Casual Friday à la Maison Rostang vendredi, 22 décembre 2023

Il y a longtemps que nous n’avions pas fait de Casual Friday. C’était surtout avec Gérard Besson que nous en faisions car sa connaissance des vins permettait de choisir un menu pertinent, tenant compte des apports variés des convives.

Je contacte quelques amis et une table se forme. La surenchère des générosités fait qu’un des amis pense raisonnable que nous fassions deux repas avec ce qui est proposé. Nous déciderons sur place.

J’arrive un peu avant 11 heures du matin au restaurant Maison Rostang pour ouvrir les vins que chacun a apporté la veille et ouvrir les miens.

Je commence par ouvrir le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1967 qui a un niveau assez bas. Le bouchon est très abîmé. Les odeurs sont assez incertaines mais le vin peut s’améliorer.

Le Chambertin 1966 de Louis Latour qui n’a qu’un an d’écart avec le Richebourg montre un bouchon extrêmement sain et un parfum brillant. Quel contraste entre les deux.

Le Chablis Montée de Tonnerre 1989 a un parfum magnifique et intense. La Côte Rôtie La Mouline 1980 a un parfum plus discret mais prometteur. J’ouvre ensuite le Krug Private Cuvée des années 1960 et à ma grande surprise le bouchon m’a presque échappé des mains tant le pschitt m’a montré sa puissance. Le bouchon était d’une forte noirceur de saleté, mais une fois essuyé, le parfum est apparu remarquable.

Le parfum de l’Yquem 1962 est tonitruant.

Jérémy le sommelier fidèle qui a fait tant de dîners avec moi ouvre un magnum de Veuve Clicquot. Le nez est frais et cinglant.

Les amis arrivent, l’un d’entre eux ayant prévenu qu’il serait en retard. Le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame magnum 1990 est d’une vigueur extrême, tranchant comme un sabre japonais. Il a encore beaucoup de signes de jeunesse et donnerait envie qu’on le garde encore en cave. Il est très grand.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 60 est sur un tout autre registre. Tout en lui est rond, charmeur, délicieux. Quel charme, quelle noblesse. Ce champagne est d’un plaisir infini.

Il est servi sur des coquilles Saint-Jacques à peine poêlées en même temps que le Chablis Montée de Tonnerre Premier Cru Jean-Marie Raveneau 1989. Sa puissance est extrême ainsi que sa noblesse. Il s’exprime beaucoup plus en grand cru qu’en premier cru. C’est le chablis parfait.

Nous avons maintenant des quenelles de brochet et ce ne serait pas opportun de les associer à un bourgogne. Jérémy ouvre le Pétrus 1996 d’un des amis et nous sommes ravis. Il est dans un état de maturité idéal car il est fringant comme un jeune gamin tout en ayant acquis une belle opulence. C’est manifestement la belle expression d’un Pétrus jeune de 27 ans.

Trois vins sont servis ensemble, un Richebourg, un Chambertin et une Côte Rôtie. Je suis face à une situation étonnante. Alors que je suis très sensible au nez de bouchon que je détecte aisément, je ne sens aucun nez de bouchon de la part du Richebourg, alors que tous mes voisins de table l’ont détecté. J’essaie de le trouver puisque mes amis insistent, mais je ne le ressens pas. Comment est-ce possible ? La seule solution serait qu’ayant tellement envie que le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1967 brille, je cherchais tous les indices positifs en omettant tout ce qui gênerait ma découverte. Il est vrai que ce Richebourg est fatigué. J’ai reconnu quelques émotions typiques, mais pas de quoi m’émerveiller. Pourquoi n’ai-je pas ressenti le nez de bouchon, ni en bouche, mystère.

Le Chambertin Cuvée Héritiers Latour Louis Latour 1966 est d’une grande élégance, fluide et délicat. Sa fraîcheur est celle d’un chambertin plus jeune de trente ans. C’est un plaisir de le boire sur un lièvre à la royale que beaucoup autour de cette table considèrent comme l’un des plus grands qu’ils aient mangé. Alors que le lièvre est puissant sans être marqué par un goût de gibier, l’association avec le vin subtil est très agréable.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1980 est une superbe Mouline tempérée, intense mais sans excès. J’ai ressenti un finale qui n’est pas très précis que mes amis n’ont pas détecté. Nos palais n’étaient pas au même diapason pour deux vins. La Mouline est grande et probablement la plus adaptée à la puissance du lièvre. Un régal.

Piqué au vif par la contreperformance du Richebourg, j’ouvre impromptu un Châteauneuf-du-Pape Réserve des Chartes Léopold Ranc 1947. Tout le monde me taquine pour ma religion de l’oxydation lente car ce vin ouvert à la dernière minute est absolument exceptionnel, encore plus adapté que les autres au lièvre et aux fromages. Bien évidemment des vins ont d’emblée un équilibre royal et l’oxygénation lente est justifiée pour ressusciter des vins au réveil lent. Ce vin est d’un charme fou et d’un équilibre rare, suave, charmeur et velouté. L’année 1947 est exceptionnelle pour beaucoup de région dont les vins de Châteauneuf. L’époisses est divin avec ce vin.

Pour le Château d’Yquem 1962 à la belle couleur encore peu ambrée il y aura deux fromages à la pâte bleue, un irlandais et un français. La maturité de ce liquoreux est parfaite. On dirait volontiers que c’est le gendre idéal.

Le soufflé au Grand Marnier est associé à un Champagne Dom Ruinart rosé magnum 2007. Ce champagne est idéal pour le dessert et pour éviter d’être poignardé par l’alcool qui noie généreusement le dessert. C’est un rosé très subtil et de grande personnalité promis à un bel avenir.

Nous avions dit au début du repas que nos apports méritaient d’être répartis sur deux repas plutôt qu’un. Comme nous avons bu l’équivalent de douze bouteilles pour six convives, il va falloir regarnir les réserves pour le prochain Casual Friday de janvier.

Si j’utilise la notation PIME PAME PUME (performs inside my expectation or above or under) je dirais que les PAME, surprises au-dessus de mes attentes sont, sans ordre : Krug Private Cuvée, Chablis Montée de Tonnerre 1989, Pétrus 1996, Chambertin 1966 et Châteauneuf 1947. Cela fait beaucoup de belles surprises, qui n’excluent pas les belles performances plus attendues d’autres vins.

Dans une ambiance joyeuse, nous avons lancé un beau coup d’envoi aux réjouissances de Noël.

Bulletins du 2ème semestre 2023, du numéro 999 à 1013 dimanche, 17 décembre 2023

Bulletins du 2ème semestre 2023, du numéro 999 à 1013

Pour lire le bulletin de votre choix, on clique sur le lien pour ouvrir le pdf de ce bulletin / to read a bulletin, click on the link of this bulletin.

(bulletin WD N° 1013 231219)    Le bulletin n° 1013 raconte : arrivée au château d’Yquem, fin de mise au point du menu du 279ème dîner, ouverture d’un Yquem plus que centenaire, dîner à la maison Darroze à Langon, déjeuner au château d’Yquem avec les cadres qui « font » Yquem et ouverture des vins du dîner.

(bulletin WD N° 1012 231128)    Le bulletin n° 1012 raconte : trois repas successifs avec mon fils et des vins spectaculaires et originaux, déjeuner avec des amis belges au restaurant Pages avec de magnifiques vins anciens.

