Archives de catégorie : dîners ou repas privés

déjeuner au restaurant Epicure de l’hôtel Bristol jeudi, 5 décembre 2013

Bipin Desai, le célèbre collectionneur américain pour qui j’organise chaque année un dîner de vignerons arrive à Paris. Il me donne rendez-vous à déjeuner au restaurant Epicure de l’hôtel Bristol. Etant arrivé en avance, j’ai le temps d’examiner la carte des vins dont les prix font frémir. On arrive à des aberrations extrêmes comme de facturer les premiers grands crus classés de 1982 au dessus de dix mille euros. Marco Pelletier, le très compétent sommelier du restaurant explique qu’il est obligé de ne pas faire figurer certains vins emblématiques sur la carte, car s’il les mettait, même à cent fois leur prix d’achat, ils seraient commandés dans la semaine qui suit. On peut comprendre son dilemme mais aussi penser que cela côtoie la folie.

Le menu composé par Bipin pour notre déjeuner est : langoustines royales et caviar juste raidies, servies froides, goût céleri-branche et jus de yuzu /châtaignes de mer en coque, langues et écume d’oursin, fine brouillade d’œuf de poule / poireau d’Ile de France cuit entier au gril, beurre aux algues, tartare d’huîtres « perle blanche », cébette et citron / noix de coquilles Saint-Jacques, gnocchis de truffe blanche d’Alba, jus de cresson de fontaine au beurre noisette.

Le Champagne Dizy Le Clos Jacquesson 2002 est une cuvée rare dont il n’a été fait que 946 bouteilles exclusivement en pinot meunier. Si Marco nous l’a suggéré, c’est pour que nous buvions quelque chose d’unique. Le vin est riche, complexe, original, d’autant plus que j’ai peu de repères sur les champagnes qui sont à 100% de ce cépage. Il a des côtés lactés plaisants et une acidité extrêmement bien dosée. Il se marie à la langoustine croquante et goûteuse et se place parfaitement au côté de l’oursin, plat d’une justesse de ton à signaler.

Le vin qui accompagnera les coquilles est le Corton Grand Cru rouge Bonneau du Martray 1999. La précision ciselée de ce vin est absolument remarquable. Tout en ce vin est dosé, mesuré, élégant et noble. C’est un vin d’un immense plaisir, au fruit juteux et de belle joie. Un bonheur.

La cuisine d’Eric Fréchon est d’une maturité remarquable. Le poireau à l’huître est d’une originalité extrême, l’huître explosant ses saveurs au contact du cœur du poireau. L’oursin est divin. C’est une belle table.

Je quitte Bipin rapidement, le laissant poursuivre son déjeuner, car j’ai maintenant une quarantaine de vins à ouvrir pour l’académie des vins anciens.

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Dîner à quatre mains au restaurant Kei mardi, 3 décembre 2013

Je ne sais pas comment j’ai appris la nouvelle, mais je l’ai retenue. Le chef Kei Kobayashi a eu l’heureuse idée d’inviter son prédécesseur de la rue du Coq Héron, le grand chef Gérard Besson, pour faire pendant une courte période des dîners à quatre mains.

Il faut à Kei une belle dose d’ouverture d’esprit pour faire revenir Gérard aux fourneaux qu’il a pratiqués pendant tant d’années. Lorsque nous arrivons au restaurant Kei, les deux chefs nous saluent avec de grands sourires. On sent qu’ils sont heureux de cette expérience.

Le menu qu’ils ont concocté est : amuse-bouche / soupe de lentilles et foie gras / terrine de lièvre, légumes crus et cuits / Saint-Jacques snackées, oseille et sabayon agrumes / biche, condiment pomme et poire, sauce poivrades / interprétation de l’oreiller de la belle Aurore / consommé de gibier / tarte aux agrumes, mousseux chocolat et son sorbet.

La décoration du lieu a été rajeunie par Kei. Le service de table, épuré, est de grand raffinement. Et les deux cuisines cohabitent bien. Kei, c’est l’exploration de saveurs pointillistes, suggérées et protéiformes, proposant des rêveries et des variations infinies. Gérard, c’est le raffinement de la cuisine bourgeoise, solide et de dextérité.

