Domaines Maisons et Chateaux lundi, 27 avril 2009

Il existe un groupement de vignerons de toutes régions qui s’appelle « Domaines Maisons et Chateaux ». Plusieurs domaines prestigieux en font partie, ce qui me conduit assez naturellement à répondre favorablement à leur invitation, même si ce que l’on boira est du monde des vins très jeunes. La réception se fait au premier étage du restaurant « Les Noces de Jeannette », lieu où l’on sent que tradition et bien manger se conjuguent dans la joie.

Le domaine Ostertag fait goûter ses 2007 et j’ai beaucoup aimé le A360P (qui n’est pas le nom d’un nouveau virus), Muenchberg Grand Cru Pinot Gris Domaine Ostertag 2007 présenté par le sympathique vigneron dont la passion me plait. Dominique Lafon que j’avais vu récemment à l’académie du vin de France est venu lui-même présenter ses Mâcon Les six vins à prix doux par rapport aux vins du Domaine Comte Lafon sont remarquablement faits. J’ai bien aimé le Mâcon Milly Clos du Four Domaine des Héritiers des Comtes Lafon 2007. Cette manifestation relativement confidentielle permet de parler plus calmement avec de grands vignerons. J’aime cette atmosphère sympathique de dégustation.

Grande Cascade – photos samedi, 25 avril 2009

Champagne Egly-Ouriet 2000

Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1992

amuse-bouche

lisette pochée aux condiments, gelée de crabe vert, rémoulade de céleri et raifort wasabi

pavé de cabillaud, grosse morille farcie aux légumes verts, avec une émulsion de chorizo (avant et après service de l’émulsion)

merveilleux dessert à la fraise et mignardises

 

Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1992 au restaurant de la Grande Cascade samedi, 25 avril 2009

Il fait beau depuis dix jours à Paris. La météo nous annonce un samedi pluvieux. Spéculant sur une incertitude des professionnels de la prévision, nous réservons à déjeuner au restaurant de la Grande Cascade. Un de nos jeunes amis, ancien partenaire de squash, est entrepreneur. Il a investi à Tahiti il y a peu de temps et ses plans changent avec l’ampleur de la crise. Il est de passage à Paris. C’est l’occasion de l’inviter.

L’accueil dans cette bonbonnière Second Empire est toujours aussi chaleureux. Les météorologues ne se sont pas trompés mais cela ne changera rien à notre humeur joyeuse. Dans la carte des vins du restaurant, je commande deux champagnes.

Le premier est un Champagne Egly-Ouriet Brut 2000, issu de vieilles vignes d’Ambonnay. Le champagne est hélas trop froid, ce qui limite considérablement le plaisir. Dès la première gorgée, on sent qu’il s’agit d’un grand champagne. Il a été dégorgé en janvier 2008 et a donc connu un passage en cave de 78 mois. Extrêmement typé et vineux, il est fortement imprégnant et jamais je ne me départirai de la gêne que sa bulle me cause. Elle est tellement lourde et pénétrante qu’elle darde la langue comme le croc d’une vipère. Quand je m’en ouvre à Emma, charmante sommelière et de plus compétente, elle me dit qu’elle avait hésité à nous proposer de carafer ce champagne. C’eût été une bonne initiative. Un petit amuse-bouche à base de homard prépare bien le palais, suivi d’une petite croquette de cabillaud et un jus d’asperge au lait d’amande. A chaque saveur le champagne répond présent. Puissant, multiforme, il est à son aise. Mais la lourde bulle m’obsède toujours.

Dans le menu suggéré dont le prix est très doux, j’ai choisi la lisette pochée aux condiments, gelée de crabe vert, rémoulade de céleri et raifort wasabi. Le plat est délicieux, et la lisette est délicieusement adaptée au champagne dont la robe est déjà ambrée d’un or guerrier.

