académie des vins anciens – séance du 8 juin – situation au 29 mai mercredi, 7 juin 2006

Message adressé à tous les inscrits.

Voici la situation du groupe dont vous êtes leader, ou votre situation si vous venez seul.

Merci de confirmer si votre groupe est bien composé des personnes indiquées.

J’ai supposé qu’une personne paiera pour la totalité du groupe. Si ce n’est pas le cas, me l’indiquer, en informant bien la personne qui paie des sommes qu’il aura à payer.

Me donner le nom des personnes qui paient, si je ne les ai pas.

Merci de me confirmer aussi si votre ou vos vins sont bien conformes à la liste ci-dessous. Si vous prévoyez de changer un vin, me le dire.

Les vins doivent obligatoirement être remis avant le 1er juin chez Henriot, 5 rue La Boétie 75008 Paris (téléphone de Mme Martine Finat : 01.47.42.18.06 )

La réception à 19 heures étant faire par des bénévoles, tout ce qui simplifiera le contrôle du paiement sera le bienvenu.

A ce sujet, le paiement anticipé par chèque à l’ordre de « François Audouze – AVA », envoyé à l’adresse ci-dessous, simplifierait beaucoup les choses. Il arrangerait aussi  AVA puisque j’ai payé des arrhes à la Résidence Maxim’s.

Si tout est conforme, répondez quand même. Il serait utile que tous les fichiers soient à jour.

Pour finir sur une note moins administrative, voici la liste des vins annoncés :

Cave Jean Bourdy, Blanc vieux d’Arlay 1907   Château d’Arsac Margaux 1925 –  Château Haut-Brion 1925 –  Maury 1928 –  Château Gruaud Larose 1928 –  Château Chalon Jean Bourdy 1928 –  Corton Clos du Roy L.A. Montoy 1929

Gevrey Chambertin Marius Meulien 1933 –  Château Montrose 1934 –  Barsac (?) 1937 –  Domaine du Pin 1ères Côtes de Bordeaux 1937 –  Montrachet  domaine Bichot 1943 –  Fleurie Beaujolais 1943 –  Cave Jean Bourdy, Côtes du Jura rouge 1945

Vosne Romanée vieille Réserve 1945 –  Gevrey Chambertin J. Faiveley probable 1947 –  Beaune Champimonts 1er Cru Joseph Drouhin 1948 –  Chateau La Gaffelière 1949 –  Montagny 1949 –  Aligoté Darozzi 1950 –  vin nature de champagne Saran, blanc de blancs Moët 1950

vin nature de champagne Saran, blanc de blancs Moët 1950 –  Meursault (?) 1953 –  Mouton Baron Philippe (d’Armaillac) 1959 –  Bâtard Montrachet Chanson 1959 –  Château Bellefont Belcier (Saint Emilion) 1964 –  Cos d’Estournel 1966 –  Château Taillefer Puisseguin Saint-Emilion 1966

Vin Jaune d’Arbois 1966 domaine de la Pinte –  Tokay de Riquewihr 1966 (Dopff et Irion) –  Château La Louvière rouge 1967 –  Champagne Gonet 1973 –  Clos Joliette 1974 Jurançon –  Richebourg Charles Noëllat 1974 –  Riesling Sélection de Grains Nobles Hugel 1976

Montrachet Louis Jadot 1982 –  Riesling Kaefferkopf 1983 Jean-Baptiste ADAM    Coulée de Serrant Nicolas Joly 1983 –  Banyuls hors d’âge, Parcé, sostera

Le Montrachet samedi, 3 juin 2006

sur un forum, un sujet concerne le Montrachet. Je suis allé voir dans mes statistiques ce que j’ai bu depuis 6 ans. Voici ce que j’ai écrit sur le forum : la passion du vin

Voyant le sujet, j’ai voulu chercher quels sont les Montrachet que j’ai bus.
Si je les cite, on le sait maintenant, ce n’est pas pour la ramener, mais pour voir de quoi je peux être un témoin.
Voici la liste (sur les 6 dernières années seulement) :