La biche est superbe, la terrine est une madeleine de Proust et l’oreiller de la belle Aurore, traité en petites portions pour deux, plus coussinet qu’oreiller, est emblématique. Je m’y sens bien, emporté par les saveurs multiples des cinq ou six composantes goûteuses du plat.

Avec Gilles Josso, pilier du restaurant, j’ai choisi un Chambertin domaine Ponsot 2000. Le nez est très subtil et bourguignon. Gilles m’avait dit que le vin serait très fruité. Or en bouche, c’est une forte râpe doublée d’une amertume qui envahit mon palais. J’attends que le vin s’élargisse, mais c’est bien lent. Il devient ce qu’il pourrait être, mais ce ne sont que des confidences, sur l’oreiller. Au total, ce vin n’est pas porteur de plaisir. Bien sûr les grappes sont entières, ce qui donne des tons rêches de rafle que j’accepte volontiers, mais le vin manque de vivacité et reste sur des notes beaucoup trop strictes.

Ce n’était pas suffisant pour brider le grand bonheur d’avoir vu ces deux chefs travailler ensemble. En sortant, nous les avons félicités pour cette idée d’une grande fécondité. Bravo aux deux chefs d’avoir aussi facilement additionné leurs talents. Ils nous ont dédicacé notre menu.

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Déjeuner au restaurant Thoumieux mardi, 3 décembre 2013

Déjeuner au restaurant Thoumieux. C’est la quinzaine des grands crus à prix coûtants organisé par le marchand Duclot qui appartient à la famille Moueix. Il y a de belles pioches dans des crus normalement inaccessibles, mais nous avons envie de pouvoir travailler l’après-midi aussi ce sera un Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1996 qui fera notre déjeuner. Et c’est une très grande « pioche ». Le champagne est extrêmement fruité, plein, varié dans sa palette d’arômes où les fruits sont rouges, ou jaunes ou d’agrumes. Il est riche et très équilibré. Ce qui charme, c’est qu’il est racé, claquant sur la langue.

Le menu peut être composé d’une ou de deux suggestions dans six propositions. J’ai choisi : Maltagliati à la farine de châtaigne, beurre noisette, parmesans et une râpée de Tartufi di Alba / chevreuil de chasse cuit sur des marrons grillés, réduction d’une poivrade.

A peine avons-nous fini de commander, qui vois-je arriver : Richard Geoffroy, le metteur en scène de Dom Pérignon. Nous nous étreignons de mâles embrassades, souriant que le hasard nous ait permis de nous retrouver ici.

Les hors d’œuvre sont complexes, compliqués et interminables. Des miettes de tourteau se veulent glacées, mais on ne retient que le « trop froid ». La présentation des plats est assez ampoulée, marquée d’hommages appuyés au génie du chef.

Quand c’est Jean-François Piège qui vient lui-même râper la truffe blanche, on est évidemment conquis. Les produits sont bons, le chef a un grand talent, mais tout est beaucoup trop compliqué. Avec mon café arrive une boule chocolatée. Le serveur demande « voulez-vous la casser vous-même ou voulez-vous que je le fasse ? ». Je réponds « oui ». Il prend alors la boule posée dans un coquetier dont le pied est une patte de poule en céramique. Il la lance avec force sur la table et les morceaux de chocolat s’éparpillent sur la nappe. On a vu mieux comme mise en scène.

Richard Geoffroy me fait servir un verre de Champagne Dom Pérignon rosé 2002. Le vin est bien construit mais il est assez orthodoxe. Bien charnu, de belle couleur, il occupe bien le palais, mais on se plaît à rêver qu’il ait dix ans de plus, car une maturité supplémentaire va le rendre beaucoup plus excitant. Il a tout pour devenir grand. Laissons-lui le temps.

Le chef a du talent, les produits sont bons. Il faudrait un peu moins de sophistication et de complication pour que le plaisir soit total. Le gagnant de ce repas, c’est le Pol Roger d’une rare plénitude et d’une immense complexité. Et l’autre gagnant, c’est le plaisir inattendu d’avoir rencontré un grand vigneron, que je retrouverai dans une semaine dans ce qui sera sans doute le plus grand dîner de mon année.

