Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Expérience à rebondissement au restaurant Pierre’s Islamorada jeudi, 13 février 2014

Les Guignols de l’info faisaient dire à Philippe Seguin cette phrase pessimiste : « quand ça veut pas, ça veut pas ». Nous arrivons au restaurant Pierre’s à Islamorada qui appartient au propriétaire du Moorings Village où nous logeons. La légende urbaine dit qu’il s’agirait du meilleur restaurant de Floride ou d’un des meilleurs.

Dans la jolie maison coloniale où la décoration est hindoue, nous avons une table sur la terrasse de l’étage, avec une jolie vue sur l’autre façade maritime de l’étroite langue de terre d’Islamorada. Le serveur qui nous est affecté est timide, et se révèle incapable d’expliquer les plats. J’ai commandé un Champagne Dom Pérignon 2002 qui est près de deux fois moins cher que le 2004 griffé Jeff Koons.

Le serveur ouvre la bouteille, prélève discrètement dans son tablier la capsule et pose le bouchon tout nu sur la table. Il imagine peut-être que je n’ai pas vu. J’ai pris des langoustines qui arrivent juste cuites, avec une odeur de barbecue au rabais. Le plat manque de goût et de panache.

La pièce de bœuf en revanche est d’une qualité absolument superbe. Il ne faut pas toucher à la sauce/crème épaisse noyée de vinaigre balsamique car elle empêcherait de profiter du goût délicieux de la viande. La purée de pomme de terre à l’ail doux est convenable.

L’approche des plats est évidemment influencée par un phénomène rare. Lorsque le serveur m’a fait goûter le champagne j’ai tout de suite reconnu le parfum floral et joyeux du Dom Pérignon 2002. Et la première gorgée, plutôt froide, n’a pas attiré mon attention. Mais après deux ou trois gorgées, il est devenu évident que le champagne est bouchonné, sans que le nez en soit affecté. Cette amertume liégeuse gâche tout. Alors, comme j’exclus de faire un drame, je ronge mon frein en goûtant peu le repas.

Avec ma femme, nous décidons de retourner au Ma’s Fish Camp pour le dessert, avec en vue leur merveilleuse tarte au citron meringuée. En payant la note, je dis à l’aimable maître d’hôtel de se souvenir qu’un 2002 peut être bouchonné sans en avoir le nez. Et je lui ai suggéré de goûter le reste de la bouteille.

Là où « ça veut pas », c’est que le Ma’s est fermé le mercredi. Nous rentrons donc sous la pluie dans notre bungalow, privés de dessert.

Mais Philippe Seguin n’avait pas toujours raison, car pendant que j’écris ce compte-rendu, on toque à la porte de notre bungalow. Je vois un jeune homme qui porte à la main une bouteille de Dom Pérignon. A-t-on voulu me rendre ce que je n’avais pas bu ? Ça paraît improbable. Le jeune homme me tend une bouteille et je lis : Dom Pérignon 2004. Ça c’est la classe.

Alors, ne gardons que le souvenir d’une belle viande et trinquons au plus vite à la santé du Pierre’s en ouvrant ce Dom Pérignon 2004.

Tout est bien qui finit bien et bravo au fair play.

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Champagne Dom Pérignon 2004 « carrossé » par Jeff Koons mercredi, 12 février 2014

Le lendemain, dîner léger chez mon fils. Il nous présente une bien jolie boîte, celle du Champagne Dom Pérignon 2004 « carrossé » par Jeff Koons. La statue créée par Jeff Koons représente une vénus callipyge aux rondeurs débordantes. Et l’étiquette noire du champagne, reproduite sur la boîte au dessus de l’image des tortillages de l’artiste fait comme un vilain cache-sexe. Autant j’avais trouvé géniale l’idée des étiquettes Andy Warhol de Dom Pérignon 2002, autant je mords moins à cette association avec un artiste à la mode dont l’œuvre ne m’émeut pas. En revanche, l’étiquette noire avec une écriture d’un or vert est d’une grande beauté. Et le champagne dans tout cela ? Un seul adjectif le résumera : il est grand. Il est dans la ligne de Dom Pérignon, avec des saveurs graciles et florales d’une grande distinction, mais en plus il nous gratifie d’un panache de première grandeur. Chapeau l’artiste, mais le vin, bien sûr…

non non, ce n’est pas ça

C’est ça

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brunch dominical à l’hôtel Biltmore mercredi, 12 février 2014