****Montrachet Bouchard Père & Fils – 1864
****Montrachet Bouchard Père & Fils – 1865
Montrachet ? – 1906
***Montrachet Bouchard – 1923
Montrachet Chauvenet – 1928
Montrachet Maxim’s – 1929
Montrachet Albert Bichot – 1935
Montrachet Beuvrand de Poligny – 1935
Montrachet Roland Thévenin – 1945
Montrachet Roland Thévenin – 1945
Montrachet Roland Thévenin – 1947
Montrachet Diard – 1949
Montrachet Vincent Girard – 1949
**Montrachet Bouchard Père & Fils – 1953
Montrachet Comte de Moucheron Nicolas – 1955
**Montrachet Bouchard Père & Fils – 1961
**Montrachet Bouchard Père & Fils – 1961
**Montrachet Domaine de la Romanée Conti – 1967
****Montrachet Domaine de la Romanée Conti – 1970
Montrachet Moillard – 1974
Montrachet du Domaine de la Romanée Conti – 1976
Montrachet Baron Thénard Remoissenet – 1978
Montrachet du Domaine de la Romanée Conti – 1979
Montrachet Louis Latour – 1981
Montrachet Bouchard Père & Fils 1983
Montrachet Domaine René Fleurot – 1985
Montrachet Jacques Prieur 1986
Montrachet Grand cru Guichart Potheret en magnum – 1988
Montrachet Grand cru Guichart Potheret en magnum – 1988
Montrachet Guichard Potheret en magnum – 1988
Montrachet Bouchard Père & Fils 1990
***Montrachet Comtes Lafon 1990
Montrachet Guy Amiot 1992
Montrachet Robert Gibourg – 1992
Montrachet Marquis de Laguiche Joseph Drouhin – 1993
Montrachet Louis Jadot – 1995
Montrachet Louis Jadot – 1995
Montrachet Comtes Lafon – 1997
Montrachet Marquis de Laguiche – 1997
Montrachet Bouchard Père & Fils – 1999
Montrachet du Domaine de la Romanée Conti – 1999
Montrachet du Domaine de la Romanée Conti – 1999
Montrachet Bouchard Père & Fils – 2002
Montrachet Bouchard Père & fils – 2003
Montrachet Bouchard Père & Fils – 2004
Montrachet Bouchard Père & Fils 2004
Montrachet Domaine Jacques Prieur – 2004

Les points forts sont précédés d’étoiles.
Avant de goûter les deux plus vieux, qui sont irréellement bons (et je ne voulais pas y croire avant de les avoir bus tant leur âge est incroyable), mon meilleur Montrachet était celui de DRC de 1970.
Les deux : 1864 et 1865 sont de loin les plus grands.
Mais le Comtes Lafon 1990, en vin actuel, est un vin absolument immense.
J’ai bien aimé le Marquis de Laguiche 1997 en vin récent.

Le Montrachet, celui qui n’a que ce nom là, est un monde de saveurs rares.
L’ennui, c’est évidemment le prix, car la demande est forte.
Mais il faut au moins une fois se rendre compte de la perfection de ces vins.
Et ceux du 19ème siècle, quand on dit que c’est fabuleux, personne ne peut le croire, tant c’est invraisemblable.

To buy a cellar is not a job for me ! samedi, 3 juin 2006

To buy a cellar is a job for professionals. Not for amateurs.

I have had some nice tries, with magnificent bottles that I found. But this time, I am not so proud.

Having seen me on TV, a man found my number and phoned me with a very “low profile” presentation : “I have some bottles, my children are not interested. Are you ?”

Me : “what is in your cellar ?”

He : “I have a few Beaucastel 1982, some la Gardine of old years. My cellar consists mainly in Chateauneuf du Pape and Rhone wines”.

I made the mistake to propose a price. I should never have given a price without seeing the wines.

I had in mind to get these bottles for my cellar in the South : some easy bottles for barbecue.

I went there, near Orange, and I met the man, retired after having an auto repair location.

185 bottles were waiting for me. Only two Beaucastel 1982, and one of the two has a low fill.