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Le restaurant L’Arôme et Substance de Selosse jeudi, 28 novembre 2013

Le restaurant L’Arôme est accueillant. L’espace est aéré, les tables ne se chevauchent pas, les nappes sont bien blanches et le personnel est souriant et très professionnel. Dès l’entrée on se sent bien.

Le choix du menu est facilité par le chef charmant et enthousiaste qui vient glisser quelques conseils. Thomas Boullault a travaillé longtemps avec Philippe Legendre et en a retenu la volonté de faire des plats francs et lisibles. De plus, et ça ne trompe pas, il aura la main lourde lorsqu’il viendra trancher la truffe blanche pour recouvrir les assiettes. De telles attentions sont appréciables.

Le menu : crème de butternut à la truffe blanche / langoustines avec un velouté de cresson / cabillaud sauvage et palourdes al pilpil, fregola Sarda toute rouge, tagete lucida, Pedro Ximenez / poêlée de sot-l’y-laisse de volaille de Bresse, risetto à la truffe blanche d’Alba, émulsion au vin d’Arbois / soufflé chaud à la pistache, sorbet fromage blanc et coulis de griotte.

Ce menu est intelligent, les produits sont excellents. Le velouté de cresson est une merveille, le vinaigre de Pedro Ximenez étouffe un peu le cabillaud. Le plat merveilleux, c’est la poêlée de sot-l’y-laisse, d’une rare gourmandise et qui sublime la truffe blanche.

Le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en décembre 2009 se présente très ambré, d’une force extrême, très intransigeant. Il devait faire seulement l’apéritif, mais sa force risque de faire pâlir tout autre vin. Après mûre réflexion avec le sympathique et compétent sommelier il est prévu de doubler le même champagne.

Le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en août 2010 est l’opposé du précédent. Il est beaucoup plus clair, sans ton ambré et infiniment plus civilisé. Il serait même presque charmeur comparativement à l’absence totale de concession du premier, très oxydatif.

Alors, existe-t-il une durée limite entre le dégorgement et la consommation des Substance ? Il est probable qu’un dégorgement de trois ans serait plus adapté à ce champagne extrêmement tendu et puissant.

Le service est extrêmement sympathique, les plats sont gourmands et donnent envie de les dévorer. La première étoile du lieu est justifiée. Voilà une table où il est naturel de se sentir bien.

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Déjeuner au restaurant Hiramatsu mercredi, 13 novembre 2013

Déjeuner au restaurant Hiramatsu. L’accueil est souriant et sympathique. Etant arrivé en avance, je me plonge avec envie dans la carte des vins qui est une des plus intelligentes que je connaisse. Sans attendre l’avis de mon invitée, je jette mon dévolu sur un vin. Dans le menu du jour que je consulte ensuite, des plats permettront de créer de beaux accords.

Pour tromper mon attente, le sommelier m’offre un verre de Viré-Clessé Denis Jeandeau 2011. C’est un vin assez court, aux accents torréfiés et confits qui m’évoquent de vieilles roussannes. Le vin n’est pas déplaisant pour un apéritif, mais quand même très simplifié. La truffe blanche de l’amuse-bouche exhale un parfum démoniaque.

Le menu est : ris de veau, coulis de trompettes de la mort et émincé de cèpes, croquant de cerfeuil tubéreux et topinambour / Cannette de Challans rôtie, navet de Nancy et de boulle d’or, radis rose au miel, poireau jaune et sauce au vin (cognac, porto et vin rouge).

Le Clos de la Roche Cuvée William domaine Ponsot 1988 est un vin clairet au rose raffiné. Le nez est plus que discret. La bouche est distinguée, discrète. Il n’y a aucune affirmation excessive. On est entre gens bien élevés avec ce vin-là. Les cerises griottes sont présentes, ce qui permet un accord absolument pertinent avec les champignons qui accompagnent le ris de veau. Sans être vraiment charnu, le vin est gouleyant. L’année n’est pas flamboyante, mais cela lui va bien.

La cannette anime le vin qui est extrêmement plaisant, avec une belle râpe en bouche. Je ne peux pas dire que je suis chaviré par ce vin qui est un peu en retenue, mais c’est un compagnon gastronomique très pertinent.

