dîner de wine-dinners au restaurant de Patrick Pignol jeudi, 16 février 2006

Le 66ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant de Patrick Pignol. J’étais allé dîner quelques jours auparavant après le spectacle de Laurent Gerra pour évoquer diverses hypothèses d’accords. Le chef est à Rungis avant l’aurore et fait son menu en fonction des produits qu’il trouve, mais bien sûr avec quelques idées en tête que mes vins lui suggèrent. C’est cela que j’étais venu scruter, car Patrick aime créer des recettes nouvelles avec des clins d’œil joyeux.

vin de Bichot de plus de cent ans. Mystère ! Pour lui donner un nom, j’ai supposé : Beaune Bichot 1899 (lire le compte-rendu ci-joint)

J’arrive pour l’ouverture des bouteilles. Deux journalistes et un photographe vont assister à cette cérémonie devenue un rite. Comme je réponds à des questions tout en ouvrant, je suis peut-être moins attentif à certains détails, et la statistique quasi irréelle de bonne tenue de mes bouteilles va se faire plomber ce soir. Le vin qui m’inquiète, c’est l’Arbois. Il a un nez plat de vin fatigué. Je suis prêt à le déclarer mort, car il me chiffonne trop. Je vais lui laisser une chance, mais il est exclu qu’il accompagne les oursins. On va donc lui substituer le Vouvray au nez rassurant, en demandant au chef de faire ressortir le coté sucré des oursins. Le message lui parvient.

Tout en répondant aux questions des deux journalistes, je fais mon inspection des odeurs, et voilà que le Corton-Charlemagne est bouchonné. A peine perceptible en bouche, mais le nez rebute trop. Je décide de prendre sur la carte de Patrick Pignol un Chevalier-Montrachet. Pas question de décevoir mes hôtes malgré un volume de vins très nettement supérieur à la moyenne habituelle pour les neuf que nous serons. Le bouchon du Bichot confirme qu’il a plus de cent ans. Cette bouteille sans étiquette fait du vin une énigme. Son odeur est redoutablement belle.

Mes hôtes arrivent avec une ponctualité remarquable et nous faisons un tour de table pour nous présenter sur un Champagne Ayala Brut ancien vers 1980. En fait, en  bouche, je dirais volontiers 1975. Les participants comprennent dès ce premier vin que nous entrons dans le monde des vins anciens. Belle rondeur en bouche et trace longue, équilibre chaleureux. C’est une belle mise en bouche.

Voici le menu composé par Patrick Pignol, menu de retour de marché : Damier de Saint-Jacques et truffes noires / Langoustines croustillantes infusées au citron et parfum de marjolaine / Oursins en coque, mousseline de persil tubéreux / Animelles dorées au beurre de cardamome / Cochon de lait en cocotte, légèrement pimenté au gingembre, salsifis lardés / Mimolette «vieille » dans sa simplicité / Clémentines caramélisées et petites madeleines au miel de bruyère. Il y aura dans ce voyage gastronomique de belles émotions. Et les clins d’œil subliminaux ne manqueront pas.

Nous avons autour de la table deux couples qui sont venus à la suite de l’interview de France Info de l’année dernière, qui a manifestement été entendue en Suisse et dans le limousin, les deux journalistes, une amie d’enfance qui, au lieu d’avoir le pieux recueillement que suggèrent mes doctes propos, ne cessait de me plaisanter comme quand nous avions vingt ans, et l’ami cuisinier de génie à ses heures que je voulais remercier de ses prouesses racontées dans de précédents bulletins. Pour la première fois depuis bien longtemps c’était un dépucelage pour tous les convives. Il y a d’habitude toujours un « ancien » qui joue les vétérans. Là, point. Le dîner commence.

Le Champagne Salon « S » 1983 aura du mal à exprimer son nez car nous sommes sous un nuage de parfum de truffe. Le plat est éblouissant et le Salon affiche des personnalités différentes que révèlent le sucré de la coquille ou l’insistance de la truffe. Ce champagne a la couleur d’une pêche déjà rosie, une belle bulle active et une profondeur en bouche qui est rare. Et l’accord met nos sens en éveil tant il faut être attentif pour déceler tout ce qui se passe dans notre palais. Nos papilles sont heureuses.

Devant la profusion des vins, je n’ai même pas cherché à savoir si le Corton Charlemagne Eugène Ellia 1993 revenait à la vie. On ne le saura jamais. Le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1993 est tellement éblouissant que la question n’a plus d’intérêt. C’est un vin jeune puissant, chaleureux, qui joue sur du velours avec une langoustine goûteuse à souhait. Ici, on ne se pose aucune question car tout est naturel et parfait.

