Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Un superbe réveillon de Saint-Sylvestre 2013 mercredi, 1 janvier 2014

Nous sommes le 31 décembre. Ma femme pose sur la table de la salle à manger des petits verres à alcool tous différents. Dans chacun elle dépose une pensée dont la couleur bleue très foncée s’accorde aux tons de la pièce, azulejos, vases de Nevers et liseré de la table florentine. Nous nous disputons gentiment sur le nombre de verres à poser sur table car j’en voudrais beaucoup plus pour les différents vins. La table est belle.

Lorsque les amis arrivent j’ouvre vite en cave leurs apports, certains des miens ayant été ouverts avant 17 heures. Le parfum du Vega Sicilia Unico est une magnifique explosion de fruits.

Devant le feu qui crépite dans la cheminée, le Champagne Salon magnum 1995 est à un instant de sa vie où il est parfait. Ce qui me fascine, c’est cette apparente facilité de discours. Il est compréhensible, serein, et n’a aucun besoin de compliquer les choses. Il est comme un trait dessiné par Picasso, ou comme le geste d’un calligraphe. Il se boit si facilement qu’il déjoue tous mes plans. Je le voyais commencer le repas mais en fait il sera fini en même temps que l’apéritif. Le jambon espagnol est superbe avec le Salon, l’excitant fort gentiment, plus que les toasts au foie gras. J’avais trouvé ma femme très audacieuse lorsqu’elle a eu l’idée de faire des cromesquis au foie gras. S’ils n’ont pas la rondeur de ceux de Marc Meneau, ils sont délicieux et forts en goût. Ils créent le plus bel accord avec le magnifique et généreux Salon, dont le citronné est bien dosé et la longueur parfaite.

Nous passons à table. Nous sommes neuf et trois des quatre femmes ne boivent pas. J’ai très mal calculé la capacité d’absorption des six buveurs. Pour le premier plat, coquilles Saint-Jacques crues et un caviar d’Aquitaine à la salinité parfaite, je souhaite que nous essayions trois vins. Le Champagne Initial de Selosse dégorgé en 2008 apporté par un des amis est bizarre. Ce n’est pas l’oxydation qui nous dérange mais plutôt l’absence de précision et de cohérence. Le champagne ne pourra soutenir la comparaison avec le Chablis Grand Cru Valmur Vocoret Père et Fils 1971 à la couleur d’une jeunesse incroyable. Le jaune citronné est très clair. Le parfum est riche et envahissant, conquérant les narines. En bouche ce vin est spectaculaire. Qui dirait qu’un chablis de 42 ans peut avoir cette tension miraculeuse ? Avec Tomo nous nous disons que suggérer qu’il s’agit d’un 1995 serait plausible et cohérent. Ce vin est une immense surprise et un trésor gustatif de sérénité et de richesse.

Le troisième vin à comparer est un Château Chalon Jean Bourdy 1955. Sa couleur est d’un acajou clair. Le nez est une invasion de plaisir avec la noix et la force alcoolique. En bouche, c’est le bulldozer qui redessine le palais, le poussant dans tous ses retranchements. Alors, la conclusion est que le plus adapté au plat, c’est le vin du Jura, mais la plus belle surprise est le Chablis.

Le plat suivant est une soupe au foie gras, châtaignes et panais. Le Château Cos-Labory Saint-Estèphe 1928 a une couleur d’un sang de pigeon profond. Le nez est élégant et raffiné. En bouche, le vin est d’un joli fruit noir discret. Ce qui frappe c’est son élégance et sa finesse. Tout en lui est suggéré avec délicatesse, la truffe noire et la mine de crayon. Tous mes amis sont conquis par ce beau témoignage d’une année que je révère. Le chablis fait bonne figure sur cette soupe.

Le plat qui suit a été essayé par ma femme en prévision de ce dîner. Sa gestation lui a fait plaisir et le résultat est saisissant de pertinence. Sur des galets passés au four à 180° pendant plus d’un quart d’heure sont posées à la dernière minute de petites langoustines qui cuisent tout doucement sur la roche. C’est un délice avec le Cos Labory qui ne cesse de s’épanouir.

Mes plans étant déjoués car les vins se boivent plus vite que prévu, je descends en cave pour ouvrir une des bouteilles prévues pour le cas où. C’est un vin qui m’est précieux, un Moulin-à-Vent 1949 à l’étiquette neutre, sans indication de vigneron ou de négociant. En le sentant, je fais la grimace. Le vin pourrait revenir à la vie, mais on ne peut pas le servir tel qu’il est. Il me faut en ouvrir un autre. Une bonne étoile a guidé ma main. Au hasard je tends mon bras qui prélève dans une case « à l’aveugle » une bouteille. Je la vois, je souris et je l’ouvre. Le parfum est miraculeux. Je remonte vite et fais goûter le vin à mes amis en cachant l’étiquette.

La couleur est d’un jaune beaucoup plus doré que celui du chablis. C’est un vin rouge que je souhaitais sur les coraux des coquilles Saint-Jacques juste poêlés. Mais le vin est tellement extraordinaire que personne ne s’en plaindrait. Le nez est riche, au lacté évoquant le gras. En bouche, c’est un vin d’une grande puissance mais parfaitement contenue. C’est un de mes chouchous. Personne ne trouve le nom de ce vin, un Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 1992, qui atteint les sommets du vin blanc de Bourgogne. Je suis aux anges. Si le chablis était une très belle surprise, ce Bâtard est impérial. Quel grand vin dont tout est généreux et accompli, la maturité étant idéale. Il a une mâche d’exception.