Le brunch dominical de l’hôtel Biltmore, c’est un « must ». On doit s’inscrire longtemps à l’avance si l’on veut faire partie des « happy few ». Les tables sont installées dans l’immense patio de l’hôtel. Sous les colonnades, des stands permettent de se servir ou d’être servi. Caviar, King Crab, huîtres, salade de homard, crudités, viandes diverses, omelettes diverses, peuvent se dévorer sans fin. Une salle entière est affectée aux desserts, dont le clou est une fontaine à chocolat. Les petits enfants, comme on l’imagine, ont les yeux plus gros que le ventre, mais les adultes aussi. Le Champagne Piper-Heidsieck sans année est très adapté aux saveurs variées du brunch. Les coupes se remplissent à l’envi, tant l’atmosphère est à se faire plaisir.

hall d’entrée du Biltmore

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au centre du patio, la fontaine accueille des tortues

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et tout autour se tient le brunch

les vins du déjeuner au restaurant Taillevent mercredi, 29 janvier 2014

Champagne Billecart-Salmon brut 1961 magnum (dégorgement de 2011)

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Vieux Chateau Certan 1900 (la 2ème étiquette indique un rebouchage – probablement en 1950)

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Clos de la Roche domaine Armand Rousseau 1947

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Domaine de Bouchon Sainte-Croix-du-Mont Café Voisin 1900

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Ce vin est mentionné dans ce sujet : CAFE VOISIN

Grand Musigny Faiveley 1906

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Champagne Pol Roger 1949

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Liqueur de la Grande Chartreuse

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Déjeuner au restaurant La Table d’Akihiro mardi, 28 janvier 2014

Je suis invité au restaurant La Table d’Akihiro, restaurant français du chef Akihiro Horikoshi. La salle est minuscule, claire, propre et nette. Il n’y a que deux personnes, le cuisinier et le serveur. Les problèmes de communication doivent être simplifiés. L’entrée est à base de coquilles Saint-Jacques dont on peut choisir le mode de cuisson et pour le plat on a le choix entre cabillaud poché, écrasé de pomme de terre et dos de saint-pierre, endives caramélisées aux épices. Le dessert est une tarte aux poires.

La liste des vins est très limitée. Il y a un seul champagne, le Champagne Louis Roederer Brut sans année. Ce sera notre choix. J’avoue être très circonspect envers ce champagne qui ne m’inspire en rien. C’est très étonnant de la part de cette réputée maison de champagne de ne pas faire un champagne qui colle mieux à la demande actuelle qui est de moins de dosage et de plus de tension.

Dans ce restaurant tout simple et aux prix doux, la cuisine est sans histoire, bonne et agréable. C’est une halte possible quand on veut manger une cuisine de bonne facture à budget relativement limité.

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Déjeuner au restaurant David Toutain lundi, 27 janvier 2014

David Toutain m’avait surpris à l’Agapé Substance par son talent. Quand il a quitté ce lieu, de nombreuses pistes s’offraient à lui et j’étais tenu informé de certaines. La gestation dura plusieurs mois et enfin la nouvelle tomba : il s’installe à son compte et à son nom dans le 7ème arrondissement. N’ayant pu assister au dîner d’ouverture, pour de stupides erreurs de communication, j’ai attendu un mois pour me présenter au restaurant David Toutain avec mon épouse et des amis. Le menu est à choisir entre trois options d’herbes des montagnes. Nous choisissons le menu « Reine des Prés », sans l’option accord mets et vins, les femmes ne prenant pas le menu truffé contrairement aux hommes. Ce sont les stéréotypes du genre.

Ne sachant pas le contenu du menu, c’est vers le champagne que nous nous sommes tournés, le Champagne Billecart-Salmon Cuvée Nicolas François Billecart 1999. Ce champagne est tellement confortable qu’il est presque inutile de le décrire. Il est là, il tient sa place, accueillant à chaque plat. Rond, fait de légers fruits bruns, il est calme et serein. Il a tenu sa place au point qu’à deux buveurs, nous avons étanché deux bouteilles. Sa franchise est admirable.