(bulletin WD N° 1011 231122)    Le bulletin n° 1011 raconte : dîner au restaurant L’Ecu de France, déjeuner au même endroit peu après, déjeuner au restaurant Pages avec quatre vins centenaires, déjeuner avec mon fils conclu par un Calvados de cent vingt ans.

(bulletin WD N° 1010 231114)    Le bulletin n° 1010 raconte : dégustation et dîner à la maison familiale de la maison Krug, déjeuner au restaurant l’Assiette Champenoise pour les 80 ans de notre club de conscrits et déjeuner de famille avec ma fille cadette.

(bulletin WD N° 1009 231107)    Le bulletin n° 1009 raconte : 277ème déjeuner au restaurant Pages, déjeuner au restaurant Relais Plaza, dîner au restaurant Le Procope et arrivée à l’Assiette Champenoise en vue d’un séjour à Reims avec mes conscrits.

(bulletin WD N° 1008 231028)    Le bulletin n° 1008 raconte : visite d’une usine de fabrication de bouchons de la société Amorim, déjeuner dans la maison familiale, interviews sur la donation de bouchons que j’ai faite, dîner chez Antonio Amorim, dégustation à la maison de Porto Niepoort avec Dirk Niepoort, ouverture des vins d’un déjeuner avec des amateurs de Singapour et d’Afrique du Sud.

(bulletin WD N° 1007 231020)    Le bulletin n° 1007 raconte : déjeuner ‘Enigma’ au Sergent Recruteur avec le gagnant d’une énigme, déjeuner au restaurant Abysse, départ à Porto et dîner au restaurant Gaveto du port de Porto avec le président de la société Amorim.

(bulletin WD N° 1006 231012)    Le bulletin n° 1006 raconte : dernier repas de notre long séjour dans le sud et déjeuner impromptu au restaurant Pages avec de très grands vins.

(bulletin WD N° 1005 231006)   Le bulletin n° 1005 raconte : le grand repas du 15 août dans le sud, couscous et vin américain, apéritif au champagne, déjeuner au champagne et déjeuner avec un grand collectionneur de vins.

(bulletin WD N°1004 230926)    Le bulletin n° 1004 raconte : dîner de Rimauresq après la visite au domaine Rimauresq, troisième dégustation des vins de ce domaine, accueil d’amis du 15 août, déjeuner de fruits de mer, et déjeuner chez des amis, préparatoire du repas du 15 août.

(bulletin WD N° 1003 230913)    Le bulletin n° 1003 raconte : déjeuner avec un vin inconnu, dîner avec des amis et un beau Rimauresq, troisième déjeuner au restaurant Alexandre Mazzia à Marseille et visite et dégustation au domaine Rimauresq.

(bulletin WD N° 1002 230906)    Le bulletin n° 1002 raconte : repas dans le sud avec mon fils, dîner au restaurant Tom Cariano, encore un repas avec mon fils et un repas d’anniversaire et dîner au whisky dans une grande villa de Saint-Tropez louée par Moët Hennessy.

(bulletin WD N° 1001 230830)    Le bulletin n° 1001 raconte : curieux déjeuner dans un restaurant de plage, deux repas avec mon fils et de grands vins et déjeuner au restaurant A.M. d’Alexandre Mazzia à Marseille.

(bulletin WD N° 1000 230822)    Le bulletin n° 1000 raconte : quelques réflexions et souvenirs à l’occasion du bulletin 1000.

In English :(Bulletin WD N° 1000 230822 ENGLISH TRANSLATION)

(bulletin WD N° 999 230713)    Le bulletin n° 999 raconte : la 38ème séance de l’académie des vins anciens au restaurant Macéo et déjeuner au restaurant A.M. d’Alexandre Mazzia, trois étoiles à Marseille.

Penfolds Grange à Miami vendredi, 15 décembre 2023

Dans un beau restaurant Doma à la cuisine italienne nous buvons un Penfolds Grange Bin 95 2003 apporté par mon fils. J’adore ce vin comme j’adore Vega Sicila Unico, car les deux combinent puissance, fluidité et charme, avec un finale mentholé. C’est le point final de ce beau séjour américain.

Dinner with friends in Miami mercredi, 13 décembre 2023

Some of my son’s friends want to have a wine dinner. There are six of them, which means we have to have dinner somewhere other than my son’s. We are going to visit a wine merchant, Happy Wine in the Grove which sells wine but also has a restaurant. Upstairs, we could privatize the very pretty large room.

A few days later, the group of six was reduced to two, which changed the program a little but did not prevent us from keeping the pretty room.

When the day comes, at 3 p.m., I open my son’s two Bordeauxs, a Latour 1984 and a Cheval Blanc 1969. Both wines need time for the flavors to blossom. My son adds to his contribution a Charlemagne by Louis Jadot 2003, which will be opened if necessary. My contribution will be an IWA 5 sake that Richard Geoffroy gave me a few days ago when we met, taking advantage of the concordance of our presence in Miami.

There are six of us at dinner, Austin, my son’s friend, who came with his wife Eileen and three lovely wines, Adnan, another friend of my son, and Abdo, the young owner of the shop and restaurant Happy Wine in the Grove, created by his Colombian father.

The unopened wines are opened when the guests arrive, except those from Austin which he had opened in advance as we had done.

We will eat appetizers based on Iberian ham or cheese, tapas, paella, various meats accompanied by fries and other vegetables. The dishes will jostle in no precise order, but this is not a problem.

The Champagne Blanc des Millénaires Charles Heidsieck 2004 is impressively intense. He is lively, sharp and has a very nice personality.

The Champagne Pol Roger Winston Churchill 1990 is the exact opposite of the previous one, because it is all charm and presence. What a great champagne! A delight. The two champagnes are complementary.

The Charlemagne Louis Jadot 2003 is not very powerful but I find it very pleasant. It is not in the class of the greatest, but we can appreciate it with pleasure. It should be noted that if you drink Pol Roger just after drinking Charlemagne, the champagne gains in width and strength. Wine propels champagne.

The Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014 is fascinating. It has an incredible length. His message is very fresh and fluid and never ends. It’s pure aesthetic joy. We are all won over by wine of rare nobility. Which length !

Sake IWA 5 now appears. I had tried to read the recommendations for serving temperature for sake, but there are so many possible cases that I preferred to serve it quite cold. None of us has sufficient knowledge to grasp the subtleties of this pleasant, slightly sweet liquid and a sensitive and delicate alcohol. It is imperative that I ask Richard Geoffroy to introduce me to the world of this beautiful sake.

We wouldn’t normally expect much from a 1984 Château Latour due to its vintage, but we know that with time, small vintages improve. This is the case of this Latour, who is not one of the greatest but shows that he is of good lineage. A very pleasant wine.

Château Cheval Blanc 1969 is one of the very great wines, even if its vintage does not suggest it. Rich, structured, intense, it is a very great wine with extreme complexity and a youth which disturbs several guests, still marked by the periods of « drinkability » falsely predicted by Robert Parker.

The Clos de Tart 1985 is acclaimed by everyone at the table, because we rarely drink this legendary wine and in this great vintage. I am the only one who is not won over because his alcoholic strength prevents him from being balanced. We feel the great wine, but not integrated, at least for my taste.