Pour les suprêmes de pigeon aux frites de céleri il est temps de goûter le Vega Sicilia Unico 1989 d’un des amis, vin que je chéris particulièrement. Alors que le parfum à 20 heures était d’une générosité sans égale, le vin servi maintenant s’est replié sur lui-même. Il est grand, bien sûr et va s’ouvrir dans les verres. Mais il n’a pas l’éclat que je lui connais. C’est un vin qu’il faudrait ouvrir au dernier moment pour que sa spontanéité éclate. Il nous fait un grand plaisir car nous venons de changer d’année et l’esprit est aux embrassades et à la joie.

Les fromages sont accompagnés par tous les vins et ce qui est surprenant, c’est que le saint-nectaire gomme complètement les imprécisions du Moulin-à-Vent 1949 qui, même fatigué, amorce un retour en grâce.

Le premier dessert est de mangues et pamplemousses roses juste poêlés. A quoi pense-t-on lorsque ce dessert est posé sur table ? A Yquem bien sûr. Le Château d’Yquem 1989 d’un ami a le don de me fasciner. Car avec Yquem, c’est la perfection qui arrive. Il chante juste, d’une voix brillante et posée, charmeuse mais raffinée. C’est un grand Yquem tellement facile à vivre. Et il n’a pas le moindre petit défaut. Je l’ai préféré sur le pamplemousse plutôt que sur les mangues un peu envahissantes. C’est un très grand vin même si l’on est loin des complexités des Yquem canoniques. Mais on sait qu’on boit un jeune Yquem parfait.

J’ouvre le Champagne Moët et Chandon Brut Impérial rosé magnum 1945 dont le bas du bouchon se brise à la montée. Le parfum est désagréable. Je goûte et fais la grimace. Le vin n’est pas mort, mais pas loin. Il n’a aucune vivacité. L’ami qui a apporté ce champagne est désolé et triste. La délicieuse crème chocolat et caramel attendait ce vin qu’il faut remplacer au pied levé. Ce sera un alcool, car je saisis une bouteille de Marc de Bourgogne du Domaine de la Romanée Conti. La bouteille est vieille et sans millésime. Elle pourrait être de 1949 ou de cette période, car j’ai un marc 1949 du domaine qui lui ressemble. Le bouchon tombe dans l’alcool aussi je transvase le liquide dans des petites carafes. Le parfum embaume la pièce.

Ce marc est magnifique. Il est terrien, les pieds dans la glaise, mais il sait être charnu derrière son goût râpeux. J’ai un faible pour les marcs et celui-ci est joyeux, généreux au point qu’on y revient avec plaisir malgré tout ce que l’on a bu.

Les taxis que les amis ont pu réserver – ce qui était quasiment impossible tant la pénurie est inacceptable – viennent mettre un terme à ce repas particulièrement réussi.

Ma femme a fait une cuisine, fondée sur de beaux produits, lisible comme je l’aime. Le clou du repas a été les langoustines cuites sur galets et l’originale soupe goûteuse avec les vins. Mais tout était bon. Pour les vins, la palme revient au Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 1992 puis au Chablis Grand Cru Valmur Vocoret Père et Fils 1971, deux vins dans un état de maturité et de sérénité exceptionnel. Choisir un troisième serait difficile entre Salon, Château Chalon, Cos Labory, Yquem et le marc. Mettons les ex-æquo. Ce fut l’un des plus beaux réveillons d’amis que nous ayons vécus. Vive 2014.

on voit le gui qui sera mis à contribution à minuit !!!

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Déjeuner au restaurant Okuda avec de beaux vins vendredi, 27 décembre 2013

Le Réveillon du 31 décembre se passera pour une fois dans notre maison parisienne et non dans notre maison du sud. Tomo prévoit d’apporter un vin et voudrait me le donner en avance pour qu’il repose dans ma cave. Comment prendre possession de son vin ? Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Le rendez-vous est au restaurant Okuda dans le 8ème arrondissement. Nous apportons nos vins.

Dès le seuil du restaurant, on est déjà au Japon. L’accueil est souriant. Nous allons dans une petite salle où il n’y a que sept places sur des tabourets alignés face à la grande table de préparation des plats. Les couleurs sont agréables, le service est parfait. Il y a cette atmosphère que j’aime : des assiettes ou plats artistement conçus, une présentation esthétique des produits, un service attentif. Le temps s’est arrêté et l’on est bien.

Le menu dégustation est impressionnant : ormeau cuit à la vapeur et algue Wakame à la gelée de vinaigrette japonaise / huîtres frites, sel et sudachi / bouillon clair à la langouste, radis et tranche de boutargue / thon rouge, turbot et seiche de l’île d’Yeu, boules d’igname et algues nori d’eau douce / anguille laquée et grillée, chou de Bruxelles à la crème de sésame, chips de topinambour et radis mariné, entrecôte japonaise grillée / riz au congre grillé et aux légumes / compote de pommes de quatre variétés, sorbet à la pomme et pâte de riz frite à la cannelle.

L’ormeau est superbe, l’huître est un peu cachée par le goût de la panure, le bouillon est superbe et la langouste perd un peu de sa vivacité dans le bouillon, tous les autres plats sont goûteux, surtout le congre, l’anguille et le merveilleux bœuf Wagyu d’Australie. C’est un repas très élégant.

J’ai apporté un Champagne Krug Clos du Mesnil 1981. Il faut imaginer le tir d’une fusée de feu d’artifice. On voit la trace de la fusée qui monte, puis c’est une explosion magistrale, suivie d’autres explosions. Avec ce champagne c’est ça. Il prend possession de la bouche très calmement. Puis c’est une explosion de complexité, faite de fruits confits de toutes les couleurs. Ce champagne n’en finit pas et on se demande quand il va s’arrêter. C’est très probablement le meilleur de Clos du Mesnil que j’aie bu, mais il faut se méfier tant il y en a de grands. C’est la persistance aromatique qui est impressionnante.