Le menu est comme un discours de Fidel Castro, sans fin. Mais à la différence du Lider Maximo, David Toutain ne nous lasse jamais. Jugez plutôt : purée de panais, chocolat blanc, carottes, poudre de sésame / chips de crabe, guacamole avocat banane / brioche / fenouil des mers, coques et couteaux / huître, Yuzu, kiwi / Gnocchi parmesan noisettes, Yuba / Saint-Jacques, truffe / Œuf, ail doux, verveine / Saint-Jacques mélisse citron / choux de Bruxelles, foie gras, consommé pomme de terre / féra, seiche, Kale / seiche, citronnelle, brocoli / anguille, sésame noir, pomme verte / agneau, oignons, bleu des Causses / fromage comté longue garde Bernard Anthony / choux-fleurs chocolat blanc noix de coco / topinambour pralin / clémentine au thé, cake cacahuète, sorbet orange sanguine et Campari.

Il y a des moments de grâce. Quand on présente le fenouil des mers avec des coques et des couteaux, la forme de la coupelle nous fait penser qu’un bouillon va suivre. Or en fait on mange le contenu du plat et le bouillon de couteaux n’est versé que lorsqu’on a fini. Et c’est un régal de goûter ce bouillon pur.

L’impression générale est celle d’un immense talent qui représente une sorte de synthèse des tendances culinaires actuelles. Il y a un peu de René Redzepi de Noma, car certains des plats évoquent les recherches du brillant chef danois. Il y a beaucoup de Pascal Barbot de l’Astrance, dans la recherche de pureté et de lisibilité des plats. J’ai retrouvé des directions qu’empruntent les jeunes chefs belges qui foisonnent de créativité. Mais il y a aussi de beaux emprunts à la cuisine classique et traditionnelle sophistiquée à la Christian Le Squer comme la féra et l’anguille.

Le gnocchi est le plat le plus original à mon goût, le plus goûteux est celui de coque et de couteau, le plus gourmand est celui de l’anguille et je ne vois pas un seul plat que je critiquerais. Je suis frappé par la sérénité de cette cuisine, David Toutain exposant son talent avec justesse sans jamais le forcer. Ce chef va progresser encore et les trois étoiles me semblent faire partie de son paquetage dans la prochaine promotion.

L’équipe est sympathique, présente bien les plats, le service est agréable sauf celui des vins, à la traîne. Il y a deux ou trois points que j’ai signalés à David qui ne sont que des réglages de démarrage. Ce restaurant est promis à un grand avenir. Il évoluera forcément avec sa notoriété. A ce sujet, j’aurais mieux fait de le critiquer sauvagement, car il y a déjà deux mois d’attente pour le dîner. Si je veux revenir en ce lieu, je ferais mieux de le critiquer.

Mais ce serait malhonnête car il est déjà l’un des plus grands de Paris.

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Déjeuner au restaurant Pierre Gagnaire jeudi, 23 janvier 2014

Déjeuner au restaurant Pierre Gagnaire. La décoration a changé depuis ma dernière visite. On est dans des tons d’automne. Nous choisissons l’un des menus de déjeuner, avec une profusion de plats. L’intitulé des plats ne révèle qu’une partie des complexités : Corolle de haddock, crevettes grises, couteaux et bigorneaux, huître n° 3 David Hervé, thon rouge / mousseline de brocoli au wasabi, amandes, coquillages et salicornes / velouté de châtaigne au café, rognonnade de veau aux cornes d’abondance, bouquet de champignons de Paris à la noix / consommé d’oignons brûlés à la mélasse de ginseng / castelfranco, artichaut maco, Ossau / déclinaison de betteraves, blanche sucrière, crapaudine, gold, chioggia, bigarreau / noisette de biche rôtie parfumée de poivre du Vietnam et de cannelle / quetsches à la lie de vin, feuille de vigne croustillante, patate douce / cigarette chocolat au colonnata, figue sèche, bulagna, salsifis / quelques desserts Pierre Gagnaire.

J’ai compté dix-sept assiettes, coupes ou coupelles servies à chacun, dont sept pour les seuls desserts. Il y a tellement de complexités et de saveurs différentes qu’après avoir essayé de reconnaître des goûts, on se laisse porter par une créativité sans limite. J’imaginerais volontiers que si l’on comptait les ingrédients du repas d’un restaurant trois étoiles, ce menu en compte cinq à dix fois plus que ce que serait la moyenne. C’est inventif et c’est bon. Il y a ici ou là une amertume plus difficile à accepter, mais c’est une poussière à côté de la jouissance de goûter des saveurs inattendues. J’ai adoré l’entrée très marine du début, le velouté de châtaigne et surtout la noisette de biche remarquable.