For dessert, Ado opened a Château Rieussec 2001 with a strangely dark color for such a young wine. Its scent and taste of a great year are absolutely delicious.

I told a lot of anecdotes because I felt that my guests appreciated them. My presence on Instagram certainly has influence, to the point that Abdo’s deputies who did the service all wanted to be photographed with me.

It was a great opportunity to vote for the five favorite wines of the nine wines served. The Corton Charlemagne had three first votes, the Clos de Tart two first votes and the Cheval Blanc one first vote.

The vote of the entire table is: 1 – Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014, 2 – Clos de Tart 1985, 3 – Champagne Pol Roger Winston Churchill 1990, 4 – Château Cheval Blanc 1969, 5 – Champagne Blanc des Millénaires Charles Heidsieck 2004.

My vote is: 1 – Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014, 2 – Champagne Pol Roger Winston Churchill 1990, 3 – Château Cheval Blanc 1969, 4 – Champagne Blanc des Millénaires Charles Heidsieck 2004, 5 – Château Rieussec 2001.

The kindness of everyone and their generosity made this meal a great moment of sharing. It’s extremely pleasant.

Dîner d’amis à Miami mercredi, 13 décembre 2023

Des amis de mon fils désirent faire un dîner de vins. Ils s’annoncent à six ce qui impose de dîner ailleurs que chez mon fils. Nous allons visiter un marchand de vins, Happy Wine in the Grove qui vend du vin mais fait aussi restaurant. A l’étage, nous pourrions privatiser la très jolie grande salle.

Peu de jours après, le groupe de six n’est plus que de deux, ce qui change un peu le programme mais n’empêche pas de garder la jolie salle.

Le jour venu, dès 15 heures, j’ouvre les deux Bordeaux de mon fils, un Latour 1984 et un Cheval Blanc 1969. Les deux vins ont besoin de temps pour que les parfums s’épanouissent. Mon fils ajoute à son apport un Charlemagne de Louis Jadot 2003, qui sera ouvert en cas de besoin. Mon apport sera un saké IWA 5 que m’a offert Richard Geoffroy il y a quelques jours lorsque nous nous sommes rencontrés, profitant de la concordance de nos présences à Miami.

Nous sommes six à dîner, Austin ami de mon fils venu avec son épouse Eileen et trois jolis vins, Adnan autre ami de mon fils et Abdo le jeune propriétaire de la boutique et du restaurant Happy Wine in the Grove, créés par son père colombien.

Les vins non ouverts le sont à l’arrivée des convives, sauf ceux d’Austin qu’il avait ouverts à l’avance comme nous l’avions fait.

Nous mangerons des amuse-bouches à base de jambon ibérique ou de fromages, des tapas, une paella, des viandes diverses accompagnées de frites et autres légumes. Les plats se bousculeront sans ordre précis, mais cela n’est pas gênant.

Le Champagne Blanc des Millénaires Charles Heidsieck 2004 est d’une intensité impressionnante. Il est vif, tranchant et d’une très belle personnalité.

Le Champagne Pol Roger Winston Churchill 1990 est l’exact opposé au précédent, car il est tout en charme et en présence. Quel grand champagne ! Un régal. Les deux champagnes sont complémentaires.

Le Charlemagne Louis Jadot 2003 n’est pas très puissant mais je le trouve fort agréable. Il n’est pas dans la classe des plus grands, mais on peut l’apprécier avec plaisir. Il est à noter que si l’on boit le Pol Roger juste après avoir bu du Charlemagne, le champagne gagne en largeur et en force. Le vin propulse le champagne.

Le Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014 est fascinant. Il a une longueur invraisemblable. Son message très frais et fluide et ne finit pas. C’est du bonheur esthétique pur. Nous sommes tous conquis par de vin d’une rare noblesse. Quelle longueur !

Le Saké IWA 5 apparaît maintenant. J’avais essayé de lire les recommandations de température de service du saké, mais il y a tellement de cas possibles que j’ai préféré qu’on le serve assez frais. Aucun de nous n’a une connaissance suffisante pour saisir les subtilités de cet agréable liquide légèrement sucré et d’un alcool sensible et délicat. Il faut impérativement que je demande à Richard Geoffroy de me faire entrer dans le monde de ce beau saké.

On n’attendrait normalement pas beaucoup d’un Château Latour 1984 du fait de son millésime, mais on sait qu’avec le temps, les petits millésimes s’améliorent. C’est le cas de ce Latour, qui ne fait pas partie des plus grands mais montre qu’il est de belle lignée. Un vin très agréable.

Le Château Cheval Blanc 1969 fait partie des très grands vins, même si son millésime ne le suggère pas. Riche, structuré, intense, c’est un très grand vin aux complexité extrêmes et d’une jeunesse qui trouble plusieurs convives, encore marqués par les périodes de « buvabilité » faussement pronostiquées par Robert Parker.

Le Clos de Tart 1985 est plébiscité par toute la table, car on boit rarement ce vin mythique et dans ce grand millésime. Je suis le seul à ne pas être conquis car sa force alcoolique empêche qu’il soit équilibré. On ressent le grand vin, mais pas intégré, du moins pour mon goût.

En guise de dessert, Ado a ouvert un Château Rieussec 2001 à la couleur étrangement foncée pour un vin si jeune. Son parfum et son goût d’une grande année sont absolument délicieux.

J’ai raconté beaucoup d’anecdotes car j’ai senti que mes convives les appréciaient. Ma présence sur Instagram a certainement de l’influence, au point que les adjoints d’Abdo qui ont fait le service ont tous voulu être photographiés avec moi.

L’occasion était belle que l’on vote pour les cinq vins préférés de neufs vins servis. Le Corton Charlemagne a eu trois votes de premier, le Clos de Tart deux votes de premier et le Cheval Blanc un vote de premier.

Le vote de l’ensemble de la table est : 1 – Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014, 2 – Clos de Tart 1985, 3 – Champagne Pol Roger Winston Churchill 1990, 4 – Château Cheval Blanc 1969, 5 – Champagne Blanc des Millénaires Charles Heidsieck 2004.

Mon vote est : 1 – Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 2014, 2 – Champagne Pol Roger Winston Churchill 1990, 3 – Château Cheval Blanc 1969, 4 – Champagne Blanc des Millénaires Charles Heidsieck 2004, 5 – Château Rieussec 2001.

La gentillesse de tous et leur générosité ont fait de ce repas un grand moment de partage. C’est extrêmement plaisant.

Séjour à Miami vendredi, 8 décembre 2023

Juste après l’académie des vins anciens je m’envole avec ma femme vers Miami. Accueilli par mon fils avec un Champagne Robert Moncuit Grand Cru Les Chétillons 2015 extra brut dégorgé en avril 2020. Voilà un bien beau départ de séjour qui accompagne des langoustes. Quel bonheur d’être en une cité où tout est propre et joyeux, avec de folles décorations de Noël.

Dans un mail Richard Geoffroy me dit qu’il aimerait beaucoup me revoir. Je lui réponds que c’est difficile puisque je suis à Miami. Il me répond : ‘moi aussi’. Nous nous rencontrons au bar de l’hôtel Biltmore, heureux de nous retrouver. Nous buvons de l’eau (!) et il m’offre une bouteille du saké qu’il produit, le saké IWA 5.