Le deuxième champagne est une pépite, une rareté, une légende, c’est le Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1992. C’est un blanc de noirs. Emma m’annonce que c’est la dernière de la cave du restaurant. Je lui ai servi un verre, car il ne faut pas laisser passer de telles occasions. Le champagne avait été ouvert en même temps que l’Egly-Ouriet aussi a-t-il eu le temps de se réchauffer. Là aussi, la première gorgée est déterminante. L’image qui me vient instantanément est celle d’un « glockenspiel », d’un carillon qui fait sonner une multitude de petites clochettes. Car ce champagne est d’une complexité infinie. Sa bulle est extrêmement fine, et son goût est merveilleux. Ce vin d’une parcelle minuscule provient de deux vignes de pinot noir non greffées et non touchées par le phylloxéra, cultivées en foule comme on le faisait jadis, selon une technique de développement de la vigne par provignage et assiselage qui donne une impression de joyeux désordre mais répond à un usage séculaire de reproduction de la vigne en s’affranchissant de la linéarité. C’est assez intéressant puisqu’il s’agit de vignes pré-phylloxériques, ce qui est rare, mais quelle est l’influence sur le goût, je ne le sais pas. C’est un champagne d’esthète qui ne se livre pas facilement, car il faut un dictionnaire gustatif pour savoir le lire. J’ai choisi un pavé de cabillaud, grosse morille farcie aux légumes verts, avec une émulsion de chorizo. J’ai pris la précaution de faire déposer l’émulsion à part, pour tenter l’accord du champagne avec la chair seule. Et c’est absolument divin. Le champagne est noble, prenant des notes de fleurs et de fruits blancs comme la chair du goûteux poisson. L’accord avec l’émulsion fonctionne aussi, mais la virilité du chorizo correspond peu au pianotage discret du champagne subtil. La confrontation est malgré tout excitante. Le dessert est à base de fraise gariguette, comme un fraisier à la pistache. Ces saveurs tirent aussi des accents charmants du champagne à la longueur inextinguible. J’avais gardé un verre du précédent champagne. Il a perdu de sa bulle et il devient charmant, floral, printanier, et beaucoup plus amène. Il n’a pas la complexité du Bollinger qui continue à distiller sa palette de saveurs. Les deux champagnes sont brillants. Je suis heureux d’avoir eu accès à ces champagnes grâce à la politique tarifaire intelligente pratiquée par la Grande Cascade. Il pleuvait légèrement sur le beau jardin printanier. Mais sur des plats bien exécutés, dans une ambiance agréable, ces vins rares ont mis du soleil dans nos cœurs.

repas de famille restaurant Astrance jeudi, 23 avril 2009

De longue date, un repas de famille est prévu au restaurant Astrance. Nous serons huit dont mes trois enfants et leurs conjoints, ma femme et moi. J’ai envie de programmer des vins des années de naissance de chacun. Mon fils est de 1969. Il y aura un Champagne Besserat de Bellefon 1969. Mon gendre est de 1970. Il y aura un Champagne Dom Pérignon 1970. Mon autre gendre est de 1966. Il y aura Château Palmer 1966. Ma fille aînée est de 1967. Il y aura un Chambolle-Musigny Bouchard Père & Fils 1967. Ma fille cadette est de 1974. Il y aura La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1974. Mais ma fille est enceinte. Alors ce sera un magnum ! Je suis de 1943 (mille fois hélas). Il y aura un Château La Mission Haut-Brion 1943. Ma femme est de XXXX. Alors, il y aura un Clos Haut-Peyraguey qui a eu la délicatesse d’effacer son millésime.

Ma bru (quel affreux mot pour ma belle-fille) est de 1966. Ce sera Château d’Yquem 1966. Mais j’apprends que ma bru ne sera pas là. Quel dommage qu’elle ne puisse venir. Le vin ne sera pas ‘bru’.

Christophe Rohat m’a demandé de ne venir qu’à 18h30, car tout le monde prend une pause entre les deux services. A l’heure dite, j’entre par une porte dérobée du côté de la minuscule cuisine qui bourdonne pour préparer les plats du dîner. Et je suis déjà en place quand arrive Pascal Barbot toujours aussi souriant. Je profite de sa présence pour lui faire sentir les bouteilles que j’ouvre ce qui permet de composer le menu ensemble. Le Palmer 1966 a une odeur prometteuse. La Tâche 1974 combine assez bien salinité et fruits rouges. La Mission Haut-Brion 1943 a une odeur un peu fanée mais on sent que le retour en vie sera rapide et que la puissance sera au rendez-vous. En ouvrant la bouteille je découvre l’année du sauternes qui est 1959, une grande année. Deux bouteilles ne seront pas ouvertes, celle de 1967 et l’Yquem 1966. J’ai le temps de me promener dans les rues avoisinantes par un printemps ensoleillé qui fait percer les boutons des fleurs. Les cônes de fleurs blanches tachées de rouge des marronniers pointent vers le ciel, formant des chandeliers qui célébrent le sacre de cette belle saison.

Le menu composé par Pascal Barbot est le suivant : parmesan crémeux, thym / brioche tiède, beurre au romarin et citron / foie gras mariné au verjus, galette de champignons de Paris, pâte de citron confit / langoustine pochée, pâte d’algue Kombu, condiment langoustine / rouget au naturel, feuille d’arroche, pok, chaï, crème d’anchois, sardine et anchois fumé / carré de veau de lait, fondue de parmesan, tomme d’Auvergne gratinée, morilles cuisinées, jus de viande / épaule de cochon de lait, premiers petits pois au chorizo / pigeon de Sologne cuit au sautoir, condiment griottes-amandes, chou nouveau / vacherin glacé au miel-orange, crème au beurre au thé vert / mangue caramélisée, tuile aux fruits de la passion / madeleines au miel de châtaignier / capuccino amande / lait de poule au jasmin. C’est un festival de saveurs qui nous a émerveillés.

