192ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent mercredi, 11 novembre 2015

Le 192ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent dans le magnifique salon lambrissé du premier étage. La mise au point du menu est toujours aussi agréable avec l’équipe attentionnée sous la direction de Jean-Marie Ancher. J’arrive très tôt, vers 16 heures, pour ouvrir les vins. Un phénomène curieux m’interpelle. Le bouchon du Laville Haut-Brion 1987 tourne en même temps que je tourne le tirebouchon pour enfoncer la mèche. L’adhérence au goulot est donc faible. Instantanément je regarde le niveau du vin dans la bouteille. Il est dans le goulot. Une adhérence apparemment plus faible n’a eu aucune influence sur l’évaporation du vin. Le phénomène se répète avec l’Yquem 1958. Lorsque je pique le tirebouchon, le bouchon dérape vers le bas. Il s’extirpe facilement. Comme précédemment je regarde le niveau qui est lui aussi dans le goulot. Comment des faibles adhérences n’entraînent-elles aucune évaporation, c’est un sujet de réflexion et je n’ai pas la réponse. Le bouchon de la Romanée Saint-Vivant du Domaine de la Romanée Conti 1983 m’a demandé une force herculéenne pour le lever. Alors qu’il est absolument sain, il s’est brisé en quatre ou cinq morceaux. L’explication est simple. Au lieu d’être cylindrique, le goulot est resserré au niveau du milieu du bouchon, ce qui fait que le bas du bouchon est obligé de se comprimer s’il veut sortir, ce qui provoque ces cassures. Le seul bouchon qui s’est brisé du fait de l’âge est celui du Carbonnieux 1952. Les parfums de tous les vins à l’ouverture inspirent confiance. Tout va bien.

J’ai donc le temps de me rendre à l’Académie du Vin de France qui tient son assemblée et son dîner de Gala annuel au restaurant Laurent. Par une erreur d’agenda je n’avais pas noté cette date et si j’avais su, j’aurais modifié la date du 192ème dîner pour assister au dîner si chaleureux de l’académie. J’ai donc fait une apparition très courte qui m’a permis de saluer des vignerons que j’apprécie et de goûter quelques vins des académiciens au premier étage du restaurant Laurent. La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2013, de trente ans plus jeune que celle que nous boirons ce soir, est d’une subtilité rare. Michel Bettane lui trouve des accents de syrah. L’Hermitage Chave rouge 2012 est absolument superbe, plein et d’un charme extrême, le Clos Saint-Denis Dujac 2013 a une belle puissance. Le Château de Beaucastel Chateauneuf-du-Pape 2013 est absolument superbe, d’un fruit rare. J’ai bu quelques bordeaux 2013, 2012 ou 2011 et dans la petit salle des vins doux, deux vins seulement, dont le Jurançon Quatuor Cauhapé 2014 que me commente avec fierté Henri Ramonteu, et il a raison, car il s’agit de la sélection du meilleur de quatre périodes de vendanges, vin très frais et léger qui ne fait pas ses 14°, et le Château de Fargues 2012, radicalement différent, qui exprime un joli botrytis. Je m’éclipse vite pour retrouver les convives du dîner au Taillevent.

Nous sommes dix, dont un norvégien et un suédois vivant en Norvège, tous deux amoureux du vin, un couple de jeunes chinois, deux français vivant à Singapour, deux provinciaux dont un vigneron bordelais et deux parisiens. Un ami parisien et la jeune chinoise ont participé à mes dîners. Les huit autres sont des bizuts. Le dîner se tient en anglais.

L’apéritif debout est l’occasion de donner les consignes d’usage pour profiter au mieux de ce dîner. Le Champagne Bollinger Année 1975 a une couleur déjà sensiblement ambrée. Le premier contact ne me plait pas trop, car il y a une amertume qui n’est pas métallique mais dans le même registre ingrat. Il faut en fait attendre un peu l’apparition des gougères pour que le champagne prenne de l’ampleur, s’aère et offre de beaux fruits jaunes et bruns. Il est tout simplement un peu plus vieux qu’il ne devrait car la noblesse Bollinger est là.

Le menu mis au point par Jean-Marie Ancher avec le chef Alain Solivérès est ainsi intitulé : Huîtres de l’Impératrice en gelée d’eau de mer / Noix de coquilles Saint-Jacques, beurre salé, pomme reinette et cidre / Filet de rouget barbet, sauce au vin rouge / Epeautre du pays de Sault en risotto, potiron et lard di Colonnata / Tourte de canard colvert « Tradition Taillevent » / Stilton / Variations sur mangue et pamplemousse.

Le Champagne Krug 1988 est absolument éblouissant. Contrairement au 1975 il est d’une folle jeunesse. Il a une puissance indestructible et une longueur qui nous emporte. Il est riche, extrêmement complexe et sa virilité est exacerbée. C’est un très grand Krug. Les huîtres sont magiques, goûteuses et fraîches, avec juste ce qu’il faut de salinité pour titiller avec bonheur le Krug. C’est un grand accord et un grand moment.

Je n’aurais pas dû mettre ensemble les deux blancs sur la belle coquille Saint-Jacques mais qui aurait dû être doublée pour les deux vins, car le bordelais en a souffert, alors qu’il est grand.

Le Château Laville Haut-Brion 1987 est une vin d’une grande pureté, au nez droit et minéral et à la belle complexité janséniste. A côté de lui, le Chevalier Montrachet Bouchard Père & Fils 1985 a un parfum envoûtant et sensuel et le goût est à l’avenant, riche, large, emplissant la bouche. C’est un grand vin épanoui et joyeux. La coquille est belle, de grande qualité, mais ne crée pas une vraie valeur ajoutée pour les vins.