Alors que j’ai un dîner important le même jour, je me laisse séduire par le dessert marrons et noix fraîches, croustillant de quatre-quarts et mousseline de chocolat blanc ivoire. C’est délicieux. Tout se complique lorsque l’on apporte des boules de chocolat fondant, véritable Attila des régimes.

Le restaurant Hiramatsu est un restaurant où l’on se sent bien, et qui pousse à commander de grands vins.

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Déjeuner au restaurant l’Essentiel à Deauville dimanche, 10 novembre 2013

Le soleil brille un dimanche de novembre à Deauville. Avec ma fille et mes petites-filles, nous allons au restaurant « L’Essentiel ». Décidément, les noms communs sont tendance. La décoration est sobre mais plaisante. L’accueil et le service sont attentionnés. La carte des vins est petite mais bien fournie. Je commande un Château Rayas Chateauneuf-du-Pape 1998 avant que nous ne passions la commande des plats. La couleur du vin est anormalement tuilée, et le vin est comme torréfié, ce qui indique un probable problème de chaleur en cave. La serveuse me propose de le changer et je refuse, car je n’ai aucune intention de créer des problèmes éventuellement liés à une différence d’interprétation.

Le chef vient, propose le changement, goûte le premier Rayas puis le second et convient qu’il y a un écart sensible de qualité entre les deux vins. Ouf !

Mon menu est : Saint-Jacques grillées, pommes de terre vitelotte, fumet au curcuma / Bœuf Wagyu, légumes grillés, condiment samsang. Tout est bien cuisiné et la viande Wagyu est délicieuse, riche et goûteuse.

Le Château Rayas Chateauneuf-du-Pape 1998 non carafé met un peu de temps à s’ébrouer, mais quand il est ouvert, il impose sa forte personnalité. Son amertume de fruits bruns se domestique bien. L’intensité du vin et sa persistance sont fortes. C’est un grand vin qui trouve un écho de belle exactitude avec le gras un peu chocolaté de la viande épaisse. L’accord est beau.

Ce restaurant de Deauville est à recommander car l’accueil est sympathique, le service efficace, la cuisine excellente et l’on peut trouver quelques vins de qualité.

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Déjeuner au restaurant Beaucoup dimanche, 10 novembre 2013

Après « Table », voici le restaurant « Beaucoup ». C’est curieux ces noms d’une totale neutralité. L’espace est imposant. Il s’agit sans doute d’une ancienne entreprise industrielle. L’atmosphère est agréable. Le service et la clientèle sont majoritairement féminins. Les plats sont convenables. Ma fille prend un verre de vin bio. Je bois de l’eau. On ne sait pas quelle était l’intention dans le nom, mais des endroits de ce niveau, il y en a beaucoup.

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Dîner au restaurant Table avec de beaux vins jeudi, 31 octobre 2013

Nous avions prévu de bavarder avec un ami de sujets de vins. Nous sommes trois au restaurant Table, ouvert il y a environ cinq mois par un habitué du restaurant d’Alain Passard qui a eu envie de créer un restaurant selon ses goûts. Le restaurant est petit, mais par une disposition astucieuse des tables, en se serrant un peu, trente couverts ou plus peuvent être servis. On est assis sur des tabourets, la cuisine est ouverte sur la salle et il faut accepter une pénurie de verres à vins lorsque la soirée s’avance.

Cédric a apporté beaucoup de vins. Le blanc est incontournable et il me demande de choisir un rouge entre Cheval Blanc 1973, Haut-Brion 1975 et Château Margaux 1998. Le plus gouleyant sera sans doute le margaux, le plus solide le Graves et le plus incertain le saint-émilion. Le niveau du 1973 est dans le goulot, la bouteille paraît saine, alors, même si l’année fait partie des années très faibles, j’opte pour le Cheval Blanc.

Bruno Verjus, maître des lieux, nous entraîne dans le menu qu’il imagine pour nos vins. L’apéritif se fait avec du foie gras frais sur un Champagne V.O. Jacques Selosse non millésimé. Le champagne est un peu dur et plus court que d’autres « Version Originale » que j’ai déjà bus.

