106ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 27 novembre 2008

Le 106ème dîner de wine-dinners se tient, une fois n’est pas coutume, au restaurant Laurent. Les vins ont été apportés une semaine avant l’événement. A 16h30 commence l’importante et cruciale étape de l’ouverture des bouteilles. Lorsque j’avais prélevé les bouteilles dans ma cave pour prendre les photos individuelles qui figurent sur mon blog et les envelopper, j’avais constaté que le Pouilly-Fuissé avait une couleur annonçant une mort quasi certaine. Une bouteille devait la remplacer. Mes yeux étant attirés par un des plus beaux chablis que j’aie bus, mon bras s’en empara. Ce n’est pas le seul cadeau que mes amis allaient recevoir.

Les bouteilles sont déjà rangées dans l’ordre de service sur une table pour que je puisse faire une photo de groupe. C’est une belle attention de Daniel, sommelier fidèle, qui fera ce soir un service des vins parfait. Pendant que j’ouvre les bouteilles une discussion se développe avec Patrick Lair, le très efficace chef-sommelier de ce restaurant que j’adore. A l’ouverture, le Pouilly-Fuissé 1959 est bien mort, mais ses jambes bougent encore, aussi sera-t-il didactique de faire goûter ce liquide aux convives. Les parfums du Gazin et du Pétrus sont divins, d’une plénitude joyeuse. Le cadeau impromptu est celui-ci : le programme annonçait Pétrus 1937 ou 1957 car une déchirure rend difficile la lecture du troisième chiffre. Or le bouchon laisse lire distinctement 1967, année de Pétrus que je chéris particulièrement, d’une part parce qu’elle est une réussite pour Pétrus mais aussi parce que c’est l’année de naissance de ma première fille. Le Corcol 1938 présente une odeur nettement plus belle que ce que j’attendais. Le vin jaune explose dans un bouquet de fragrances fracassantes. Le Gilette 1955, cadeau de l’un des convives, est d’une rare distinction. L’ouverture s’est faite en un temps record.

Il fait si froid dehors qu’il n’est pas question d’aller flâner. Mon ordinateur est ouvert sur une petite table au bar du restaurant et je peux assister au spectacle d’un représentant qui vante les mérites des vins de sa gamme à Patrick, Michel et à Philippe Bourguignon venu les rejoindre. La faconde intarissable de cet homme vaut toutes les pièces de boulevard qui fleurissent à Paris. Michel nous fait goûter un champagne Jacquesson 2000 dosé à seulement 3,5 grammes, vin strict, un peu austère mais au goût intéressant qui pousse chacun d’entre nous à se faire resservir. Ce signe ne trompe pas.

Dans le beau hall circulaire qui marque l’entrée, les convives arrivent avec une précision digne des horloges atomiques. Il y a ce soir trois banquiers d’origines différentes et qui ne se connaissent pas, deux personnes travaillant dans l’immobilier qui ne se connaissent pas non plus, un avocat fidèle parmi les plus fidèles, l’organisatrice du salon Livres en Vignes, un vigneron et une habitante d’Hyères, professionnelle du vin, qui voulait vivre cette expérience. A cette table enjouée les rires fusent, les petites piques aussi, tant ma passion inébranlable est prévisible et parfois prétexte à plaisanterie.

On nous sert dans ce hall un Champagne Besserat de Bellefon brut non millésimé. Alors que je recommande de ne pas juger les vins, voilà que je l’assassine, car le premier contact manque cruellement d’imagination. Mais le champagne se reprend et sur un petit toast au poisson fumé, le vin se réveille, prenant même un début de personnalité. Vient ensuite une bouteille majestueuse, d’une grande beauté, celle du Champagne Krug en magnum 1982. Nous changeons totalement de registre. L’attaque est légère et discrète et le vin va s’épanouir avec une grande expansion au fil de la dégustation. La verrine d’araignée de mer, spécialité de la maison, étire le champagne qui prend une longueur infinie en bouche. L’image qui me vient est celle de l’eau qui coule sur de belles pierres plates d’un ruisseau.

Nous passons à table, autour de l’un des tables lovées dans des alvéoles propices aux discussions. Nous en avons abusé. Le champagne nous suit.