Le Pétrus 1988 est une merveille de Pétrus dans une acception tempérée. Le nez est dense et profond. En bouche, on a des grains de truffes, de charbon, de belle matière et c’est le toucher de bouche qui est enthousiasmant. On le sent noble, structuré, de haute densité. Dès qu’on me sert le plat, je sens que le vin ne conviendra qu’à la chair du rouget et non pas à la lourde sauce au vin. Mettre Pétrus avec du rouget, c’est une de mes coquetteries. J’ai raison d’être coquet, car l’association rouget et Pétrus est immensément gastronomique. Mes convives sont aux anges.

L’accord qui va suivre est encore plus gastronomique. Le Château Carbonnieux rouge 1952 est le seul vin dont le niveau est à mi- épaule, ce qui n’a aucune influence sur son goût. Le vigneron bordelais qui dirige de nombreux domaines n’en revient pas de la performance de ce Graves. J’ai beau essayer de lui expliquer que cela vient de la « méthode Audouze » d’ouverture des vins, avec ce qu’il faut d’humour, il reste subjugué par la plénitude de ce beau bordeaux riche, opulent, marqué lui aussi d’un peu de truffe, et qui trouve en l’épeautre en risotto au lard un accélérateur de saveurs spectaculaire. C’est le plus bel accord du repas, même si les huîtres jouent au coude à coude pour la première place.

La tourte de canard est d’une richesse qui rivaliserait avec bien des lièvres à la Royale. La juxtaposition de deux vins fonctionne parfaitement dans ce cas. Le Chambertin Bouchard Aîné & Fils 1967 est étonnamment brillant, tant il exsude la sensualité. Je dis étonnamment, car on n’attendrait pas un 1967 avec cette largeur et cette générosité. C’est un grand chambertin, propulsé par la tourte.

La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 avait cette particularité singulière que le haut du bouchon, juste décapsulé, sente la terre que dans mon imaginaire j’attribue à celle de la cave la plus vieille de la Romanée Conti. Autre particularité que j’adore c’est que le nez du vin est salin. C’est une caractéristique des vins du domaine. Le vin est élégant, délicat, suggérant plus qu’il n’impose ses complexités. Il sera couronné par les votes des participants. Le contraste entre le chambertin sensuel et la Romanée romantique est superbe à vivre sur fonds de tourte puissante et maternelle.

Le Château Sigalas-Rabaud Sauternes 1970 est un joli sauternes simple du fait de sa jeunesse mais de belle vibration sur un stilton plutôt gras, ce qui va bien aussi.

Le Château d’Yquem 1958 est d’un or glorieux. Le nez est riche et ce vin évoque plutôt la puissance d’un 1959 que celle d’une année plus réservée. C’est donc une belle et grande surprise sur un dessert absolument réussi par le pâtissier qui a présenté des goûts francs de mangue et de pamplemousse en un dessert d’une grande beauté.

Jean-Marie Ancher nous a posé une énigme mathématique, nous demandant de trouver l’année d’un alcool en relation avec le numéro du dîner. J’ai proposé 1948 car 192 est le quadruple de 48 mais la réponse est 1928, qui a les trois premiers chiffres du dîner et le « 8 » qui est la verticale du symbole de l’infini. Le Bas-Armagnac Domaine de Cavaillon J. Lassis 1928 en dame-jeanne est excellent, riche, combinant maturité et vivacité. C’est un beau point final à ce dîner.

Voter pour les vins du dîner est très difficile et je m’en veux d’avoir oublié Carbonnieux 1952 dans mon vote. Cinq vins ont eu l’honneur d’être nommés premier, la Romanée Saint-Vivant quatre fois, Pétrus et le Chambertin chacun deux fois et le Chevalier Montrachet et le Carbonnieux chacun une fois. Neuf vins sur dix ont figuré dans les votes de cinq vins sur les dix du dîner, ce qui est un beau score. Je suis le seul à ne pas avoir mis le vin du domaine de la Romanée Conti dans mon vote, sans doute parce que je le connais et le pratique souvent.

Le classement compilé du consensus est : 1 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Chambertin Bouchard Aîné & Fils 1967, 3 – Pétrus 1988, 4 – Château d’Yquem 1958, 5 – Champagne Krug 1988.

Mon classement est : 1 – Chevalier Montrachet Bouchard Père & Fils 1985, 2 – Château d’Yquem 1958, 3 – Chambertin Bouchard Aîné & Fils 1967, 4 – Pétrus 1988, 5 – Champagne Krug 1988.

Le Taillevent a fait une prestation remarquable à tous les stades, élaboration, service du vin, service des plats et cuisine. Parmi les plats je retiens les huîtres et le dessert et parmi les accords l’épeautre liée au Carbonnieux, Pétrus et rouget et les huîtres liées au Krug.

Dans une ambiance cosmopolite, marquée notamment par l’enthousiasme des norvégiens, et celui du vigneron présent, nous avons passé un excellent dîner.

Champagne Bollinger Grande Année 1975

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Champagne Krug 1988

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Château Laville Haut-Brion 1987

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Chevalier Montrachet Bouchard Père & Fils 1985

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Château Carbonnieux rouge 1952

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Pétrus 1988

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Chambertin Bouchard Aîné & Fils 1967

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Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983

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Château Sigalas Rabaud Sauternes 1970

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Château d’Yquem 1958

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Déjeuner au restaurant Caviar Kaspia mercredi, 11 novembre 2015

Cette semaine aura lieu le dîner annuel de vignerons que j’organise pour la quinzième année consécutive, que l’on appelle « dîner des amis de Bipin Desai », grand collectionneur américain d’origine indienne. Bipin cornaque un groupe d’américains amateurs de vins, ses amis de longue date et au cours de la semaine qu’ils passent ensemble, c’est une succession de grands restaurants à Paris et à Bordeaux. Bipin s’échappe de son programme pour déjeuner avec moi au restaurant Caviar Kaspia. La salle du premier étage, au-dessus de la boutique, est très confortable.

On nous apporte en guise d’amuse-bouche en attendant de commander, des malossols, cornichons à la russe suffisamment doux pour qu’on les grignote sans se restreindre.

