Archives de catégorie : vins et vignerons

salon des professionnels du vin mercredi, 23 octobre 2002

A un salon des professionnels du vin, j’ai retrouvé quelques vignerons avec plaisir. J’ai montré à Chantal Comte du Château de la Tuilerie ce que j’ai écrit sur son Costières de Nîmes cuvée Eole. J’en avais fait des compliments, mais le mot « facile » ne lui avait pas plu. Je ne parlais pas du travail qui doit être immense, mais de l’impression d’aisance. Faire bien un vin simple que permet sa région est une réussite. Il faut savoir ajuster ses ambitions à son terroir. Elle peut s’enorgueillir d’un travail remarquablement fait. Elle vend un Rhum exceptionnel à réveiller tous les hibernatus : 58° sous le capot ! Quel parfum.
Peu après, Dom Ruinart 95 vraiment bien construit. Une belle profondeur. Et un Larrivet Haut-Brion blanc 1996 : nez splendide de fruits exotiques. En bouche de la banane, de l’ananas, et même un infime touche de zan (voir Chypre 1845). Ces jeunes Bordeaux blancs sont très excitants.

Salon des Vignerons Indépendants lundi, 20 mai 2002

Salon des Vignerons Indépendants. Il est réservé aux professionnels. Il y a par conséquent moins de foule dans les allées. On rencontre quelques vignerons de beau talent. Le domaine Cazes en Rivesaltes sort tout juste un tuilé 1988 à l’équilibre remarquable. Cauhapé, l’incontournable Jurançon, produit une quintessence de petit manseng 1999 de redoutable séduction. C’est un éventail de saveurs aux mille facettes. Le Sauternes Haut-Peyraguey ne s’en laisse pas compter. Il est bien joli, même si mon palais préfère les cuvées vénérables. Mention spéciale pour les vins d’Anne Françoise Gros, cousine d’Anne Gros. J’ouvrirai le vin de son grand-père et de son année de naissance lors du prochain dîner raconté dans ce bulletin. Elle présente un Pommards Epenots splendide et un Richebourg fort solide. J’ai goûté les 2001 et 2002. Même si les 2001 sont plus fermés, ce jour, je les préfère. Autour de moi, des sommeliers, restaurateurs, cavistes et importateurs s’affairent, procédant à des analyses structurées alors que je butine, guidé par l’instinct mais surtout par les conseils de quelques professionnels amis. J’ai pu vérifier sur certains domaines que je prends plus de plaisir à la cuvée traditionnelle qu’à la cuvée de la micro parcelle où le chêne est neuf et la barrique à gestation lente. Mais l’amateur de vins jeunes recherche peut-être ces goûts là.

dinner with collectors in Chateau d’Yquem samedi, 20 avril 2002

Alexandre de Lur Saluces invited some friends or Yquem collectors for a private dinner in Chateau d’Yquem.

I went there with my wife who does not drink. I wish I had been sitting next to her, to drink what she refused to drink !!! But I was sitting next to women who appreciated what they drank !

Taking the train from Paris to Bordeaux, I had the surprise to see two friends at the arrival in Bordeaux. I would have loved to meet them in the train, and we would have opened an Yquem in the train (this is just a dream).

As I had rented a car, and a friend did not, I played the taxi, and for the price of my drive, my friend offered me to drink with him in the hotel a Clos Fourtet 1962. This is because he had read my report on Clos Fourtet 1947 that I had loved. He wanted to please me with that wine.

Extremely sophisticated and genuine smell : the expression of Saint-Emilion. This smell was very "warm" and friendly. A nice smell. As it came directly from the cellar (we were in the afternoon), the first taste of a rather cold wine was very pleasant. And progressively the wine improved, enlarged its taste, and became a very nice Saint-Emilion. It proves that Clos Fourtet deserves more attention. We offered a glass to an American professor living in Saint-Louis, Paul Paris, who was going to attend the dinner.

When driving to Yquem, I thought of PappaDoc, and his daughter, but I must say that after that, when being in the party, I forgot everything. Because I was captivated.