Dans un restaurant sympathique nous buvons un Gaja Sperss 1998 que j’adore pour sa richesse qu’accompagne beaucoup de grâce.

En diverses occasions avec mon fils chez lui, nous buvons un Tibouren Clos Cibonne Cuvée Caroline 1919 pour nous rappeler les vacances dans le sud, un solide Château Léoville Barton 2000 à la richesse distinguée, un Peñas Aladas Ribera del Duero 2016 et un Champagne Krug Grande Cuvée 170ème édition fort subtil.

Une autre fois mon fils ouvre un Champagne Mumm Extra Dry sans année, qui comme son nom ne l’indique pas est très doux et aimable. C’est une belle découverte.

Un grand moment est la visite d’un jardin botanique privé où l’on déjeune végan. La nature luxuriante et dans son état le plus authentique est un bonheur simple et particulier.

39ème séance de l’Académie des Vins Anciens mardi, 5 décembre 2023

La 39ème séance de l’Académie des Vins Anciens est une aventure à rebondissements. Vers le début novembre je m’aperçois avec horreur que je n’ai pas réservé le premier étage du restaurant Macéo où nous avons l’habitude de faire nos réunions. J’en informe Adrian Williamson qui gère l’organisation de nos réunions. Il m’informe que la salle est prise et que le client qui a réservé étant un client fidèle, il est exclu de lui demander de trouver une autre solution.

L’idée qui vient est de réserver la grande salle du rez-de-chaussée mais Adrian nous obligera à supporter une recette minimum. Pour ne pas payer en vain des forfaits la solution est de former un groupe beaucoup plus important que d’habitude. Alors que nous ne dépassons pas 36 personnes à l’étage, il faudrait être plus nombreux. Grâce à l’active réaction de quelques amis, nous arrivons à former un groupe de 45 personnes et à récolter, incluant mes vins, une palette de 57 vins dont quatre magnums, ce qui fait m’équivalent de 61 bouteilles de 75 centilitres.

C’est alors qu’Adrian m’annonce que son client annule sa réservation. La perte de recette s’annonce lourde. Adrian me dit : si vous étiez moins de 40, on pourrait faire la séance à l’étage. J’avais réussi à gonfler le nombre pour être en bas. Il devenait impossible de passer en haut avec le nombre d’inscrits.

Une fée devait avoir pris notre énigme entre ses mains car je me suis rendu compte que trois inscrits n’avaient pas confirmé leur présence. A 42, on pourrait tenter le coup alors qu’Adrian me limitait à 36. Nous partons sur cette idée. L’aide de la fée a deux facettes : une bonne, car le matin du jour de l’Académie, j’ai reçu quatre annulations. Une mauvaise, car il s’agit des quatre mexicains avec qui j’avais fait le 279ème repas il y a deux jours, et qui sont empêchés car l’un d’entre eux, suite à un malaise, est à l’hôpital à Paris pour examen. C’est vraiment dommage pour ces nouveaux amis qui voulaient explorer les deux types d’événements, les repas gastronomiques et l’académie.

Nous voilà donc 38 en quatre tables de dix ou neuf convives. Avec les 57 vins, cela fait une académie particulièrement généreuse.

A propos de générosité, certains académiciens sont allés très loin et j’ai décidé que ma table de dix accueillerait les plus généreux. Qu’on en juge : les apports de vins des inscrits de ma table, plus les miens, représentent 36 bouteilles sur les 57. Généralement, les participants aiment boire les vins qu’ils ont apportés. Il fallait choisir.

Ma table aura 19 vins des apporteurs et les 17 autres vins de leurs apports seraient partagés aux autres tables en plus des apports de chacun des académiciens.

Cela donne le programme suivant :

Les champagnes : Champagne Perrier Jouët Brut sans année, Champagne Veuve Clicquot Brut sans année, Champagne Veuve Clicquot Brut sans année, Champagne Louis Roederer Brut sans année, Magnum Champagne Vranken 1976, Champagne Lanson black label, Magnum Moët et Chandon Cuvée 250ème Anniversaire 1983, Magnum de Champagne Legras & Haas 1995.

La table 1 : Champagne Krug Private Cuvée étiquette olive, Meursault 1er cru Charmes 1931 de Roger Cavin (vidange), Blanc d’Algérie 1956 du domaine de la Trappe, Rosé d’Algérie 1945 du domaine Frédéric Lung, Sidi Brahim Rosé d’Algérie Vin fin Vieux 1961, Le Rabelais Algérie rosé 1952, Lung rosé Algérie 1942, Château Ausone 1937, Château Pichon Baron de Longueville 1928, Charmes Chambertin Louis Latour années 20 (vidange), Gevrey Chambertin 1er Cru Guichard Portheret 1929, Barolo 1912, Rouge d’Algérie 1947 du domaine Frédéric Lung, Moulin Touchais Anjou 1928, Haut Sauternes Boussay Cru Lamothe vers 1900.

La table 2 : Meursault Thomas Bassot 1966, Chassagne Montrachet 1947, Chablis Patriarche P&F 1943, Château Ferrand Pomerol 1983, Magnum de Château La Lagune 1970, Château Durfort-Vivens Margaux 1966, Volnay Lagrive 1953, Clos des Lambrays 1943 (mise marchand), Barolo Riserva Spéciale d’Aldo Conterno 1967, Riesling SGN Cru Eltviller Sonnenberg – Egon Mauer 1967, Château Gilette Crème de Tête 1937, Marc du domaine d’Ott 1929.

La table 3 : Pouilly-Fuissé maison de négoce1948, Meursault Jaboulet Vercherre 1938, Côtes du Jura Rosé 1976, Château Lagrange 1975 (niveau bas), Château TrotteVieille 1964, Château Calon Ségur 1973, Château Mouton Rothschild 1967 (niveau bas), Charmes Chambertin « union vinicole des propriétaires » 1959, Pommard La Commarine 1937, Gewurztraminer SGN Château d’Orschwihr 1989, Sainte Croix du Mont générique 1928.

La table 4 : Champagne Gosset Grand Millésime 1993, Chablis 1er cru Les Vaillons Alain Bayol 1984, Chablis Chanson P&F 1970, Château de Sales 1967, Château Haut-Bailly 1964, Fixin Clos du Chapitre Dufouleur & Fils 1959, Gevrey Chambertin Bouchard père et fils 1967, Château La Gardine Châteauneuf du Pape 1953, Vouvray Grde réserve cuvée Zoë Claude Villain Rochecorbon 1990, Monbazillac Chateau de la Salagre 1945, Massandra White Muscat 1961.

Jamais nous n’avons eu autant de vins. Pour mesurer à quel point cette réunion est exceptionnelle, voici les différents millésimes qui sont présents. Il y en a 31 pour ces 57 vins : 1900, 1912, 1920, 1928 (3), 1929 (2), 1931, 1937 (3), 1938, 1942, 1943 (2), 1945 (2), 1947 (2), 1948, 1952, 1953 (2), 1956, 1959 (2), 1961 (2), 1964 (2), 1966 (2), 1967 (5), 1970 (2), 1973, 1975, 1976 (2), 1983 (2), 1984, 1989, 1990, 1993, 1995, sans année (6). C’est absolument hors norme.