Nous choisissons de goûter deux caviars, un osciètre et un beluga, avec deux préparations possibles, soit avec blini à la crème, soit avec une pomme de terre. Ensuite nos choix sont différents. Le mien est anguille fumée. Le caviar beluga est gris clair, salé et excellent, très expressif et d’une grande longueur. Le caviar osciètre est plus foncé, moins gras, moins complexe et moins pénétrant tout en étant bon.

Les accompagnements sont servis à part et beaucoup trop généreux au point qu’on ne peut pas les finir. D’autant que personnellement, je préfère le caviar soit seul, à la cuiller, soit sur de la baguette fraîche beurrée, ce qui a été fourni sans rechigner.

Le Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle est absolument idéal pour accompagner le caviar, surtout le beluga. Car ce champagne est frais, léger, romantique et floral, et met en valeur le caviar tout en développant ses complexités. L’accord est magistral.

L’anguille fumée n’est pas transcendantale car elle manque d’un peu de gras et d’intensité.

Le budget d’un tel repas est évidemment musclé, car tout ce qui touche au caviar est exorbitant. Mais l’atmosphère du lieu, un peu surannée, est agréable, le service est attentif, et l’on passe ici un très bon moment.

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Déjeuner de conscrits au Yacht Club de France mercredi, 11 novembre 2015

Jusqu’où ira Thierry Leluc, le responsable de la restauration du Yacht Club de France ? C’est un passionné de beaux produits qu’il recherche avec opiniâtreté et talent. Nous venons en ce lieu parce que plusieurs membres de notre club 2043 sont membres du Yacht Club de France. Dans notre club de conscrits, il faut être né en 1943. Mais en France, une règle ne peut se concevoir sans exception. Nous avons intégré en notre sein un membre de plus de dix ans notre cadet, qui nous reçoit aujourd’hui.

L’apéritif commence avec du Champagne Taittinger Brut sans année qui est agréable à boire sur quatre sortes de saucissons dont un très curieux au roquefort. Cela surprend, puis on s’habitue. Saucisson et champagne font bon ménage aussi il fait rapidement soif et nous changeons de bord pour un Champagne Joseph Perrier Blanc de Blancs Cuvée Royale sans année. Lui aussi est très agréable avec peut-être un peu plus de vigueur, mais ces champagnes apportent plus de générosité que de complexité. Un saucisson très large ressemblant à de la coppa corse mais sans aucun gras stimule ces deux champagnes, plus que les délicieuses cassolettes aux langoustines. Des huîtres dont je n’ai pas retenu la préparation sont, elles aussi, de fort belle qualité.

Nous passons à table. Le menu conçu par Thierry Leluc avec le chef est : Saint-Jacques de la baie de Saint-Brieuc, aromatisées de quatre façons (basilic, vanille, truffe et fraise tomate) / sole de la baie de Somme, façon meunière, cèpes rôtis / fromages affinés par Eric Lefèvre, MOF / Mont-Blanc, meringue amandes, crème vanille et marron.

La qualité des préparations mérite tous les éloges. La « façon » fraise tomate de présenter n’est pas du tout convaincante, car on perd le goût de la coquille, aussi mon classement sera : basilic, vanille et truffe pour les coquilles Saint-Jacques.

Le Pouilly-Fuissé Louis Jadot 2013 a une belle acidité mais c’est un vin bien trop jeune pour moi.

Le Chassagne-Montrachet Louis Chavy 2011 a un superbe parfum, envoûtant. Il est rond, plein, très agréable à boire.

Le Volnay Premier Cru Santenots Arthur Barolet & Fils 2011 s’accommode bien des délicieux fromages. Il n’a pas beaucoup de coffre mais se boit agréablement.

Un Marc de Banyuls Hors d’Age Abbé Arrous titrant 40° est adapté au dessert dans des tons d’automne.

La quête incessante de bons produits que pratique le directeur de la restauration du Yacht Club de France fait des merveilles.

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Vieux Millésimes de vins doux naturels du Roussillon mercredi, 11 novembre 2015

Une association de producteurs de vins doux naturels du Roussillon (Banyuls, Maury, Rivesaltes) tient salon à Paris avec pour thème « Vieux Millésimes ». Rares sont les régions qui peuvent offrir autant de millésimes anciens, à l’instar de Madère. Le lieu de la réunion est particulièrement bien choisi, le « Cyclone Studio » dans le 13ème arrondissement. C’est un endroit ravissant qu’on ne peut pas soupçonner de la rue.

Je suis venu car je connais plusieurs domaines qui m’ont fait goûter dans le passé leurs nectars. N’ayant pas pour objectif d’éventuels achats, comme c’est le cas pour les professionnels présents, je n’ai pas pris de notes et c’est donc de mémoire que je retrace quelques impressions.

Je rends d’abord visite à Agnès de Volontat-Bachelet, dont la mère Paule de Volontat m’a initié aux vieux Maury. Le Maury Tuilé La Coume du Roy 1975 est vif et plein et très séduisant pour un jeune Maury. Le Maury Tuilé La Coume du Roy 1965 est très fluide. Le Maury Tuilé La Coume du Roy 1932 est vraiment très élégant avec un fraîcheur rare. Le Maury Tuilé La Coume du Roy 1925 que j’avais acheté assez massivement est maintenant plus dense et plus café que ceux que j’ai en cave mais il a gardé sa grandeur. C’est le 1932 que je préfère.

C’est Bruno Cazes, fils de Bernard Cazes que je revois avec un grand plaisir, qui représente le Banyuls l’Etoile que j’aime beaucoup. Le Banyuls l’Etoile 1949 est puissant, un peu réduit, évoquant café et caramel. J’ai toujours eu un faible pour cette maison en partie à cause du nom, car j’aime aussi particulièrement les vins de l’Etoile du Jura.

Les Vignerons de Maury font une cuvée spéciale, Chabert de Barbera. Le Maury Tuilé Chabert de Barbera 1985 est un Maury de grande élégance et complexité. Il est d’une belle vivacité.