Cela n’allait pas être le cas avec l’oursin et le Vouvray le Haut Lieu Demi Sec Huet 1971. Je dis un peu trop vite que je trouve la mousseline trop salée. Le chef informé vient rectifier notre appréhension sur le plat. Et effectivement mon impression change après deux ou trois cuillérées. L’oursin a des accents de châtaignes, avec cette légère douceur qui convient au Vouvray. Notre table se divise en deux camps, ceux qui pensent que l’oursin rétrécit le vin, qui s’épanouit dès que le plat est fini, et ceux qui comme moi pensent que l’accord est d’un immense intérêt. On pourrait sans doute rapprocher les points de vue en admettant que le plat n’élargit pas le vin mais que l’accord est judicieux. Malgré les remarques de quelques convives, je pense que cet essai se devait d’être tenté, parce qu’il sollicite les papilles comme en un manège, où l’on est pris dans un tourbillon de saveurs variées. Ce Vouvray est éblouissant de charme et de sérénité.

Les animelles devraient sans doute s’appeler animâles, car il s’agit des parties sexuelles mâles qui généralement vont par deux. Faisons le calcul. Nous sommes neuf, et nous avons chacun dans notre assiette trois moitiés de testicules de veau. Où est le chaînon manquant ? Est-ce la masse manquante de l’univers ? Plat délicieux qui a montré que je ne devrai plus essayer le Château Coustolle Côtes de Canon-Fronsac 1966, car cette bouteille bouchonnée (je ne l’avais pas remarqué à l’ouverture) fait suite à un autre malheureux essai. Heureusement, il suffisait d’avoir le Château Margaux en magnum 1970, qui après avoir installé un suspense sur la première gorgée non encore ouverte, fit montre de l’éclat rayonnant d’un beau bordeaux chaleureux. Ce n’est pas le meilleur Margaux qui soit, mais quand il a trouvé son épanouissement, il communique un plaisir sans mélange.

Je tenais absolument à voir en situation de repas ce « SEG » F. Sénéclauze (13°)  Saint Eugène (Oran) récolte 1952. Il n’a pas manqué son rendez-vous. Epanoui, chaud en bouche, au message simple mais convaincant, j’ai adoré, alors qu’un bourguignon présent à table allait évidemment lui préférer le vin très ancien de la cave de M. Bichot père, probable avant 1920 (voire avant 1900). Ce vin m’avait été offert dans la cave de M. Bichot, vin sans étiquette, sans dénomination, que l’on aurait pu identifier en se référant aux numéros des cases. Mais cela a-t-il de l’importance ? La couleur évoque un Beaune, et le goût aussi. Le bouchon m’avait indiqué la fin du 19ème siècle. Le goût me suggère 1899 car j’en ai le souvenir. Je ne garantis évidemment pas cela, mais comme il n’est plus possible de vérifier, disons : Beaune Bichot 1899. Ce vin est splendide. Il sera définitivement sacré dans les votes. Sa jeunesse étonne, et la plénitude de l’assemblage de toutes ses composantes. Magnifique sur le cochon de lait, il ne doit pas faire oublier le vin d’Oran que j’ai beaucoup apprécié, dans des atmosphères de Rhône.

La mimolette à pleine maturité allait accompagner un revenant, l’Arbois Jaune Louis Carlier 1949. C’est vraiment un ressuscité car le vin que j’aurais volontiers déclaré mort tenait son rôle à ce stade du repas. Légèrement fatigué, sans doute, mais redevenu de sa région.

Le Château d’Yquem 1959 a une couleur qui ferait pâlir d’envie les publicitaires qui veulent vanter une crème solaire. Ce vin a la couleur des délicieuses gelées de coing dont ma femme règle l’alchimie. Le nez est exact. C’est l’Yquem dans sa plénitude totale. La longueur est infinie, et bien malin qui pourrait trouver le moindre défaut à ce sauternes idéal. Plus beau, plus chaleureux que le 1937 de l’académie. Là-dessus, la clémentine caramélisée a capté avec une précision absolue l’organigramme de cet Yquem. Et l’accord est impressionnant. On est en présence d’une perfection culinaire totale. Inutile de dire que la joie est à son comble.

Nous ne serons que huit à voter car une jolie chypriote férue d’art s’en sent bien incapable. Le Beaune de Bichot rafle quatre places de premier et trois places de second. Le vin d’Yquem reçoit trois votes de premier et le Salon un vote de premier. Le palmarès résultant de tous les votes serait : Beaune Bichot vers 1899, Château d’Yquem 1959, Château Margaux 1970, Vouvray le Haut Lieu Huet 1971 et champagne Salon 1983. Mon vote : Château d’Yquem 1959, Beaune Bichot vers 1899, Vouvray Huet 1971, champagne Salon 1983.

L’ambiance était à la joie, aux rires, aux petites taquineries amusantes, avec un Patrick Pignol souriant et épanoui, sa cuisine au diapason de son humeur, un service attentif. Une soirée qui illuminera le ciel des souvenirs de chacun des participants.

la Saint-Valentin au restaurant Taillevent mercredi, 15 février 2006

C’est le jour de la Saint-Valentin. Je mets une cravate dont le motif est un couple d’oiseaux exotiques qui se bécotent sur une branche. J’aime ces petits symboles qui montrent que l’on n’est pas indifférent à l’instant que l’on vit. Arrivée au restaurant Taillevent avec un accueil chaleureux, souriant, qui fait plaisir. Nous sommes assis côte-à-côte comme en une loge de théâtre. Ce qui nous permettra de voir beaucoup de choses. D’abord la décoration du lieu, rassurante, que l’on aimerait peut-être un peu encanaillée, mais si c’est comme cette sculpture représentant un orifice disgracieux qui nous toise, alors, restons classiques. Une autre constatation est celle du rôle indispensable que joue Jean-Claude Vrinat. Il voit tout, sent tout, corrige tout, et la perfection d’un service attentif est pour beaucoup liée à son intuition.