Le Château Carbonnieux blanc 1949 a un niveau haute épaule. Sa couleur est d’un bel or qui ne montre aucun signe d’âge. Il n’y a pas d’ambre dans cet or. Le nez est racé. Au premier contact, le plaisir n’est pas complet mais très vite, le vin va s’animer et devenir généreux, voire glorieux. Il n’a pas d’âge et si l’on disait qu’il est des années 80, personne ne critiquerait cette assertion. Il emplit bien la bouche avec de beaux fruits gorgés de soleil et se montre gastronomique. Sur un tartare de poisson il est très droit. Sur des coquilles Saint-Jacques à la truffe blanche il est voluptueux et d’une rare longueur.

Le Château Cheval Blanc 1973 est une immense surprise. Son nez est intense comme celui d’un vin d’une grande année. En bouche, il a une subtilité qui dépasse tout ce qu’on pourrait imaginer de cette année. Le vin a la noblesse de Cheval Blanc et ce qu’il n’a pas en puissance – et encore en a-t-il suffisamment – il l’a en complexité et subtilité. A l’aveugle, jamais personne ne citerait 1973. Il a une très belle matière, tramée et truffée comme celle d’un vin noble. Et ce qui est étonnant, c’est que le vin est assez trouble et d’une couleur peu rassurante. Une preuve de plus de la magie du vin.

J’ai prévu que les ormeaux seraient accompagnés par le rouge et c’est un choix judicieux. Les ormeaux en lamelle sont superbes. Sur la lotte le rouge est agréable, mais le Carbonnieux est plus pertinent.

Le niveau du 1973 baisse si vite que Cédric me demande d’ouvrir un autre rouge. Je choisis le Château Margaux 1998 car je connais le Haut-Brion par cœur. Le premier nez est riche mais coincé. En bouche, le vin est désespérément trop jeune. Alors qu’il a déjà quinze ans, il est coincé comme un puceau. Il a tous les attributs d’un futur grand adulte, mais ne dégage aucune émotion. Pourtant, le délicieux pigeon rose à souhait aimerait que le vin vibre avec lui.

Le Margaux ne se comporte pas mal avec la délicieuse viande rouge, mais il est temps que je sorte ma botte secrète. Cédric avait tenu à fournir tous les vins mais j’avais dans ma musette un Tokaji 3 Puttonyos de probablement un siècle ou plus. Pourquoi cette datation ? Parce que j’ai acheté ce vin dans un lot de Tokaji hongrois dont la plus vieille bouteille est de 1924 et la plus récente de 1943, mais dont d’autres sont non datées. J’aurais volontiers dit 1930 mais le bouchon dont le bas a pris une forme de béret de travers ne peut pas correspondre à 1930. Il est nettement plus vieux et me rappelle les bouchons des vins de Chypre 1845.

Le liquide est très foncé et un peu trouble, tendance lie de vin. Le nez est exceptionnel car il ya des évocations de noix, un peu de vin de paille, mais il y a surtout une intense réglisse. Le goût est surprenant car il se présente en vagues successives. Il est d’une longueur infinie. Il est doucereux mais très peu. C’est ainsi qu’il fait bonne figure sur la viande rouge qui ne le contredit pas.

Comme nous avons ouvert beaucoup de bouteilles, nous les faisons goûter à Bruno et je propose du Tokaji à une table sympathique. Ceux qui en goûtent sont subjugués par sa longueur.

Le Tokaji est difficile à cerner et à définir à cause de ces vagues qui traversent le palais. Je suis content d’avoir pris un trois puttonyos qui est moins sucré et plus gastronomique.

Cédric donne son verdict que j’approuve : 1 – Château Carbonnieux blanc 1949, 2 – Tokaji 3 Puttonyos # 1910/1920, 3 – Château Cheval Blanc 1973.

En partant, je félicite Bruno Verjus pour la qualité des « à-côtés » des plats, pour la cuisson exacte des légumes bien croquants, Bruno m’a regardé en souriant et a dit : « c’est du Alain Passard bien sûr ».

Ce restaurant est sympathique, le propriétaire est aux fourneaux et travaille de beaux produits. Je ne suis pas un grand fan des tabourets, mais c’est un endroit où je reviendrai volontiers, car il est dynamique et offre de beaux plats.

