le réveillon du 24 décembre dimanche, 25 décembre 2005

Le réveillon de Noël allait me donner l’occasion de redonner une chance à Salon, et il l’a saisie de façon magistrale. Cette bouteille du même carton, un Salon 1985, a un nez discret mais expressif. En bouche, ce n’est que du bonheur. La puissance est là, comme dans la précédente bouteille, mais cette fois-ci, le champagne parle. Il y a des évocations de fruits roses, de fraises des bois, de pêches fraiches, ce qui, par opposition à la force vineuse, crée des sensations proprement excitantes. Sur des petits toasts aux anchois assez doux ou aux tomates confites, c’est un vrai plaisir. Les rouges avaient été ouverts à l’avance, bien sûr, et pendant l’apéritif, j’ouvre un Côtes du Jura blanc, château La Muyre 1969. La cire est extrêmement dure. Dès que je l’ai enlevée, le bouchon encore en place est traversé par des senteurs capiteuses où la noix abonde. La force évocatrice de ce vin traverse le bouchon ! Sur un amuse bouche, petite omelette aux cèpes, le blanc s’échauffe, il explose de saveurs magiques de complexité. Que j’aime ces vins du Jura ! Ma bru n’aime pas, parce que c’est spécial. Mais quelle animalité énigmatique. J’adore. Et sur deux foies gras l’un frais et l’autre cuit, quelle merveilleuse excitation de goûts infinis. Un bonheur.
Les beaux pavés de biche sont agrémentés de deux purées. L’une de pommes de terre, l’autre de betterave et truffe, ce qui réjouit la chair de la biche. La Croix Saint Georges, Pomerol 1975 en demi-bouteille est strictement adapté à cette chair. Et les voyants d’un accord parfait s’allument : le vin a capté la chair de la biche grâce à la discrète betterave. Magnifique accord. J’ai ouvert aussi château Lafite-Rothschild 1987 d’une bouteille dont j’ai oublié l’origine. Pourquoi cette bouteille n’a-t-elle ni étiquette ni capsule, le vin se lisant sur le bouchon ? S’agit-il d’une réserve personnelle que j’aurais achetée ? Je ne sais pas. Toujours est-il que le vin explose en bouche d’une puissance bien inhabituelle pour ce millésime. Le vin est chaud, lourd, capiteux, velouté, avec un bois fort expressif. Manifestement un grand vin. On me dirait que c’est Opus One, je n’en serais pas étonné. Le Pomerol se mariait mieux à la biche. Le Lafite se buvait pour lui-même, vin de grand charme très réussi. Il accompagna le fromage et le dessert avec justesse.
Pendant que le repas se déroulait, je pensais à tous les comptes-rendus que je lis sur des forums. C’est la débauche, l’orgie, avec l’accumulation d’étiquettes plus prestigieuses les unes que les autres. Dans de tels marathons, La Croix Saint-Georges 1975 en demi-bouteille serait complètement ignoré. Pas un cil, pas une papille ne repèrerait cette incongruité. Or lors de ce repas, je vais classer en tête le Côtes du Jura 1969, suivi du La Croix Saint-Georges 1975, devant Salon 1985 et Lafite 1987, sachant que la valeur intrinsèque est en faveur du Salon, mais le bonheur de ce soir est en faveur du blanc du Jura. On se procure plus de plaisir quand on cherche à profiter des vins que quand on cherche à les hiérarchiser comme on le fait dans ces exercices de dissection où l’analyse prime sur la jouissance. Ces quatre vins de divers niveaux étaient là au bon moment. C’est tout ce qu’on leur demande pour qu’un réveillon soit réussi.

Dom Ruinart rosé 1990 vendredi, 23 décembre 2005

Chez des amis au bord de la mer, nous jouons aux cartes.
Nous essayons un foie gras assez cru sur de belles lamelles de truffe.
Le Dom Ruinart rosé 1990 servi assez frais est toujours aussi splendide.
Découvert chez Dom Ruinart, il m’avait enthousiasmé.
Celui-ci confirme.

J’ai perdu le Cinq du George V mercredi, 21 décembre 2005

Philippe Legendre vient de m’informer que la nouvelle stratégie de son hôtel est de ne plus accepter que l’on apporte ses bouteilles de vin.
De plus, la nécessité de mettre une équipe forte à disposition entraîne des budgets qui ne sont pas envisageables.
Perdre le Cinq m’attriste, parce que j’aime la cuisine intelligente de Philippe Legendre.
C’est assez étonnant, car ces palaces n’ont pas de telles contraintes de rentabilité.
Je respecte évidemment cette décision, sans cacher mon grand étonnement.

dîner dans ma maison du Sud mercredi, 21 décembre 2005

Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1996. Toujours aussi agréable.

Bandol Tempier blanc 2003 : très intéressant. Mais en hiver, ces vins chantent moins.

Champagne Salon 1985 : nez poussiéreux. C’est un grand champagne, mais qui n’exprime pas la sérénité qu’il devrait avoir. Il est très expressif, très dense, mais n’a pas beaucoup de charme.