C’est sur la suggestion d’Olivier Poussier que je suis allé goûter le Rivesaltes Ambré Maison Cazes 1932. C’est un vin d’une rare élégance et d’une incroyable fraîcheur. C’est un régal. Et la maison Cazes est chère à mon cœur, Bernard Cazes m’ayant reçu en ami lorsqu’il dirigeait encore son groupe familial.

Je ne connaissais pas la maison Gérard Bertrand qui propose de déguster plusieurs millésimes anciens. Le Maury Ambré Gérard Bertrand Legend Vintage 1929 est très frais et incroyablement floral. Il est d’une rare finesse.

Le Rivesaltes Gérard Bertrand Legend Vintage 1914 fait accomplir un saut dans le temps. On dirait qu’il est d’un siècle plus vieux que le précédent. J’adore les vins qui sont comme lui marqués par l’âge.

Il m’était impossible de ne pas visiter Mas Amiel ce domaine si beau et j’ai bu un Maury Tuilé Mas Amiel 1969 qui a la richesse, la profondeur et la densité de ce magnifique domaine.

Beaucoup de professionnels se pressaient à tous les stands car c’est assez rare d’avoir tant de grands vins de millésimes historiques. J’étais venu plus pour saluer des vignerons que je connais mais boire autant de vins agréables qui évoquent tantôt le café, le chocolat, les pruneaux, les zestes d’orange avec d’infinies variations de force, de richesse et de complexités, c’est un plaisir rare.

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Déjeuner de dimanche avec tous mes enfants lundi, 9 novembre 2015

Pour ma femme et moi, réunir ensemble nos trois enfants est un cadeau qui n’a pas de prix. Je dirais volontiers que c’est l’un des plus forts carburants de mon énergie. Avec un fils à Miami les occasions sont rares, mais nous avons la chance d’avoir nos trois enfants et trois sur six de nos petits-enfants. Si désireux de préserver cette cohésion familiale, je choisis symboliquement des vins rouges de chaque année de mes enfants. Ces années ne sont pas merveilleuses pour les vins mais merveilleuses pour les enfants.

L’apéritif est de gressins que l’on entoure de jambon Pata Negra et de chips à la betterave rouge. Le Champagne Dom Pérignon 1985 est très opposé au 1993 bu il y a deux jours. Il est nettement plus puissant, riche, accompli, à la complexité forte et guerrière, ce qui fait que l’on n’est pas sur la voie du romantisme, mais sur celle des explosions de fruits. Il emplit la bouche de belle façon. C’est un grand champagne qui brille encore d’une énergie de vin jeune. La maturité ne l’a pas encore atteint.

A table, nous commençons par des coquilles Saint-Jacques crues frottées d’huile, au goût sucré remarquable, qui s’harmonisent à merveille avec le Dom Pérignon. Ensuite viennent des côtes de porcelet cuites à basse température avec des petites pommes de terre en robe des champs et des tranches de bananes du Cameroun poêlées.

Le Château Rausan-Ségla Margaux 1967 a un joli nez discret. Il y a un peu de poussière dans le goût d’un beau vin fruité, mais il est agréable à boire dès que le vin s’est épanoui dans le verre. Ma fille de ce millésime trouve ce vin désagréable au début puis se ravise quand le vin s’est assemblé.

Avec mon fils, j’ai bu le Château Lafite-Rothschild demi-bouteille 1969 des dizaines de fois pour notre plus grand bonheur. Il y a bien longtemps que nous n’en avions pas ouvert un. Celui-ci a pris de la poussière dans son goût racé, mais si l’on fait abstraction de ce voile, il y a un fruit rouge et noir magnifique et noble. C’est donc plus une évocation qu’un vin de plaisir.

Le Château Haut-Brion 1974, à l’ouverture, avait un nez extrêmement vieillot et poussiéreux, qui s’est progressivement estompé. Mais au moment où il est servi, avec deux heures seulement de convalescence, le vin ne s’est pas reformé et n’offre aucun plaisir. Comme le choix des vins correspondait plus à un clin d’œil qu’à une recherche de perfection, nous n’avons pas été affectés par les contreperformances de certains.

Le Tokaji Escenzia Aszu Disznoko 1988 est marqué par de fortes évocations de café, de zestes d’orange et de pruneau. Le vin est fort agréable, avec une belle imprégnation doucereuse et accompagne une mousse au chocolat dont ma femme a le secret. C’est surtout sur des petits gâteaux chocolatés fourrés aux zestes d’orange que l’accord du Tokay s’est trouvé.

A part le Dom Pérignon, ce repas n’a pas brillé par la qualité des vins, mais c’est la joie d’être ensemble avec nos enfants qui restera le souvenir le plus fort.

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Dîner d’amis au restaurant Pages dimanche, 8 novembre 2015

Le lendemain, retour au restaurant Pages. Nous sommes sept, quasiment tous des habitués du rituel week-end du 15 août dans le sud, au cours duquel nous ouvrons de grands vins. On ne change pas les habitudes d’une équipe qui gagne, et les vins ce soir seront mémorables.

Le menu exécuté par Yoko, l’adjoint du chef Teshi, empêché d’être avec nous, a donné l’occasion d’une prestation remarquable. Son contenu est : chips / ceviche de dorade royale, coriandre, cébette / pain soufflé et citron / bonite de Méditerranée fumée au foin / caviar de Sologne sur une crêpe ciboulette et crème de mascarpone / bœuf Wagyu Ozaki en carpaccio et herbes / Saint-Jacques et racines / cromesquis de foie gras au bincho et purée de potiron / encornet de Noirmoutier au chorizo et céleri rave, fleur de capucine et pensées mouron des oiseaux / turbot, jus de palourde, bigorneau, citron-caviar, riz soufflé / poulette du Pâtis de Pascal Cosnet, cébette et œuf tamago mariné dans le jus de volaille pendant une nuit, émulsion à la reine des prés, truffes blanches d’Alba / bœuf de Simmenthal 45 jours, Galice 90 jours, bœuf Ozaki sur le bincho et boeuf Ozaki poêlé sur la fonte / topinambour à la vanille / coriandre et citron-caviar / Mont-Blanc au Mikan (mandarine japonaise) glace rhum châtaigne crumble mikan et citron vert / verveine en sirop, sorbet et croustillant / mignardises : tarte aux pommes, éclair noisette et guimauve citron vert.

