La Landonne 1996 au troisième soir de Noël mardi, 27 décembre 2005

Sur un chapon discrètement farci d’ail, La Landonne Côte Rôtie Guigal 1996 allait montrer toute l’intensité de son génie. Ce qui frappe, c’est l’extrême simplicité du message. Tout parait facile comme la voix précise de Frank Sinatra, qui charme sans que ce chanteur ait besoin de pousser la note. Le contraste avec les bourgognes est saisissant. On pourrait dire que certains grands bourgognes sont des Noureev quand les grandes Côte Rôtie sont des Fred Astaire. C’est simple, le message est compréhensible par tous, mais c’est parfait. J’ai reconnu la petite amertume de fin de bouche, marque d’un bois un peu austère, que j’avais ressentie comme une signature pendant la dégustation systématique lors de ma visite à Ampuis. Ce signe permet de penser que ce vin vieillira bien et sera encore plus redoutable dans une dizaine d’années.
Après trois soirs de célébrations de Noël nous n’avions toujours pas ouvert les liquoreux que j’avais prévus. La fatigue en est la cause. Il est temps de voter sur ces vins de Noël et les votes furent disparates mais concentrés surtout sur trois d’entre eux : le champagne Cristal Roederer 1993 dont l’élégance magistrale a ravi nos cœurs, la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1996 car c’est du soleil généreux en bouche, vin de joie, et le Côtes du Jura blanc château La Muyre 1969 car c’est sans doute celui qui a la palette aromatique la plus complexe, appel d’une cuisine de folle création. Une mention spéciale mérite d’être faite de La Croix Saint-Jacques 1975 en demi-bouteille qui a étalé des sérénités de Pomerol d’une justesse rare. Si à ce stade on ne cite toujours pas Salon 1985, vin divin mais que je connais sur le bout des lèvres, c’est que les vins couronnés de votes étaient diablement bons.

le deuxième jour du réveillon de Noël lundi, 26 décembre 2005

Le deuxième dîner de Noël commence par un champagne immense. Je n’ai jamais été vraiment touché par la grâce de cette marque de champagne, mais là, ce fut vraiment une découverte. Le Cristal Roederer 1993 est d’un charme invraisemblable. Ce qui frappe immédiatement c’est l’équilibre gracieux entre toutes ses composantes. Il sait être floral, il sait être délicatement vineux, si ce concept peut exister, il a une longueur joliment mesurée. En fait, il a toutes les caractéristiques d’une Miss Monde, dont tous les attributs de la féminité sont présents, mais sans excès. Ce très grand champagne nous a ravis.
Une crème mêlant betterave et une évocation d’anchois a permis au Côtes du Jura 1969 de la veille de confirmer son insolente sérénité. Quel charme, quelle complexité gustative. On pourrait se satisfaire de ne boire que ce vin là. Les coquilles Saint-Jacques au caviar osciètre accueillent un Chablis Grand Cru Blanchot domaine Vocoret 1996 qui expose la parfaite définition du Chablis. Ce vin est précis comme un dictionnaire. Le beau Chablis, qui n’est beau que quand il est grand, est exprimé de façon généreuse, un peu sérieuse dans ce vin fort adapté au plat très expressif où se mêlent le sucré de la coquille crue et le salé intense du caviar.
Ma femme ayant copié chez Bruno sa recette de pommes de terre à la crème et à la truffe, nous dégustâmes un plat d’un charme fou. Le Petit Village Pomerol 1992 ne peut pas trahir qu’il vient d’une année assez faible. Mais Pomerol est Pomerol. Il a de la séduction à revendre. Il décochera quelques flèches de plaisir, sans vraiment créer une émotion durable.
J’avais ouvert quelque six heures avant une Côte Rôtie La Landonne Guigal 1996 mais nos fatigues étaient trop fortes. Nous trempâmes nos lèvres dans ce breuvage divin, sentant toutes les promesses de perfection. Mais l’heure de la retraite avait sonné. C’est demain que brillera cette icône.

