets qu’ont dû jalouser jadis les rois de France et aujourd’hui les grands musées. Dans la salle à manger d’apparat, un déjeuner d’une douzaine de clients de marque permettra le service de vins de la maison ce qui fait que nul lecteur n’aura de difficulté pour trouver où je suis.
L’apéritif est un Furmint 2001 de Disnoko, propriété de Tokaji du groupe. Ce vin combine le sec et le doucereux en un vin canaille, assez énigmatique et dérangeant. Titrant 13,5°, il faut s’en méfier. Le foie gras marié à la figue supporte très bien un Suduiraut 1996 bien jeune, aux senteurs rebelles, lourd en bouche comme du plomb, annonçant un beau futur si on sait attendre avant de le boire. J’applaudis plutôt deux fois qu’une quand le Pichon Baron 1996 est servi sur un délicat rouget. Oui, c’est le poisson qui met en valeur ce vin incroyablement jeune au palais, qui a très élégamment intégré ses composantes de fruits et de tannin.
C’est un très joli porto Noval 1994 qui accompagna un élégant dessert. Le charme des lieux est unique, marquant une rupture définitive entre une époque où chaque centimètre carré de tenture ou de panneau devait être beau, dans une composition d’ensemble répondant à des critères esthétiques définitivement inaccessibles.

dîner de wine-dinners au Grand Véfour jeudi, 15 septembre 2005

Dinner held by restaurant « Le Grand Véfour » on September 15, 2005
Bulletin 152
For the friends of Bipin Desai

The wines offered by the generous friends :
Didier Depond : magnum Laurent Perrier 1976
Bipin Desai : Meursault Perrières Comtes Lafon 1996
Bernard Hervet (who could not come), Montrachet Bouchard Père & Fils 1961
Aubert de Villaine (who could not come) : La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990
Eric Platel : Côte Rôtie Guigal 1966
François Audouze : Château Chalon Bourdy & Fils 1911
Frédéric Audouze : Chevalier, Sainte Croix du Mont, coopérative de Sainte Croix du Mont, 1959

The menu created by Guy Martin and his team :
Tomate et mozzarella en beignet, émulsion de pancetta
Foie gras de canard au persil plat, bouillon de coco, tranches de cèpes au Combawa
Homard de Bretagne, jeune betterave confite à la vanille et d’autres crues
Turbot cuit meunière à l’huile de truffe blanche, fine purée de petits pois et jeunes carottes
Canard croisé cuit sur son coffre, cuisse confite aux épices, jus de miel citronnier et fenouil
Vieux Comté
Fondant de figues sur un croustillant de riz soufflé au basilic