L’exécution de ce menu est magistrale, les recettes étant aussi précises que lorsque le chef est là, ce qui est à son honneur et à l’honneur de cette équipe qui s’entend si bien. Le plat le plus extraordinaire du repas, ce sont les encornets, suivi par le turbot, l’œuf et bien évidemment le plat signature, les trois préparations de bœuf. Mais ce soir nous avons inauguré à ma demande une nouveauté, ce furent les quatre préparations de bœuf. La veille j’avais dit à Teshi que je préfèrerais sans doute le Wagyu Ozaki non passé au bincho qui donne un goût charbonneux. Teshi m’avait répondu que ce passage permettait d’éviter que le bœuf n’apparaisse trop gras. Il fut alors décidé d’essayer les deux ce soir et c’est ce que Yoko a fait. La démonstration est concluante pour moi car je préfère le wagyu non passé au bincho, plus pur, mais elle ne vaut pas loi, puisqu’autour de la table, des amis ont préféré le Ozaki au bincho. Il faut probablement proposer les deux.

Vincent le sommelier a ouvert quelques bouteilles et j’ai ouvert les plus anciennes à mon arrivée, quelques minutes seulement avant l’arrivée des amis. Vincent a fait à notre égard un service très compréhensif.

Le Champagne Egly-Ouriet « Les Vignes de Vrigny » Premier Cru Pinot Meunier dégorgé en septembre 2013, après 38 mois de passage en cave, est très agréable, franc et nous nous en satisfaisons bien volontiers.

Le Champagne Jacques Selosse Grand Cru Blanc de Blancs 1995 dégorgé en février 2003 est une bombe de bonheur. C’est son bouquet floral qui est impressionnant. Il a aussi des fruits rouges compotés et légèrement confits. Il est très peu fumé et sa force de caractère est appréciée, même si sa longueur n’est pas extrême. L’ami qui l’a apporté avait peur d’un accident possible de bouchon car la cape était accidentée mais le champagne n’en a rien ressenti.

Le Champagne Krug 1998 marque un nouveau saut qualitatif, avec le même caractère floral que le Selosse, mais poussé encore plus loin. Ce champagne complexe est au sommet de la hiérarchie. Il y a des Krug plus complexes, mais celui-ci, en ce moment, est glorieux. Il est vif, sur une belle acidité citronnée.

Le Chevalier-Montrachet maison Bouchard Père & Fils 1990 se présente dans une bouteille au niveau parfait et à la couleur divinement belle. Dans le verre le vin est d’un or citronné du plus bel effet. C’est le parfum du vin qui est envoûtant. Il est riche, puissant, enveloppant la bouche d’une belle sphéricité, avec un joli citron peu acide. C’est un très grand vin noble, joyeux, de plénitude. Les feuilles d’huître sont un peu excessives sur la chair de l’Ozaki. Le vin préfère le carpaccio seul.

Comme nous sommes un peu à court de vin à ce stade du menu, l’ami qui a apporté le Selosse récidive avec un Champagne Jacques Selosse Grand Cru Blanc de Blancs dégorgé en juillet 2004. Comme si cet ordre avait été préparé de longue date, ce champagne continue la marche de l’empereur vers l’infini gustatif, puisqu’il est encore plus grand que les trois champagnes précédents. Il faut dire que contrairement aux autres, il est entré dans une phase de maturité marquée, comme en témoigne sa couleur beaucoup plus foncée. C’est une belle surprise et on note des évocations aussi bien de zestes d’oranges que de marrons glacés. C’est dire ! L’accord avec le turbot est superbe.

Le Château Mouton-Rothschild 1989 dont la bouteille a un joli dessin de Baselitz « Die Mauer » puisque c’est l’année de la chute du mur de Berlin, est une expression de l’aboutissement de Mouton-Rothschild. Le nez est intense, presque enivrant. La bouche est puissante, guerrière, de truffe noire, de charbon, de graffite, de tabac, avec un équilibre diabolique. On dirait que ce vin est gravé dans le marbre tant il va tenir tout au long de sa dégustation en nous donnant une impression de totale perfection.

Le vin qui suit s’inscrit dans la ligne de ma passion pour le vin, d’explorer toutes les formes de vins anciens quand j’en attends la surprise. La bouteille est belle, bourguignonne ventrue. L’étiquette principale ne porte que les expressions suivantes : « Gevrey-Chambertin » et « Appellation Contrôlée ». On chercherait vainement le nom d’un producteur ou d’un négociant. L’étiquette porte en haut une frise aux grappes de raisin dont le centre est la tête d’un satyre cornu au rire dionysiaque coquin. L’année sur la petite étiquette est 1947. Je me suis intéressé à ces curiosités car avec l’âge il y a le plus souvent de belles surprises. Et ce Gevrey-Chambertin 1947 ne trompe pas mes attentes. Il ne souffre pas de passer après le Mouton 1989. Il est bien sûr d’une structure moins noble mais il est gourmand. Il est torréfié, évoque le café et le cacao mais aussi la luxure que le satyre appelle de ses vœux. C’est un vin charmeur, gratifiant, de belle mâche.

Le Château d’Yquem 1988 qui apparaît maintenant correspond à une tradition et un rite. Ma femme ne boit qu’Yquem et un ami ajoute toujours Yquem quand nous nous rencontrons pour boire de grands vins. Et ce 1988 est conforme à sa réputation de leader de la trilogie 1988 – 1989 – 1990. Il est parfait et entrera certainement dans l’histoire comme un très grand Yquem. Il atteint une sérénité et une maturité qui en font un vin complet, avec une évocation de mangue passée à la plancha, d’un peu d’abricot et des zestes d’orange, mais surtout une mâche joyeuse qui réjouirait le satyre du Gevrey précédent.