Le feu d’artifice, ce sont les desserts. Ils sont extraordinaires. Quel talent ! C’est probablement ce qui se fait de meilleur dans tout ce que je connais. Là aussi, l’imagination n’a pas de limite.

Le service est impeccable et les serveurs sont capables d’expliquer toutes les composantes des plats sans la moindre hésitation. C’est à signaler. En plus, on comprend ce qu’ils disent.

Pour accompagner ce festival de saveurs j’ai choisi le Champagne Pierre Péters, blanc de blancs Cuvée Spéciale Les Chétillons 2002. Ce champagne d’une grande pureté montre une adaptabilité et une flexibilité qui sont exceptionnelles. Il est beaucoup plus serein que les nombreux Chétillons 2002 que j’ai déjà bus mais peut-être s’est-il mis spontanément au diapason de cette cuisine brillante.

Ce fut un beau repas, avec du talent et de l’imagination, un accueil hors pair et des desserts qui m’ont enthousiasmé.

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Déjeuner au Yacht Club de France jeudi, 16 janvier 2014

Le Yacht Club de France, en la personne de Thierry Le Luc, son directeur de restauration, est assez fascinant. Car nous y tenons assez souvent notre repas de club de conscrits, et chaque séance est un enchantement. Un ami, membre influent du YCF nous y reçoit et le thème est le cochon. Qu’on ne cherche là aucun érotisme, c’est de bonne chère qu’il s’agit.

Pour l’apéritif, c’est un Champagne Veuve Clicquot magnum qui se marie à une profusion de cochonnaille. Alors bien sûr, on picore, et le champagne fort amène ne s’en ressent que mieux.

Le menu conçu par Thierry Le Luc et son chef est : brouillade d’œufs bio aux médaillons de homard breton / grosse côte de porc de la ferme de Bosc Renard à Heudicourt, brochette de fines rattes du Touquet et cèpes / fromages affinés d’Eric Lefebvre MOF / tarte fine aux pommes, glace cannelle artisanale, flambée au Rhum Vieux maison Clément.

Le Sancerre Thirot 2012 est fort agréable, mais j’ai apporté la deuxième bouteille de Château Haut-Brion blanc 1996 de la veille qui a profité de l’oxygénation en bouteille et se révèle profond, joyeux, lourd et percutant. C’est un grand vin que le homard apprécie.

Le Château Smith Haut-Lafitte 1998 est un vin très agréable, judicieusement proportionné. Il a un équilibre parfait, sans pousser à l’extrême ni le bois, ni l’acidité ni les épices. On le boit avec plaisir. J’ai apporté aussi la moitié du magnum de l’Hermitage la Chapelle 1990 qui est redevenu ce qu’il doit être, vigoureux profond, incisif. Un vin de grand plaisir.

La tarte aux pommes a été suivi d’un calvados, puisque nous étions dans la déraison. La passion de Thierry Le Luc pour les produits de qualité nous inspire. Vive le Yacht Club de France.

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Des vins merveilleux chez Tomo dimanche, 12 janvier 2014

Avec Tomo, nous avons envie d’ouvrir des bouteilles qui ont marqué l’histoire et justifient l’aura qu’elles ont acquises dans les livres. Nous avons commencé et sur les deux ou trois dernières expériences, les bouteilles de Tomo n’avaient pas la qualité qu’elles auraient dû avoir. Cela m’a contrarié et a aussi contrarié Tomo. Il a envie de rattraper son retard, même si l’on ne pourra jamais avoir une stricte égalité.

Ce dimanche midi nous sommes invités, ma femme et moi, dans le nouvel appartement que Tomo et son épouse viennent d’acquérir. Tout ici est beau. Tomo vient avec deux verres pour que nous trinquions. Le liquide est légèrement ambré, le nez est profond. Il n’y a pas une trace de bulle, mais je sens qu’il s’agit d’un champagne et d’un champagne noble. Au nez je pense à Krug, mais sans certitude. En bouche, je songe à une grande année, qui pourrait être des années 60, mais j’annonce 1959. Il s’agit en fait d’un Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1962. Ce qui m’étonne, c’est que le champagne fait son âge, puisqu’il a perdu sa bulle et a des arômes légèrement fumés, de citron et de fruit orange comme l’abricot. Il doit s’agir d’un dégorgement ancien, puisque l’on n’a pas la vigueur des Œnothèques. Tomo me montre la bouteille et je vois un dégorgement de 2002.