Tomo a apporté un Corton-Charlemagne domaine Leroy 2009. La couleur est d’un or intense, glorieux. Il promet ce vin ! Le nez est une invasion de gaz mortel. Ce n’est pas pétrolé, c’est un gaz charmant. L’attaque du vin montre toute de suite que le vin est élégant. Il n’y a rien d’excessif, tout est en persuasion. En goûtant ce vin si jeune, on trouve un grand plaisir et l’idée qui me vient est qu’il faut boire ce vin soit maintenant dans sa jeunesse folle, soit attendre au moins dix ans pour le goûter dans sa maturité épanouie. Malgré sa puissance, je le range plus dans le camp des Corton Charlemagne de Bonneau du Martray que dans le camp des Coche-Dury. Mais lui aussi imprègne la bouche d’une trace profonde faite de fruits dorés.

Chacun des deux vins trouve sa place sur l’un des plats, la préférence de l’un ou de l’autre changeant à chaque saveur. L’ormeau est divin pour le Clos du Mesnil mais plus encore, c’est la gelée qui crée la résonance. Le Leroy s’accorde au bouillon de façon divine. Ensuite c’est l’un ou l’autre et les deux vins se fécondent, s’élargissant l’un l’autre.

Tomo sort de sa musette un Château d’Yquem demie bouteille 1999. La couleur n’est pas plus foncée que celle du Corton-Charlemagne. Ce vin est une belle surprise. Car un Yquem si jeune pourrait être limité. Or ce qui frappe c’est la justesse de ton. Il n’en fait ni trop ni trop peu, avec un équilibre rare. On pourrait dire que cet Yquem est un exercice de style. Ce n’est pas un « grand » Yquem car il n’a pas l’âge pour être grand, mais c’est un vin délicieux.

Nous avons regardé la carte des vins qui recèle plusieurs belles pioches. Un repas en cet endroit est un moment de joie. Il serait étonnant que je n’y retourne pas.

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Un Noël à surprises ! mardi, 24 décembre 2013

C’est Noël. Mon fils a regagné Miami et ma fille cadette est allée fêter Noël auprès de son frère. Le comité est restreint car nous avons chez nous notre fille aînée et ses deux filles. J’ai envie de fêter ma fille aînée qui a choisi une nouvelle voie professionnelle. Ce sera un vin de haute renommée. Comme j’aime faire cohabiter les étoiles et les fantassins, car c’est l’essentiel de ma philosophie, j’ajoute un autre rouge.

L’après-midi se passe dans le rire et la joie d’être ensemble. Le sapin s’illumine, les cadeaux s’échangent dans l’excitation. J’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1975 dont le bouchon se casse en deux. Il faut extirper la lunule collée au goulot et un pschitt sympathique accompagne la sortie du chaînon manquant. Le champagne est d’une couleur ambrée. Le goût est très jésuite. C’est : « je pourrais dire, mais je ne dis pas ». La complexité est extrême, mais on est dans un registre sérieux plus que charmeur. On est bien loin de la fanfare qu’offrait le Dom Pérignon Œnothèque 1975. Mais le champagne a une personnalité folle. Il est complexe mais sérieux. Les gougères de mes petites filles ressemblent plus à des crêpes qu’à des gougères, mais peu importe, le goût est là.

Sur des coquilles Saint-Jacques crues au caviar d’Aquitaine, le champagne devient éblouissant. Sur une terrine de foie gras, il devient onctueux, plus charmeur. C’est indéniablement un grand champagne, complexe, énigmatique, peu charmeur, qui est loin de l’Œnothèque bue au dîner de vignerons récent.

Pour le cochon de lait aux pommes de terre, le Clos de Vougeot A. Bichot 1966 avait un superbe niveau et une couleur engageante. Versé dans le verre, le vin claque en bouche. Il est excitant et follement bourguignon, râpeux comme je les aime.

A côté de lui c’est la star prévue pour honorer ma fille : Château Cheval Blanc 1989. La couleur est très foncée. Ce qui apparaît, c’est un vin très pur.

Je suis content que ma fille et moi ayons la même analyse. Le Cheval Blanc, c’est le gendre idéal, en gants blancs. Le Clos de Vougeot, c’est le loulou de banlieue, le vin canaille. Et vers qui va notre cœur ? Vers le loulou. Il ne fait pas de doute que le Cheval Blanc sera un jour un vin éblouissant. Mais aujourd’hui, s’il a la matière, il est trop « propre sur lui ». Alors que le bourguignon nous fait de l’œil et nous emporte dans une danse chaloupée.

Ma fille sait que c’est le Cheval Blanc d’une grande année que je voulais lui offrir. Mais nous convenons tous les deux que celui qui emporte nos cœurs, c’est ce fantassin, ce roturier, qui est là au moment où il le faut. Le Cheval Blanc a un grand futur, mais ce Clos de Vougeot roturier a un grand présent, obtenant nos suffrages, avec des complexités et une tension que le bordeaux n’a pas.

Avec mes petites-filles, nous avons chanté tous les chants de Noël, de Tino Rossi à Mireille Mathieu en passant par les Nana Mouskouri et autres fantômes du passé. Tout était bonheur. Un ordinaire Clos de Vougeot a surclassé une icône du vin bordelais. C’est pour cela qu’il faut avoir l’esprit ouvert pour le vin. Joyeux réveillon de Noël !

Pour Noël, même les pâtes ont mis leurs noeuds papillons

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Un Krug Private Cuvée trahi par son bouchon jeudi, 19 décembre 2013

Mon fils a visité ma cave et je suis fier de lui montrer les transformations. Pour un prochain dîner, je choisis un vin que j’ai envie de découvrir avec lui. Pour son chouchou, ma femme a mis les petits plats dans les grands. Nous commencerons par des coquilles Saint-Jacques crues recouvertes de deux caviars distincts apportés par mon fils. L’un est d’Aquitaine et l’autre d’Uruguay. Ensuite, sur une grosse plaque de sel chauffée au four ma femme étalera des petites langoustines qui cuiront très légèrement sur la surface de la plaque posée sur table et nous continuerons le repas avec une sole à peine poêlée agrémentée par une purée de pomme de terre.