Nous commençons par le Champagne Besserat de Bellefon 1969. La couleur est délicatement ambrée, la bulle est active. Le goût de ce champagne est merveilleusement multiforme et à chaque seconde on découvre une nouvelle saveur. On ne se lasse pas de ce Fregoli. Je le trouve un peu amer sur la première gorgée mais tout le monde réfute cette impression et le parmesan remet les choses en place. Sur la brioche le champagne s’épanouit encore et le sommelier Alexandre est ébloui par sa richesse. Je ne cesse de dire à quel point les champagnes anciens sont d’une créativité gastronomique exemplaire.

Le compagnon de ma fille aînée venant pour la première fois en ce lieu, je lui vante à l’avance la mâche spectaculaire du plat phare de ce restaurant, le foie gras au champignon de Paris. Hélas, dès la première morsure dans ce beau gâteau, je constate que Pascal Barbot innove et intercale de fines tranches de pomme verte, qui enlèvent complètement la sensation « Pullman » de la mâche de ce plat délicieux. Je m’en ouvrirai à Christophe d’abord, puis en fin de repas à Pascal Barbot qui constate que cette innovation a plus de partisans que d’opposants dont je fais partie. Ce plat est bon bien sûr, mais je ne retrouve plus la jouissance de mordre avec confort dans ce délicat gâteau. Le Champagne Dom Pérignon 1970 est brillant. Son aîné d’un an que nous venons de finir faisait « vieux champagne », alors que celui-ci respire la jeunesse. Sa couleur est encore d’un jaune pâle, la bulle est incroyablement fine, et son goût est racé. C’est fou comme il est confortable. La petite crème au citron excite le champagne avec un bonheur d’esthète. Nous serions bien incapables de dire quel champagne nous préférons tant ils sont différents.

Lorsque Pascal Barbot m’avait proposé de mettre des langoustines dans le menu, alors que je n’avais prévu aucun vin blanc sec, il fallait du courage pour dire oui. J’ai répondu : « oui, mais pures ». Et le plat qui nous est servi est exactement ce que j’aime : la langoustine est pure, divinement cuite, et à côté, il y a deux petites crèmes, l’une à l’algue et l’autre au contenu broyé de la tête de langoustine. C’est mon rêve de gastronomie. Sur ce plat le Château Palmer 1966 se présente sous une étiquette blanche, comme le négatif de l’étiquette noire habituelle. C’est l’étiquette de Mähler-Besse, distributeur et actionnaire de ce château à l’époque. La robe du vin est d’un rouge rubis fou de jeunesse. Le nez est pur, dense, poivré. En bouche, le vin est spectaculaire. Mon souvenir de ce vin ne se situait pas du tout à ce niveau de perfection. Combiner langoustine et Palmer demande une acclimatation, mais j’adore. Et c’est avec la crème faite avec la tête que l’accord est absolument divin. Ce Palmer 1966 est vraiment une réussite totale.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti en magnum 1974 va accompagner trois plats de viande. Enfin, un poisson et deux viandes. Le sommelier Alexandre est né en 1974 ce qui, on le comprendra, joue dans son appréciation du vin, qu’il trouve merveilleux. Il nous fait part de sa divine surprise. Le vin est délicat, velouté, charmeur, et autour de moi, je sens qu’on apprécie. Mais je le trouve quand même un peu fatigué, comme essoufflé. Mais c’est un vin du Domaine, aussi sait-il bien se tenir. Là aussi, oser un rouget sur La Tâche, il faut le faire, et cela se justifie. L’anchois fumé étant en toute petite portion, j’ai apprécié l’accord fugace qui s’est créé sur cette bouchée hasardeuse. Il faut savoir oser. Ce plat ne réservait que de bonnes surprises pour se marier au vin bourguignon.

Sur le carré de veau de lait, on retrouve des accords gastronomiquement corrects et le vin développe son caractère velouté. L’accord ne se fait pas avec le cochon de lait, alors que c’est la viande de cochon que j’avais suggérée au moment du débouchage des vins, et c’est à cause du chorizo, trop fort pour respecter la finesse du vin de Bourgogne.