Je redoutais la séance d’ouverture des vins mais plusieurs académiciens sont venus m’aider, accompagnés de vins pour donner du cœur à l’ouvrage aux ouvreurs. Un Champagne Jacquessin 741 ultra brut à dégorgement tardif est rafraîchissant, tandis qu’un Asti Gancia Spumente très ancien est tout en douceur. Un vin russe est, comme on dit, hors de ma zone de confort car je n’ai pas de repère. Un ami alla même jusqu’à venir avec un Madère qu’il estime de 1800. Je le verrai plutôt cinquante ans plus jeune. Avec cette aide et les ‘carburants’ ajoutés, l’ouverture fut rapide et nous avons occupé le temps à boire ces apports généreux et discuter de tout et de rien.

Le menu concocté par Adrian est : carpaccio de Saint-Jacques de Normandie, kiwi et tartare d’algues / terrine du chef, canard, cochon et pistache, sucrine marinée au sésame / agneau de nos plaines confit dans le grenache 12 heures, giroles et purée / trio de fromages affinés par la maison Bordier / chocolat Saint-Domingue, noix fraîches et orange confite.

Ayant un genou qui crie à l’aide lorsque je reste longtemps en position verticale, l’apéritif s’est pris assis, chacun étant à sa table. C’est dommage car les discussions avec l’ensemble des convives sont intéressantes, et on ne sait plus très bien ce qu’on boit lorsqu’on est servi de plusieurs champagnes en même temps. Mais on essaie de se repérer.

J’ai été très impressionné par le Magnum de Champagne Legras & Haas 1995 d’une magnifique présence et par l’originalité extravagante du Magnum Champagne Vranken 1976 tellement atypique et passionnant.

Pour ma table, le grand moment du repas allait être la présence de six vins algériens soit blancs soit rosés. Il convient de rappeler que c’est il y a plus de 45 ans que j’ai découvert chez un épicier du Perreux sur Marne les vieux vins algériens qui m’ont subjugué. J’en ai acheté massivement et quand j’ai écrit sur les vins dès l’an 2000, plusieurs lecteurs intrigués ont eu la curiosité de s’y intéresser. Les prix ont augmenté et ces vins sont devenus presque introuvables et inaccessibles. Les plus curieux sont devenus des fidèles de l’académie ce qui explique cette mise en commun exceptionnelle.

Voici la brochette quasi irréelle que nous avons partagée. Le Blanc de Blancs Vin Fin extra-sec Alger Eschenauer années 50 est un vin d’une grande puissance et persuasif. Racé, son expression impressionne.

Le Domaine de la Trappe Vin Fin Henri Borgeaud rosé Algérie 1956 est un vin plus calme mais lui aussi très expressif. Le Frédéric Lung rosé 1945 est un vin totalement exceptionnel. Il est magique. Il combine la puissance des vins d’Algérie avec des accents gracieux. C’est l’élégance absolue.

Le Frédéric Lung rosé 1942 est presque aussi grand que le 1945. Il joue juste un ton en dessous, mais reste exceptionnel.

Le Rabelais Haut-Dahra rosé 1952 est très original. Il a un charme fou. C’est une autre acception du rosé algérien qui m’intéresse, car je suis plus habitué aux vins de Frédéric Lung. Il y a dans ce vin des notes de café.

Le Sidi Brahim Vin Fin Vieux rosé Vins Vigna Chalon-sur-Saône 1961 pourrait être l’énigme dans un concours de dégustation à l’aveugle. Qui oserait dire Sidi Brahim en buvant ce vin puissant et expressif quand Sidi Brahim avait l’image d’un vin plus qu’ordinaire.

A ma table, nous sommes tous conscients de vivre un moment unique qui a toutes les chances de ne pas pouvoir se reproduire, puisque beaucoup de ces vins sont devenus introuvables. Mon classement de ces six vins est : 1 – Lung 1945, 2 – Lung 1942, 3 – Rabelais 1953, 4 – Blanc de Blancs années 50, 5 – Sidi Brahim 1961, 6 – La Trappe 1956.

Autour de la table l’émotion est palpable. L’intensité de ces vins puissants et riches est étonnante. C’est un moment de l’histoire qui ne peut plus se poursuivre, puisque ces vins ne se font plus. Essayez de dire à vos amis : j’ai bu des rosés, d’abord d’Algérie, ensuite de plus de cinquante ans et on vous regardera comme une bête curieuse.

Il y a à notre table beaucoup d’autres vins. Le Champagne Krug Private Cuvée étiquette olive n’est pas ce qu’il aurait dû être avec énormément de sédiment. Certainement un problème de température de stockage.

Le Meursault 1er cru Charmes 1931 de Roger Cavin au niveau très bas s’est montré très au-dessus de mes attentes, avec une personnalité préservée.

Le Château Ausone 1937 est une merveille. Son parfum est d’une noblesse certaine et le goût intense et racé signe un vin au sommet de son art. Le Château Pichon Baron de Longueville 1928 est lui aussi d’un magnifique accomplissement, millésime oblige. J’avais apporté ces deux bordeaux et je suis heureux qu’ils se soient montrés d’un niveau aussi grand.

J’ai moins de souvenirs du Charmes Chambertin Louis Latour années 20 et j’ai le souvenir que le Gevrey Chambertin 1er Cru Guichard Portheret 1929 représente dignement le caractère mythique de son année.

Le Barolo 1912 est un très beau Barolo qui n’a pas l’émotion d’un Barolo 1920 qui m’avait subjugué. Il est toutefois de belle prestance.

Le Rouge d’Algérie 1947 du domaine Frédéric Lung me donne un coup de poignard dans le cœur car il est absolument parfait, riche, ample, une merveille.

Les deux liquoreux, Moulin Touchais Anjou 1928 et Haut Sauternes Boussay Cru Lamothe vers 1900 ont joliment joué leur partition mais le Haut-Sauternes qui n’avait aucune étiquette est apparu pour nous tous comme plus probablement des années 30 du fait de sa fraîcheur gracile.

Pour faire un classement global des vins de ma table il faudrait mêler les rosés algériens avec les autres vins, ce qui me paraît difficile aussi hors rosés je classerais : 1 – Frédéric Lung 1947, 2 – Ausone 1937, 3 – Pichon Baron 1928, 4 – Barolo 1912.

Si je mêlais les deux classements, ce serait : 1 – Lung rouge 1947, 2 – Lung rosé 1945, 3 – Ausone 1937, 4 – Lung rosé 1942. On l’aura compris, j’aime les vieux vins algériens.

Cette académie fut exceptionnelle pour toutes les tables, dans une ambiance amicale et attentive. Vivement la 40ème séance de l’académie des vins anciens.


Voici le compte-rendu d’un ami à qui j’avais demandé de prendre des notes et de me les envoyer pour m’aider à faire mon compte-rendu. En fait, j’ai rédigé un compte-rendu sans avoir de notes et sans avoir lu les siennes.

Il est donc intéressant de lire sa vision, très différente de la mienne. C’est ça la magie du vin qui qui n’émeut personne de la même façon.

Voici son texte.

Note préliminaire : J’exprime ici, aussi simplement que possible, les mots qui me sont apparus lorsque j’ai senti et goûté les vins. J’essaye de les analyser, en mettant les mots qui correspondent selon moi le mieux à ce que je sens à l’instant présent. Cela ne veut pas dire que d’autres mots sont malvenus. Mais que si je veux tenter de retranscrire ce qui m’est apparu, ces mots sont les plus indiqués.