La bouteille prise en cave est un Champagne Private Cuvée Krug années 60. L’étiquette est de grande beauté et j’ai une grande envie de ce vin rare. Je commence à écarter les branches du muselet et tout-à-coup, je soulève le tout, bouchon et muselet, car le bouchon, trop chevillé n’adhérait plus au goulot. Pas la moindre surpression de gaz. Je commence à m’inquiéter. La couleur est grise, le nez est neutre. L’attaque du vin est belle mais c’est la catastrophe dans le final qui s’évanouit en serpillère. Je suis triste, mais aussi parce que je pense à tous ceux qui me restent. Une gorgée tentée une heure après est écœurante.

Nous n’allons pas gâcher notre repas. Un Champagne Dom Pérignon 2002 est immédiatement ouvert. La contreperformance du Krug est un tremplin pour le Dom Pérignon qui n’en paraît que plus spectaculaire. Il a tout, les fleurs blanches, les fruits blancs et une belle onctuosité. Il est vivant, rassurant, tout ce qu’il faut pour les coquilles et les deux caviars. L’Aquitaine est plus iodé, plus vif, plus claquant sur la langue. L’Uruguay est plus rond, plus gras, aux grains plus gros, et a plus d’ampleur en bouche. Il est moins long mais plus charmeur. Au final, malgré la pertinence de l’Aquitaine, c’est l’Uruguay qui emporte nos suffrages.

Mon fils est vraiment le chouchou de sa mère, car elle sort l’arme fatale contre l’anorexie, une crème fouettée que l’on inonde de griottes dans un coulis lourd comme le plomb.

Pour cicatriser les blessures causées par ce mauvais Krug, je sers deux verres de Chartreuse Tarragone fin des années 20 qui est une des preuves majeures de l’existence de Dieu, tant elle offre un bouquet de fleurs de printemps irréelles et sucrées. Dans un but purement scientifique, car on ne fera jamais assez d’expériences pour faire avancer la science, je me suis versé un petit verre de Bénédictine des années 50. Elle est plus vive et plus mentholée, mais elle n’a pas l’ampleur et la richesse de la Tarragone. Après ce passages dans les ordres chartreux et bénédictins, je peux m’endormir du sommeil du juste.

les ingrédients avant

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les vins

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le caviar uruguayaen est en haut sur l’assiette

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un beau Dom Pérignon 1966 avec mon fils lundi, 16 décembre 2013

Mon fils n’était pas venu en France depuis cinq mois. Après les programmes fous que j’ai connus où le vin est à l’honneur, je crus prudent d’annoncer une diète pendant la semaine où il serait chez ses parents. Mais il restait un peu du magnum du Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1991 du dîner de vignerons. Nous n’allions quand même pas le laisser !

Sur une quiche lorraine et des fromages, ce beau vin a montré des saveurs ensoleillées de jaune d’or. C’est un grand vin solide et droit, fort plaisant le jour d’après.

Ce soir, ma femme a voulu gâter son fils avec une terrine de foie gras. Ce serait un crime de boire de l’eau. Il faudrait un champagne jeune pour le boudin blanc qui va suivre et les foies gras cuits sur une crème de noix et panais. Mais en cave, le seul champagne au frais, prêt à boire est un Champagne Dom Pérignon 1966. Est-ce bien raisonnable ? Je n’ai qu’un fils et je le vois peu. Allons-y.

Le bouchon est difficile a lever car il est coincé. Je pressens un problème et le bouchon se casse. Le bas monte avec un tirebouchon, délivrant un pschitt discret. La bulle est présente. Le nez fait penser au miel pour ma femme et mon fils. Pour moi c’est plutôt une pâte de fruit. En bouche, c’est un éclat de saveurs complexes et variées. S’il y a des évocations florales, ce sont surtout des fruits délicats que je ressens. Tout au long de la dégustation ce vin saura changer en permanence de visage, offrant du souriant, du profond, de beaux fruits et des bouquets de fleurs. J’avais en tête que 1966 est l’année que je préfère de la prodigieuse décennie des années 60, la plus belle pour Dom Pérignon.

Il est certain que le Dom Pérignon Œnothèque 1969 du dîner récent est transcendantal par rapport à ce 1966, alors que je préfère habituellement les dégorgements d’origine, plus authentiques. Mais ce 1966 est d’une grâce, d’une complexité qui m’enchantent. Avec mon fils nous profitons d’un très grand moment. C’est si agréable de partager avec lui.

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Un dîner d’amis façon wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 12 décembre 2013

Des amis vivant à Tahiti et n’ayant pas pu assister au dernier dîner de wine-dinners me demandent : « fais-nous un de tes dîners, et nous paierons nos places ». Je ne suis pas d’humeur à faire payer à des amis un dîner d’amis. Aussi ma proposition est que je fournisse quelques bouteilles dont certaines sont, comme pour l’académie des vins anciens, des bouteilles à niveaux difficiles et que l’on m’invite pour le repas. La proposition est acceptée.

A 17h30 j’arrive au restaurant Laurent pour ouvrir mes bouteilles et qui vois-je ? Michel Chasseuil qui prépare un dîner de la fondation Michel Chasseuil. Au vu du programme des vins, je n’aurai pas trop de regret de ne pas avoir été prévenu de cette réunion. Michel est en train de discuter avec un ami russe qui a surenchéri sur les bouteilles de Moët & Chandon 1911 que je lui disputais, dans une bataille épique. Nous nous embrassons chaleureusement, mais pas à la russe – qu’on se rassure – et nous bavardons de mille projets qui pourraient nous rapprocher.