Le pigeon est d’un charme absolu. Cette cuisine en suggestion, en douceur, est celle qui a mes préférences. Et le Château La Mission Haut-Brion 1943 est d’une divine bonté. La couleur est encore très jeune, le nez est noble et la densité du vin est remarquable. Ce vin est racé, riche, avec un velouté qui ne masque pas la solide structure. Ce vin est une leçon et rejoint le peloton de tête des Bordeaux de 1943 que j’ai aimés. C’est à dessein que j’avais séparé les deux bordeaux par le bourgogne, pour que l’on n’ait point la tentation de les comparer. Mais c’est aussi parce que ce vin, le plus fort des trois rouges, serait le meilleur compagnon de la chair de pigeon. Accord sublime, vin resplendissant, tout nous était bonheur.

Le Clos Haut-Peyraguey Sauternes 1959, dont l’année a été révélée à l’ouverture, est d’un or légèrement rose, qui se rapproche comme par mimétisme du vieux rose de la jolie capsule. Le nez est délicieux, de mangue, de poivre et de pomelos. En bouche,  c’est un sauternes charmeur, séduisant et subtil. Il n’a pas la puissance des plus grands des sauternes mais il est particulièrement plaisant. Dans un petit panier d’œufs en papier mâché, les œufs de poule sont arrivés avec l’un d’entre eux ayant une bougie à la place du lait. Il me fallut la souffler puisque c’était mon anniversaire. Nous avons discuté fort tard, dans une ambiance familiale joyeuse et heureuse.

Nous n’avons pas classé les vins et ce serait bien difficile. Trois vins me semblent ressortir du lot, la Mission Haut-Brion 1943, le Palmer 1966 et le Dom Pérignon 1970. Mais c’est bien injuste car le Besserat de Bellefon 1969 et La Tâche 1974, deux vins qui ont impressionné Alexandre, étaient aussi brillants. Alors, ne classons rien et applaudissons une cuisine  légère et sensible qui correspond à mes désirs et mes attentes, pour des combinaisons attendues ou osées, mais desquelles on apprend chaque fois quelque chose. Ce fut un beau repas familial.

dîner d’anniversaire au restaurant Astrance jeudi, 23 avril 2009

Le 23 avril, c’est mon anniversaire. J’ai retenu de longue date une table à l’Astrance, mon restaurant chouchou. Nous serons huit dont ma femme, mes trois enfants et leurs conjoints.

L’idée est intéressante de mettre un vin de l’année de chacun. Il est des occasions où je ne le fais pas. Pourquoi pas cette fois-ci ?

Mon fils est de 1969. Ce sera un Champagne Besserat de Bellefon 1969

Mon gendre est de 1970. Ce sera un Champagne Dom Pérignon 1970

Je suis de 1943 (mille fois hélas). Ce sera un Château La Mission Haut-Brion 1943

Mon autre gendre est de 1966. ce sera Château Palmer 1966

Ma fille aînée est de 1967. Ce sera un Chambolle-Musigny Bouchard Père & Fils 1967 (du faite de l’abondance, je ne l’ai pas ouvert)

Ma fille cadette est de 1974. Ce sera La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1974. Mais ma fille est enceinte. Alors ce sera un magnum !

Ma femme est de XXXX. Alors, ce sera un Clos Haut-Peyraguey qui a eu la délicatesse d’effacer son millésime.

Quel tact que de s’effacer !

Ma bru (quel mot laid pour dire belle-fille) est de 1966. Ce sera Château d’Yquem 1966. hélas elle ne pouvait pas venir. Le vin ne fut pas ‘bru’.

Mais j’apprends que ma bru ne sera pas là. Le vin ne sera pas bu. Quel dommage qu’elle ne soit pas là !

dîner à l’Astrance – 23 photos jeudi, 23 avril 2009

Les bouchons du magnum de La Tâche 1974 et du Mission Haut-Brion 1943

Pour voir la suite des photos à l’ouverture des bouchons et des plats, cliquez sur « lire la suite » et revenez à la lecture du blog en cliquant en haut et à gauche de votre écran sur la flèche « précédente »

 

Le bouchon du Chateau Palmer 1966 et celui du Clos Haut-Peyraguey qui découvre enfin son année : 1959

Les deux champagnes : le rouge et le noir

Le Besserat de Bellefon 1969 et le Dom Pérignon 1970

Parmesan crémeux, thym

Brioche tiède, beurre au romarin et citron

Foie gras mariné au verjus, galette de champignons de Paris, pâte de citron confit

Langoustine pochée, pâte d’algue Kombu, condiment langoustine

Rouget au naturel, feuille d’arroche, pok, chaï, crème d’anchois, sardine et anchois fumé

Carré de veau de lait, fondue de parmesan, tomme d’Auvergne gratinée, morilles cuisinées, jus de viande

Épaule de cochon de lait, premiers petits pois au chorizo

Pigeon de Sologne cuit au sautoir, condiment griottes-amandes, chou nouveau

Vacherin glacé au miel-orange, crème au beurre au thé vert

Mangue caramélisée, tuile aux fruits de la passion

Madeleines au miel de châtaignier

Capuccino amande

Lait de poule au jasmin (dans une coquille il y a une bougie d’anniversaire !)