Voici le menu préparé par Alain Pégouret que j’étais allé féliciter en cuisine pour le dîner de l’Académie du Vin de France qu’il avait particulièrement réussi : Coquilles Saint-Jacques marinées dans une marmelade d’agrumes, corail séché et pickles sur une feuille de romaine / Huîtres « pousse en claire » N°2 de David Hervé lutées dans leurs coquilles, fleurette aux mousserons / Aiguillettes de joues de veau fondantes, risotto à la truffe blanche d’Alba / Râble de lièvre rôti, navets confits au foie gras / Epaule de lièvre selon la recette du sénateur Couteaux, « fusilli » pour la sauce / Vieux Comté / Millefeuille à la mangue et au piment d’Espelette.

La marinade d’agrumes fait chanter le Krug 1982 qui s’épanouit de plus en plus. Le sucré de la coquille Saint-Jacques lui donne d’autres ardeurs et le trait commun est une longueur et une trace indélébile en bouche. L’amande et la noisette apparaissent quand le champagne est bien aéré.

Le Pouilly-Fuissé Château de Fuissé 1959 est servi. Les traces de vie existent mais ce vin ne mérite pas plus d’une demie gorgée, car la cause est entendue, le vin est mort. Celui qui le remplace est un Chablis Moutonne Grand Cru Long Dépaquit 1959 qui est la perfection absolue du chablis. Un convive cite Clos Sainte-Hune tant la similitude est possible avec le prince des rieslings. Mais le chablis sait tracer sa propre route faite d’épanouissement des parfums, de rectitude en bouche et d’un final d’une rare fraîcheur. C’est la sauce aux mousserons qui forme une continuité gustative exemplaire avec le chablis qui en épouse la trame.

Dès que nous sommes servis du plat et des deux vins, nous sommes tous conscients que nous allons vivre un de ces moments d’extase dont il ne faut pas perdre la moindre miette. Un silence se fait et nous prions tous pour que l’inexorable marche du temps soit stoppée sur cet instant. Une des jolies femmes de la table parlera d’orgasme, tant ce que nous vivons est intense. Le plat est fait de deux parties. A gauche, c’est la joue de veau et à droite la truffe blanche d’Alba sur son risotto incendie nos narines. En face de la joue de veau il y a un verre de Château Gazin 1959 et en face du risotto il y a un verre de Pétrus 1967. Cela pourrait donner lieux à quatre combinaisons mais en fait, personne n’a envie d’essayer de modifier la latéralité naturelle : le Gazin est diaboliquement parfait avec la joue de veau mais surtout avec sa sauce impérieuse, et le Pétrus ayant capté le parfum de la truffe blanche comme les plantes carnivores gobent les mouches, nous sommes en présence de deux accords de fusion absolument confondants de pertinence. A chaque bouché et à chaque gorgée je me dis : « mon Dieu, arrêtez la marche du temps et laissez-moi jouir à jamais de ces accords irréels ». Le Gazin est d’une couleur de folle jeunesse, d’un rubis goutte de sang. Son nez est pénétrant et poivré. En bouche, la précision de sa trame et sa force s’imposent face à la doucereuse langueur de la joue. Le Pétrus a une couleur un peu plus trouble et d’un rubis birman. Le nez est érotiquement féminin, annonçant des caresses insoutenables. En bouche il pianote sur des notes douces, charmeuses, et le message velouté emporte le cœur. Mille fois je suis revenu sur ces accords, trouvant à chaque fois un plaisir de plus. Ce qui m’a le plus saisi, c’est la conscience que j’avais de vivre un moment inoubliable. Quand le jeune convive à ma gauche évoque la nécessité de décrire ce Pétrus dans mes commentaires je lui réponds que j’en serais bien incapable tant le charme de ce Pétrus agit dans sa globalité, sans qu’on puisse le disséquer.

Personne à la table, y compris le vigneron de Beaune ne sait quelle est l’origine du Beaune cuvée Estienne Hospices de Beaune "Corcol" 1938. Le nez est résolument bourguignon et prometteur, et son goût dépasse de loin ce que je pouvais imaginer de l’année 1938, qui n’a pas laissé une trace indélébile dans l’histoire du vin. Le vin est charmeur, goûteux, et le râble de lièvre lui répond.

Le Nuits Saint-Georges Bouchard Père & Fils 1947 se présente dans une bouteille au col très fin et dissymétrique, la bouteille est soufflée à l’ancienne et son cul est d’une rare profondeur, indiquant une bouteille du 19ème siècle réutilisée. Le nez est de truffe noire, le goût est profond, lourd comme un Grand Cru, et la trace est chaleureuse, forte comme une belle truffe. L’accord des deux bourgognes avec la chair  du lièvre, tendre comme celle d’un pigeon, est parfait.