Ce qui m’étonne, c’est que le champagne ait pu perdre toute sa bulle alors qu’il n’a que 11 ans depuis son dégorgement. Il a donc rattrapé le chemin de vie des mises d’origine. C’est un grand champagne, avec des évocations qui changent tout le temps. Sur de la rosette, c’est un régal. La saucisse de Morteau servie chaude crée une amertume peu plaisante pour le champagne.

C’est à table que le Dom Pérignon va montrer ses belles qualités. Le chef qui officie en cuisine est Tsuyoshi Miyazaki, second du célèbre restaurant « Passage 53″. Il a écrit pour lui-même les principaux ingrédients du menu sur un papier où se mêlent le japonais, le français et l’anglais. Par malheur, j’ai perdu toutes les photos du repas, par une manipulation que je n’arrive pas à comprendre, aussi ce menu, seul élément que j’ai conservé, est-il approximatif, car non corrigé par les photos, supports de mémoire :

cerfeuil, tubéreuse en croquette avec sauce à la truffe / foie gras, clémentine, vanille brioche / brandade de morue, pomme de terre, fleurs, ciboulette thaï / huître, mascarpone, algues, émulsion, sauce « cristomarine », mini-oseille / pasta d’aubergine, caviar, pois chiche, jus haddock, huile noisette / maquereau, noisette muscade, pachoi fromage blanc, raifort, cresson moutarde / endive braisée, épices, sauce abricot séché, huile de menthe / lotte, crème, panais en purée, huile, épinard, orange / topinambour fumé, ravioli, bouillon de peau de topinambour, truffe noire / canard colvert, sauce salmis, Tatin de pomme, poivre noir / tourte de colvert, truffe noire, oignon, sauce truffe / biscuit fourré à la truffe, glace à la truffe.

Ce menu est un chef d’œuvre de délicatesse mise au service d’une profusion frisant l’excès de produits rares. Le chef s’en est sorti avec une remarquable élégance. Les plats les plus extraordinaires sont le cromesquis à la chaude sauce de truffe, l’huître très iodée, le maquereau et le colvert. Le dessert fait aussi partie des merveilles.

Le Dom Pérignon 1962 prend de plus en plus d’étoffe, devient pulpeux avec de belles notes de crème de citron. Comme il s’est asséché assez vite, il faut ouvrir un Champagne Krug Grande Cuvée demi-bouteille très jeune. Ce champagne est agréable, mais on mesure l’extrême distance qui le sépare d’un champagne ancien qui a développé des complexités qu’il n’aurait qu’avec plus de quarante ans.

Tomo apporte un verre de vin rouge et sans hésiter j’affirme par le seul parfum, bourgogne et j’ajoute domaine de la Romanée Conti. Un tel parfum, ça ne s’invente pas. En bouche, je pense années 80. Situer le vin du domaine est plus difficile. Il s’agit de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1978. Le vin est absolument superbe. Il a tout ce que j’aime des vins de la Romanée Conti, le sel intense, une personnalité raffinée. Il s’accorde très bien avec le maquereau, le colvert et la truffe en croûte, mais aucun plat n’apporte réellement un supplément d’âme car il vogue au sommet. Il est loin de La Tâche 1962 légendaire que j’ai bue avec Tomo, mais il boxe dans une belle catégorie. Son élégance et sa subtilité sont spectaculaires.

Assez rapidement, nous avons aussi essayé les différents plats avec le Château d’Yquem 1949. Sa couleur est d’un or orangé. Son nez est riche et évocateur de milliers d’arômes. En bouche le vin est lourd, riche, d’une plénitude absolue. Dans toutes les associations, il est trop puissant pour les plats qu’il domine. Il faut le boire seul et ce qui me frappe, c’est que ce vin est totalement parfait, impression que j’ai souvent avec les très vieux Yquem de grandes années. On pourrait critiquer tel ou tel aspect du champagne ou du bourgogne, mais avec Yquem, c’est impossible. Il a atteint une telle cohérence qu’il paraît d’une solidité indestructible et irréprochable.