La table

La Tour Eiffel avant et après ce beau repas

 

 

Road 66 mercredi, 22 avril 2009

Quand j’étais biker, membre du HOG (Harley’s owners group), la Road 66, c’était le rêve.

Je ne l’ai pas réalisé.

Mais demain, ce 23 avril 2009, j’aurai 66 ans.

Quand j’ai eu 33 ans, je me suis posé la question : "qu’ai-je fait de ma vie, alors que le Christ a fait tant de choses en 33 ans ?".

Maintenant, j’ai deux fois 33 ans, et dans 8 mois, le 23 décembre 2009, j’aurai deux tiers de siècle.

Vivre, c’est chaque jour diminuer le champ des possibles. A moi de vivre bien ceux que j’ai : femme, enfants, petits enfants, amis, passions, intérêts, désirs, pulsions, et surtout, le petit grain de folie qui m’anime.

A suivre, pour autant que Dieu le voudra.

116th dinner made with my friend collector – the wines samedi, 18 avril 2009

With my Californian friend who collects wines, we have made a dinner which will be counted as one of my wine-dinners, the 116th. It is very special but I use to include such dinners within my wine-dinners. Some friends who joined the dinner brought wines. It is a very unusual set of wines.

Here are the wines which were shared :

Champagne Cristal Roederer rosé 1985 brought by Steve

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Champagne Perrier-Jouët 1911 brought by Steve 

Montrachet Bouchard Père & Fils 1939 brought by Steve

The level looks very good

Chateau Longueville "au" baron de Pichon Longueville. The capsule is difficult to read but is complete and what is amazing is that the level in the bottle is in the neck !

I am wondering about the expression "au" baron wich is very unusual to describe who is the owner of a Chateau

I will open this Chateau Lafite 1900 with a very low level. If it is good, we keep it.

If it is not good, we will open this one

the level is mid-shoulder

Chateau Ausone 1900 brought by Steve. What is curious is that the capsule, which is damaged, looks to be rather young.

nice label

Chateau Montrose 1900 brought by Laurent Vialette

Chateau Lafite-Rothschild 1986 and Chateau Mouton-Rothschild 1986 brought by Jeffrey Davies

Chateau Haut-Brion 1986 brought by Laurent Vialette

Chambertin Leroy 1955

brought by Steve

Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1891 brought by Thomas Henriot

Chateau d’Yquem 1906

It has been bottled by a negociant Guithon as it was usual at that time. The colour is perfect.

It is a curiosity. According to the cellar’s book, it could be a Constantia South Africa middle of 19th century.

Porto Burmester 1890 brought by Laurent Vialette

 

116ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent samedi, 18 avril 2009

J’ai pris l’habitude de comptabiliser dans les dîners de wine-dinners ceux que je fais à Paris avec mon ami collectionneur californien Steve. L’esprit est différent ce soir puisque les participants sont mes invités et les vins sont apportés par plusieurs personnes. A ce titre, on serait plus proche des objectifs de l’académie des vins anciens. Mais la recherche d’un niveau de haute gastronomie justifie que ce dîner soit inscrit dans ceux de wine-dinners. Il prendra donc le numéro 116 et c’est sans doute le dîner où il y aura eu le plus grand nombre de vins anciens : dix de 70 ans et plus, dont six du 19ème siècle. Une première.

Je vais ouvrir toutes les bouteilles à 17 heures, les miennes et celles de mes amis. Les odeurs les plus fortes sont celles du Laville Haut-Brion 1947, explosive et celle du Montrose 1900, toute en fruits rouges. L’odeur la plus fatiguée est celle de l’Yquem 1906, très poussiéreuse, mais tout indique que le vin se reconstituera. La bouteille très ancienne de ce que je pense être un Constantia d’Afrique du Sud du milieu du 19ème siècle délivre le parfum d’un vin plutôt sec aussi demande-je à Philippe Bourguignon que l’on ajoute un Comté pour ce vin. Le bouchon de l’Ausone 1900 porte bien la mention de l’année mais aucune indication d’une année de rebouchage, car bouchon et capsule sont récents. Le parfum le plus charmeur est celui du Porto 1890.