A l’ouverture, le Haut-Brion 1955 de bas niveau a un bouchon qui glisse trop vite sur les parois du goulot. L’odeur est désagréable et j’ai bien peur que le vin ne revienne pas à la vie. Le Corton 1929 a un parfum merveilleux et le Château Filhot 1929 de niveau mi-épaule a une odeur peu précise mais qui devrait s’améliorer.

Nous sommes six dont trois de Tahiti et un couple qui voyage à travers le monde. L’apéritif se prend avec un Champagne Pol Roger 2002. Il est hautement confortable et a suffisamment de tempérament pour me convaincre. Il se boit bien, d’une grande clarté et d’une accessibilité parfaite.

A table, nous choisissons tous le grand menu de saison, ainsi intitulé : palette de légumes raves relevés d’huiles aromatiques et épicées / queues d’écrevisses sautées au curry, mousseline de brochet et bisque légère / tronçon de brochet nacré à l’huile d’olive, bardes et légumes verts dans une fleurette iodée / lièvre à la royale selon la recette du sénateur Couteaux, pâtes pour la sauce / voiture de fromages / soufflé chaud aux calissons d’Aix.

Le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle occupe la place par le charme de sa séduction. Tout est enjôleur en ce champagne un peu dosé. Il est floral, d’une fleur blanche virginale. Il va bien avec les écrevisses et leur sauce crémée. Le brochet devrait accueillir le Château Haut-Brion rouge 1955, mais malgré une amélioration de son parfum, le vin est comme torréfié et a un vilain final imprécis. Un ami m’avait demandé ce que je considère comme « vin mort ». Dans mon acception, c’est un vin qui n’offre aucun plaisir et qu’on a envie d’écarter sans chercher le message. Pour mes convives, ce Haut-Brion est encore dans le domaine du possible alors que pour moi il est mort. Car le caractère torréfié est rédhibitoire quand le final est dévié.

Certains amis scruteront un retour à la vie car le vin progresse, devenant aimable sur un beaufort, mais pour mon goût la cause est entendue, le vin est mort, ce qui ne me fait évidemment pas plaisir.

Je commande un Hermitage Jean-Louis Chave blanc 2001 qui est superbe de précision, surtout quand il arrive après le bordelais. Il a une belle mâche mais civilisée. Précis, profond, bien construit, il accompagne bien le brochet, plat très bien préparé.

La vedette incontestable de ce dîner, c’est le Corton Clos du Roi L.A. Montoy 1929. Ce vin a tout pour lui. Un parfum diabolique de séduction, une attaque en coulis de fruits rouges et une présence de vin glorieux. Il a tout ce qui a fait la réputation de 1929. Je n’arrête pas de jouir de cette plénitude et de cette sérénité intemporelle, car le vin n’a pas d’âge. Il ferait probablement partie des plus grands bourgognes que j’ai bus cette année, car on serait bien en peine de lui trouver le moindre défaut.

Le lièvre à la royale, magnifique dans sa réalisation, est beaucoup trop puissant pour le vin, ce qui oblige à attendre que le palais s’apaise avant de boire le vin. Mais le 1929 s’en tire à merveille.

Le Château Filhot 1929 a une belle couleur d’un or acajou. Le nez n’est pas de la plus grande précision mais il s’en tire pas mal. En bouche il a tout d’un grand sauternes sans pesanteur de sucre mais réellement doucereux. Mes convives sont ravis. Ce n’est pas le plus grand Filhot 1929 que j’aie bu, mais c’est un beau Filhot.

Le repas a été impeccable, le lièvre étant archétypal et le brochet le plus élégant des plats. Le service est toujours attentif mais en fin de repas nous nous sommes sentis un peu seuls. Le Laurent est une des tables les plus accueillantes et attentives de Paris. Irons-nous à Tahiti ? Certainement pas en vélo.

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Nouvelle belle expérience au restaurant Garance mercredi, 11 décembre 2013

Un journaliste ami, se fondant sur mes écrits, éprouve de la curiosité, voire de l’intérêt pour le restaurant Garance. Il me propose que nous allions déjeuner ensemble en ce lieu. La carte des vins est extrêmement riche à tous les niveaux de vins, dont certains sont normalement inaccessibles dans les grands restaurants.

Nous prenons le menu à cinq plats auxquels Guillaume Iskandar fera de petites ajoutes. Ce sera : tartare de mulet noir, oseille et sauce gribiche / croustillant de Tête de veau sauce gribiche / Foie gras poché, petits pois, groseilles, bouillon de langoustine / Bonite, courgette et olive noire / Poitrine de veau, céleri et cèpes / Marshmallow au thym.

A chaque expérience dans ce restaurant, je constate que la maturité progresse. Tout est bon. Mon préféré de ce jour, le foie gras poché, vaut bien une étoile.

Le Domaine de Trévallon Vin de Pays des Bouches du Rhône 2003 est d’une grande précision. C’est sur le croustillant de tête de veau et sur la poitrine de veau qu’il exprime toute sa richesse. Il se montre beaucoup plus subtil par un temps redevenu frais que lorsqu’il est bu par un chaud soleil. Mais je le préfère quand il est vin d’été.

Mon ami a apporté un Pacherenc de la Saint-Albert, Pacherenc du Vic Bilh moelleux 1992. Le temps l’a oxydé, lui donnant une patine de vin ancien, mais le rendant moins nerveux. Il est original mais limité. Le journaliste reviendra pour analyser à nouveau la cuisine du lieu. Je le sens déjà conquis.