Lafite 1987 dimanche, 25 décembre 2005

Le lendemain, le Lafite 1987 était vraiment redevenu Lafite et vraiment 1987.
Pas de doute possible.
Etrange différence entre les deux aspects. Un chaudement brillant le 24 décembre et l’autre plus strict, comme l’année le justifie.

le réveillon du 24 décembre dimanche, 25 décembre 2005

Le réveillon de Noël allait me donner l’occasion de redonner une chance à Salon, et il l’a saisie de façon magistrale. Cette bouteille du même carton, un Salon 1985, a un nez discret mais expressif. En bouche, ce n’est que du bonheur. La puissance est là, comme dans la précédente bouteille, mais cette fois-ci, le champagne parle. Il y a des évocations de fruits roses, de fraises des bois, de pêches fraiches, ce qui, par opposition à la force vineuse, crée des sensations proprement excitantes. Sur des petits toasts aux anchois assez doux ou aux tomates confites, c’est un vrai plaisir. Les rouges avaient été ouverts à l’avance, bien sûr, et pendant l’apéritif, j’ouvre un Côtes du Jura blanc, château La Muyre 1969. La cire est extrêmement dure. Dès que je l’ai enlevée, le bouchon encore en place est traversé par des senteurs capiteuses où la noix abonde. La force évocatrice de ce vin traverse le bouchon ! Sur un amuse bouche, petite omelette aux cèpes, le blanc s’échauffe, il explose de saveurs magiques de complexité. Que j’aime ces vins du Jura ! Ma bru n’aime pas, parce que c’est spécial. Mais quelle animalité énigmatique. J’adore. Et sur deux foies gras l’un frais et l’autre cuit, quelle merveilleuse excitation de goûts infinis. Un bonheur.
Les beaux pavés de biche sont agrémentés de deux purées. L’une de pommes de terre, l’autre de betterave et truffe, ce qui réjouit la chair de la biche. La Croix Saint Georges, Pomerol 1975 en demi-bouteille est strictement adapté à cette chair. Et les voyants d’un accord parfait s’allument : le vin a capté la chair de la biche grâce à la discrète betterave. Magnifique accord. J’ai ouvert aussi château Lafite-Rothschild 1987 d’une bouteille dont j’ai oublié l’origine. Pourquoi cette bouteille n’a-t-elle ni étiquette ni capsule, le vin se lisant sur le bouchon ? S’agit-il d’une réserve personnelle que j’aurais achetée ? Je ne sais pas. Toujours est-il que le vin explose en bouche d’une puissance bien inhabituelle pour ce millésime. Le vin est chaud, lourd, capiteux, velouté, avec un bois fort expressif. Manifestement un grand vin. On me dirait que c’est Opus One, je n’en serais pas étonné. Le Pomerol se mariait mieux à la biche. Le Lafite se buvait pour lui-même, vin de grand charme très réussi. Il accompagna le fromage et le dessert avec justesse.
Pendant que le repas se déroulait, je pensais à tous les comptes-rendus que je lis sur des forums. C’est la débauche, l’orgie, avec l’accumulation d’étiquettes plus prestigieuses les unes que les autres. Dans de tels marathons, La Croix Saint-Georges 1975 en demi-bouteille serait complètement ignoré. Pas un cil, pas une papille ne repèrerait cette incongruité. Or lors de ce repas, je vais classer en tête le Côtes du Jura 1969, suivi du La Croix Saint-Georges 1975, devant Salon 1985 et Lafite 1987, sachant que la valeur intrinsèque est en faveur du Salon, mais le bonheur de ce soir est en faveur du blanc du Jura. On se procure plus de plaisir quand on cherche à profiter des vins que quand on cherche à les hiérarchiser comme on le fait dans ces exercices de dissection où l’analyse prime sur la jouissance. Ces quatre vins de divers niveaux étaient là au bon moment. C’est tout ce qu’on leur demande pour qu’un réveillon soit réussi.