La cuisine est rassurante, imprégnée de la personnalité du maître des lieux. Je me dis qu’en fait Taillevent ressemble à la Tour d’Argent quand Claude Terrail avait l’âge de Jean-Claude Vrinat. Il y a beaucoup de similitudes. Et au fil des plats si l’on s’interroge sur le fait de dévergonder aussi les recettes, c’est une réaction normale, mais il faut surtout que ce restaurant n’en fasse rien. Il a son style, et ce style est nécessaire dans le panorama gastronomique. Beaucoup de gens auraient rêvé que Christin Scott Thomas se lâche un peu. Il est bien qu’elle n’en ait rien fait, quand Emmanuelle Béart a failli. Là, à côté des chefs qui cuisinent à l’azote liquide et au chalumeau, il faut ce lieu aux plats rassurants, confortable comme un bon fauteuil anglais.

Le menu : royale de foie gras, cappuccino de châtaignes / épeautre du pays de Sault en risotto, cuisses de grenouilles dorées / saint-pierre clouté au basilic, soupe de roche safranée / pigeon farci, roquette et pignons de pin, jus court au banyuls / brie de Meaux affiné aux noix, pomme fruit et céleri / gelée de poire au gingembre / craquant au chocolat et au caramel. C’est délicatement équilibré, la chair du saint-pierre emportant la palme de la création, avec une expressivité rare.

Madame s’impatiente quand je décrypte cette liste impressionnante aux prix devenus insensés. Dans un forum, j’avais signalé que la carte de Taillevent n’était pas prise de la folie actuelle des cartes des vins. Hélas, c’est fait. Marco, sommelier que j’apprécie pour la justesse de ses avis m’a conseillé dans cette carte immense  un Chapelle-Chambertin Domaine Trapet 1997. Je suis cette idée, mais le vin, que je sens bien construit, ce qui justifie qu’on me le suggère, est   trop amer. Je bous sur mon siège, car je ne veux pas le renvoyer, mais manifestement, il ne me plait pas. Il se trouve que lors du premier dîner avec la jeune fille ici présente qui allait partager ma vie, j’avais renvoyé un vin. Elle n’avait pas apprécié, croyant que je voulais l’impressionner par ce vil moyen. Je n’allais pas lui refaire le coup plusieurs décennies après.

N’y tenant plus, j’appelle Marco et je demande un Châteauneuf du Pape Beaucastel 1989. Patatras, la bouteille est bouchonnée et Marco qui a pourtant goûté le vin ne l’a pas perçu. C’est à cause d’un mauvais rhume. Un Beaucastel 1989 de compétition succède au premier, liquide puissant, chaud, velouté, de pur plaisir simple.

Nous étions cernés de quatre tables d’américains à la voix souvent forte. Les couples d’amoureux étaient minoritaires. A une table voisine, je voyais de beaux flacons qui s’asséchaient à rythme soutenu. De loin, je reconnais l’étiquette de Méo-Camuzet. C’est un Nuits-Saint-Georges aux Boudots Méo Camuzet 1988. Vinification d’Henri Jayer, me dit Marco. Par une de ces complicités dont je remercie son auteur, Marco m’en donne un demi-verre. Tout simplement fabuleux. Une complexité, une finesse, une élégance qui tranchent avec la joie de vivre simple du Beaucastel. Les américains se faisant ouvrir un très vieux calvados, un même accident de trajet en fait échouer un verre sur ma table. Un bon calvados soigne de tous les tracas de la vie.

Ce parcours mouvementé avec des vins inattendus dans cette maison classique mais nécessaire a ponctué comme il convenait cette tradition fort agréable de célébrer l’amour.

La Saint-Valentin mardi, 14 février 2006

Dans un article du Figaro, François Simon a déclaré que fêter la Saint-Valentin au restaurant est du dernier ringard. C’est has been.

Je trouve au contraire que c’est une délicieuse tradition.

Autant je fuis Halloween détestable coutume, autant le jour des morts est sacré, car on se recueille sur la tombe de ses aïeux, avec tous les souvenirs d’eux, mais surtout de soi, qui reviennent.

A la Saint-Valentin, on se recueille sur son amour.

J’ai choisi une cravate dont le motif répétitif représente deux jolis oiseaux sur une branche qui se bécotent. Ça fait plaisir de jalonner ce jour de repères purement gratuits.

Nous irons ce soir chez Taillevent.