Many small wines, many cheap Rhone wines, and, now and then a nice wine. All being of the 60ies, 70ies and a few from the 80ies.

I was ready to say : I quit. I said : your wines are not worth the price I said.

The man proposed to reduce the price. I made the mistake to say yes.

My car full of wines, I phoned Jean-Pierre Perrin, owner of Beaucastel, wanting to visit him as I was very near his place. But he was in Spain for a week with friends that I know very well. So as I have a cousin living in the vicinity, I announced my visit.

My cousin had prepared a Bourgogne, Hautes Cotes de Nuits A-F Gros 2002.

I had in hand one of the bottles that I had bought, a Chateauneuf du Pape La Gardiniole 1965 (name completely unknown to me).

My cousin smiled and said : open your ruined wine, you will see how you wasted your money.

He was mocking me.

The wine of  Anne-Françoise Gros is simple, but agreeable and nicely drinkable. My cousin is surprised that my tired wine shows signs of life. The more the lunch lasts, the more my CdP shows improvement. My cousin says : it is not bad, your small Chateauneuf.

I leave the bottle on the table and ask my cousin : tell me how the wine will be for the dinner.

He wrote me an email, saying : your wine was very nice by the dinner.

So, I will not do such a bargain again, as it is too much hazard.

But, if the wines are drinkable as this one, I have probably not made too big a mistake.

un Schlumberger 1945 dans un déjeuner d’amis lundi, 22 mai 2006

With some friends of the same age, we meet every two months. One of my friends asks me to find a pleasant restaurant, as he was the one whose turn was to invite the others. So, I make a reservation by the Bistrot du Sommelier. I arrive first in the restaurant, and I say that I would like to say hello to Philippe Faure-Brac, owner of the place, and former best World sommelier in 1992. The chief waiter, whom I know well says : “he is making a tasting in the private room, so he is busy”. I ask : which wines is he tasting? And the answer is : “Domaine Schlumberger”. So, I declare : “I will go there to say hello”.

I arrive in the room where I find many journalists that I know, and Philippe welcomes me by saying : “some people have a great nose : why did you reserve the precise day when Schlumberger presents its wines to the press?”. I shake the hand of a woman whose name is Schlumberger, and wanting to parade, I say : “in my cellar, I have some 1945 Schlumberger”. And the woman, with a smile, answers : “it’s a good thing as you will taste it today”. I was so amazed, and bluffed! A booklet was given to me, and I began to taste as the journalists around me, thinking anyway that I should hurry, as my friends should come. To be polite, I begin with the youngest wines.

Here are some notes made in a hurry :

The Kitterlé Riesling Schlumberger Grand Cru 2005, put in bottle for a few weeks only is really very drinkable, which is remarkable. It is classic that a very young wine is charming, then shuts itself before expanding again.

The Kitterlé Riesling Schlumberger Grand Cru 2002 is magnificent. Smoky, with a little taste of almond. I like it as it is round and pretty.

The Kitterlé Riesling Schlumberger Grand Cru 2001 is more strict, closed.

The Kitterlé Riesling Schlumberger 1979 has a superb nose, very friendly. It is mineral but joyful. The mouth is more closed than the nose. I feel it as a wine of great gastronomy, promising complex combinations.

The Kitterlé Riesling Schlumberger Grande sélection 1955 has a nose which is more discrete. The mouth pleases me. It is not a typical Riesling, a little evolved, but I like it. It is refreshing, easy in mouth, and a great wine for gastronomy. I know that I will surely love it more than the journalists around me as they will report on more conventional Rieslings as the 1971 that they adored and that I did not try.

The Kitterlé Riesling Schlumberger Grande sélection 1945 has a nice golden colour. The nose reminds me of someone who smokes a pipe. In my mouth, it is a nectar. It is round, fruity, expressive. The length is great. It is a great wine.

I rapidly join the table where my friends wait for me, and, as it happens, I am asked to order the wines.

I order champagne Lenoble, Grand Cru Blanc de Blancs 1995. I like this champagne, very expressive, well designed. It is pure and gives pleasure.

The Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 1998 is powerful and generous. It is a bomb. It is very difficult to associate any meal, as the wine invades the palate. But on a foie gras in terrine that I had ordered, it went very well.

The La Mission Haut-Brion 1997 is absolutely passionate. The advantage of this year is double. First, it is less expensive on the wine lists. So, ordering for a friend, he forgives me. The second reason is that the supposed lightness of the year helps to reveal the real charm of the wine. And I adore such a tasting. This wine has a very dense structure which is the signature of a great wine. On a fish (bar), it was a nice combination. I ordered then Trotanoy 1997, chose by me to have another bank for the same year. The two wines are absolutely charming, full of grace. And while sipping the Trotanoy, I think that I would be unable to say which one is the best, as they are completely different, Mission being velvety and charming, and the Trotanoy winy, fruity. I would anyway vote for Mission due to the density of the structure.

Then, Philippe came to our table with for each of us a glass of Schlumberger 1945. More opened, more tasty, more fruity, this wine was a delight to conclude a nice friendly lunch.

galerie 1890 ? lundi, 22 mai 2006

Quelle belle et rare étiquette de Chateau Palmer. Lorsque j’ai bu ce vin dans les années 90, l’apporteur m’a affirmé que c’était Chateau Palmer 1890. Rien ne permet d’affirmer que ce ne soit pas le cas.

un fabuleux Haut-Brion 1922 dans un dîner impromptu samedi, 20 mai 2006

Jean-Philippe Durand est cet ami qui avait réalisé trois jours de cuisine de rêve dans ma maison du Sud en fin d’année 2005, qui nous avait initiés à la magie de Marc Veyrat et qui avait fait la cuisine d’un repas où je voulais convaincre des membres d’un forum sur le vin de l’intérêt des vins anciens. Il me propose des dates de rencontres, toutes plus alléchantes les unes que les autres, mais ce sera pendant la longue trêve d’été que je compte prendre pour me reposer de toutes les aventures invraisemblables de cette première moitié de l’année. J’ai un défaut, je n’aime pas dire non. Alors, de façon impromptue, nous organisons un dîner chez lui pour le lendemain. Nous serons sept, dont des partenaires d’aventure à Megève, dans le monde créatif de Marc Veyrat. Je suis en cave, choisissant des bouteilles comme je le ferais pour mes enfants, c’est-à-dire vins à découvrir, bouteilles à niveaux incertains, curiosités. J’appelle Jean-Philippe pour lui faire part de mes choix. Je sens sa moue au bout de mon oreille. Il me demande des bordeaux, et dans le mail qu’il m’adresse, d’ajustement des apports, je sens qu’il veut du grand. Je n’aime pas qu’on empiète dans mon champ de liberté, mais pour Jean-Philippe, j’ai envie aussi que ce soit grand. Je n’ouvrirai les vins que vers 19 heures, car je ne veux pas déranger le chef chez lui.  

Il a beaucoup à faire, jugez-en par ce menu : Palourdes, filaments de navet, jus marin / Foie gras fondant, pommes à l’orientale / Grenadin et ris de veau, coulis aux cinq épices de Chine, poêlée de fèves / Homard breton, arômes de truffe blanche, asperges violettes, mousseline aux fanes de navet / Saumon mi-cuit à ma façon, morille d’Auvergne, goutte de framboises "Ardalya" / Foie gras vapeur, betterave et balsamique, jus sauvage à la truffe / Suprême de pigeon, truffe noire, sauce aux foies, petits pois à la coriandre / Stilton / Tarte aux poires et aux pamplemousses / Charlotte aux framboises.

Quand Jean-Philippe cuisine, ce n’est pas un vain mot. Chaque composante, chaque produit, chaque sauce sont dosés avec une précision horlogère. C’est du niveau des montres à complications. A l’ouverture, le bouchon du Haut-Brion 1922 se brise en mille morceaux, et dégage un parfum de truffes et de chocolat. D’autres bouteilles ont des souffrances. On le verra.