Ce repas est impressionnant. Tomo a voulu compenser de récentes expériences et il l’a fait plus que brillamment. Tout fut raffiné. Classer les vins serait difficile mais je ne peux m’empêcher d’avoir un petit faible pour La Tâche. Tomo a été brillant et généreux. Ouvrons vite d’autres merveilles.

le seul témoignage (hélas) de ce repas de rêve

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Un Richebourg DRC 1953 difficile préféré par mes enfants samedi, 11 janvier 2014

On apprend toujours des vins, et j’adore ! C’est un déjeuner en famille pour l’épiphanie et le Noël des petits enfants absents à la date officielle. Nous sommes neuf, mes deux filles, leurs quatre enfants, mon gendre et ma femme.

Je suis descendu en cave, pour choisir les vins. Je suis paré pour les champagnes et un vin blanc que j’affectionne est à bonne température. Pour les rouges, je vais chercher dans une zone où j’ai isolé des « bas niveaux ». J’ouvre deux vins. L’un me semble définitivement perdu. L’autre émet des fragrances de fruits qui annoncent un retour possible. Pour ne pas être pris au dépourvu, je repère un vin de secours.

Pour l’apéritif, j’ouvre un Champagne Clos des Goisses Philipponnat 1992. D’emblée, on sent que ce champagne est grand. Il est sans histoire, c’est-à-dire qu’il trouve tout de suite son registre. La poutargue bien moelleuse lui donne de la tension du fait de son sel et son iode. Le champagne claque bien sur la langue. Pour mon gendre comme pour moi, il joue à un niveau supérieur à ce que nous attendions. Sa sérénité est remarquable. Pourquoi analyser un champagne qui est une synthèse ? Il conquiert nos cœurs sans avoir à décliner son identité.

Les coquilles Saint-Jacques sont cuites sur des galets déposés dans nos assiettes. L’effet est moins percutant que celui des langoustines cuites sur les mêmes galets. Le Clos de la Coulée de Serrant Savennières N. Joly 1990 apporté par mon gendre est un délice. Il attaque la bouche comme un bonbon. Ce sont les saveurs sucrées qui débutent, mais viennent ensuite des strates de complexité. Ce vin est grand, joyeux, mais on ne peut pas dire qu’il soit très complexe. Il est plaisant et « nature », gourmand. Les ormeaux que ma femme a cuits pour la première fois demanderaient un vin rouge, mais le Savennières s’en accommode bien. Il continue avec brio à s’accorder avec les coraux des coquilles qui sont normalement sur le terrain de chasse des rouges.

Je remonte le Château Ausone 1937 qui avait un niveau très bas. Je ne crois pas en lui, mais je goûte un vin qui est du vin, défavorisé par un final désagréable. Je ne le sers pas. Mon gendre constatera qu’il a encore quelque chose à dire mais qu’il ne faut pas insister.

La bouteille suivante était plus prometteuse à l’ouverture et effectivement le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 a un nez sympathique, avec un joli fruit suggéré. En bouche le vin a les vibrations du domaine, avec le sel très caractéristique. Mon gendre voit de la vanille que je ne ressens pas. Le vin est objectivement un peu fatigué, et j’ai peur de la réaction de mes enfants, mais tout le monde le boit. Et sa complexité se développe sur le gigot d’agneau à la purée Robuchon. Ayant peur qu’ils ne vibrent pas avec ce vin où je trouve beaucoup de qualités du domaine, je vais ouvrir le vin de réserve.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1996 est une explosion de joie. Tout est si généreux, facile, gouleyant et agréable à boire. On va chercher bien vite un saint-nectaire et un vacherin qui l’accompagnent gentiment. Et c’est alors que mes enfants me disent : « tu sais, la Côte Rôtie est beaucoup moins intéressante et complexe que le Richebourg qui est superbe ». Et je suis heureux, car ce vin, qui avait à l’ouverture une petite fatigue s’est épanoui, est devenu à la fois salé et sucré, avec un velours confortable et une richesse qui devient explosive dans les dernières gouttes de la lie.

Alors que le vin de Guigal a tout pour lui, facile et plaisant, nous avons préféré un vin plus difficile mais porteur de plus de complexité et d’émotions. La convergence de nos réactions est le meilleur cadeau de Noël que je pouvais recevoir, car c’est agréable de nous savoir en phase.

Une de mes petites filles a eu la fève et m’a nommé roi. Tout va pour le mieux dans le royaume familial.

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