Non, la Saint-Valentin autour d’une bonne table ce n’est pas ringard.

andouille et andouillette lundi, 13 février 2006

Ayant mangé de l’andouille, délicieuse, sur un Bâtard Montrachet Chanson Père et Fils 1959, j’ai demandé la différence entre andouille et andouillette sur le site www.andouillettes.com Voici ce qui m’a été répondu:

Pour répondre à votre question, Andouille et Andouillette sont 2 produits différents;

– l’Andouille est servie froide, en entrée, et n’est pas composée exclusivement de porc (on y ajoute du boeuf, souvenez-vous il y a 2 ans avec le crise du boeuf!). Les éléménts rentrant dans la fabrication sont différentes partie des abats (porc + boeuf).

– l’Andouillette est servie chaude (pour les connaisseurs, elle s’apprêcie froide afin de mieux saisir le goût!!)? et est constituée exclusivement de chaudin de porc! Elle est assimilée à un plat principal!

humeur sur les trois étoiles lundi, 13 février 2006

Il y a une recrudescence d’articles sur les trois étoiles.

Comme si l’on était en juin 1789. Comme s’il fallait absolument casser ce qui existe (pour qui?)

On veut leur opposer ceux qui font de la cuisine avec de l’azote liquide ou un chalumeau, et jouent du cocktail Molotov en bouche pour créer de nouvelles sensations.

Mais en fait il y a de la place pour tous. Et on voit rarement la clientèle des trois étoiles ressortir en faisant grise mine.

Alors, mode, volonté d’être rebelle à bon compte, je ne sais pas. Mais au lieu de surmédiatiser ces chefs, de les opposer (à qui, à quoi ?), on ferait mieux de les laisser tranquilles. Les "beautiful people" ont besoin qu’on parle d’eux en bien ou en mal. Laissons ces chefs s’exprimer au fourneau. Si ça ne va pas, ça se saura très vite. Les clients de ces endroits sont plutôt exigeants. On ne leur dira pas ce qu’il faut penser. Pourquoi ? Parce qu’ils pensent par eux-mêmes, et autrement…

dîner de famille dimanche, 12 février 2006

Mon fils appelle sa mère : nous venons ce soir. Il est 17 heures, des achats s’imposent. Je fais des courses, mon fils aussi, la nourriture s’amoncèle dans la cuisine. Je vais choisir en cave deux vins. Il ne faut pas réfléchir, juste se demander : est-ce justifié ? Le Bâtard-Montrachet Chanson Père & Fils 1959 a une couleur prometteuse. Je le prends en main. J’hésite plus sur le rouge. Mais un signal d’amitié et d’émotion pour mon ami Bernard Hervet, directeur général de Bouchard parait évident. Ce sera Grands Echézeaux Bouchard Père & Fils 1954.

A l’ouverture le Bâtard est capiteux, profond, un parfum. Le Grands Echézeaux est presque plus capiteux ce qui parait invraisemblable : quel tir groupé irréel. Tout cela promet.

Sur une andouillette de Guémené, le Bâtard-Montrachet Chanson Père & Fils 1959 est joyeux. Ce vin extrêmement puissant a une longueur en bouche inimaginable. Il est rond, chaud, emplit la bouche généreusement. Il y a bien sûr quelques petites traces de fatigue mais qui s’en soucie. Le message généreux et la longueur altière nous ravissent.

Sur une épaule d’agneau, le nez du Grands Echézeaux Bouchard Père & Fils 1954 annonce instantanément ce que le vin sera. Mon fils dit : « ça, c’est grand, c’est même très grand ». Je retrouve avec plaisir des similitudes avec le Grands Echézeaux du Domaine de la Romanée Conti 1942 bu il y a peu. Le DRC est plus racé, et le Bouchard est plus jeune. Pour plaisanter j’ai dit à mon fils : on dirait un 1999. C’est faux bien sûr mais c’est pour imager cette rare fraîcheur. Il y a toute la complexité bourguignonne et un goût de sel. Terre et sel, joli symbole. Ma bru qui n’est pas une adoratrice des vins anciens l’apprécia. C’est un signe. En le buvant je pensais à la maladie de notre époque d’organiser en permanence des dégustations verticales où l’on aligne le plus grand nombre de millésimes d’un même vin. Ce 1954 serait peut-être ignoré dans une dégustation verticale car on subirait l’influence de l’image qu’a laissée cette année. Mais ici, ce vin brille, tout heureux d’être aussi fringant. Désacraliser les hiérarchies, c’est un peu ce que j’aime faire.

déjeuner au restaurant Ledoyen vendredi, 10 février 2006

Je déjeune avec un ami au restaurant Ledoyen. Il m’a suggéré que nous apportions chacun une bouteille, par dérogation aux règles de l’établissement. Pour compenser, car j’invite, je commande deux menus dégustation, et une bouteille d’Y d’Yquem 1985, vin que j’adore, rare pépite au sein d’une carte des vins aux prix insensés. Est-ce elle qui a le record de la folie ? On n’en est pas loin, car pour boire la bouteille de Coche-Dury d’il y a deux jours, ce qu’il faudrait ajouter au prix, ce sont deux billets roses, ceux qu’on ne vous prend jamais, car on vous soupçonne de les avoir gagnés par la vente de drogue, billets d’un demi SMIC qui puent forcément. Insensé (la carte, pas la peur de l’argent – en fait les deux).