Le Chateauneuf-du-Pape Dufouleur Frères 1959 au nez bourguignon me subjugue par sa réussite. Je ne m’attendais pas à un tel niveau. L’alcool se sent fort mais un fruit rouge et lourd marque le goût. Le vin se prend pour un porto. L’épaule de lièvre est tellement forte, le sénateur Couteaux ayant décidé de créer des recettes pour des ogres aux gosiers en fonte, que le vin du Rhône est un peu perdu devant l’insistance du plat. Mais son élégance naturelle et sa joliesse nous éblouissent.

Il est très rare que l’ensemble d’une table adore le vin du Jura. Aussi est-ce un bonheur de voir que le Vin Jaune Lucien Clavelin 1949 est apprécié par tous sur un splendide Comté de dix-huit mois. Le nez de ce vin vaut tous les Chanel ou Jicky de la terre. On en ferait son lait d’ânesse. Je ne me lasserai jamais de ses amertumes de noix.

Le Château d’Yquem 1983 est à un stade de sa vie où tout lui réussit. C’est le golden boy des places financières quand il n’y a pas de crise. Tout en lui est chaleureux, gras doux, avec un équilibre parfait et un dosage subtil de chaque qualité. L’accord est sublime avec les lamelles de mangue qui lui répondent par un mimétisme une fois de plus confondant. Le vin est jeune, bien sûr, mais il est délicieusement prêt à boire.

Le Château Gilette crème de tête 1955 est lui aussi à un moment clé de sa vie. Il a franchi une étape par rapport au 1983 et la juxtaposition dont j’avais un peu peur est en fait à l’avantage des deux sauternes. Celui-ci se boit comme on suce un bonbon, sans nécessité de dessert.

Le vote est particulièrement difficile aujourd’hui, car nous sommes KO assis devant tant d’accords parfaits. Onze vins sont en compétition pour dix votants, le Pouilly-Fuissé étant hors concours. Dix vins sur onze ont des votes ce qui me plait évidemment et seul le premier champagne n’a aucun chevalier servant. Quatre vins ont eu des votes de premier, le Pétrus cinq fois, le Nuits-Saint-Georges deux fois comme le Gazin et le Chateauneuf une fois. Le Pétrus figure dans huit votes et le Nuits-Saint-Georges dans sept votes.

Le vote du consensus serait : 1 – Pétrus 1967, 2 – Nuits Saint-Georges Bouchard Père & Fils 1947, 3 – Château Gazin 1959, 4 – Chateauneuf-du-Pape Dufouleur Frères 1959.

Mon vote : 1 – Pétrus 1967, 2 – Chateauneuf-du-Pape Dufouleur Frères, 3 – Château Gilette crème de tête 1955, 4 – Chablis Moutonne Grand Cru Long Dépaquit 1959.

La cuisine d’Alain Pégouret a démontré une fois de plus sa justesse. Le service de Daniel et de toute la brigade a été parfait, l’ambiance intemporelle de la belle salle nous faisant ressentir le privilège d’être là. Mais ce qui restera à jamais, c’est cet instant où tout autour de nous n’existait plus. L’intense envie de jouir le plus intensément possible une rencontre gastronomique unique entre une joue doucereuse et un Gazin mimant la sauce et entre une truffe au parfum en gyrophare accouplée à un Pétrus aux séductions insoutenables. Le temps s’est arrêté au dessus de notre table pour l’un des plus beaux orgasmes gastronomiques de nos vies.

dîner au restaurant Laurent – ouverture des vins jeudi, 27 novembre 2008

Les bouteilles ont été apportées de la cave pour que je puisse prendre des photos

Les vins du dîner, dans l’ordre de service

Trois belles capsules, avec le fouleur pour représenter la famille Dufouleur, la capsule au millésime gravé d’Yquem, et sous la capsule à congé du Gilette, il y a une représentation stylisée d’une balance portant les initiales de Christian Médeville sans doute

Les bouchons et capsules, qui seront mis sur table pour que les convives voient comment la conservation s’est faite.

