Grand Tasting 2ème jour et une dégustation de légendesamedi, 22 novembre 2008

La deuxième journée commence pour moi par le point culminant du Grand Tasting, une Master Class Prestige intitulée : « de 1959 à 1998 : la légende du demi-siècle ».

Nous débutons par un chef d’œuvre totalement introuvable pour les amateurs de vins, le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1962. Il est présenté par Richard Geoffroy, l’homme qui fait Dom Pérignon, habité par une passion communicative. La couleur du champagne est d’un or très noble teinté d’une légère trace de cire. Le nez est extrêmement raffiné. On sent l’amande. La bulle est très active le dégorgement ayant été fait en 2004, Geoffroy jugeant que les dégorgements trop récents ne sont pas à l’avantage du vin. En bouche on perçoit l’amande, la noisette et le poivre. La longueur est belle et le final est en panache. Richard insiste sur le caractère réducteur du vin et ses notes grillées et toastées. Il décrit l’orange et le jasmin. La fraîcheur est associée à l’intensité et Richard compare l’équilibre entre le noir et le blanc à celui du yin et du yang. Le final est salin et l’agrume apparaît progressivement. C’est un immense champagne.

Martine Byat présente le Volnay Caillerets ancienne cuvée Carnot Bouchard Père et Fils 1959. La couleur est d’un rouge légèrement brun, très légère. Le nez est absolument bourguignon, avec de l’amertume. En bouche l’amertume est sensible aussi, cette belle caractéristique bourguignonne. Le vin est très frais, avec des notes de cuir et de fumé. Il est caractérisé par son harmonie, sa finesse et sa subtilité.

Yorick d’Alton présente le Château Léoville Las Cases 1985. Il nous dit que c’est un vin d’un millésime de douceur, de velours. Sa couleur est très foncée après le rubis du Volnay. Ce qui frappe c’est son beau final de fruits bruns comme des pruneaux. Il est frais et désaltérant et montre une jeunesse remarquable. L’acidité la fraîcheur et l’astringence sont plus que sensibles. Le final mentholé de fraîcheur est convaincant.

Gérard Perse présente son parcours avant de parler de son vin, le Château Pavie 1998. Le vin est de couleur noire, semblant très lourd. Le nez est très riche, de forte densité. En bouche, le vin est très riche mais aussi très pur. Michel Bettane aime beaucoup ce vin élégant montrant déjà une belle maturité. Tout est un peu excessif en ce vin mais force est de constater que le résultat se conçoit, même s’il mange les gencives. Thierry Desseauve parle de noblesse et de mesure.

François Perrin parle de sa famille et de son vin le Château de Beaucastel, Chateauneuf-du-Pape 1981. La couleur est un peu trouble, d’un rouge de sang séché. Le nez est un peu doucereux et évoque l’écurie. La bouche est fraîche avec un petit aspect viande. François dit qu’il a pué dans sa jeunesse et que si l’on n’aime pas les senteurs viriles il ne faut pas s’intéresser à ces vins. Ce vin montre très peu d’alcool. Il a une grande complexité aromatique de rose, de poivre et d’animal. Il montre quelques signes d’évolution. François dit que pour déguster ses vins, l’idéal est quand les tannins deviennent sucrés. Le temps passant le vin devient plus doucereux, plus sucré. Il est d’une belle évolution, c’est un vin de plaisir.

Le Riesling Clos Sainte-Hune Vendanges tardives Trimbach 1989 est un vin que j’ai déjà bu comme le Dom Pérignon 1962. Mais je ne peux m’empêcher de prendre de plein fouet le choc de sa perfection. Car ce vin est totalement parfait. Richard Geoffroy auprès duquel je suis assis cherche les similitudes entre ce vin idéal et son champagne. Au nez, on sent qu’un pont peut exister. Pierre Trimbach rappelle que le Clos Sainte Hune a une superficie de 1,38 ha, ce qui donne la mesure du cadeau qui nous est fait. Il ajoute que si le 1989 est un Vendanges Tardives, ce qui résulte d’un accident, le domaine s’étant fait surprendre par la nature, la stratégie de son domaine sera de ne plus faire que des secs. Le vin est jaune d’or. Le nez est minéral et litchi et annonce la perfection qui va venir. 1989 est en Alsace la plus grande année de botrytis après 1967. Le domaine a essayé de le faire le plus sec possible malgré le développement du botrytis et ce vin se boit aujourd’hui presque sec. Il y a du litchi de la pêche blanche, des fleurs blanches, mais l’on retient surtout l’élégance et la fraîcheur. C’est un vin époustouflant de perfection.