Je dinais la veille avec le sympathique propriétaire du domaine Leflaive. Il me racontait une histoire que je trouve pleine de bon sens. Lors d’une dégustation avec M. de Vilaine, M. de la Morandière et lui s’amusaient à associer chaque vin bu à quelqu’un de leur famille. Ils disaient ainsi : « celui-ci est un peu austère, pas forcément plaisanteur, mais dans le fond il est comique. », pour décrire à la fois le vin et la personne. Il m’indiquait que ces descriptions avaient suscité des rires très enjoués. En l’absence d’esprit de sérieux, j’associe donc en gras une phrase d’un personnage ou d’une situation qui correspond à mon émotion.

Champagne Veuve Cliquot-Ponsardin non millésimé : un vin fin et sans âge, d’un pétillant plaisant. De la truffe blanche apparaît au nez et se conjugue avec un miellé très classique. La bouche est plus traçante, initialement un peu acquise avant de se développer gentiment sur des notes d’embrun marin. Je le pense des années 1990, il permet d’entamer correctement le repas.

Moet et Chandon 1983 (Magnum) : Le premier champagne servi à table est d’une grange noblesse. Il est incroyablement pur, sa robe est claire or, unie, brillante, sans dépôt. Le vin présente encore une petite bulle dans le verre. Il est très iodé et huitré au premier nez, puis viennent des senteurs originales et rafraichissantes de miel d’acacia, de pin et de gingembre. La bouche est tout à fait joyeuse, le pétillant contrastant avec l’impression sérieuse et ferme de l’ensemble. C’est un vin terrestre, qui amène par des amers à une finale longue et crayeuse d’un grand raffinement. Le champagne est divin avec des gougères. C’est un aristocrate, corseté mais à l’aise dans son corset. Il est désirable.

Vranken 1976 (Magnum) : Le vin est légèrement plus orangé, notamment sur son disque. Il est nettement plus miellé avec du gras et des fleurs blanches. Il commence à faire son âge. Du chocolat blanc apparaît, et un peu de pruneaux.

En bouche, la bulle est fine et légère mais encore vivace. Le vin surprend par un caractère citrique, comme un chablis d’une année un peu froide. C’est curieux pour 1976. Il est légèrement plus fatigué et poussiéreux, un peu chloré notamment, mais passons.

Lanson sans millésime fin années 1950 début années 1960 : La robe est maronnée et assez profonde. Elle est marquée. Le nez est d’une immense gourmandise, du pur chocolat. Il est très plaisant avec des notes de tabac brun. En bouche, le vin n’a pas de bulle, il est un peu chloré. Il développe une mâche presque bourguignonne ; Meursault n’est pas loin. Il a les pieds dans le sol. Par rapport au vin qui va suivre, il est plus largé, comme un pruneau confit avec du lard.

Krug Private cuvée étiquette olive 1982-1986 : c’est un vin tout à fait curieux, et qu’il vaut mieux boire un vin plus que comme un champagne. Hors de l’académie, des esprits chagrins ne termineraient pas leur verre, alors que c’est sans doute le plus raffiné de l’ensemble. Sa robe est très foncée et marronnée, plus encore que le Lanson. Il y a du dépôt en suspension. Le chocolat noir est envoutant, mais s’y ajoute un poivre d’andaliman qui apporte une touche d’exotisme exubérante. Il est pur et cohérent en bouche, pleinement assemblé, sans bulle, avec une finale sur une légère pointe d’amande. La bulle n’existe plus que comme fantôme. Le vin est ample, franc et pierreux. Il développe des notes d’embruns marins et se déploie de la même façon que la forme d’une trompette, exponentiellement vers la fin. Sa finale sur la noix de coco est divine, couplée à de la morille et de la noix qui en font une riche expérience. Il paraît bien plus âgé, mais qu’importe. C’est Saint-Augustin passé du manichéisme à la sainteté.

Legras et haas 1995 (dégorgé en 2001) (Magnum) : Legras est tout le contraire de Krug. On lui donnerait cinq ans. Il est clair, léger, brillant avec des reflets verts. Il a un fort pétillant et un nez incroyablment jeune de mirabelle, de fruits jaunes et de pêche. En bouche, son gras est pénétrant et les notes de sel et de poivre se conjuguent merveilleusement. C’est un champagne qui irait divinement bien avec une carbonara, si tant est que la viande utilisée soit bien du guanciale, cette joue de porc confite dans le poivre et le sel. C’est un jeune fougueux.

Mon classement est : Krug, Legras, Moet, Lanson, Vranken, Cliquot.

Le Meursault 1er cru 1931 Charmes Roger Cavin est presque la raison d’être de l’académie. Le vin est absolument horrible lorsque je l’apporte. Sa couleur est noire comme du charbon, l’étiquette est tout à fait désuète, le bouchon suinte, la bouteille a perdu 11 centimètres et le millésime, 1931, est l’un des cinq pires du siècle avec entre autres 1910, 1930 et 1977. Bref, c’est pour la gloire et bien parce qu’il faut ouvrir un jour ce genre de vieux vins. Et pourtant…

La première surprise viendra en début d’après-midi du bouchon qui était venu entier et avait laisser émaner des odeurs pénétrantes de vanille et de coco. Assurément une grande surprise.

La robe est ocre. Le nez est immédiatement sur les fruits blancs, ce qui frappe, car il paraît nettement plus jeune. C’est du café fraichement moulu avec des notes de poivre blanc de kampot d’une grande finesse. Il s’ouvre avec le temps sur la rose, l’encens, le bois de santal. Puis viennent une myriade de senteurs d’un beau jardin : la menthe, le thé, la fleur de cerisier, le feu de cheminée. La bouche se déploie merveilleusement avec un gras pénétrant avant de laisser place à une finale terriblement saline. Avec les saint-Jacques et une compotée d’herbes en salaison, le vin est à tomber. C’est un jardin devenu une jungle florissante. Un très grand moment d’enseignement pour moi, car ce vin sur lequel je me vantais de ne jamais placer la moindre espérance m’aura surpris tout au long de soirée, m’empêchant à chaque fois de lui infliger la dernière gorgée.

Le blanc de blanc Algérie années 1950 est curieux, car on ne l’attend pas en Algérie. On imagine un vin du rhône tout à fait gras et opulent, sur la violette et l’abricot, avec peut-être même un peu d’amertume en moins. Il est légèrement oxydé mais développe de jolies notes de pomme au four, de confit, de mandarine et de citron. Il se fatigue, mais on se dirait que ce vin a été « hermitagé », dans le sens où on a mis de l’hermitage dans un vin d’Algérie ! C’est un inconnu en son propre pays. La bouche est légère, ample, mais le réchauffement ne viendra qu’apporter de détestables notes de bouchon et de carton.

Rosé d’Algérie, domaine de la Trappe 1956 était annoncé comme un blanc, mais sa couleur est bien trop orangée ou brillante pour ne pas y voir un rosé. Tout de suite, on est en Algérie. Il explose d’orange, de mandarine. Il est opulent, avec quelques notes marines presque envahissantes. La bouche est puissante, comme une compotée de fruits rouges. Puis la finale laisse place à des épices et des plantes, notamment du fenouil, de la cardamome verte et de l’anis étoilé. Il est tout à fait sirupeux en bouche. C’est un agriculteur qui nous accueille sur ses terres et nous offre le gîte et le couvert.