ayant terminé assez vite, Patrick Lair me fait goûter ce Macon Villages Domaine des deux Roches 2006

et ce Vouvray sec Foreau 2007

dîner wine-dinners au Laurent – les photos des vins jeudi, 27 novembre 2008

Champagne Besserat de Bellefon brut non millésimé

Champagne Krug en magnum 1982

Chateau de Puissé, Pouilly-Fuissé 1959 (est plus que sûrement mort)

Chablis Moutonne Grand Cru Long Dépaquit 1959 (remplace le précédent)

Château Gazin 1959

Pétrus 1937 ou 1957, probable 1957

(à noter que Pétrus n’est pas un château, mais la capsule ne s’embarrasse pas de ces questions)

Beaune cuvée Estienne Hospices de Beaune "Corcol" 1938

Nuits Saint-Georges Bouchard Père & Fils 1947 (on remarque la beauté de la capsule et la finesse du col)

Chateauneuf-du-Pape Dufouleur Frères 1959

Vin Jaune Lucien Clavelin 1949

Château Gilette crème de tête 1955

(pas de photo, bouteille sera apportée par l’un des convives)

Château d’Yquem 1983

(en réserve)

Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée Conti 1983

dîner au restaurant Laurent – photos du repas jeudi, 27 novembre 2008

Voici notre table que des cyclamens curieux regardent à travers la fenêtre

coquilles Saint-Jacques

huîtres lutées et la merveilleuse joue de veau avec son risotto à la truffe blanche d’Alba qui nous fit connaître un moment unique de bonheur

les deux préparations du lièvre

le dessert à la mangue

notre table en fin de repas, avec les bouteilles vides, sur fond de cyclamens.

 

déjeuner au restaurant de Jacques Le Divellec mercredi, 26 novembre 2008

Une coutume s’est créée : je vais déjeuner avec Jacques Le Divellec en son restaurant quand il me faut préparer un dîner de vins qu’il réalisera, le 107ème. Le restaurant est en effervescence, car c’est ici que les hommes politiques viennent lustrer leurs alliances, dans des temps où le tangage des uns ne signifie pas que les autres soient en mer calme. Aussi Jacques se lèvera souvent de table pour surveiller le ballet des intrigues pesées au trébuchet des alliances et des compromissions. L’amuse- bouche est délicieux et Olivier, le sympathique sommelier veut me faire goûter un  Bordeaux Supérieur dont je n’ai pas mémorisé le nom. Nous nous regardons avec Jacques, car ce vin n’a rien. Pas la moindre petite esquisse d’une personnalité. Le vin est vite remplacé par un Château Grand Corbin 2000, un beau saint-émilion chaleureux. Il accompagne avec bonheur des petites huîtres de Marennes aux évocations marines délicates. Les impressionnantes coquilles Saint-Jacques – Jacques me dit qu’il y en a trois par kilo – servies entières, c’est-à-dire non émasculées, ce que j’aime, sont délicieuses et les petits légumes sont croquants. Le chariot de dessert comprend une majorité de compotes, ce qui est une belle idée. Le talent de Jacques s’est joyeusement exprimé pour ce déjeuner de travail.

Les amuse-bouche

Les huîtres et le Grand Corbin 2000

Les coquilles et les légumes

Les plus beaux vins du Grand Tasting samedi, 22 novembre 2008

Classement forcément subjectif. Mais l’exercice est tentant :

1 – Clos Sainte Hune VT 1989
2 – Dom Pérignon 1962
3 – Nuits-Saint-Georges Clos de la Maréchale domaine Jacques Frédéric Mugnier 2005
4 – Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1998
5 – Vouvray Le Mont Demi-Sec domaine Huet 2002

6 – Montrachet Domaine Jacques Prieur 2006
7 – La Turque 2004
8 – Chateau Rayas 1998
9 – Gilette 1975
10 – Pol Roger Winston Churchill 1998

Grand Tasting 2ème jour et une dégustation de légende samedi, 22 novembre 2008

La deuxième journée commence pour moi par le point culminant du Grand Tasting, une Master Class Prestige intitulée : « de 1959 à 1998 : la légende du demi-siècle ».

Nous débutons par un chef d’œuvre totalement introuvable pour les amateurs de vins, le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1962. Il est présenté par Richard Geoffroy, l’homme qui fait Dom Pérignon, habité par une passion communicative. La couleur du champagne est d’un or très noble teinté d’une légère trace de cire. Le nez est extrêmement raffiné. On sent l’amande. La bulle est très active le dégorgement ayant été fait en 2004, Geoffroy jugeant que les dégorgements trop récents ne sont pas à l’avantage du vin. En bouche on perçoit l’amande, la noisette et le poivre. La longueur est belle et le final est en panache. Richard insiste sur le caractère réducteur du vin et ses notes grillées et toastées. Il décrit l’orange et le jasmin. La fraîcheur est associée à l’intensité et Richard compare l’équilibre entre le noir et le blanc à celui du yin et du yang. Le final est salin et l’agrume apparaît progressivement. C’est un immense champagne.