Deux vins émergent de cette magnifique brochette éclectique, le Mouton 1989 et le Selosse dégorgé en 2004. Je les classe dans cet ordre et ma fille cadette les classe dans l’ordre différent. Viennent ensuite le Chevalier Montrachet 1990, l’Yquem 1988 et le Krug 1998. Mais les autres ont aussi beaucoup de qualités.

J’ai donné à Yoko et son équipe des verres de quelques vins dont le Mouton et l’Yquem. La joie de l’équipe est un vrai plaisir. La cuisine de Pages est d’une élégance particulière. Chaque saveur a une utilité. Tout est suggéré, dosé, pianoté, avec énormément de sensibilité. L’ormeau m’avait émerveillé hier, aujourd’hui c’est l’encornet.

Ce dîner, comme disait mon grand-père dans les grandes occasions, est à marquer d’une pierre blanche.

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DSC03439 DSC03441 Evernote Snapshot 20151107 203236 DSC03444 Evernote Snapshot 20151107 211210 DSC03451 DSC03453 DSC03454 DSC03455 DSC03459 DSC03446Evernote Snapshot 20151107 231227 DSC03461 DSC03463 DSC03464 DSC03465 Evernote Snapshot 20151107 205148 Evernote Snapshot 20151108 000829

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à la fin du service, la grosse lampe de la cuisine éclaire une fleur blanche

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Dîner avec mon fils dimanche, 8 novembre 2015

Mon fils vient chaque mois de Miami pour gérer la société familiale principale. Quand il arrive, sa maman a préparé du jambon Pata Negra, une terrine de foie gras et des fromages pour faire plaisir à son fils chéri. Le Champagne Dom Pérignon 1993 est une divine surprise. Mon fils qui ne voit pas l’étiquette mais voit la forme de la bouteille doit seulement deviner l’année. Il propose dans les années 80, et cite 1983. Cette année 1993 n’avait pas une réputation d’être une grande année. Or ce que l’on boit est strictement dans la ligne de ce que recherche Richard Geoffroy, l’homme qui crée le Dom Pérignon de chaque millésime. Il y a une grâce, un romantisme, des accents floraux émouvants qui signent un grand Dom Pérignon. Même si la puissance est un peu retenue, cela ne se sent pas. C’est avec le foie gras que le champagne prend de l’ampleur.

Le 1993 ayant étanché notre soif, il faut une suite et c’est le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998 qui lui succède. Et cette succession n’est pas à son avantage. Car ce champagne que j’aime puisque je le bois très souvent, passe mal après le romantisme du premier. Il est bien structuré, équilibré, mais sa charpente paraît lourde après la grâce du précédent. Qu’importe, ce champagne que j’aime aura d’autres occasions de briller.

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Déjeuner au restaurant Pages vendredi, 6 novembre 2015

Déjeuner au restaurant Pages. Le menu découverte est ainsi composé : chips, ceviche de dorade royale, bonite / bœuf Ozaki / bar de ligne fumé / ormeau / lotte croustillante, citron caviar / canard de Challans façon Apicius / bœuf de Simmenthal 45 jours, Galice 140 jours, bœuf Ozaki, sur le Binco / coriandre, citron / Mont Blanc au Mikan.

C’est un festival de délicatesse et d’élégance. La présentation des plats est jolie et raffinée, la vaisselle est assortie à l’esprit des plats. Tous les plats méritent des félicitations. Trois plats émergent pour mon goût, l’ormeau exceptionnel, le canard divin et les trois viandes dont la Galice est le point culminant. Il fait bon manger au Pages, avec la vue sur une cuisine animée et silencieuse, de grande efficacité dans une ambiance souriante.

L’Hermitage Les Bessards Delas 1990 à l’ouverture a un parfum de vin tout jeune, presque de l’année, porté par une acidité juvénile. Lorsqu’il s’étend dans le verre on mesure à quel point son quart de siècle lui fait du bien. Le vin est riche, cohérent, ramassé, c’est une bombe de velours qui atteindra son acmé avec la sauce du canard de Challans. La prolongation de l’un par l’autre est spectaculaire. Le vin est riche, avec un velours qui est lourd comme du charbon. Son message est clair et direct et sa longueur est encourageante. C’est un vin de plaisir.

Un déjeuner au restaurant Pages, même de travail, est un grand moment de plaisir dans une ambiance chaleureuse de grand confort.

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L’inépuisable générosité de Tomo vendredi, 6 novembre 2015

Il est assez difficile d’imaginer jusqu’où ira la générosité de Tomo. A l’occasion de concerts à la Philharmonie de Paris, deux violonistes de l’orchestre philharmonique de Berlin sont présents dans notre capitale. Tomo les a invités à donner un petit récital dans son appartement. J’avais eu l’occasion d’écouter l’un d’entre eux ici même lors de la célébration du premier anniversaire de la fille de Tomo. Il a réuni ses voisins d’immeubles et quelques amis. J’avais prévenu que je ne pourrais pas assister au concert privé qui se tenait à 17 heures et je rejoins les personnes présentes vers 18h15. Après avoir salué tout le monde et m’être excusé auprès de Wolfgang et Romano les deux violonistes, nanti d’une coupe de Champagne Krug Grande Cuvée, classique et fringant, je vais en cuisine ouvrir le vin que j’ai apporté pour le dîner.

L’assemblée s’éclaircit au point que nous ne serons que six pour le dîner, six hommes puisque la femme de Tomo se préoccupe de sa fille qui accapare tous ses instants. Il y a les deux violonistes, un vigneron bourguignon, le directeur du mécénat de l’Opéra de Paris, Tomo et moi. Wolfgang a souhaité que la dégustation se fasse à l’aveugle.