Les participants du dîner sont Steve, mon ami californien et son fils Wesley, Jeffrey Davies, négociant américain à Bordeaux mais aussi vigneron et sa femme Françoise, Laurent Vialette, négociant en vins anciens à Bordeaux et expert en vins et sa compagne Violaine, Thomas Henriot, viticulteur au Château de Poncié à Fleurie, mon fils Frédéric, mon gendre Guillaume et moi.

Pour situer les choses, voici les apports de chacun. Les vins apportés par Steve : Champagne Cristal Roederer rosé 1985, Champagne Perrier-Jouët 1911, Montrachet Bouchard Père & Fils 1939, Château Ausone 1900, Chambertin Leroy Négociant 1955. Les vins apportés par Laurent : Château Laville Haut-Brion 1947, Château Montrose 1900, Château Haut-Brion rouge 1986, Porto Burmester 1890. Les vins apportés par Jeffrey : Château Mouton-Rothschild 1986, Château Lafite-Rothschild 1986. Le vin apporté par Thomas : Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1891. Les vins que j’ai apportés : Château de Longueville au Baron de Pichon Longueville 1904, Château Lafite 1900, Constantia Afrique du Sud vers 1850, Château d’Yquem 1906.

La liste des vins a souvent changé ainsi que la composition de la table. Il fallut la patience de Philippe Bourguignon pour que nous arrivions à bâtir un menu qui fut une réussite absolue. Voici le menu composé par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret : Homard en salade / « Royale » et queues d’écrevisses légèrement frottées au curry, mousserons et fleurette thym-citron / Foie gras de canard poêlé, primeurs en aigre doux / Carré d’agneau de lait des Pyrénées grilloté / Sot-l’y-laisse et fregola sarda aux dernières truffes noires / Morilles farcies, écume d’une sauce poulette / Comté 36 mois / Millefeuille garni d’une mousseline aux agrumes et caramel de beurre salé / Sorbet cacao et palmiers

Dans le beau salon d’entrée du restaurant Laurent, nous prenons l’apéritif avec un Champagne Cristal Roederer rosé 1985. La couleur est d’un saumon gris, la bulle est normalement active et le nez est assez ingrat. Mais en bouche ce qui est très plaisant, c’est que ce champagne fait plus champagne que rosé. On a l’impression de boire un vrai champagne, qui ne montre quasiment aucun signe d’évolution. Le champagne est de longueur limitée et n’a pas une folle imagination mais il se boit avec plaisir.

Quand nous passons à table, Steve exauce l’un de mes vœux les plus chers. En Champagne, 1911 est une année de légende, et je n’ai jamais bu un exemplaire de cette année difficile à trouver. Aussi, lorsque je suis servi du Champagne Perrier-Jouët 1911, je ne boude pas mon plaisir. La couleur est assez grise, le nez est délicat, la bulle est rare mais présente. Jean-Philippe, jeune sommelier qui m’avait assisté lorsque j’avais ouvert toutes les bouteilles du dîner a servi le champagne avant le plat, ce qui est contraire à mes recommandations. Aussi le goût du champagne sans fard est-il assez fatigué. Lorsque le homard est servi, il joue le rôle d’élixir de jouvence pour le champagne qui revit. Il s’anime et devient d’une douceur exquise. L’accord avec la chair du homard est remarquable.

Deux vins sont prévus sur les écrevisses aussi fais-je servir en premier le Montrachet Bouchard Père & Fils 1939, pour que le Château Laville Haut-Brion 1947 au parfum explosif n’écrase pas le bourguignon. Le Montrachet 1939 est le troisième que je bois de cette année et c’est le seul qui a son bouchon d’origine, les deux précédents provenant de la cave de Bouchard. Stéphane Follin-Arbelet, directeur général de Bouchard, qui savait ce que nous allions boire, est intéressé par la prestation des vins de son domaine et m’a demandé de rédiger des notes de dégustation. Ayant peur de ne pas répondre avec toute la précision qu’il souhaiterait, j’ai mis à contribution Philippe Bourguignon. Voici ce qu’il écrit : « la couleur est d’or ambré, le nez est puissant, plus agrumes et quinquina que champignon. Il est au stade feuilles séchées d’automne et infusion. Ses ressources sont nobles. Sa présence en bouche est ronde et sa persistance assez longue ». Cette analyse me convient. J’ajouterais que le vin s’accorde merveilleusement avec la chair des écrevisses, alors que le Laville épouse magnifiquement les mousserons et la crème légère. Le Laville au parfum impérieux est d’une rare puissance. Personne ne pourrait donner un âge à ce bordeaux à la jeunesse folle. C’est un magistral vin blanc. Il est à noter qu’aucun des deux blancs ne nuit à l’autre. Ce sont deux trésors de leurs régions.