Martine Byat présente le Volnay Caillerets ancienne cuvée Carnot Bouchard Père et Fils 1959. La couleur est d’un rouge légèrement brun, très légère. Le nez est absolument bourguignon, avec de l’amertume. En bouche l’amertume est sensible aussi, cette belle caractéristique bourguignonne. Le vin est très frais, avec des notes de cuir et de fumé. Il est caractérisé par son harmonie, sa finesse et sa subtilité.

Yorick d’Alton présente le Château Léoville Las Cases 1985. Il nous dit que c’est un vin d’un millésime de douceur, de velours. Sa couleur est très foncée après le rubis du Volnay. Ce qui frappe c’est son beau final de fruits bruns comme des pruneaux. Il est frais et désaltérant et montre une jeunesse remarquable. L’acidité la fraîcheur et l’astringence sont plus que sensibles. Le final mentholé de fraîcheur est convaincant.

Gérard Perse présente son parcours avant de parler de son vin, le Château Pavie 1998. Le vin est de couleur noire, semblant très lourd. Le nez est très riche, de forte densité. En bouche, le vin est très riche mais aussi très pur. Michel Bettane aime beaucoup ce vin élégant montrant déjà une belle maturité. Tout est un peu excessif en ce vin mais force est de constater que le résultat se conçoit, même s’il mange les gencives. Thierry Desseauve parle de noblesse et de mesure.

François Perrin parle de sa famille et de son vin le Château de Beaucastel, Chateauneuf-du-Pape 1981. La couleur est un peu trouble, d’un rouge de sang séché. Le nez est un peu doucereux et évoque l’écurie. La bouche est fraîche avec un petit aspect viande. François dit qu’il a pué dans sa jeunesse et que si l’on n’aime pas les senteurs viriles il ne faut pas s’intéresser à ces vins. Ce vin montre très peu d’alcool. Il a une grande complexité aromatique de rose, de poivre et d’animal. Il montre quelques signes d’évolution. François dit que pour déguster ses vins, l’idéal est quand les tannins deviennent sucrés. Le temps passant le vin devient plus doucereux, plus sucré. Il est d’une belle évolution, c’est un vin de plaisir.

Le Riesling Clos Sainte-Hune Vendanges tardives Trimbach 1989 est un vin que j’ai déjà bu comme le Dom Pérignon 1962. Mais je ne peux m’empêcher de prendre de plein fouet le choc de sa perfection. Car ce vin est totalement parfait. Richard Geoffroy auprès duquel je suis assis cherche les similitudes entre ce vin idéal et son champagne. Au nez, on sent qu’un pont peut exister. Pierre Trimbach rappelle que le Clos Sainte Hune a une superficie de 1,38 ha, ce qui donne la mesure du cadeau qui nous est fait. Il ajoute que si le 1989 est un Vendanges Tardives, ce qui résulte d’un accident, le domaine s’étant fait surprendre par la nature, la stratégie de son domaine sera de ne plus faire que des secs. Le vin est jaune d’or. Le nez est minéral et litchi et annonce la perfection qui va venir. 1989 est en Alsace la plus grande année de botrytis après 1967. Le domaine a essayé de le faire le plus sec possible malgré le développement du botrytis et ce vin se boit aujourd’hui presque sec. Il y a du litchi de la pêche blanche, des fleurs blanches, mais l’on retient surtout l’élégance et la fraîcheur. C’est un vin époustouflant de perfection.

Julie Gonet-Médeville parle du Château Gilette 1975. Sa famille possède cette parcelle de 4,5 ha depuis 1710 et sa caractéristique est que le vieillissement se fait en cuve sans aucun bois. La moyenne de vieillissement est de quinze à vingt ans, le 1953 étant resté vingt-sept ans en cuve. Il n’est toujours pas ouvert dit-elle ! Le nez du 1975 est intense de botrytis. Il est très pur. La fraîcheur est exemplaire alors que le vin titre plus de 14°. Julie dit que Gilette ne fait maintenant que des crèmes de tête, ce qui fait que certains millésimes ne seront pas produits sous le nom Gilette. Le final du vin est très long avec des oranges amères et de peaux d’oranges confites.