Heureusement, la cuisine aérienne, inspirée, méthodique, sérieuse, bretonnante, chiquement provocante de Christian Le Squer est tellement éblouissante qu’on ne se passionne que pour cela. Voici le menu d’une incroyable perfection d’un chef hors des sentiers des médias mais qui vaut le sommet : la mise en bouche (sur un thème de mer et terre, faite de malicieux clins d’œil de la dextérité et des recherches du chef) / Grosses langoustines bretonnes croustillantes, émulsion d’algues à l’huile d’olive / Blanc de turbot de ligne juste braisé, pommes rattes écrasées à la fourchette et montées au beurre de truffe / Noix de ris de veau en brochettes de bois de citronnelle, jus d’herbes / Anguille fumée sur toasts brûlés à la lie de vin / Fromages frais affinés / Croquant de pamplemousse cuit et cru au citron vert / Soufflé passion à l’ananas épicé, sorbet litchi.

Le parfait directeur Patrick Simiand nous avait prévenus qu’il allait faire « arranger » un peu le programme habituel. Il fit prodige. Nous fûmes comblés.

Une petite remarque sur les amuse-bouche d’une grande complexité. Lors d’un repas qui pourrait être dit « d’affaire », on se concentre sur ce que l’on va discuter, négocier, susciter. Lorsqu’un serveur souvent docte, aimablement cérémonieux vous assène des définitions qui couvriraient trois tomes du grand Robert, en mangeant suffisamment de mots pour qu’on lui demande de répéter deux fois, ou qui utilise des termes inconnus qui conduisent à la question (que je ne pose jamais) : « c’est quoi ? », on préfèrerait largement recevoir une petite fiche technique pour chaque bouchée qu’on lirait si l’on en a envie. C’est un peu comme ces cartes de cafés dont l’objet est de rendre la note plus aigüe. On la lit. On décide de prendre un café qui a été élevé à des hauteurs himalayennes sur des plateaux que seul el Gringo lui connaître, et dont la composition est un secret depuis Christophe Colomb, mais quand on a devant soi la tasse, on me demanderait quel café j’ai choisi, je ne le saurais pas.

Nous démarrons donc ce voyage gastronomique avec un service de haute qualité, qui me fait un peu sourire quand on vous dit : « ça, c’est une spécialité de M. Le Squer », « ça, c’est le plat le plus demandé par les clients », « ça, c’est le coup de génie de M. Le Squer », comme s’il fallait des lunettes supplémentaires pour voir que l’on explore l’exception. Amusante aussi cette phrase lorsqu’on nappe mon assiette d’une sauce : « il y a sept herbes différentes. Ne me demandez pas de vous les nommer, le chef garde son secret ». C’est amusant car cela résume la personnalité de l’endroit : on s’excuse presque d’être là. Le contraste avec des lieux comme ceux de Ducasse ou le Cinq est saisissant. Gardez cette fraîcheur, même si c’est un peu désuet.

Une constatation qui résumera mon enthousiasme sans borne : quand je croyais, à chaque plat, avoir atteint le sommet du talent de ce chef, le plat suivant démontrait que le chef pouvait encore aller plus loin. C’est un critère qui ne trompe pas. C’est la plus belle expérience que j’ai faite avec ce chef qui a atteint une maturité exceptionnelle. Il suit son idée, provoque les papilles quand il en a envie. Cela mérite un respect absolu. Les télévisions ne se bousculent pas chez lui, les magazines people ne l’harassent pas. Mais c’est de l’art. De la grande cuisine.

L’anguille de la mise en bouche avec une betterave, marque de terre, annonce que l’on va vers de l’émouvant. La langoustine est exacte et respectueuse, le turbot a le génie de la ratte. C’est elle, avec une trace forte de truffe qui rend ce plat absolument impressionnant. Mais la chair du ris de veau, une des plus belles que je connaisse, vient encore éblouir. On se dit : ça y est, j’ai vu, c’est parfait. On n’a encore rien vu, car l’anguille fumée fait partie, comme l’omble chevalier de Marc Veyrat de ces plats dont on se souviendra toute sa vie. C’est simplement prodigieux.

Là-dessus, le « Y » d’Yquem 1985 est un vin pour lequel j’ai un attachement sentimental. Je l’adore. Des convives alentour ont dû se demander si Ledoyen ne fait pas l’élevage de dindons, car je n’arrêtais pas de glousser, ne tenant plus sur mon siège tant ce blanc immense, à la longueur infinie me ravissait le palais. Essayant d’imaginer quelle sensation j’aurais à l’aveugle, je pensai à un Hermitage de Chave blanc, tant la puissance s’accompagne de simplicité. Ce vin chantant est un de mes amours.

J’avais apporté une bouteille de Haut-Brion 1974, gardée dans ma sacoche car je ne savais pas si je pouvais oser demander qu’on l’ouvre. Elle a donc eu un oxygène insuffisant et révéla une fatigue que l’année explique. Toutefois l’anguille aux empreintes sucrées allait faire parler le vin rouge. Et comme Haut-Brion est toujours Haut-Brion, nous avons profité d’un vin velouté qui a taquiné l’anguille de jolie façon.