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Déjeuner au restaurant Flocons de Sel à Megève mardi, 10 décembre 2013

La tête pleine de souvenirs merveilleux de l’univers de Marc Veyrat et le corps encore marqué de fatigue par la profusion des mets, nous prenons la route pour nous rendre au restaurant Flocons de Sel à Megève où Emmanuel Renaut a obtenu trois étoiles. Nous avons une belle table face à la montagne, mais la vue n’a pas la largeur et la profondeur que nous offrait le restaurant de Manigod.

Nous voulons prendre l’apéritif et la carte des vins est une heureuse surprise. Les prix incitent à boire grand. Jean-Philippe est maintenant assis à notre table, et nous suggère de prendre le Champagne Bollinger Grande Année 2004 dégorgé en juillet 2012.

C’est un beau champagne, bien agréable à boire, mais je trouve qu’il est trop poli, trop « bon élève », c’est-à-dire qu’il lui manque une petite canaillerie qui le rendrait plus excitant. Inutile de dire que c’est un grand champagne, mais trop bien élevé. Il va nécessairement s’assouplir et devenir très grand car il est d’une belle année.

Le menu a été conçu par Emmanuel Renaut.

L’avant propos est composé de quelques salés aux goûts de montagne : tartelette racine et noisette / toast fin crème acidulée, œuf de fera / biscuit de Savoie, moutarde et betterave / lait d’alpage fumé en beignet.

Le menu a une partie commune et ne varie qu’au niveau de la viande est, en ce qui me concerne : Jardin d’hiver / tourte aux saveurs d’hiver / salsifis en spaghettis, lard, poudre, légèrement fumé et truffe d’hiver melanosporum / moelleux de panais, betterave, consommé jardinier relevé de raifort et vieux beaufort / langoustines froides en surprise, mandarine, gentiane et oseille / brochet du lac, pêche d’Eric Jacquier, comme un biscuits, jus d’oignon paille grillé / écrevisses servies tièdes cuites au moment sur un crémeux de carcasses, lait fumé et pomme verte / paleron confit, Mondeuse de chez Trosset et truffe / les alpages sur un plateau / flocons de sucre.

Dès les amuse-bouche, le décor est planté. Il y a la dextérité, le sens des nuances et la précision. Les plats sont bien exécutés et goûteux. Ce voyage gastronomique me plait beaucoup car il est rassurant. Il y a à la fois le talent et le confort.

Nous avons choisi avec les conseils avisés des sommeliers le Chablis Grand Cru Blanchot François Raveneau 2004. C’est une merveille absolue. Il a beaucoup de corps, de présence et en même temps une précision extrême. C’est un vin ciselé et très persistant en bouche. Il est tellement bon que lorsqu’il a fallu choisir un deuxième blanc pour la suite du repas, j’ai demandé que l’on commande le même, car je n’imaginais sur la carte bien fournie aucun blanc qui puisse égaler la divine perfection de ce blanc épanoui qui m’a impressionné.

Pour les viandes, j’ai suggéré que nous prenions le Chateauneuf-du-Pape Clos de Papes Paul Avril 1998 magnifique d’équilibre, en pleine possession de ses moyens. Il soutient le choc du paleron et de la truffe avec aisance, vin joyeux de pleine mâche. C’est à mon goût le Châteauneuf le plus conforme car le moins extrême. Il est pour moi une synthèse de Châteauneuf.

Lorsque j’avais rencontré Emmanuel Renaut à Paris, j’avais promis d’apporter un vin ancien pour la visite que je ferais un jour. Les vols que nous avions choisis vers Genève ne permettant pas de bagage en soute, j’avais manqué ma promesse ce qu’Emmanuel m’a gentiment signalé. Il est simple d’approche, souriant, équilibré, et c’est un bonheur de le voir sur son territoire.

Dans la cave, il y a une impressionnante collection de Chartreuses et le repas s’est conclu sur une Chartreuse verte des années 70, absolument magnifique. C’est une bénédiction florale de fraîcheur printanière.

Une mention spéciale ira à la carte des vins fournie et aux prix intelligents. Voilà une halte qui donne envie de revenir.

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Dîner chez Marc Veyrat à Manigod lundi, 9 décembre 2013

Nous dînons dans la salle de restaurant du premier étage et la cheminée du rez-de-chaussée qui donne à fond transforme le lieu en étuve. Nous partons à l’aventure car rien ne nous est annoncé.

Nous commençons par le « Soda Vera », présenté en bouteille de la forme d’un Coca Cola que chacun boit à la paille. C’est d’une fraîcheur absolument exceptionnelle, concoction de plantes que je serais bien incapable de reconnaître.

Jean-Philippe ne nous a donné le menu qu’à la fin du repas. Le voici : yaourt de foie gras, jus d’acha des Aravis, galette de carvi du coin de la forêt / œuf cuit dans la glaise des Maisons des Bois, oxalis des lisières de notre « pâquis », maïs de chez nous / cuiller d’œufs noirs, gelée de poule, purée légère de tussilage / les grenouilles vivant dans leur milieu, arôme de polypode et de fougère des bois / Saint-Jacques, émulsion de berce sauvage ramassée par nos soins / pâtes disparaissantes (sans œuf ni farine), jus métissé/ tartiflette virtuelle du XXIème siècle mais surtout naturelle / râble de lièvre à la pomme de pin / plateau du Berger de Manigod / baba parfumé au génépi, confit de panais, coulis acidulé.