Rosé d’Algérie 1945 domaine Frédéric Lung est d’un tout autre bois. La robe est moins marquée, plus grâcieuse. Le vin est très léger, parfois presque timide. Le nez est une compotée de fraise, d’ananas et de vanille. Il a le fumé d’un grand Bourgogne rouge. La framboise apparaît avec le temps et avec une précision qui me saisit. En bouche, passé une première impression poussiéreuse qui va vite disparaître, il se déploie énormément par cercles concentriques et ne révèle toutes ses beautés qu’au fil du temps. Il est impérial, comme un roi qui choisirait de lui-même s’imposer l’étiquette pour n’en être que plus grand.

Rosé d’Algérie 1942 du domaine Frédéric Lung est encore d’une autre nature. La robe est plus profonde mais tout aussi pure et limpide. C’est le jour et la nuit avec le 1945. Il est austère sur le cassis, l’herbe coupée, le cornichon et l’endive. Il est calcaire à souhait, terrien comme jamais. En bouche il est poivré mais laisse vite la place à une fantastique mache et une acidité minérale tout à fait magistral. Il me fait penser dans son équilibre à un muscadet. Ce n’est pas un empereur, mais un duc qui vit dans sa terre.

Le Rabelais Algérie rosé 1952 n’est pas sans me rappeler le Rabelais rouge 1951 bu à l’académie précédente. Il est d’une fumée pénétrante. Il est de café, de barbecue, de tomates confites. On y trouve presque des notes d’umami et de poisson fermenté. Il est opulent. En bouche, il est très liquide mais grâcieux. Il a des tanins et fait petit à petit apparaître un ensemble d’épices, de poivre, de girofle et de cannelle, merveilleusement soutenu tous ensemble par un alcool fort proche du Marc. C’est Rabelais avec un turban.

Sidi Brahim Rosé d’Algérie vin fin 1961 . La robe est la plus profonde de cette glorieuse série. Elle est marronnée. Le premier nez est surprenant, de cola et de cerise. Il est si jeune. Il est opulent comme un vieux sauternes perdant ses sucres. La bouche est légère puis austère, avec une finale sur les encens, la girofle et le poivre vert merveilleuse. La finale le déséquilibre complètement et le fait vaciller, on passe d’une gorgée à une autre d’un amer terrible à une acidité claquante. C’est tout à fait curieux. Il est dans le charme de l’inaccomplissement, dans le plaisir de l’inachevé.

Château Ausone 1937. Qu’un Bourguignon en vienne à dire que les Bordeaux sont formidables, c’est vraiment qu’ils étaient à la hauteur…

Ausone est d’une robe rouge encore légèrement foncé. Il est presque opaque avec des reflets ocres. Son premier nez évoque la fraise, la pierre, les bais roses et le piment rouge. Puis vient l’évidence : Ausone 1937 est un fumeur de havane. Tout sent en lui le cigare. La bouche est ample, cohérente, avec du fruit écrasé du plus bel effet. Les tanins ont fondu, le vin a une belle acidité. Il aime la viande. Avec le temps hélas, le vin développe des notes de champignon, de cisal et d’humidité que j n’aime guère.

Pichon-Baron 1928… Que dire. La robe est opaque. Le vin est teinturier, la couleur accroche la parroi. Il est à peine tuilée et a du dépôt en suspension. Il est fait de cirage, de poivron rouge. Il est terrestre, évoquant à peine le sous-bois. Si ce n’est pas un prêtre en soutane, on pourrait presque l’associer à l’Angélus peint par Millet. Il a en bouche une grâce et une amplitude merveilleuse avec des notes de violette à se damner. La girole fumée lui convient tout à fait. Surtout, ses tanins sont âpres et puissants, sans équivalents. C’est un excellent 1988, à 60 ans près. Absolument étonnant.

Charmes-Chambertin Louis Latour années 1920 réalise presque la prouesse dont le Meursault a été capable. Il était aussi au niveau vidange, et le bouchon était venu en mille morceaux. La robe est marron trouble, mais le premier nez est tout aussi chocolaté que le Krug. Il a quelques notes de pommes qui soulignent de l’oxydation, mais la grande cohérence du nez invite à goûter. En bouche, les notes d’Ajowan ont envahi le vin, la bouche est austère et puissante mais ne délivre son message que dans la longueur. Il a des tanins, il ne cherche pas à plaire. On pourrait presque dire qu’il est rustre et qu’il est désagréable, mais sa violence et ses faiblesses le rendent paradoxalement attachant. Sa finale de fumée et de cacahuète me passionnent. C’est le vieux Salamano et son chien dans l’Etranger de Camus.

Gevrey-Chambertin 1er cru Guichard-Portheret 1929 est une franche réussite, car tout en lui est éternel. Sa robe est rouge brillante. Il ne vieillira jamais. Il a une grande acidité, mais évoque le cirage, le poivre noir, la rhubarbe. Il est fait de cardamome et de plantes vertes. En bouche, sa masse tannique est énorme, et il évoque comme un souvenir lointain les fruits rouges comme un pinot noir fraichement vendangé. Avec le temps, il laisse apparaître des notes de rose tandis que la bouche s’affine est devient saline. C’est un empereur.

On m’apporte tour à tour des verres de Clos des Lambrays 1943 et de Pommard La commaraine 1937. Ils sont plaisants, surtout le Pommard 1937 qui a une bouche de poire et de pain grillé envoutante. Mais même par rapport au Charmes-Chambertin, ils sont un peu à la traine !

Le Barolo 1912 est sans doute l’énigme de la distinction. Comment un vin de 110 ans peut être sans aucun manque ? La robe est rouge orange, sans disque d’une couleur dégradée. Il est cohérent, clairet, filtré, avec des reflets dorés. Le premier nez s’offre sur la noix, le gorgonzola, l’écrasé de menthe. En bouche, il est evanescent, un pur jus d’orange qui se déploie avec des notes ça et là de poivre vert. Il est d’une grande finesse, car rien ne lui manque et son message est infiniment simple et clair. Il n’y a aucune fioriture. C’est comme Horowitz à la fin de sa vie : lorsqu’il joue Rachmaninov, il ne bouge plus que les doigts, tout autre mouvement du corps est devenu superflu et a disparu. Il n’y a plus d’écart, plus d’embellissement, rien de baroque, seulement le pur mouvement sans aucun faux-mouvement… Comme il est difficile de faire simple, disait Van Gogh !

Rouge d’Algérie 1947 domaine Frédéric Lung est le dernier rouge, et il n’est pas sans lien de famille avec les rosés du même vigneron qui l’ont précédé. Sa robe est rouge profonde, assez opaque. Il a des notes de café enivrantes, de cannelle de ceylan. On est chez un marchand d’épice. Il invite au voyage… et à ne pas prendre le volant, car il est largement au-dessus des 13 degrés d’alcool sur l’étiquette. Il est puissant, comme un tank. Il est pénétrant et fait tout sentir plus intensément. Il est un peu huitré et crayeux sur la finale, ce qui limite hélas la magie.