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Déjeuner au restaurant Taillevent mardi, 29 octobre 2013

Déjeuner au restaurant Taillevent. Un participant d’un forum américain souhaite partager un repas avec moi. Je ne peux pas déjeuner avec tous les « forumeurs » américains qui viennent en France, mais je dis oui. Michael est amoureux des vins de Bourgogne et travaille comme gestionnaire de cave pour trois américains très riches. Il a donc un pouvoir d’achat de vins très élevé. Il a apporté un vin et j’ai fourni le reste, déjà ouvert avant mon arrivée.

Le menu choisi avec l’aide de Jean-Marie Ancher est : saint-pierre en filet doré, écrevisses et potiron / noix de ris de veau croustillante, oignons des Cévennes et truffe noire / pomme reinette en Arlette croustillante, sorbet coing.

Le Bâtard-Montrachet Guy Fontaine et Jacky Vion 1990 est de viticulteurs que je ne connais pas, mais je l’avais déjà bu et apprécié. Son parfum est très agréable. Ce qui est impressionnant dans ce vin, c’est son équilibre et son confort. Il n’a pas la puissance des plus grands Bâtards mais il est probablement plus équilibré et gastronomique. Ce sont de beaux fruits jaunes que l’on sent le plus, avec un beau gouleyant. Il forme avec le saint-pierre un accord absolument exact. Je suis heureux que ce vin brille ainsi.

Le Corton-Charlemagne domaine Leroy 1991 a une couleur plus claire que celle du Bâtard. Le vin de Michael a une odeur incompréhensible. Il sent le soufre (ou quelque chose qui m’évoque le soufre), exactement comme un vin de l’année. Or ce vin n’a pas été débouché et rebouché. Son bouchon est d’origine. Et cette impression de soufre gêne la dégustation. En bouche le vin est déséquilibré. On sent qu’il a tout pour faire un grand vin, mais il est coincé, et n’arrive pas à s’ouvrir. Il n’est pas désagréable, mais il ne délivre aucune émotion. Le ris de veau est copieux, et malgré le conseil de Jean-Marie Ancher d’associer l’oignon à la truffe pour coller au vin, ça ne marche pas.

Il reste assez de vin pour le fromage et le meilleur accord, paradoxalement, est celui du saint-nectaire, fromage traditionnellement associé aux vieux vins rouges, avec le Corton Charlemagne. Pour un instant, il quitte sont manteau de soufre pour gagner une tension que jusqu’alors il ne voulait pas exposer. Fromage fini, il se referme dans sa coquille de vin coincé.

Le Vouvray Clos du Bourg moelleux le Haut Lieu Huet 1959 a un joli or clair de vin très jeune. Le nez est délicat, assez discret. En bouche, le vin est très difficile à cerner. L’attaque est doucereuse, joyeuse, séduisante, alors que le finale est celui d’un vin sec. Le message est assez simple, mais j’aime beaucoup son caractère énigmatique et troublant. J’aime qu’il me surprenne. Je le sens gastronomique, probablement avec du gibier à plumes à chair blanche. Sa fluidité est belle.

L’accord du jour, c’est celui du saint-pierre à la sauce épaisse qui a soutenu le Bâtard Montrachet de vignerons inconnus.

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dîner au restaurant Aida avec de beaux vins vendredi, 25 octobre 2013

Un ami mauricien constitue un groupe de six personnes pour un dîner au restaurant Aida tenu par un chef japonais qui a mérité une étoile au Michelin. Alors que nous apportons tous beaucoup plus de vins qu’il ne serait nécessaire, le matin même, Iqbal me dit que nous ne serons que quatre. Je rameute un cinquième convive et à 18h30, nous devons trier entre tous les vins. Iqbal est excessif, comme tous les gens généreux. Il voudrait que tous les vins soient de la fête, ce qui est impossible. Nous laissons de côté des vins comme Latour 1966, ce qui montre une volonté de fer. J’ouvre les bouteilles choisies, le groupe se forme. Il y a deux mauriciens, un coréen vivant à Singapour et deux français.

Nous sommes assis au coin du comptoir face au cuisinier dont les gestes sont gracieux et précis. Notre position en forme de « L » et non pas en enfilade nous permet de converser tous ensemble. Le restaurant est minuscule, le nombre de couverts ne doit pas dépasser vingt, moitié face au chef, moitié dans un salon privé.