Le temps que l’on soit prêt pour le dîner, je suggère que l’on commence par Château Figeac 1967. Quand j’étais en cave, parlant à Jean-Philippe, j’ai saisi cette bouteille dans un casier. Belle étiquette, apparemment très beau niveau, trop beau niveau. J’ai le téléphone à l’oreille, je tiens la bouteille d’une main. Le niveau me parait irréel. Je monte la bouteille jusqu’à mes yeux : le bouchon était tombé dans la bouteille. Elle fut apportée (plutôt que de la jeter, autant vérifier). Décapsulée à 19 heures, d’odeur très acceptable, elle fut carafée. On sent que ce vin pourrait revivre. Mais le défaut, même minime, ne donne pas l’envie d’aller plus loin. Jean-Philippe aura peut-être demain à midi un retour de vie. Laissons ce vin.

Pour accueillir Jean-Philippe lors de son séjour dans le Sud, j’avais ouvert champagne Salon 1988. C’est lui que nous goûterons en début de repas, petit clin d’œil amical, délicate attention de notre hôte qui me fait plaisir. Le Salon et la palourde, c’est un plaisir subtil, que j’apprécierais sans doute plus sur un 1995. Mais sur le foie gras fondant, relevé par la pomme, l’accord est sublime. La chair juste poêlée du foie forme un accord brillant avec ce puissant champagne expressif, lourd d’évocations qui me ravissent.

Le grenadin de veau a un chair d’une émotion rare. J’épuise toutes les régions françaises pour essayer de découvrir le vin proposé à l’aveugle par Luc. Je commets l’erreur de ne pas dépasser les frontières, car c’est un Sforzato Di Spina, Valtellina 1968 vin ordinaire italien qui m’évoque assez bien un très ancien beaujolais. Très charmeur, lourdement alcoolisé, il est bien avantagé par la chair intense.

« Le Charlemagne » de Marc Rougeot-Dupin 1992 est exceptionnel de générosité. Ce vin de Luc, comme tous ceux qui vont suivre seront bus à découvert. Le nez minéral est intense. On sent l’ardoise mouillée. Mais il est floral, porteur de fruits jaunes, et il remplit la bouche comme le panache d’un paon. Sur le homard et la truffe blanche, tout cela est d’un naturel divin. Mais c’est la chair de l’asperge qui me fascine. Manger lentement cette chair consistante, ferme, avec quelques gouttes de cette perle de Charlemagne, c’est renversant de sophistication.

Vient ensuite un vin qui est dans ma philosophie. Il m’arrive d’ouvrir des bouteilles mythiques. Dans ce mois écoulé, j’ai ouvert Pétrus 1947 et Pétrus 1959, Pichon Comtesse 1945 et beaucoup d’autres fort titrés. Mais je ne veux pas, comme on dit aujourd’hui d’une expression particulièrement vilaine, me « prendre la tête ». Donc ce vin « Ardalya » (Marque Déposée) La Grand’ Cave Damoy 1959, je voulais absolument qu’il soit à ce dîner. Pourquoi ? Parce que je ne sais pas du tout ce que c’est. Sur Google, inconnu. Le niveau dans la bouteille est exceptionnel, l’odeur à l’ouverture sympathique, et là, voici ce qui se passe. Une couleur d’une jeunesse insolente. C’est 1990 en rubis. Un parfum qui est celui des bourgognes les plus nobles. En bouche, c’est plein comme un des plus grands de nos chambertins. Aucun de nous ne savait ce que c’est. Alors on cherche. C’est un vin de table assemblé par Damoy. Donc il peut y avoir du bourgogne, puisque c’est la trame générale. Qu’il y ait du Rhône et de l’algérien ne serait pas étonnant, si l’algérien s’ajoutait encore en 1959. Mais devant nos papilles interloquées, ce vin est de la plus belle race. Alors, l’attitude naturelle, c’est de se dire : cherchons l’erreur. Il y avait à notre table un solide dégustateur qui a donné naguère des cours d’œnologie. Nous nous sommes interrogés sur ce breuvage. Il ne fait aucun doute qu’à l’aveugle, ce vin que j’ai peut-être acheté moins de deux euros, tiendrait la comparaison avec la plupart des très grands bourgognes que je connais. Là au moins, on ne peut pas dire que nous avons été intoxiqués par l’étiquette. Ce vin est immense. Et nous n’étions pas abusés. Il n’avait aucun défaut. Un des miracles de ces fantassins qui s’assemblent comme par miracle quand ils évoluent bien. Et quelle longueur !