Richard Geoffroy fait remarquer que le choix de Michel et Thierry pour cette séance porte sur des vins qui sont tous réducteurs et marqués par une imposante fraîcheur.

Le dernier vin de cette dégustation d’enchantement est un Porto Taylor’s 1985 présenté par Luis Esgonnière Carneiro. La couleur est belle, plus rouge que noire. L’attaque est toute en fraîcheur (elle aussi) et le final très frais montre à peine l’alcool. Les griottes confites, les cerises sont d’une belle complexité. Jancis Robinson à la demande de Michel décrit ce porto en parlant de final mentholé et de réglisse. Elle insiste sur le caractère très « claret » au sens anglais de ce porto. Enzo Vizzari, grand spécialiste de vins tonitrue que c’est un crime de boire ce porto si jeune et qu’il faut recommencer l’ensemble de la dégustation avec un porto de cinquante ans de plus. J’ai adoré ce vin qui se goûte comme un bonbon de plaisir sans que l’on ressente la moindre fatigue.

Cette superbe dégustation est toute à l’honneur du Grand Tasting. Sans l’estime que des vignerons ont pour Michel Bettane et Thierry Desseauve, jamais ce n’eût été possible de réunir de tels vins.

Antoine Pétrus, jeune sommelier brillantissime a organisé le service des vins pour les Master Class avec de jeunes élèves sommeliers. Ils sont chaudement applaudis car leur tâche était difficile. Même si certains vins furent un peu froids, la prestation fut remarquable.

Trop fatigué pour assister à la Master Class suivante, j’ai quand même goûté en cuisine le Montrachet Grand Cru Domaine Jacques Prieur 2006. Ce vin est prodigieux, goûteux, chaleureux, expansif en bouche. Bu en cuisine il n’a pas le même charme que commenté. Mais qu’est-ce que c’est bon !

J’ai rejoint ma fille et son compagnon qui sont des amoureux des vins de Jean-Luc Thunevin. Ma fille n’arrêtait pas de rire quand Jean-Luc ne cessait de me chambrer fort gentiment. J’ai goûté le Bordeaux Bad Boy rouge 2005 qui est extrêmement plaisant ainsi que le Fronsac Haut-Carles 2006 que je connaissais déjà. Je fus chambré de même par Olivier Decelle qui me fit goûter le Mas Amiel Maury rouge1969 que ma fille adore. Ce ne furent que rires qui doivent pousser ma fille à se demander si ma passion des vins anciens est prise au sérieux. Je sais que ces petites piques sont très amicales.

Pour finir mon Grand Tasting, j’ai « picoré » dans les allées au domaine Marcel Deiss son Schoffweg blanc 2004 remarquable de précision. J’ai mangé un sandwich sur le Champagne Pol Roger cuvée Winston Churchill 1998 d’une subtilité rare, puis sur un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1998 absolument exceptionnel. J’ai goûté un Champagne Henriot 1996 très précis et un Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1998 floral et épanoui. Martine Byat qui se doutait que je repasserais à son stand m’avait gardé un peu du Volnay Caillerets 1959 plus épanoui et vibrant encore, une ou deux heures après sa présentation. J’ai goûté le Champagne Moët & Chandon 2003 subtil et déjà prêt à boire, le Champagne Bollinger 1999 très précis et le Champagne Les Echansons Mailly 1999.

J’ai manqué de visiter tellement de vins qu’il eût fallu deux jours de plus pour découvrir toutes les richesses de ce salon qui fut une grande réussite.

Grand Tasting – Quelques photos samedi, 22 novembre 2008

Présentation des vins de la maison Drouhin. Ici le Laurène, Orégon 2005

Quatre millésimes d’Yquem pour plus de cent personnes, c’est une générosité à signaler.

Antoine Pétrus préparait le service des vins des Master Class. Il a mis des "écharpes" de fortune autour des cols de ces merveilleux vins de Guigal et de Gaja

Le Gaja Sperss 2004

Volnay Caillerets Ancienne cuvée Carnot Bouchard Père & Fils 1959 présenté lors de la prestigieuse dégustation couvrant 50 ans de vins qui ont marqué l’histoire

Les vins de la Master Class de prestige (voir texte)