Le Brie est travaillé de curieuse façon. Il est fourré de crème et de truffes. Avec le « Y », un mariage princier.

Mon ami avait apporté un Banyuls de l’Etoile 75. Le nombre de deux chiffres est écrit en gros sur l’étiquette. Quand je bois ce délicieux vin fortifié à la longueur inénarrable, je m’étonne qu’un 1975 puisse avoir une telle maturité. Et je demande à lire l’étiquette. Le 75 ne veut pas dire 1975, comme le Alvar Pedro Jimenez dulce « 1927 » ne veut pas dire 1927 (c’est comme pour Kronenbourg, le 1664 n’est pas le millésime). La signification, illisible de loin est : Banyuls de l’Etoile cuvée du 75ème anniversaire. Il y a donc très probablement des rappels d’anciennes cuvées qui justifient ce goût délicieux.

J’ai suggéré à Patrick Simiand et à Christian Le Squer qu’ils essaient ce Banyuls que nous n’avons fait qu’effleurer avec l’anguille. A voir leur mine, je ne suis encore prophète en leur pays.

Ce voyage gastronomique fut éblouissant, le « Y » justifie mon amour inconditionnel. Quel beau repas !

 

 

 

un dîner pour des membres du forum la passion du vin mardi, 31 janvier 2006

 

une bonne partie des vins bus ce soir. Au premier plan, un de mes « chouchous », Nuits Cailles Morin 1915

 

 

L’histoire commence lors de l’émission d’Antenne 2 « Envoyé Spécial » où l’on me voit dans ma cave. Je montre des bouteilles d’alcool et je dis : « au rythme où je bois des alcools, j’ai ici plus de mille ans de consommation ». Un spectateur n’entendant pas le mot « alcool » pense que j’ai en cave des vins pour mille ans et écrit sur un forum : « voilà un très mauvais exemple, puisque, s’il a mille ans de stock, c’est qu’il ne boit rien ». S’ajoutent des commentaires acerbes qui poussent un de mes amis à me suggérer de mettre les choses au point. Ce que je fais.

 

Ayant l’habitude d’écrire mes aventures sur un forum américain, je trouve ce forum francophone actif, ce qui est rare et j’y écris. Une volée de bois verts accueille mes propos : richard, buveur d’étiquettes, people, ignare, j’en passe. Une meute s’organise pour essayer de me faire fuir. Ceci n’est pas dans mon tempérament. Mais le six-cors le plus vaillant ne peut rien quand les poursuivants s’organisent. Je m’épuise en courses inutiles. Une idée me vient. J’invite une dizaine des membres de ce forum pour qu’on boive de mes vins à ma façon. Mon ami Jean Philippe Durand que je consulte, qui avait créé une cuisine impressionnante à la Saint Sylvestre accepte de faire le menu de cet événement. Je passe de longues heures à chercher des vins qui les surprennent, et nous voilà chez Jean Philippe Durand, onze inconnus de ce forum et moi.
Je me croyais en milieu hostile, et voilà que je découvre onze passionnés de tous horizons, tous sympathiques même quand nous avions ferraillé. L’ambiance fut joyeuse, amicale, enrichissante.

 

Je propose comme un clin d’œil de démarrer sur un Clacquesin. Cette liqueur de goudron, faite à partir de résine de pin, si l’on s’en tient à la première impression, est affreusement médicinale. Mais si on va un peu plus loin, les complexités s’organisent, et je suis très excité par ces saveurs inconnues. L’un d’entre eux, Jérôme, aura le mot juste : le Clacquesin appelle une saucisse de Morteau. Et c’est vrai.
Comme il faut expliquer ma démarche et ce que j’attends de cette soirée où j’invite, on se prépare comme à l’académie des vins anciens avec un Champagne Léon Camuzet de Vertus, âgé de l’ordre de dix ans dont je suis mauvais juge puisqu’il fait partie de mes traditions familiales. Un velouté de potimarron, arôme de céleri, le chatouille agréablement. Tous les vins qui vont suivre seront bus à l’aveugle, ce qui n’est pas dans mes habitudes, mais ne connaissant aucun des convives, je ne veux pas que les commentaires soient inversement proportionnels aux prestiges des étiquettes.

 

Nous démarrons par une Clairette de Die Jean Algoud, vers années 60 sur une huître Gillardeau n°2 simplement pochée, sabayon extrême à la reine des prés. La Clairette a perdu l’essentiel de sa bulle, a une couleur qui a foncé, mais offre en bouche une belle présence. Bien goûteuse, elle est de grand plaisir. Le même Jérôme la découvrira à l’aveugle, ce qui est impressionnant. Ce fut la seule découverte des vins de ce soir, l’objet n’étant évidemment pas de trouver des vins très inhabituels pour beaucoup.