We tried Yquem 1997 which will be proposed soon through the commercial organisations. An Yquem is always an Yquem, even if young. My wife did not like so much the smell. I liked it. Genuine, even if not brilliant. The taste is the taste of a closed wine. Nothing to compare with the 95 which was an explosion of joy when I tasted it in the same conditions in the castle two years ago. There is an excessive taste of caramel for my taste. The interesting "sport" was to imagine how the wine will develop. And it is pure speculation. But my opinion is so : it will rapidly grow as a 88, even if closed for many years. Less exploding and generous as a 88, but in the same direction. And probably in ten / fifteen years, when it will develop, it could be a very great Yquem, as had been the 28 for example. It should not be too expensive, if Yquem is reasonable, and it could be worth buying it.

Then we went in the lounge and we had a magnum of Krug 1988. Difficult to begin to appreciate it just after an Yquem, but progressively, the quality of this wonderful champagne (wonderful nose) appeared, and made us happy. Some years give an extra taste to such champagnes.

At the table – we were around 20 – we began with "Y" d’Yquem 2000. It is rather pitiful that the meal was very spicy (langoustines with a heavy sauce). So it shortened the wine which was much better when we had finished the meal. So I had some difficulties to judge, even if this wine is good, and even if I like the "Y". I was in the castle when happened the first day of the crop of "Y" 2000, so this wine was like a child to me. Rather complex and interesting, but not really judged by me. I tasted the gravy with the next wine, a red (see just after, and be prepared to a shock !), and it worked marvellously, much better than with the "Y".

The next wine is something you dream to drink once in your life : a double magnum Pétrus 1975. This is great. Alexandre gave me the bottle for my future museum. I will make pictures, and put the pictures on my web site.

This wine deserves respect. Decanted in four carafes the wine was perfectly oxygenated. What struck me is the easiness or simplicity of this wine. It is pure power, but a very understandable power. I said to Alexandre : this wine is monolithic. The nose is perfumed, invading, and satisfying. The taste fills the mouth, with a gentle power. Not too much, but the power is there. And what appears is a pure pleasure of something warm, friendly, solid, generous. And the fact to drink such a wine in the castle of Yquem makes you feel you are in Heaven. The wine matched perfectly the seven hours lamb.

Then, it was the time for Yquem 1948. How would be a 48, which appeared between 47 and 49 in the history of Yquem. We were, all of us, absolutely positive on that spectacular Yquem. A nice colour, red, orange, and absolutely not brown. After that, smell or taste, everything is a perfect Yquem. It is classical. It has not any side effect that some other Yquem have. So, the 47 has a typicity, a character that the 48 has not. But the reassuring balance of that wine makes it perfectly satisfying. A wine to drink with an ultimate pleasure. We had it on a Roquefort, and then on a dessert with green apples.

We finished with a magnum Cognac 1906 which I sipped while visiting some parts of the castle which were shown in the wonderful movie on the four seasons in Yquem.

I talked with people coming from USA, Japan, Belgium, Sweden, Switzerland. Some of them have a knowledge on old Yquem that makes of me a very young kid !

To have such a dinner in Yquem’s castle is piece of art.