Il y a dans ce menu tout ce qui est Marc Veyrat : l’imagination débridée, les plantes de son village, de sa montagne, son enfance, sa famille, sa générosité. C’est curieux que Jean-Philippe n’ait pas inscrit sur la feuille qu’il a remise à chacun le plat le plus charmant, délicat, fou d’imagination. Il apparaît juste après le fromage et avant le démoniaque baba. Jean-Philippe pose devant chacun une assiette sur laquelle il y a un microscopique morceau de pain et une trace d’une crème lourde et presque noire. Il nous dit qu’à la campagne, il fallait absolument laisser assiette nette, et saucer jusqu’à épuiser la faïence. Suivant ses instructions, nous sauçons cette trace de crème épaisse qui n’évoque rien de particulier, sorte de confiture de fruit noir. La suite je ne vous la conte pas, car Jean-Philippe m’a dit que le chef veut que la surprise soit gardée secrète. Je ne la divulgue pas. C’est une belle invention que j’adore.

L’invention était aussi au rendez-vous avec les pâtes disparaissantes. Imaginez un demi-cylindre de céramique vertical qui s’ouvre vers vous. Deux trous percés de part et d’autres permettent à un fil de fer de jouer le rôle de fil à linge sur lequel pendent des pâtes, qui sont en fait des spaghettis de Beaufort au safran. Pensez aux balcons des fenêtre italiennes où pend le linge. Arrive un serveur qui verse un bouillon chaud, bouillon « d’ici et d’ailleurs ». Les pâtes fondent et disparaissent complètement, introuvables, car fondues dans le jus métissé. J’adore ces mises en scène imaginatives et sans chichi.

Sur un autre plan, j’ai trouvé ainsi que mes amis des saveurs parfois imprécises, et certaines trop sucrées sur les premiers plats.

Nous avons commencé le repas avec un nouveau Champagne Larmandier-Bernier Vieilles Vignes de Cramant blanc de blancs grand cru extra-brut 2005. « Bis repetita non placent » car j’ai retrouvé la même sensation d’un vin trop court, à la belle attaque, mais qui fait pschitt comme les attaques contre Jacques Chirac. La gelée de poule et caviar et tussilage est géniale mais n’arrive pas à exciter le champagne.

La Mondeuse Tradition domaine Prieuré Saint Christophe Vin de Savoie Roselyne et Michel Grisard 2006 est très expressive. Elle s’accorde à merveille avec les grenouilles délicieuses et prend des tons de réglisse. Et ce vin rouge à l’acidité légère trouve un écho parfait avec le bouillon de pâtes.

Sur la tartiflette accompagnée d’une généreuse truffe noire, le Meursault Villages Jean François Coche Dury 2004 crée un bel accord. Il est généreux, beaucoup plus aérien que les vins de Coche-Dury au point que Guillaume me demande s’il n’y aurait pas eu une erreur. Il n’y en a pas, et l’on trouve la patte de Coche-Dury, avec un équilibre et une précision tels que ce vin Villages boxerait facilement parmi les premiers crus.

La Mondeuse va très bien avec le lièvre et les légumes oubliés, à cause de sa fraîcheur et de sa belle acidité. Nous aurions été trop fatigués avec un vin lourd qui aurait lutté avec le lièvre au lieu de l’accompagner.

Alors que je m’étais promis de ne prendre ni fromage ni dessert, j’ai succombé à un Beaufort exceptionnel, au baba au génépi d’une gourmandise folle, à un sablé comme on aimerait que les mamans en fassent et aux bâtons de guimauve qu’on grignote comme en une fête foraine.

Fête oui, car c’était la fête de la générosité, de l’amitié et de ce cœur que Marc met en toute chose. C’est un tyran qui mène durement tout son monde, mais c’est accepté car on sait que le chef a un grand cœur.

Il était prévu que le petit-déjeuner se prendrait au restaurant. Nous avions tant de fatigue après ces deux repas pantagruéliques, absorbés dans une atmosphère surchauffée que nous avons annulé cette phase du programme.

Grâce à l’amitié que se vouent le chef et Jean-Philippe nous avons pu entrer plus intimement dans l’univers créatif et émotionnel d’un grand chef qui marquera l’histoire. La tarification est très épicée, la carte des vins est à repenser car elle ne correspond pas aux ambitions du chef. Toute l’équipe est souriante et motivée, ce qui fait plaisir à voir. C’est un grand moment d’amitié ponctué de belles étincelles de génie. Longue vie à Manigod.

Le lendemain matin, soleil radieux. Quelques fruits et quelques graines d’un mendiant, beaucoup d’eau, car nous partons à Megève pour un déjeuner au Flocon de Sel, le restaurant trois étoiles d’Emmanuel Renaut. Comment écrit-on le mot excès ?

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Déjeuner chez Marc Veyrat à Manigod lundi, 9 décembre 2013

Marc Veyrat a créé, à partir d’une toute petite maison de 50 mètres carrés, un petit village qui reconstitue l’univers de ses aïeux. C’est à Manigod. On arrive à pied, une fois la voiture garée, par une petite chapelle charmante, qui jouxte le bassin aux saumons, recouvert de neige. On monte encore et Marc Veyrat nous accueille avec un large sourire. Il reconnaît notre groupe d’amoureux de la gastronomie et de « sa » gastronomie. Il faut dire que Jean-Philippe Durand a préparé notre venue.

Quelle n’est pas ma surprise d’apprendre que Jean-Philippe est devenu le directeur de salle du restaurant de Marc. Que va faire Jean-Philippe dans cette galère, lui qui est engagé et très actif professionnellement, cuisinier hors pair qui traditionnellement cuisine chez nous pour nos amis le 15 août et le 31 décembre et qui est le consultant amical de plusieurs grands chefs en devenir ou déjà couronnés de lauriers, son livre avec Jean Sulpice devant paraître bientôt ? Jean-Philippe l’explique tout simplement. Il a envie d’accompagner Marc dans cette nouvelle aventure qu’il a lancée et de partager avec lui les joies, les peines, les interrogations et les solutions. Il y a une estime mutuelle et une grande complicité, ce qui a poussé Jean-Philippe a mettre ses rares moments de temps libre à la disposition de Marc.