 

Le Grand vin de Cassis, La Ferme Blanche vers 1985 accompagne un foie gras de sept heures, chutney de poireaux à la coriandre, caramel acide d’épices dont la tendreté est inénarrable. Le vin un peu court mais joliment expressif ne ressemble plus tellement à un vin du Sud puisque certains penseront au Jura. L’accord fonctionne à merveille.
Le Saint Véran maison Bichot 1989, vin que j’aime beaucoup pour la palette très éclectique de ses saveurs bigarrées fait son parcours avec une noix de St Jacques juste saisie, soupçon de vanille, laitance de roquette à l’amande douce, girolle. Jean Philippe Durand aime invoquer la roquette. Même épurée, discrète, sa trace effraie les vins. Pas trop en l’occurrence, mais un peu quand même.

 

On fait beaucoup d’honneur au Montlouis La Taille aux loups demi-sec 13° – 1990 en le mariant au bar à l’unilatérale, jus végétal au coquelicot, coing poêlé qui représente la forme ultime de la chair de bar. J’attendais beaucoup de ce Montlouis que j’adore. Je le trouve ici un peu en dedans, malgré des complexités chantantes. Il joue en sourdine.
Hélas, le saumon mi-cuit vapeur, framboises façon royale, morille à la pistache, qui est sans doute le plus grand saumon que j’aie goûté de ma vie, ne va pas trouver un partenaire à sa mesure avec le Château Coustolle Côtes de Canon Fronsac 1966. Il a un léger nez de bouchon, qui ne se voit pas en bouche. Mais le goût est sec, attristé, confiné. C’est dommage car je comptais beaucoup sur ce vin, l’une des plus belles expressions de son appellation. Heureusement pour le plat, un Château La Tour de Bessan Margaux 1949 au nez brillant à l’ouverture, au niveau proche du goulot, va constituer l’une des plus belles surprises de cette soirée. Il me confirme la grandeur de cette année magique, souvent masquée par l’ombre de 1945 et 1947.

 

Le quasi de veau, basse température, crème de foie de veau, mousseline de vitelottes, d’une subtilité rare forme avec le Moulin à Vent Alfred Liboz 1955 l’accord le plus émouvant de la soirée. Tout est totalement dosé. Le vin ne joue pas trop fort, car sa fatigue est réelle, mais il raconte un joli discours qui rosit les joues de cette pomme de terre violette. Magnifique moment de pure harmonie.

 

Si ce qui précède est le plus bel accord, voici maintenant le plus grand vin. Le filet mignon de porc poêlé minute, truffe noire, coulis de pétales roses, cèpe est le plat parfait pour mettre en valeur mon chouchou, l’un de mes vins préférés, le Nuits Saint Georges Les Cailles, maison Morin 1915 dont je vais bientôt tarir la source tant je le mets en vedette dans des dîners. Quel vin ! Un nez d’une expressivité extrême et en bouche, une séduction chatoyante d’un grand vin à la maturité sereine. Inutile de préciser que j’adore.

 

Le cuissot de biche en rôti, jus court à la truffe noire, chou vert en compotée est un plat fort. La biche est là et se fait voir. Elle le mérite. Il lui faut bien deux vins puissants qui ont été rajoutés au dernier moment. Je range en ce moment ma cave pour détecter les bouteilles qui sont en danger, du fait de l’état de leur bouchon. Voici une bouteille étonnamment ancienne, au cul extrêmement profond comme on le faisait au 19ème siècle, qui n’a plus d’étiquette, et dont la capsule indique un très grand vin, aux caractères illisibles tant elle a été rongée. Je pressens un premier grand cru classé, je pressens une année très ancienne, 1900 ou avant. Compte tenu d’achats dont j’ai la mémoire, ce pourrait être un Cheval Blanc 1900. Mon ami sommelier qui fait le service du vin confirme en le goûtant mon impression de mémoire. Appelons-le Cheval Blanc 1900. Si ce n’est pas ça, c’est du même calibre. Le nez à l’ouverture confirme la grandeur du vin car je reconnais des repères de Cheval Blanc 1947. Nez puissant, dense, qui annonce une force extrême. En bouche, le vin est vieux, mais expressif encore. Je l’aime plutôt. Mais la surprise la plus grande vient du Château Mouton-Rothschild 1934. Ce vin serait invendable en salle de ventes car il serait classé « vidange », c’est-à-dire sous le bas de l’épaule. Or aussi bien au nez qu’en bouche, c’est comme s’il n’en était rien. Ce n’est pas le plus flamboyant des 1934 bien sûr, mais on sent un Mouton vivant, plein de séduction. Une agréable surprise pour moi. Sachant les incertitudes de ces deux grands ancêtres bordelais, j’avais ajouté un vin d’Algérie, Cuvée du Président, vers 1980, pour servir d’étai à d’éventuelles défaillances. C’est l’étai qui le fut, variation sur l’être, tant il est fragile à coté de ces chenus vétérans.