Dîner au Château d’Yquem samedi, 20 avril 2002

Dîner au Château d’Yquem où le Comte Alexandre de Lur Saluces rassemble des amis amoureux d’Yquem. Japonais, Américains, Suédois, Belges Suisses et Français formaient un petit groupe cosmopolite de fanatiques.
Juste avant, chez Darroze à Langon, un ami m’offre à boire Clos Fourtet 1962 car il avait apprécié ma description du Clos Fourtet 1947. Confirmation sur cette si rare année 1962 que Clos Fourtet est un élégant et grand Saint-Emilion.
Au château où mon cœur palpite chaque fois, Yquem 1997, jeune enfant au nez déjà affirmé. Très fermé contrairement au 1995 au même âge, il a une belle composition qui va lui permettre de devenir, dans plus de dix ans un grand Yquem, dans la ligne des plus caramélisés et sucrés des Yquem. Magnum de Krug 1988. Difficile de le prendre en bouche après Yquem, mais assez rapidement, la noblesse de ce grand champagne qui commence à avoir le délicat fumé des champagnes adultes a montré combien Krug est grand. Krug et Salon sont de grands et nobles champagnes.
J’ai eu un peu plus de mal à goûter le « Y » d’Yquem 2000 qui m’est pourtant cher, car j’avais croqué les premiers grains du raisin d’Y 2000 le premier jour de la récolte. Grand vin blanc sec prometteur, mais le plat excellent en sauce était trop marqué pour le mettre en valeur : Saint-Jacques et grosses langoustines au parfum de romarin. Il y aura d’autres occasions pour le boire dans sa splendeur. Mes yeux étaient en fait rivés sur le vin suivant. J’étais fasciné comme l’insecte pris dans le faisceau d’une lampe : double magnum de Pétrus 1975. Avec l’accord du Comte j’ai rapporté cette bouteille vide qui rejoindra mon musée, et sera reproduite en photo sur le site. J’avais gardé quelques gouttes de sauce du premier plat pour le Pétrus, et l’association était parfaite. Elle allait se continuer sur l’agneau de sept heures si délicieux. Pétrus 1975 est un grand souvenir car j’avais débouché une bouteille avec mon fils, assis face à la mer, pour célébrer des retrouvailles après son absence de plusieurs mois au Brésil. Un Pétrus 1975 au soleil couchant sur la Méditerranée, c’est grand. Mais en double magnum à Yquem, c’est particulièrement merveilleux. Un nez très accompli, serein, velouté, puissant, généreux. Puis en bouche, ce qui frappe, c’est cette puissance tranquille. Les plus grands tableaux de Picasso ont l’habileté d’être simples. Ce Pétrus a l’élégance d’être simple, monolithique, donnant une preuve de bienveillance dans sa merveilleuse sérénité. Je redoutais que l’oxygénation, comme pour le Lafite n’eût été trop forte, mais ce ne fut pas le cas. Cette puissance tranquille a comblé nos palais tout au long de sa dégustation. Puissance, simplicité, monolithisme furent les mots qui me revenaient en permanence à l’esprit. Un vin extraordinaire ouvert grâce à la générosité du Comte Alexandre de Lur saluces.
Le Yquem 1948 fut une première pour moi (pas pour certains convives qui ont une culture invraisemblable d’Yquem, citant les 1811, 1847 et 1861 comme s’il s’agissait de breuvages fréquents) et une belle surprise. Placé historiquement entre 1947 et 1949 qui sont d’immenses Sauternes, ce 1948 révèle de vraiment belles qualités. Pas d’excentricité ni de typicité excessive, mais un Yquem de compromis, généreux et finalement extrêmement complet. Plaisir fort.
Un magnum de cognac 1906 venait conclure un moment de rêve dans un château que je vénère comme une Mecque de la perfection. Le film sur les Quatre Saisons d’Yquem met en valeur ce temple où l’on vient adorer l’éternel Yquem. Alexandre de Lur Saluces y ajoute la perfection de l’hospitalité. Les repas comme ces deux repas avec des grands vins sont des souvenirs pour toute une vie. Je me plais à le répéter. Et à vouloir vous convaincre d’y succomber.

Vignobles & Signatures jeudi, 11 avril 2002

Un groupement de vignerons s’appelle Vignobles & Signatures. Le nom est joli, et les membres sont de grands vignerons. J’y suis allé pour rencontrer mon ami Bernard Cazes, si inventif producteur de Rivesaltes. Une petite goutte d’une création 2001, d’un classique de 1992, et mon petit préféré, la sublime cuvée Aimé Cazes 1976 déjà vantée dans ce bulletin. J’y ai retrouvé la maison Rolet, qui fait un vin jaune si pur. J’ai goûté un vin jaune récent, et la « jaunesse » ne gène pas trop, tant c’est la structure naturelle du vin que l’on aime. Mais un vin de paille de 997, même bon, c’est trop dur pour moi, car je sais tout ce qu’on obtiendra après plusieurs années d’attente sage. Alors que je ne cours pas après les dégustations d’Alsace, Bernard Cazes m’a présenté à la maison Blanck, dont les propriétaires semblent de solides bons vivants. Leur Gewürztraminer SGN (sélection de grains nobles) est extrêmement agréable, et le Riesling SGN, même pour moi qui ne suis pas un mordu du Riesling, est une vraie réussite. A suivre.