Le Champagne Dom Pérignon magnum 1992 a une attaque très engageante solide et charpentée. Ce qui est significatif, c’est qu’il n’évoque pas les fleurs, comme souvent les Dom Pérignon, mais des fruits jaunes. Le chef nous coupe des tranches de jambon de Parme idéal pour exciter le champagne qui profite bien du format magnum en gagnant de l’ampleur.

Le Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1922 avait un bouchon d’origine. A l’ouverture il affichait un joli nez de fruits rouges. Il l’a encore et même s’il n’est pas long en bouche, son message aux beaux fruits roses est plus que sympathique. Nous l’aimons beaucoup car il a gardé suffisamment de panache pour notre plaisir.

Le Château Palmer 1983 est évidemment plus fringant, mais j’en attendais plus car il est trop chaud, ayant été rangé dans la salle où il y a la cuisine. Nous faisons placer les bouteilles qui vont suivre dans un couloir plus frais. Les ormeaux que j’ai demandés sans langues d’oursin s’accordent bien avec les deux bordeaux. Le Palmer 1983 est profond, intense plus que séducteur. C’est un beau vin. Il a un peu de truffe mais surtout des fruits noirs.

Le Corton Jacques Bouchard 1943 est un vin sans étiquette que j’ai apporté parce que son aspect m’avait séduit en cave. D’un beau niveau et d’une couleur magnifique, je croyais en lui. L’ouverture a confirmé mes supputations, car le parfum de ce vin était diabolique. Il est maintenant délicieusement bourguignon, solide gaillard avec une mâche généreuse et goûteuse de beaux fruits rouges et noirs. Je suis ravi de cet apport. La dénomination du vin est faite en référence aux achats que j’ai faits de vins de ce vigneron. Ce que nous avons bu n’infirme pas cette dénomination, ce beau bourgogne étant plein de vie.

Mais il va trouver son maître. Le Richebourg Charles Noëllat 1983 est un bijou. Le nez est subtil. La bouche est plus affirmée. Le vin a des évocations de sel que j’adore. Il est d’un équilibre rare et nous déclarons tous que ce vin a tout pour être le vin de la soirée. Sa longueur est extrême. Sa puissance aussi. C’est un beau Richebourg, meilleur que ce que son année indiquerait.

Les plats se succèdent, de très belle inspiration, mais peu correspondent à un programme de vins rouges. De la viande est prévue pour le vin du Rhône aussi Iqbal me demande d’ouvrir d’autres bourgognes. En saisissant la bouteille du Charmes Chambertin Misérey & Frère 1962, je sais déjà que ça n’ira pas et je l’annonce à Jean-Philippe. Le bouchon vient et l’on sent tout de suite que le vin est torréfié. Certains s’y risquent sans succès. Je n’en bois pas.

Le Château Corton Grancey Louis Latour 1964 est fidèle à la mémoire que nous en avons puisque nous avons déjà bu ce vin ensemble. C’est un solide bourgogne très carré et sans histoire, ce qui est dans mon esprit une qualité.

Nous attendons tous l’icône qui se présente maintenant, au nez profond et d’une rare densité. C’est la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1991. Ce vin est le premier que j’aie bu de la trilogie des Côtes Rôties de Guigal, quand il avait quatre ou cinq ans et il m’a marqué à jamais. C’est la force tranquille. C’est un vin qui évoque le noir : truffe, café, et plus faiblement le cassis. Ce qui est remarquable, c’est sa sérénité et sa profondeur. Il est moins excitant que la mémoire d’idolâtre que j’avais conservée. Il ne détrônera pas le Richebourg qui est effectivement le vin de la soirée.

Iqbal, décidément en pleine forme, me fait ouvrir un Marsala dolce Florio & Cie. J’ai le vague souvenir d’un agréable vin doux, qui s’est perdu dans les méandres endormis de mon cerveau.

Le service est attentionné, les messages passant par le chef qui fait « plaque tournante » car plusieurs serveurs ne parlent pas français. L’ambiance de cette petite bonbonnière est agréable. Nous reviendrons au restaurant Aida, mais il faudra faire un dîner au champagne, car c’est ce qui conviendrait le mieux à cette belle cuisine japonaise aux saveurs très changeantes. Joli projet en perspective.

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Le chef

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