 

Un Stilton de compétition, crémeux à souhait va faire briller le Château Pion, Monbazillac 1973, liquoreux que j’adore car il est généreux. La poire Williams, tiède mais crue, est un joli exercice de style de Jean Philippe Durand, magnifique variation sur la poire, mais hors sujet quand elle vole la vedette au vin.
Au contraire, le suprême de pomelos juste saisi, coulis de mangue aux agrumes, mangue fraîche est exact avec le subtil et délicat Château Cantegril, Haut-Barsac 1922 qui décline des saveurs concentrées d’agrumes avec une fraîcheur déconcertante. Mes hôtes ont pu comprendre en quoi les sauternes de plus de 60 ans ont quelque chose en plus que ne peuvent atteindre les plus jeunes.

Il est si tard que je n’ai pas fait voter mes convives. Si je dois voter maintenant, mon quarté serait le suivant :
– Nuits Saint Georges Les Cailles, maison Morin 1915,
– Château La Tour de Bessan Margaux 1949,
– Château Cantegril, Haut-Barsac 1922,
– Clairette de Die Jean Algoud, vers années 60.
J’hésite entre Mouton et Clairette, mais place aux jeunes, pour une fois.

 

Le repas était si complexe, Jean Philippe Durand étant tout seul pour combler les papilles de cette tablée de douze que la fin des festivités se fit après deux heures du matin. Le temps de ranger les verres que j’avais apportés, replier quelques chaises d’appoint, débarrasser, nous aurions pu croiser le laitier sur le chemin du retour.

 

Ces nouveaux intronisés dans les vins « de ma planète » m’ont offert des cadeaux d’une générosité invraisemblable. Voilà des gens que je croyais accueillir en adversaires qui me montrent une gentillesse attentionnée. Les larmes n’étaient pas loin de couler sur mes joues.
J’avais lancé cette invitation folle, absurde à toute logique. Et voilà que ce fut un dîner charmant, amical, plein de découvertes de vins qui ont traversé l’histoire avec des bobos parfois mais encore beaucoup de messages parlants.

J’étais dans l’irrationnel. La joie de l’avoir fait est bien réelle. Et je pense qu’elle est partagée.

un dîner pour des membres du forum la passion du vin – 2 mardi, 31 janvier 2006

Last year, a very famous TV information program made a subject on old wines. The central theme was the cellar of Bouchard, and a dinner with wines of the 19th century, that I attended. They took me as a link in this subject, showing me buying in auction, and showing me in my cellar. As it is very popular, probably 3 to 5 million people have seen my cellar.

Showing some bottles, I said concerning alcohols : with my rhythm of consumption, I have more than one thousand years of stock of alcohol.

Someone had thought that the thousand years concerned wines and not alcohol, and, on a forum devoted to wine, like this one but in French, he wrote : here is a man who is not a good example, because, if he has thousand years, it means that he does not drink. It must be one of those people who have no interest in wines, and just show their cellar.

A friend of mine, who writes on this forum, told me : you should write something to alter this negative opinion.

I wrote an answer, and finding that this forum is active, I decided to post there. As French is my mother language, I thought it would be easier to describe my emotions on wines than in English.

I told various stories, and I noticed that every message was criticised, with very specious arguments, tending to give of me an image of a man who is only interested to show, to talk about the famous people that he knows, interested only in expensive wines, who does not know anything on wine and so on. And it was rude and systematic.

I wondered why they wanted to harass me that way.

It hurt me, and my wife said : quit. But to quit is like a victory à la Pyrrhus. And it is not in my mind.

So, to stop such a terrible controversy (I am unable to sustain the aggressiveness of ten people simultaneously), I decided something completely crazy : I said that I invite ten people of this forum for a dinner with my wines, and you will see how is my approach to wine.

Ten people registered and I invited too one of the founders of the forum with whom I had some very hard fights concerning money and wine (on a subject like : if you have money, you are a stupid man, and, of course, you cannot enjoy a wine, blab bla bla bla).

Then I went in my cellar to choose wines, and it is always a subject of excitement for me to choose bottles. I decided that I could take risks with them, as they know what wine is, and that I should not invest too much if they come to attack me.

I registered in a restaurant that I know, but then I remembered that my friend who made the cook for the Sylvester’s dinner could make the dinner for that occasion too. He accepted. So, we were 12 by the apartment of my friend who created a menu that none of them would have never imagined.

Here is the Menu :
1 Velouté de potimarron, arôme de céleri
2 Huître Gillardeau n°2 simplement pochée, sabayon extrême à la reine des prés
3 Foie gras de sept heures, chutney de poireaux à la coriandre, caramel acide d’épices
4 Noix de St Jacques juste saisies, soupçon de vanille, laitance de roquette à l’amande douce, girolle
5 Bar à l’unilatéral, jus végétal au coquelicot, coing poêlé
6 Saumon mi-cuit vapeur, framboises façon royale, morille à la pistache
7 Quasi de veau basse température, crème de foie de veau, mousseline de vitelottes
8 Filet mignon de porc poêlé minute, truffe noire, coulis de pétales de rose, cèpe
9 Cuissot de biche en rôti, jus court à la truffe noire, chou vert en compotée
10 Stilton
11 Poire Williams, tiède mais crue
12 Suprême de pomelos juste saisi, coulis de mangue aux agrumes, mangue fraîche.

Needless to say that many two stars chefs could learn a lot from my friend.