Le foie gras a la délicatesse nécessaire pour accueillir deux vins subtils. Le Château de Longueville au Baron de Pichon Longueville 1904 a une belle étiquette lisible, et c’est la première fois que je lis l’usage du « au » dans le nom d’un vin. Pourquoi dit-on Château « au » Baron ? C’est une énigme. Le niveau du vin est dans le goulot ce qui est rarissime pour un vin de 105 ans au bouchon d’origine. Hélas, le vin a une acidité trop présente qui limite le plaisir. Le Château Lafite 1900 à l’inverse a un niveau sous l’épaule. De peur d’un défaut j’avais apporté une autre bouteille de Lafite 1900. Lorsque j’ai ouvert la plus basse, l’examen des odeurs, que j’ai fait contrôler par Philippe Bourguignon m’a encouragé à le laisser seul, d’autant que seize vins pour dix personnes dépassent déjà les normes. J’ai bien fait de conserver cette bouteille, car si le vin ne peut cacher sa fatigue, il montre une douceur et un velouté qui sont charmants. J’adore ce goût chamarré que met encore plus en valeur le foie gras de la même douceur.

Le carré d’agneau est magnifique et fait comme un gant pour deux vins de 1900 de compétition. Est-ce que le Château Ausone 1900 contient 100% de vin de 1900, il est possible d’en douter, mais le résultat final ne jure pas à côté des deux autres vins de 1900 et s’il y a coupage, ce fut parfaitement réalisé. Le vin est excellent. A côté de lui, le Château Montrose 1900 qui avait à l’ouverture explosé de fruits rouges au point que je l’avais vite rebouché pour conserver ce trésor olfactif, est d’un charme extrême. On ne peut s’empêcher de chercher quels 1900 l’on préfère et la tentation naturelle est que Laurent aime son Montrose, que Steve aime son Ausone et que j’aime mon Lafite 1900. On aime toujours ses enfants. En qualité pure, je classerais ainsi : Ausone, Lafite et Montrose, mais au moment des votes je mettrai Lafite devant, car je suis fier de la prestation de mon bébé centenaire.

Les trois vins de 1986 sont vraiment dans une forme éblouissante. Classer des vins si parfaits est l’expression d’un goût personnel. Le Château Haut-Brion rouge 1986 semble le plus complet des trois. Le Château Mouton-Rothschild 1986, moins conventionnel est peut-être le moins brillant, mais à un niveau qui ferait pâlir beaucoup d’autres vins. Le Château Lafite-Rothschild 1986 est pour moi le plus charmant, le plus émouvant. Je classe donc Lafite, Haut-Brion et Mouton. Le plaisir de ces trois vins est tel que je me suis posé la question : si des vins de cette qualité sont si brillants et épanouis à vingt-trois ans, avec une richesse, une jeunesse et un allant plein de brio, à quoi sert-il d’explorer des vins de plus de quatre-vingts ans de plus ? Je peux aisément comprendre qu’il y a en ces trois vins de quoi combler l’amateur le plus exigeant. On pourrait donc sans problème ne pas passer « au-delà du miroir » et ne pas entrer dans le pays des merveilles des vins anciens. Cet intermède de vins « très jeunes » m’a convaincu qu’il faut aimer les deux mondes du vin, celui des jeunes et celui des vieux. La série suivante allait me convaincre une fois de plus des trésors de « l’au-delà du miroir ».

Comme lors de mon déjeuner avec Aubert de Villaine, les morilles ont le don d’émoustiller les bourgognes. Le Chambertin Leroy Négociant 1955 est un vin de grande stature. Sa couleur est entre rose et rouge, avec une trace visuelle de thé. Le nez est délicieusement bourguignon avec un peu d’amertume. En bouche, c’est un grand bourgogne mesuré, qui ne fanfaronne pas mais décline une salinité convaincante.

Voici ce que Philippe Bourguignon a écrit sur le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1891 : « la couleur est dépouillée, sans fond, tuilée, orangée. Le nez est très fin, bien complexe, encore racé, bien présent et aidé par une acidité volatile discrète qui pousse des odeurs de terre humide, de cave, de violette. Envoûtant, distingué, il n’a pas de caractère viscéral. Le cœur de bouche est rond, assez séveux, sans tanin. Puis le vin mincit en fin de bouche, sans sécher. Il ne fait pas son âge. C’est un vin troublant ».  Je ne sais pas quand Philippe a écrit ce texte qui m’a été remis après son départ, car il n’a pu finir son service, touché par un rhume de printemps. Mais mon impression est beaucoup plus laudative pour ce vin plein de charme, à la salinité délicieuse et à la pureté bourguignonne impérissable. Les morilles l’ont dopé.