Tomo ouvre une grande boîte de caviar Huso-Huso Beluga de Pétrossian, qui est la qualité supérieure du Beluga. Ce caviar est d’un équilibre incroyable. Il a à la fois des notes iodées mais contrôlées et un joli gras qui évoque subtilement la noisette. Le Champagne Krug Clos du Mesnil 2003 est très floral, entêtant comme du lilas et tout en subtilité. Sa complexité est parfaite. Il n’est pas très large et opulent, il est tendu et vif. C’est un vin très romantique qui montrera dans une heure, plus chaud, qu’il a une matière d’extrême noblesse.

Tomo m’avait adressé des photos de quelques éléments du dîner, dont la truffe blanche qui avait orienté le choix de mon vin et un crabe géant dont nous allons manger les pattes en deux services : une patte à peine cuite, à la japonaise et une patte un peu plus cuite. Sur le crabe nous avons deux vins blancs. Le Chablis Premier Cru Butteaux Jean-Marie Raveneau 1990 a un nez splendide et très expressif, intense et profond. En bouche, c’est la minéralité qui s’impose mais aussi un fruit superbe. Ce vin est d’une grande pureté. C’est un vin de noblesse et élégance avec un peu de fumé et de citron. Son équilibre impressionne.

Le Montrachet Domaine des Comtes Lafon 1994 n’est pas très opulent, et cela tient au millésime. Ce qui me plait, c’est son finale éthéré et très long. Il a le corps d’un montrachet avec du gras et du fumé, mais il est très sec. C’est surtout le finale qui m’attire. Les vins ont été servis très froids et c’est le montrachet qui en souffre le plus. Il est minéral et un peu strict. Plus chaud, il gagne du gras et du salin, mais le millésime limite son ampleur.

Les pattes de crabe, cuites juste à l’huile d’olive sont d’un goût délicat et étrange par leur gracilité. Je préfère la patte la moins cuite. Le crabe s’accorde plus avec le montrachet qu’avec le chablis. Tomo pose sur la table une petite assiette avec plusieurs truffes blanches qui embaument et donnent un incroyable coup de fouet aux deux blancs, surtout le montrachet.

Cette truffe entêtante va évidemment aussi influencer les parfums des rouges. Le Bonnes-Mares Domaine Georges Roumier 1977 est tout en dentelle. Il est très bourguignon et salin. Nous mangeons un plat original : du bœuf bourguignon avec une sauce lourde et inondé de lamelles de truffe blanche que Tomo découpe sur nos assiettes sans compter. La sauce au vin est un peu trop forte pour ce vin, alors que le suivant ne cillera même pas tant il est puissant. Mais le 1977 va s’accommoder dignement du plat car il est subtil.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1999 est un vin immense fort de fruits rouges explosifs. Il est tellement puissant que Wolfgang qui avait brillé lors de la reconnaissance à l’aveugle des vins précédents et le vigneron bourguignon situent ce vin dans le Rhône. C’est vrai que l’on n’est pas sur le registre habituel de vins du Domaine qui suggèrent plus qu’ils n’imposent. Cette Tâche s’affirme avec fulgurance. Sa palette de goûts est infinie. Elle a du velours, mais d’une densité extrême. J’adore le fruit aigrelet comme la groseille rouge qui surgit dans son discours. Le vin fascine car il combine grâce, velours, générosité et joie avec une persuasion percutante.

Le palais est très marqué par le vin et surtout la sauce au vin, aussi avant que l’on ne passe au vin que j’ai apporté, je suggère que l’on ait un intermède. Tomo, qui n’est jamais pris de court, ouvre un Brie fourré à la truffe avec un Champagne Pommery 1947 qui mêle avec élégance acidité, douceur et de beau fruits jaunes comme des coings. Sa couleur d’un or très clair m’a induit en erreur car j’ai proposé 1973, ce qui est une erreur qui tient aussi au fait que ce Pommery est très vif avec une jolie amertume.

Le Blanc Vieux d’Arlay Jean Bourdy 1929 est logé dans une bouteille soufflée extrêmement épaisse et lourde. Le nez est pur, clair, direct. En bouche le vin a une acidité et une richesse aromatique qui surprennent pour un vin de 86 ans. Il évoque bien le Jura mais se démarque du vin jaune. Oxydé, sans l’être autant qu’un vin jaune, il brille sur ce que j’avais suggéré : des petits toasts à la truffe blanche. L’accord est un régal.

Une divine glace à la truffe blanche cohabite poliment avec un Château d’Yquem 1985 agréable mais d’un trop grand classicisme, ce qui est logique pour ce millésime discret.

Etant assis à côté de Tomo, je lui montre mon classement : 1 – La Tâche 1999, 2 – Clos du Mesnil 2003, 3 – Chablis Butteaux Raveneau 1990, 4 – Pommery 1947, 5 – Blanc Vieux d’Arlay 1929. Tomo me regarde tout étonné et ne comprend pas la place que j’alloue au 1929. Pour lui, il y a deux vins ex-aequo, La Tâche et le Vin d’Arlay. Je lui ai dit qu’il est normal que l’on classe moins bien les vins que l’on connaît ou que l’on a apporté. Tomo va moins bien classer son Krug et je vais moins bien classer le Bourdy 1929.

Tomo est insatiable et voudrait que l’on boive d’autres vins ou des alcools. Je quitte cette docte assemblée, les yeux brillant encore de ces magnifiques flacons et de la générosité inépuisable de Tomo.

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Blanc Vieux d’Arlay Jean Bourdy 1929 (millésime gravé dans la cire couvrant le bouchon)

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la vue de chez Tomo

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les vins selon deux perspectives

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Vins de Georges Roumier au restaurant Pages mercredi, 4 novembre 2015

Pour un prochain déjeuner, je réserve au restaurant Pages. Au téléphone, mon interlocutrice est surprise et me dit : savez-vous que le lendemain vous venez dîner ? Qu’importe. Remettre le couvert chez Pages est loin d’être une contrainte. Toujours prudente, mon interlocutrice me dit : « puis-je vous poser une question ? ». Elle m’annonce que le lendemain de mon appel, un club de dégustation organise un dîner en présence de Christophe Roumier et qu’il y a eu un désistement. Je l’arrête tout de suite : « s’il y a Christophe Roumier, j’arrive en courant ». Elle me demande : « voulez-vous que je vous dise le programme de la soirée ? ». Que m’importe, je viens, même sans savoir. Elle m’indique le prix de ce repas. Tout est sur les rails.