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(ouverture de Mouton 1918 dont l’étiquette Carlu est en tête de ce blog. A gauche, on reconnait Mouton 1945)

 

 

 

 

 

 

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lundi investigation sur Canal + lundi, 19 décembre 2005

Une énième émission sur les grands chefs. Ce qui me frappe, c’est que tout le monde parle du Michelin, des étoiles injustifiées, du caractère vieillot de certaines maisons, mais jamais on ne parle avec des clients de ces restaurants. Les cas de Bernard Loiseau et d’Alain Senderens sont le prétexte facile à vouloir bousculer le Michelin comme on bouscule Robert Parker dans les vins. Mais a-t-on imaginé que les clients de ces restaurants sont suffisamment malins pour se faire leur propre religion et encourager ceux qui leur plaisent. Il est étonnant qu’on ne les écoute pas. On aurait une telle approbation de ces chefs que ça ne serait pas passionnant pour une télévision qui cherche plus à déboulonner des icônes. Un autre guide à qui l’on fait la part belle, est dégommé dès qu’on apprend qu’il est totalement sponsorisé. Cette émission n’apporte réellement rien.

Maman, ton gigot vaut 91 points dimanche, 18 décembre 2005

– Mon chéri, as-tu aimé mon gigot ?
– Maman, ton gigot vaut 91 points. Un agneau de belle prestance, vieilli sans doute quinze jours de trop, paissant sur une herbe courte et peu grasse, des flageolets de beau calibre, sans doute un peu secs, un ail un peu trop expressif, pas assez adouci. Oui, ton gigot vaut 91 points.
– mais mon enfant, tu l’as aimé ou non ?
– tu sais, ce n’est pas comme cela qu’il faut voir les choses. Ton gigot, à 13,70 € se compare à ton poulet de Bresse à 7,80 € à qui j’ai donné 92. A mon avis, tu es meilleure sur le poulet de Bresse, en termes de qualité / prix, que sur le gigot.
– mais enfin, je ne peux pas te donner du poulet tous les jours. Alors, comment tu l’as trouvé ?
– je persiste, c’est 91 points.
La maman s’en va dans la cuisine, fait du bruit avec les assiettes, grommelle en essuyant des larmes avec son tablier.

Mon Dieu que les dégustations froides et analytiques sont loin du sentiment.

les bourgognes et les olives dimanche, 18 décembre 2005

Au bar de l’hôtel Meurice, attendant les convives du 61ème dîner, je grignotais des olives avec un jus de tomate.
J’avais en mémoire les senteurs des vins de ce soir, et l’envoûtante trace des bourgognes.
Et j’ai eu soudain une vision.
Une olive, quand on la prend en bouche, est hostile. Un goût de sel, un goût âpre, revêche. C’est brutalement dérangeant, mais au bout du compte, le plaisir excitant est au rendez-vous.
J’ai alors pensé que le vin de Bourgogne c’est cela aussi : un goût qui dérange, une âpreté, une volonté de ne pas séduire, mais au bout du compte un plaisir gustatif certain.
Il est évident qu’il n’y a rien ce commun au niveau du goût entre olive et bourgogne. Ma remarque concerne l’approche, la volonté de ne pas séduire qui se traduit, in fine, par un plaisir excitant d’étrangeté.

Les chefs et les médias dimanche, 18 décembre 2005

Samedi, François Simon parle dans le Figaro des chefs aux fourneaux et de ceux qui n’y sont pas assez.
Dimanche, dans le Journal du Dimanche, Jean François Piège présenté comme « chef des Ambassadeurs » ce qui fait extrêmement chic, expose ses vues sur la cuisine. Dans le même journal Bernard Pivot parle de deux livres, l’un sur Bocuse et l’autre sur Léon de Lyon.
Si on baissait la pression médiatique sur ces chefs, ce ne serait pas plus mal. Je trouve qu’ils sont trop sollicités par les médias.
La vision de Jean François Piège est très sincère, spontanée, d’un homme de cœur. Cela le rend encore plus sympathique. Mais un chef n’est pas toujours obligé de compliquer sa cuisine, pour faire différent de chez soi. J’ai bien envie aussi qu’il traite merveilleusement un produit simple, pour lui-même, sans obligation de me surprendre par des ajoutes de goûts pas toujours utiles.
Là où j’applaudis à son commentaire, c’est lorsqu’il dit qu’on n’a jamais aussi bien mangé. Nous avons à Paris des chefs éblouissants, qui veulent bien faire. Et le guide Michelin, tant décrié (parce que c’est une institution, comme Robert Parker l’est dans le vin) les pousse à s’améliorer sans cesse. Alors tant mieux.
Qu’ils soient derrière les fourneaux, moins médiatiques, et le consommateur qui a les moyens d’aller dans ces lieux de légende, qu’on devrait donc chouchouter, y trouvera son compte.