Julie Gonet-Médeville parle du Château Gilette 1975. Sa famille possède cette parcelle de 4,5 ha depuis 1710 et sa caractéristique est que le vieillissement se fait en cuve sans aucun bois. La moyenne de vieillissement est de quinze à vingt ans, le 1953 étant resté vingt-sept ans en cuve. Il n’est toujours pas ouvert dit-elle ! Le nez du 1975 est intense de botrytis. Il est très pur. La fraîcheur est exemplaire alors que le vin titre plus de 14°. Julie dit que Gilette ne fait maintenant que des crèmes de tête, ce qui fait que certains millésimes ne seront pas produits sous le nom Gilette. Le final du vin est très long avec des oranges amères et de peaux d’oranges confites.

Richard Geoffroy fait remarquer que le choix de Michel et Thierry pour cette séance porte sur des vins qui sont tous réducteurs et marqués par une imposante fraîcheur.

Le dernier vin de cette dégustation d’enchantement est un Porto Taylor’s 1985 présenté par Luis Esgonnière Carneiro. La couleur est belle, plus rouge que noire. L’attaque est toute en fraîcheur (elle aussi) et le final très frais montre à peine l’alcool. Les griottes confites, les cerises sont d’une belle complexité. Jancis Robinson à la demande de Michel décrit ce porto en parlant de final mentholé et de réglisse. Elle insiste sur le caractère très « claret » au sens anglais de ce porto. Enzo Vizzari, grand spécialiste de vins tonitrue que c’est un crime de boire ce porto si jeune et qu’il faut recommencer l’ensemble de la dégustation avec un porto de cinquante ans de plus. J’ai adoré ce vin qui se goûte comme un bonbon de plaisir sans que l’on ressente la moindre fatigue.

Cette superbe dégustation est toute à l’honneur du Grand Tasting. Sans l’estime que des vignerons ont pour Michel Bettane et Thierry Desseauve, jamais ce n’eût été possible de réunir de tels vins.

Antoine Pétrus, jeune sommelier brillantissime a organisé le service des vins pour les Master Class avec de jeunes élèves sommeliers. Ils sont chaudement applaudis car leur tâche était difficile. Même si certains vins furent un peu froids, la prestation fut remarquable.

Trop fatigué pour assister à la Master Class suivante, j’ai quand même goûté en cuisine le Montrachet Grand Cru Domaine Jacques Prieur 2006. Ce vin est prodigieux, goûteux, chaleureux, expansif en bouche. Bu en cuisine il n’a pas le même charme que commenté. Mais qu’est-ce que c’est bon !

J’ai rejoint ma fille et son compagnon qui sont des amoureux des vins de Jean-Luc Thunevin. Ma fille n’arrêtait pas de rire quand Jean-Luc ne cessait de me chambrer fort gentiment. J’ai goûté le Bordeaux Bad Boy rouge 2005 qui est extrêmement plaisant ainsi que le Fronsac Haut-Carles 2006 que je connaissais déjà. Je fus chambré de même par Olivier Decelle qui me fit goûter le Mas Amiel Maury rouge1969 que ma fille adore. Ce ne furent que rires qui doivent pousser ma fille à se demander si ma passion des vins anciens est prise au sérieux. Je sais que ces petites piques sont très amicales.

Pour finir mon Grand Tasting, j’ai « picoré » dans les allées au domaine Marcel Deiss son Schoffweg blanc 2004 remarquable de précision. J’ai mangé un sandwich sur le Champagne Pol Roger cuvée Winston Churchill 1998 d’une subtilité rare, puis sur un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1998 absolument exceptionnel. J’ai goûté un Champagne Henriot 1996 très précis et un Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1998 floral et épanoui. Martine Byat qui se doutait que je repasserais à son stand m’avait gardé un peu du Volnay Caillerets 1959 plus épanoui et vibrant encore, une ou deux heures après sa présentation. J’ai goûté le Champagne Moët & Chandon 2003 subtil et déjà prêt à boire, le Champagne Bollinger 1999 très précis et le Champagne Les Echansons Mailly 1999.

J’ai manqué de visiter tellement de vins qu’il eût fallu deux jours de plus pour découvrir toutes les richesses de ce salon qui fut une grande réussite.