Le lendemain, je me présente assez tôt et le chef Teshi est en train de goûter des vins dans son bistrot « le 116 » qui jouxte le restaurant. Celui qui fait goûter les jeunes vins est François, un sommelier associé du Cercle Dr. Wine, la société qui organise le dîner de ce soir. On me tendra deux fois un verre de l’un de ces vins jeunes, mais j’ai l’esprit tourné vers le futur dîner. Je me rends au restaurant et me présente aux associés du Cercle, qui sont déjà présents. Il y a parmi eux des amateurs et des sportifs. Je règle le prix du repas et je demande si l’on accepte le cadeau que je veux faire d’un vin qui ne sera pas en compétition avec les vins du domaine Georges Roumier. L’ambiance est amicale. J’ouvre donc mon vin que je fais mettre au frais. Nous serons 18 participants répartis en trois tables de six. Il y a dans l’assemblée deux tennismen connus, un pilote de Grands Prix, une chanteuse, un grand nombre d’amateurs dont un ami des casual Friday. Christophe Roumier est présent et commentera ses vins s’il en a envie, François le sommelier qui assurera le service du vin complétant ses propos de très judicieuse façon.

Le Cercle Dr. Wine organise de tels dîners en invitant un vigneron à présenter ses vins. Ce sont donc des dîners à thèmes, avec les vins d’un vigneron présent. Le siège est à Dijon et j’ai pu constater que les relations des fondateurs du Cercle avec les vignerons sont très amicales.

Nous prenons un long apéritif debout avec du Champagne Delamotte brut sans année qui a été étiqueté, grâce à la gentillesse de Didier Depond en « Champagne Dr. Wine ». Cet apéritif permet de bavarder avec les uns et les autres. L’ambiance est très souriante.

Teshi a fait un menu pour les vins : terrine de faisan aux champignons / croustillant de homard, riz sauvage, sauce matelote / poulardes du Pâtis grillée , jaune d’œuf mariné, jus de volaille aux truffes / bœufs de maturation grillé, pommes soufflées, légumes de saison / fromages affinés.

Le Morey-Saint-Denis 1er Cru Clos de la Bussière domaine Georges Roumier 1997 a un nez soyeux, tout en douceur, fou de subtilité. En bouche tout se joue sur la subtilité. Le vin pianote ses douceurs. Une deuxième bouteille est bouchonnée. La troisième est toute en douceur. Christophe Roumier l’adore dans cette année subtile et discrète qu’est 1997.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Amoureuses domaine Georges Roumier 2008 est un vin très frais, envoûtant, à la longueur infinie. Il a une belle amertume. Il est vif, sauvage, géant. Il titille le palais avec bonheur. Je l’aime beaucoup plus dans la fragilité du service du vin frais que lorsqu’il est servi carafé, ce qui en fait un vin beaucoup plus assis. Alors, on trouve du tabac et l’alcool ressort.

Le Charmes Chambertin Grand Cru Christophe Roumier 1999 est tout en velours. Il a fond de douceur. Quelle force, ce qui peut paraître paradoxal quand j’ai évoqué sa douceur. Le vin est magique et son parcours en bouche est original : il n’y a pas de point bas. Il combine une grande force, des épices et un doux velours comme un vin qui ne voudrait pas qu’on le définisse. Elégant, sa râpe est belle. Ce vin est d’un grand potentiel.

Le Bonnes-Mares Grand Cru domaine Georges Roumier 1995 a un nez fumé et de viande légère. Mais le nez est influencé par le bœuf Wagyu dont le parfum nous entoure. Le vin est riche et je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il sera beaucoup plus grand dans quelques années.

C’est d’ailleurs intéressant de constater que le 1997 et le 2008 sont dans une jeunesse pétulante et brillent grâce cette folie sauvage. Alors que les 1999 et 1995 sont déjà des vins formés, plus civilisés, dont on se dit qu’ils seront tellement plus accomplis dans quelque temps. Et mon cœur balance vers ces jeunes fous, car les deux grands crus pourraient attendre, ce qui n’enlève évidemment rien à leurs extrêmes qualités.

Le Corton-Charlemagne domaine Georges Roumier 2003 a un nez un peu fumé. En bouche on retrouve ce côté fumé et des agrumes, avec du beurre salé et des notes lactiques. Je le trouve un peu austère alors que Christophe Roumier le trouve plutôt charmeur. Le vin n’est pas très aidé par la variété des fromages.

Le Château Saint-Amand Sauternes 1943 est le vin que j’ai apporté. La bouteille montre une couleur magnifique dans des tons de mangues. Le nez à l’ouverture était d’une grande subtilité dans les fruits exotiques oranges. Au service, la couleur dans le verre est belle, d’un acajou clair. Le nez est subtil et racé, de zestes d’oranges. En bouche si le vin a un peu mangé son sucre, il en reste suffisamment pour que le charme du vin conquière toute la salle. C’est un vin de bonheur. Le chef a fort judicieusement fait ajouter des mignardises aux noisettes pour accueillir ce vin.

Une fois de plus, la cuisine du restaurant Pages a été d’une rare subtilité. La poularde avec son jaune d’œuf et les trois morceaux de bœuf dont émerge la viande de Galice sont exceptionnels.

Les vins de Roumier sont dans l’aristocratie la plus belle des vins de Bourgogne. Les subtilités sont suggérées et ne sont pas imposées. Les vins sont joyeux, souriants toute en étant nobles. Une telle dégustation est un privilège. Christophe Roumier parle avec simplicité de ses vins. Les dirigeants du Cercle Dr. Wine sont charmants et entreprenants. Cette soirée aura probablement des suites. Tant mieux.

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