Salon des Grands Vins dimanche, 10 mars 2002

Salon des Grands Vins. Il se tient chaque année à la Porte d’Auteuil. De talentueux grands vignerons tiennent stand, et d’autres y font des conférences. Ayant eu un stand l’an dernier, mais pas cette année, j’ai eu plus de liberté pour visiter des amis, ou les écouter religieusement, verre à la main. Philippe Parès exposait sa fabuleuse collection d’étiquettes. Il crée une association. Demandez moi les coordonnées. Il a plus de 200.000 étiquettes de rêve. Philippe assistait le Mas Amiel dont le stand fut le plus couru du Salon. Mas de Daumas Gassac accueillait ses fidèles admirateurs, et un stand du Sauternais dispensait de vrais trésors.
Parmi de belles découvertes lors de conférences : Cos d’Estournel, vin que j’adore dans ses expressions anciennes, faisait goûter Pagodes 97, Cos 97, Cos 98 et Cos 96. Je ne suis pas du tout convaincu par le travail excessif fait pour le 98 et à l’inverse, je me sens mieux avec l’orthodoxie historique du 96. Un grand vin qui mérite de ne pas être trop « travaillé ».
Une fabuleuse accumulation de Sauternes de 1999. Alors que je fuis généralement les jeunes Sauternes par crainte d’infanticide, on avait là de très beaux vins déjà agréables. Les préférences sont affaire personnelle. J’ai préféré Guiraud, loin devant les autres pour ses notes d’agrumes plus prononcées que d’autres, j’ai aimé la Tour Blanche moins choisi par d’autres à cause de son coté « fumé », j’ai aimé ensuite les trois plus représentatifs du Sauternais : Rayne Vigneau le plus féminin, Suduiraut le plus authentique et Lafaurie Peyraguey le plus solidement charpenté (on ne peut résumer de telles merveilles d’un seul qualificatif, forcément trop succinct). Ces cinq là se détachaient un peu de Filhot, Malle et d’autres qui composaient une dégustation exceptionnelle, couronnée par une vraie curiosité : les Rayne Vigneau et Guiraud 2001, si jeunes bébés sans jambe, mais jus si merveilleusement bon. L’un sentait moins bon que l’autre, mais les deux emplissaient le palais avec de merveilleuses promesses.
Haut-Bailly, mon chouchou, présenté par Véronique Sanders et Eric Beaumard qui en parle comme s’il l’avait fait ! Le 99 n’est pas facile à analyser car trop jeune (alors que le 2000 bu il y a un an m’avait enthousiasmé), le 97 est une réussite étonnante pour cette année là, et le 96, tout en subtilité et en savoir faire, mérite des années de garde, mais a tant de talent.
Un jeune membre de la famille Guigal présentait de jeunes vins d’immense talent. Le Château d’Ampuis, Côte Rôtie Guigal 1998 est chaleureux, ensoleillé, extrêmement plaisant. Et quand arrive La Landonne 1998. Mon Dieu ! Quel grand vin. Une richesse, une structure, une profondeur. Un plaisir gustatif extrême. N’était son prix élevé du fait de la rareté (4800 bouteilles par an dont tant sacrifiées ce jour même), on en ferait son vin de tous les jours, en se demandant quand on s’en lasserait ? C’est certainement mon plaisir gustatif le plus grand de ce Salon.
Dom Pérignon 1995 et 1985 sont de grands champagnes, le 85 plus à mon goût. Suis-je influencé par Krug ou Salon ? Je n’ai pas eu cette grande émotion qui est la marque des très grands champagnes.
Tout ceci montre à quel point le Salon des Grands Vins mérite le détour, car ces vins agrémentèrent des conférences d’une seule journée, et le salon en compte trois. Nicolas de Rabaudy mène de façon talentueuse ces présentations et fait en sorte qu’elles ne soient pas que de pur commerce, les « secrets » du vin intéressant des amateurs de très bon niveau.