La magnifique demi-bouteille de plus d’un siècle et demi contient-elle du Constantia d’Afrique du Sud vers 1850 comme le livre de la cave que j’ai achetée pourrait me faire croire ? Lorsque j’avais ouvert la bouteille, le vin paraissait sec, d’où l’ajoute du Comté qui accompagne magnifiquement ce vin si on en croque de tous petits morceaux. Le vin a regagné du sucre que je croyais qu’il avait perdu. Ce vin est nettement meilleur que celui que j’avais partagé récemment lors d’un déjeuner avec un faux Pétrus 1936. Et ce pourrait bien être un Constantia car il a beaucoup de charme.

Le Château d’Yquem 1906 a bien profité des six heures d’ouverture, car toute poussière a disparu de son odeur qui est maintenant lourde et caramélisée. Le vin a une couleur très sombre, le caramel n’est pas pesant et le vin a une structure de bel Yquem dans des tons fort sucrés. Sa longueur est respectable et fait oublier une petite fatigue.

Le Porto Burmester « Reserva Novidade » 1890 est un moment de plaisir pur, car c’est la séduction doucereuse comme une danse des sept voiles. Le parfum de ce vin s’était manifesté avant même l’ouverture, puisqu’il transperçait le bouchon ! Des odeurs de poivre et de réglisse me rappelaient mes vins de Chypre. En bouche il est beaucoup plus léger et l’alcool ne le marque pas trop. C’est un vin élégant de pur plaisir, avec des évocations de fruits bruns de sucre roux et d’alcool léger. C’est un porto très charmeur.

Nous somme tout retournés par l’accumulation de tant de splendeurs. Et les accords ont été vibrants, le restaurant Laurent confirmant son intelligence particulière des situations. Le homard sur le champagne de 1911 était raffiné, l’écrevisse avec le Montrachet est très probablement le plus bel accord. Mais la douceur du foie gras sur le Lafite 1900 ou la chair de l’agneau de lait sur l’Ausone 1900 peuvent entrer en compétition dans l’excellence. Les traces qu’ont laissées les truffes sur les 1986 étaient plus que justifiées et les morilles sur l’Enfant Jésus 1891 d’une complémentarité indispensable. Tout fut bon.

Le vote est extrêmement difficile et comme il est naturel, chacun aime bien ses propres vins. Sur seize vins pour dix votants, il n’y a que trois vins qui ne figurent dans aucun quinté. Ce sont le Cristal Roederer rosé 1985, le Pichon Baron 1904 et le Mouton 1986. Les treize autres vins sont entrés dans les quintés, quatre d’entre eux récoltant des places de premier. Le Beaune Grèves 1891 a reçu quatre places de premier, l’Ausone 1900 trois places de premier, le Laville 1947 deux et l’Yquem 1906 une.  

Le vote du consensus serait : 1 – Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1891, 2 – Château Laville Haut-Brion 1947, 3 – Château Ausone 1900, 4 – Château d’Yquem 1906, 5 – Château Montrose 1900.

Mon vote est : 1 – Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1891, 2 – Champagne Perrier-Jouët 1911, 3 – Château Lafite 1900, 4 – Château Ausone 1900, 5 – Porto Burmester « Reserva Novidade » 1890.

Seize vins pour dix convives, c’est trop, mais comment freiner la générosité des participants ? Alors que je n’encourage pas dans mes dîners des comparaisons, les triplettes de 1900 et de 1986 ont pu être bues sans que leur compétition ne prenne le pas sur le plaisir de les boire. L’ambiance fut amicale, le restaurant Laurent est certainement le plus accueillant pour ce genre d’exercice. Jamais il n’y avait eu à ma table autant de vins anciens. Il reste plus de quatre-vingt-dix ans avant que le siècle ne se finisse, avec hélas la certitude que cela se produise sans moi. Mais pourquoi ne pas dire que ce repas est le « repas du siècle » ? Ça n’ajoute rien au plaisir que nous avons partagé. Mais rêvons un peu….  

116th dinner – pictures samedi, 18 avril 2009

The group of wines

Two interesting corks : Pichon Baron 1904 and Lafite 1900

All the corks

Homard en salade, (I forgot to take a picture of this dish, very traditional)

« Royale » et queues d’écrevisses légèrement frottées au curry, mousserons et fleurette thym-citron

Foie gras de canard poêlé, primeurs en aigre doux

Carré d’agneau de lait des Pyrénées grilloté

Sot-l’y-laisse et fregola sarda aux dernières truffes noires

Morilles farcies, écume d’une sauce poulette

Comté 36 mois

Millefeuille garni d’une mousseline aux agrumes et caramel de beurre salé

Sorbet cacao et palmiers

The table with "some" glasses

Some people drink more than others !