Avec le Grands Echézeaux Henry Lamarche 1976, Jean-philippe a commis le plus grand contresens que je lui connais. Le plat est à contremploi. Le foie de veau est délicieux, la betterave n’aurait jamais dû passer par là. Alors bien sûr, ce vin à la belle structure brille beaucoup moins que s’il était accompagné. Il faudra que Luc nous en apporte un autre ! Jean-Philippe est perfectionniste. Alors, il fut attristé. Ce désaccord ne me gêne pas, parce qu’il permet de mieux comprendre que les plus beaux accords ne sont jamais le fruit du hasard.

Le pigeon est magnifique, mais la vedette, sans compétition, est au sublimissime Château Haut-Brion 1922. Un niveau exceptionnel dans le goulot, un bouchon collé au verre qui se déchire en mille morceaux, un nez à l’origine qui prédit l’accord avec la truffe. Versé dans le verre, le parfum envoûte. Et mes convives vont voir ma transformation physique. Je m’installe dans l’apesanteur d’un vin parfait. C’est une jouissance orgasmique qui se crée comme en un film au ralenti. Je sens venir lentement la progression de mon extase. On est largement au niveau des Haut-Brion 1926 que je révère. Ce Haut-Brion est absolument parfait et peu de ceux que j’ai bus soutiendraient la comparaison, alors que l’année 1922 ne fait pas hurler les foules. Le vin est lourd, plein de truffes et de chocolat. Avec le pigeon et sa truffe, l’accord est magistral. Mais c’est la sauce, que Jean-Philippe a dosée avec amour, qui fait apparaître une juxtaposition de plaisirs à se pâmer. Sur un petit nuage, j’étais l’observateur de mon plaisir. Ce Haut-Brion 1922 est la justification absolue de ma passion des vins anciens, et Jean-Philippe est la preuve vivante que les plus grands vins appellent la cuisine d’exception. Ce moment pèsera lourd dans ma mémoire.

Oublions très vite le Meursault Patriarche 1942 au niveau trop bas que j’avais apporté en sachant que ce serait une loterie. Mort de chez mort, si l’on veut, une fois de plus, parler « actuel ».

Le Stilton brillant de crémeux contenu démarre avec un vin étrange que j’avais apporté, le Quarts de Chaume Beaulieu Reserve de la Société des Vins Fins à La Membrolle Sur Choisille 1929. Coiffé d’un muselet, mais sans capsule, le bouchon sorti de quelques millimètres, mais c’était voulu, d’un niveau très convenable, ce vin fut vite jugé plus approprié au dessert, aussi Jean-Philippe me fit ouvrir un vin que j’avais apporté aussi, Château Guiraud 1971. Ce sauternes est sans surprise, il est délicieusement bon, équilibré, facile à vivre. Avec le Stilton, il joue sur du velours.

Le Quarts de Chaume a des côtés sympathiques. Je peux plus facilement le critiquer puisque c’est le mien. Il fut apprécié. Mais sa longueur un peu courte me l’a fait juger en dedans de ce qu’il peut donner. Manque d’oxygène à mon avis. Le pâtissier de Jean-Philippe m’a moins ravi ce soir là.

J’adore ces dîners impromptus où l’on improvise dans la précipitation. C’est pour cela que sans réfléchir j’ai pris en cave ce Haut-Brion 1922. Il est tellement émouvant que j’aurais pu en pleurer. J’ai classé les vins ainsi : 1 – Haut-Brion 1922, 2- Ardalya Damoy 1959, 3- Le Charlemagne 1992, 4- Sforzata di Spina 1968. Alors que Salon est mon champagne adoré il n’est pas dans le quarté. Car la prime était aux inconnus, puisque je n’avais jamais bu aucun de ces quatre vins. Quelle belle soirée !