Salon des Caves Particulières jeudi, 6 décembre 2001

Le salon des caves particulières vient de se tenir comme chaque année à Paris, et c’est l’occasion de découvrir de nouveaux vins, ou de rencontrer des amis. Comme un grand sommelier originaire du Languedoc Roussillon m’a initié à des vins de grande valeur, l’envie était grande de dire un petit bonjour à des viticulteurs qui sont devenus depuis des amis. Mas Amiel devient une star. Grande démarche d’innovation et de qualité. Des vins qui demain seront des vraies références. Même remarque pour Daumas Gassac : leur rouge 2000 est fantastique. C’est une réussite spectaculaire. Même souci de création éclectique chez notre ami Bernard Cazes qui fait de si beaux vins à Rivesaltes, sur plusieurs registres, comme le fait Mas Amiel. Au Domaine de la Coume du Roy, la jeune génération Volontat-Bachelet fait de belles choses, mais je m’intéresse bien plus aux vieilles reliques. J’ai goûté à nouveau avec bonheur ce 1948 Maury Doré si réussi, meilleur à mon palais que le 1925. J’ai eu la chance sur le stand (imaginez, sur un stand !!) de goûter un Rancio daté vers 1875 / 1885, d’une couleur inimitable qui ne peut être que du 19ème siècle. C’est si bon que j’ai acheté toutes les bouteilles qui avaient été soutirées du fût. J’avais vu ce fût lors de ma visite où j’ai acheté ce si magnifique Maury 1880. Le Rancio que je viens d’acquérir sera une vedette de plusieurs des prochains dîners. Bernard Cazes m’a aussi fait goûter de belles réserves comme un de ses vins de 1948, année importante pour lui, et René Monbouché, qui fait un si expressif Monbazillac et qui « distille » en petits lots à quelques amis des belles grandes années comme 1921, 1924 ou 1929 m’a fait goûter son Monbazillac 2000. Une bombe absolue. On se demande comment il est possible de faire apparaître autant de force. Un vin qu’il va falloir stocker à l’abri pendant 50 ans avant de le déguster.
Une petite remarque à ces talentueux vignerons que j’aime tant : faites bien attention de ne pas tomber trop radicalement dans le marketing de la rareté. Ce pourrait être un succès sur quelques années, puis porteur de déboires en une autre conjoncture. De plus, c’est plus que tentateur pour des vins étrangers qui ont aussi une certaine originalité, et peuvent venir concurrencer quelques uns des vins de ces belles régions.

Un colis arrive à mon bureau jeudi, 6 décembre 2001

Une anecdote, liée à une coïncidence : dans un précédent bulletin, j’avais fait part de ma très grande surprise devant la qualité extrême de Malartic-Lagravière 1955. J’avais de très bons souvenirs de 1955, alors que c’est une bonne année qui n’est pas toujours citée parmi les plus grandes. Mouton Rothschild 1955, par exemple, bu à la Marée m’avait laissé un immense souvenir. Le lendemain de ce repas, un paquet postal arrive à mon bureau. Je l’ouvre et je trouve un château Calon 1955, un Montagne Saint-Emilion. Je cherche la raison de ce cadeau, envoyé sans aucune lettre, et je reçois ensuite un fax du propriétaire qui, appelé au téléphone, me dit en substance ceci : « j’apprécie votre amour du vin qui transparaît dans vos bulletins, alors, si vous mettez en valeur mon vin dans vos dîners, j’aurai le plaisir de l’y avoir vu figurer, et de plus cela pourra donner une bonne image de mon domaine ». Je trouve la démarche fort sympathique et je n’hésite pas à parler déjà de ce vin : Montagne Saint-Emilion fait des vins d’une subtilité qui mériterait plus d’examen. Et j’en profite pour dire à tous les producteurs ou négociants qui me lisent : « voilà une voie à suivre !!! ». Je suis prêt en effet à accueillir vos belles bouteilles pour les mettre en valeur avec la cuisine de grands chefs de talent. La coïncidence, c’est évidemment que ce viticulteur m’a justement envoyé un 1955, reçu le lendemain d’un si beau Malartic. Je vais le mettre en valeur – en surprise – lors du prochain dîner.

Cocktail au château d’Yquem mercredi, 20 juin 2001

Qui ne se réjouirait de se trouver à Yquem le soir le plus long de l’année, quand le soleil couchant donne aux feuilles de vigne une couleur magique : « c’est mon rayon vert » m’a dit Alexandre de Lur Saluces, à cette soirée où le Yquem 1988 (pour moi la plus belle réussite depuis 67) coulait à flot. Je suis sans doute le seul à avoir eu un petit regret qui ne concerne en rien Yquem. Mais mon compagnon de voyage à Vinexpo, un grand sommelier, invité à une autre soirée, a sympathisé avec un vigneron qui l’a invité à boire avec lui, dans les vignes, au soleil couché, Pétrus 1982 et Pétrus 1929. Que n’y fus-je ?
Autre souvenir de voyage, du rayon de l’anecdote, lors de cette belle soirée à Yquem où beaucoup de propriétaires de grands crus étaient là, je suis présenté à une femme, propriétaire terrienne dans les Landes, qui me dit que son mari est garagiste. Je me mets à rêver que je rencontre l’épouse du propriétaire de Le Pin ou de Vallandraud, ces vins de garage qui font tant parler d’eux. Mais cette femme me dit : « non non, mon mari possède quelques concessions automobiles ». Ce fut le rêve d’un court instant…