Marc nous montre les chambres et les petites maisons d’hôtes qui sont en train de s’équiper auprès de la maison principale du restaurant. Il nous montre la future piscine d’où l’on pourra voir le Mont-Blanc. Il nous raconte que lors du creusement de la piscine, étant sur la pelleteuse, il a renversé l’engin dans le trou ce qui lui a occasionné 18 points de suture. Comme s’il en avait besoin après son terrible accident de ski !

Nous faisons un arrêt devant une galerie de portraits de la famille de Marc, peints par Caroline son épouse, et plantés comme un écran qui cache la vue sur le Mont-Blanc. Marc nous les présente un par un, fier de poursuivre l’œuvre de ses ancêtres.

Nous visitons les lieux. Nous déjeunerons sur l’immense table qui est utilisée pour les cours de cuisine. Elle est attenante à des fourneaux qui servent pour les cours. La table est directement face à la montagne si belle à travers les baies vitrées. Au rez-de-chaussée on est impressionné par l’immense mât fait d’un sapin de grande taille, planté au milieu de l’espace. La cheminée monumentale a un tirage impressionnant et le souffle de son aspiration est grisant ainsi que les crépitements des bois qui éclatent. Cette cheminée à pour effet de réchauffer l’atmosphère, ce qui devient facilement un problème.

Dans la cave, il y a la cave à vin joliment apprêtée mais de faible contenu, puis l’étable aux moutons, à la chèvre et à la mule qui grignote tout ce qui est à portée de ses dents. La cave aux fromages dégage une odeur qui personnalise le lieu.

Au premier étage, il y a la grande salle de restaurant, la cuisine visible de tous et la chambre de Marc et son épouse, sur le coin le plus tourné vers la vallée, d’où la vue est unique. On comprend que Marc soit amoureux de cet espace.

Nous prenons l’apéritif debout, avec un Champagne Larmandier-Bernier Vieilles Vignes de Cramant blanc de blancs grand cru extra-brut 2005. Ce champagne a une belle attaque, mais je suis surpris qu’il soit aussi court, car cette maison de Vertus fait de grands champagnes. Même en excitant le champagne avec les plats du début de repas, on assiste à un réveil mais beaucoup trop timide. C’est bien un blanc de blancs, mais paresseux.

On nous propose une crème de potiron servie dans de petits potirons décoiffés, des tranches d’une fine galette cuite au four devant nous comme on cuit les pizzas, et des sandwichs au foie gras façon burgers.

Nous passons à table, et nous aurons la chance d’être servis par Caroline la maîtresse de maison, Olinda, sympathique et efficace, Guillaume, sommelier que je connais de lieux antérieurs. Le chef, un ancien second de Patrick Pignol est venu nous saluer, me rappelant des souvenirs très forts que nous avons ensemble.

Jean-Philippe a voulu nous proposer un menu léger qui nous rappelle les récentes expériences avec le Marc Veyrat d’avant, et l’on s’apercevra que la notion de « léger » n’est pas la même pour tout le monde. Voici le menu : foie gras chaud à la myrrhe odorante/ écrevisses à la reine des prés, bleu de Termignon / omble chevalier, beurre émulsionné au pimpiolet (serpolet) / tendron de veau en cocotte lutée, cuit toute la nuit dans notre four à bois, folle émulsion aux herbes de la Croix Fry / plateau du Berger de Manigod / sphère au Génépi, soupçon de Chartreuse, chocolat amer.

Le Champagne Brut Initial Selosse dégorgé en avril 2013 est le jour et la nuit en termes de vivacité. Il a une tension magnifique, et une belle acidité. C’est un champagne qui pulse, joliment gastronomique.

Le Marestel Altesse Roussette de Savoie Dupasquier 1985 a une couleur dorée. J’avais choisi ce vin dans la carte des vins très chiche du lieu et Jean-Philippe me dit peu après : « j’ai acheté ce vin en pensant à toi, car je savais que tu le prendrais forcément si tu venais ». Merci Jean-Philippe de cette prémonition. Le vin est d’une vibration extrême et d’une précision qui me ravit. Il forme avec la sauce de l’omble chevalier un accord diabolique. Ce poisson qui nous rappelle de beaux souvenirs chez Marc est un plat divin.

La Côte Rôtie domaine Jamet 2005 est magnifique, épanouie et très lisible. Elle a une franchise de ton que n’ont peut-être pas celles de Guigal. Sa mâche est joyeuse.

Le Chambolle-Musigny 1er cru les Baudes Sérafin Père & Fils 2008 est plus frêle que le précédent mais nous l’avions voulu ainsi sur les fromages, car sa légère acidité leur convient bien, la Roussette en accompagnant d’autres..

Le plat magique du repas, c’est l’omble. La cocotte lutée de tendron de veau est une belle recette gourmande, la purée au chocolat et à la truffe est du plomb fondu de bonheur. La madeleine de Proust, c’est le Matafan, beignet de patate et de gentiane râpée. Une idée géniale.

Nous allons prendre possession d’un des chalets que Marc Veyrat loue en contrebas de Manigod. Comme aux Maisons des bois, c’est surchargé d’évocations pastorales. Il y a deux chambres. Ma fille et mon gendre prennent l’une des deux. Nous sommes en famille. La perspective du repas du soir impose une courte sieste, plus que nécessaire.

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photos au dessus : l’arrivée et la galerie de portraits de la famille de Marc Veyrat. Ci-dessous, la future piscine, l’étable et la cave à vins vue du dessus au rez-de-chaussée puis en cave, la fromagerie et notre table de déjeuner.

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Notre amitié s’est nourrie de pain et de vin, grâce à Jean Philippe

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