Dom Ruinart rosé 1990 vendredi, 23 décembre 2005

Chez des amis au bord de la mer, nous jouons aux cartes.
Nous essayons un foie gras assez cru sur de belles lamelles de truffe.
Le Dom Ruinart rosé 1990 servi assez frais est toujours aussi splendide.
Découvert chez Dom Ruinart, il m’avait enthousiasmé.
Celui-ci confirme.

J’ai perdu le Cinq du George V mercredi, 21 décembre 2005

Philippe Legendre vient de m’informer que la nouvelle stratégie de son hôtel est de ne plus accepter que l’on apporte ses bouteilles de vin.
De plus, la nécessité de mettre une équipe forte à disposition entraîne des budgets qui ne sont pas envisageables.
Perdre le Cinq m’attriste, parce que j’aime la cuisine intelligente de Philippe Legendre.
C’est assez étonnant, car ces palaces n’ont pas de telles contraintes de rentabilité.
Je respecte évidemment cette décision, sans cacher mon grand étonnement.

dîner dans ma maison du Sud mercredi, 21 décembre 2005

Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1996. Toujours aussi agréable.

Bandol Tempier blanc 2003 : très intéressant. Mais en hiver, ces vins chantent moins.

Champagne Salon 1985 : nez poussiéreux. C’est un grand champagne, mais qui n’exprime pas la sérénité qu’il devrait avoir. Il est très expressif, très dense, mais n’a pas beaucoup de charme.

comment utiliser ce blog ?

Pour me contacter, cliquez sur ce lien : me contacter .
Ce blog n’est pas un guide au sens classique. C’est plus le roman d’aventures d’un passionné de vins anciens et de gastronomie.
On peut accéder à ce blog en cherchant sur un mot (restaurant, vin, année, un plat) ou en suivant le calendrier où les titres de chaque sujet sont indiqués.  Pensez à aller sur d’autres pages que la première, car il y a des sujets passionnants à toutes les pages.

Le détail des prochains dîners se lit ici : http://www.academiedesvinsanciens.org/programme-des-diners/

 

 

 

 

(ouverture de Mouton 1918 dont l’étiquette Carlu est en tête de ce blog. A gauche, on reconnait Mouton 1945)

 

 

 

 

 

 

Il n’est pas prévu – pour l’instant – de dialogue directement sur le blog, car je ne pourrais pas le gérer. Mais on peut m’adresser des questions, des commentaires, des suggestions par mail en se servant du formulaire que l’on trouve en cliquant sur ce lien : me contacter .

On peut me joindre sur twitter  @FrancoisAudouze  et pour mieux me connaitre : http://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Audouze

Comment me joindre

Remarque importante : je ne suis en aucun cas un organe d’évaluation de la valeur des vins ni d’authentification des étiquettes. Pour toute les questions relatives à la vente, l’achat ou l’estimation d’un vin ou à son authentification, j’ai préparé une réponse type, donnant des informations que l’on peut lire ici : Vous m’avez posé une question sur la valeur et ou la vente des vins que vous possédez . Si je ne réponds pas à un message, c’est parce que j’estime que ma réponse n’apporterait rien de plus que la réponse-type. Merci de votre compréhension.

Et sur Instagram à @françoisaudouze

lundi investigation sur Canal + lundi, 19 décembre 2005

Une énième émission sur les grands chefs. Ce qui me frappe, c’est que tout le monde parle du Michelin, des étoiles injustifiées, du caractère vieillot de certaines maisons, mais jamais on ne parle avec des clients de ces restaurants. Les cas de Bernard Loiseau et d’Alain Senderens sont le prétexte facile à vouloir bousculer le Michelin comme on bouscule Robert Parker dans les vins. Mais a-t-on imaginé que les clients de ces restaurants sont suffisamment malins pour se faire leur propre religion et encourager ceux qui leur plaisent. Il est étonnant qu’on ne les écoute pas. On aurait une telle approbation de ces chefs que ça ne serait pas passionnant pour une télévision qui cherche plus à déboulonner des icônes. Un autre guide à qui l’on fait la part belle, est dégommé dès qu’on apprend qu’il est totalement sponsorisé. Cette émission n’apporte réellement rien.