dîner de wine-dinners au Grand Véfour jeudi, 15 septembre 2005

Je dois pour la cinquième année consécutive ordonnancer le repas qui s’appelle « repas des amis de Bipin Desai ». Bipin est ce professeur de physique nucléaire américain qui organise les plus invraisemblables dégustations de la planète. On lui doit celle des 38 millésimes de Montrose (bulletin 151). Ayant réglé par téléphone ou mail tous les détails, j’ai le temps de me rendre à l’inauguration du Salon du Collectionneur au Carrousel du Louvre où les objets présentés, contrairement à la brocante de Hyères (bulletin 149), procurent des émotions esthétiques uniques. On se sent petit devant la perfection artistique de ces personnages chinois de terre dont le graphisme épuré est sorti de mains d’artistes nés il y a 1300 ans. Les éclairages, les stands intelligents, tout montre la richesse d’œuvres d’art quand on prenait le temps d’exécuter. Après avoir salué quelques amis et trempé mes lèvres dans un très expressif champagne Henriot, je rejoins le restaurant Le Grand Véfour pour vérifier que tout est prêt, et c’est le cas. Dans ce lieu porteur de l’histoire du bien manger, le petit salon en étage est le lieu idéal pour nos retrouvailles. La période des vendanges a hélas écarté de notre table des amis indispensables. On toasta largement en leur honneur, surtout quand ils avaient eu la gentillesse d’être présents par le biais d’une belle bouteille.
Guy Martin a composé un menu qui fut un beau voyage. Qu’on en juge : Tomate et mozzarella en beignet, émulsion de pancetta / Foie gras de canard au persil plat, bouillon de coco, tranches de cèpes au Combawa / Homard de Bretagne, jeune betterave confite à la vanille et d’autres crues / Turbot cuit meunière à l’huile de truffe blanche, fine purée de petits pois et jeunes carottes / Canard croisé cuit sur son coffre, cuisse confite aux épices, jus de miel citronnier et fenouil / Comté de 18 mois / Fondant de figues sur un croustillant de riz soufflé au basilic.
Les amuse-bouches abondants et éclectiques se marient à ravir avec le champagne Laurent-Perrier 1976 en magnum. Bouteille d’une élégance rare par la forme effilée du flacon et le gris argenté de l’étiquette. En bouche, ce blanc de blanc est d’une subtilité particulière. Il n’est pas envahissant mais charmeur, conteur d’histoires de goûts délicats. Toute évocation de goût serait réductrice mais j’ai rêvé de fraises des bois en sentant la caresse suave des bulles sur mes lèvres conquises. La variation sur la tomate est originale.
Patrick Tamisier que je connais depuis un quart de siècle du temps où j’étais assidu à la Tour d’Argent a apporté un soin particulier aux vins. Il me fait goûter le Meursault Perrières Comtes Lafon 1996 et c’est une grenade de parfum qui explose sur mon nez. Quelle agression olfactive de pur plaisir ! Ah, c’est viril. C’est sans concession. Et en bouche la puissance est énorme. Je suis un peu gêné par le poids alcoolique de ce lourd Meursault, mais quel plaisir. Avec le foie gras judicieusement mêlé au persil, c’est une merveille. J’ai apprécié l’audace du citron japonais sur les tranches de cèpes qui donnent au Meursault une autre philosophie.
Le Montrachet 1961 Bouchard Père & Fils arrive trop froid. Etait-ce l’absence de Bernard Hervet, ce vin que j’ai tant aimé au château de Beaune était ici bien pâle, comme le tigre qui cherche des yeux son dompteur et se sent perdu s’il n’est pas là. Bien sûr, quand il s’étend, le vin montre comme il est grandiose. Comme de plus je n’ai pas trop aimé l’expression du homard qui ne me parlait pas, peut-être à cause du vin que je ne retrouvais pas, ce ne fut pas le soir de ce grand Montrachet dont j’ai relaté l’émotion unique (bulletin 143).
Le nez de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990, en un dixième de seconde, plante le décor. On ne peut pas concevoir quelque chose de plus élégant. Le raffinement est sans limite. Sur la chair du turbot, ce vin d’une noblesse immense brille d’une façon que l’on ne pourrait pas imaginer sans le verre en main. Ce vin est grand, d’une longueur extrême. Il y eut comme un silence quand chacun prit conscience de l’intensité de ce vin. Une pensée fusa pour Aubert de Villaine retenu pour des récoltes qui seront belles.
Le canard à la belle chair mais au miel un peu fort donna à la Côte Rôtie Brune et Blonde Guigal 1966 l’occasion de délivrer un message d’un charme certain. Passer derrière La Tâche, ce n’est pas un service à rendre à un vin. Mais il s’en tira fort bien dans un registre de vin plus mûr au charme ensoleillé.
Avant l’arrivée des convives j’étais allé sentir les bouchons des bouteilles ouvertes par Patrick Tamisier, et l’odeur du bouchon du Château Chalon Bourdy P&F 1911 m’avait fait vaciller d’aise. C’est immense. Didier Depond, président de Salon-Delamotte vibre comme moi à la sensualité dérangeante de ces vins extraterrestres. Servi beaucoup trop froid, il se rattrapa bien vite sur un délicieux Comté de 18 mois que j’avais préféré au 36 mois qu’on m’avait proposé. Il ne faut pas pour ces vieux vins jaunes de choc gustatif excessif. Le vin se rétablissant à une vitesse sidérale, nous avons goûté la perfection absolue du vin jaune du Jura. Et nous imaginions les nombreux mariages que ce vin suggère pour de redoutables joutes culinaires. Avis aux amateurs, car j’en ai une belle provision.
Le délicieux dessert à la figue se fiança avec un Sainte-Croix-du-Mont de coopérative, « Chevalier » 1959 à la couleur d’un bel or patiné, au nez de pain d’épices, et chaleureux en bouche comme un beau Sauternes à qui il manquerait juste un peu de longueur.
La table fut enjouée et des milliers de sujets nous entraînèrent en des discussions passionnantes. La certitude de perpétuer une amicale tradition de grande qualité éclairait nos visages. Patrick Tamisier fut attentif et amical. Guy Martin nous avait composé un très intelligent et agréable voyage exécuté d’une belle dextérité. Il y avait en chacun de nous l’envie de recommencer.