Moulin Touchais Anjou 1928 est d’une robe or brillante, orangée mais aux reflets verts fluorescents. Il a des notes que j’adore : la quiuine, l’orange très amer, le fenouil. Il est médicamenteux, mais dans le bon sens du terme. Il évoque le chèvre frais. On sent plutôt du passerillage au nez. En bouche, c’est très surprenant, car il est gras et ample, avec une certaine lourdeur et densité. Il évoque l’amande, la frangipane. Ce n’est pas l’électricité d’un pur botrytis, mais il est tout de même saisissant.

Haut Sauternes Boussay Cru Lamothe vers 1900 est d’une robe orangée, assez jaune encore. Il est très frais, fait de citron vert. Il est brillant et cohérent, mais il rend confus, car il est trop vivace pour être de son âge. Il évoque la pistache et la rose. En bouche, on sent bien le botrytis, il est d’une belle longueur et d’une acidité clinquante. Il me fait plutôt penser à 1934 ou 1937. Ce qui me surprend aussi, c’est qu’avec le chocolat il réalise un mariage de raison, alors que les vieux Sauternes préfèrent les fruits.

La fin de soirée est prompte aux échanges et aux dégustations. Les moins téméraires dédaignent les vins liquoreux qu’ils n’hésitent pas à apporter. Deux vins surprennent tout particulièrement. Le Massandra 1961 est un pur bonbon à la menthe. Une menthe de bonbon de voiture, extrêmement précise et concentrée. En bouche, c’est une canne à sucre, riche et saisissante. Le Gilette Crème de tête 1937 présente un nez curieusement très proche du Sauternes Boussay cru Lamothe vers 1900, ce qui tend à penser que le second a l’âge du premier. Mais c’est sa bouche qui illumine la soirée et la conclut brillamment, car c’est désormais une menthe marocaine qu’on ressent, avec une densité et un gras qui entoure l’ensemble du palais. L’acidité domine l’ensemble, et donne envie de se resservir, encore, pour la beauté du geste.

Il est difficile d’établir un classement tant les réussites sont nombreuses, mais je dirais : (1) le Barolo, pour sa perfection et la clarté de son message, (2) le Meursault pour l’immense surprise qu’il a fait et son mariage absolument parfait avec l’entrée de saint-jacques et d’herbes en salaison, (3) ex-aequo le Pichon-Baron 1928 et le Gevrey Chambertin 1929 qui représentent chacun leur région et leur millésime à la perfection, (5) le Lung 1945 qui ne se livre qu’avec du temps mais laisse entrevoir un monde tout à fait magique et son homologue (6) Lung 1947 rouge qui reste envoutant au nez. Viendraient ensuite l’Anjou, le Gilette, l’Ausone et l’ensemble des rosés.

Déjeuner au siège des champagnes Salon et Delamotte jeudi, 30 novembre 2023

Didier Depond, président des champagnes Salon et Delamotte reçoit de temps à autre des amis amateurs de ses champagnes pour un déjeuner appelé : « entre privilégiés ». Je reconnais des participants avec qui j’ai déjà fait de belles dégustations. Nous serons nombreux car il y a quatre jeunes personnes de Chine ou du Japon et des têtes nouvelles puisque nous sommes plus nombreux que d’habitude, autour de vingt personnes.

J’avais vu sur Instagram que le compte du champagne Salon a parlé plusieurs fois du millésime 1905. Cela a attiré ma curiosité et, sans savoir si je l’ouvrirais, j’ai pris avec moi une bouteille d’alcool de 1905 sans aucune autre indication que la date.

Lorsque j’arrive au domaine, je demande à Didier à quoi correspond 1905. Il me dit que c’est le premier millésime fait par Aimé Salon. La réponse est claire et m’invite à ouvrir l’alcool 1905. Didier pense que c’est un alcool de prune. Je suis plus circonspect car je sens l’alcool mais je ne vois pas un fruit précis.

Nous allons en salle de dégustation, accueillis par un Champagne Blanc de Blancs Delamotte sans année. Ce champagne est une très belle expression précise et ciselée de ce que doit être un blanc de blancs.

Avant de passer à table Didier fait dégorger dans la cour deux magnums dont il ne donne aucune idée d’âge.

Nous passons à table. Comme chaque fois il y aura des vins à deviner. Les trois premiers champagnes sont servis dans des verres différents. Nous cherchons tous des différences et il est assez consensuel de classer le 2ème puis le 3ème et le 1er. On se torture en conjectures et nous sommes bien attrapés car les trois champagnes sont les mêmes, le Champagne Delamotte 2018. Il est délicieux dans sa jeunesse et on voit l’importance des verres dans la dégustation, puisqu’ils créent des écarts très sensibles.

Didier Depond est très fier car le millésime 2018 est le premier où il a pu inclure dans le vin les six grands crus de la Côte des Blancs, alors qu’il n’y en avait que quatre jusqu’alors.

La deuxième série d’énigmes est une comparaison de deux Delamotte 2007, le Champagne Delamotte 2007 dégorgé d’origine et le Champagne Delamotte 2007 dégorgé il y a six mois. Le dégorgé récent est tout en fraîcheur alors que le champagne initial a plus d’assise et de complexité.

Le menu conçu par un restaurateur célèbre de la Champagne est ainsi rédigé : Langoustine marinée caviar / le saumon de Normandie, mi-cuit, tiède, sauce champagne, émulsion de pomme de terre fumée et caviar / bar de ligne « ikejimé » de pêche artisanale de Vendée, fondu de fenouil et huîtres Gillardeau, sauce champagne / filet de cerf d’Alsace rôti, sauce cassis / bouillon clair de pot au feu / fromage frais et affinés / fine tarte aux pommes, glace vanille / café et mignardises.

Ce menu est raffiné et très bien exécuté. Le plat qui m’a enthousiasmé est celui du saumon.

Trois champagnes sont bus sans énigme, le Champagne Salon 2013 qui promet énormément et qui est déjà parfaitement expressif et équilibré, le Champagne Salon 2002 dégorgé ce matin dans la cour et le Champagne Salon 1996. Le 1996 est un seigneur éblouissant alors que le 2002 est beaucoup plus sentimental. Si le 1996 m’impressionne, le 2002 m’émeut.

Suivent deux vins rouges à boire à l’aveugle. Beaucoup de réponses allaient vers le bordelais. J’ai été le seul à suggérer l’Espagne pour le premier et j’ai visé juste. Le premier est un Priorat Terrasse Espagne 2007 et le second que j’avais déjà gouté est un vin argentin de 2013 qui est fait en collaboration par Didier Depond et un de ses amis présents que j’apprécie beaucoup.

Le champagne suivant est un Magnum Champagne Delamotte Collection 1983 et j’ai été le premier à donner le bon millésime (si je cite mes prouesses, c’est parce qu’il y en a peu). Ce champagne délicat est absolument charmant et montre à quel point l’âge est un facteur positif.

Nous poursuivons avec deux magnums de Champagne Delamotte Rosé base 1993 que j’adore car il explore des pistes de goûts irréels et énigmatiques. Et je suis conquis par ses subtilités joyeuses.

Le suivant est un magnum de Champagne Salon 1976 dont la couleur est assez proche de la couleur du rosé. Quel grand champagne racé et vif, d’une jeunesse que seuls les grands champagnes peuvent garder.

Sans que j’aie été prévenu huit bougies allumées arrivent devant moi. Quelle gentille attention que de fêter mes dix fois plus d’années que de bougies.

C’est alors que j’explique pourquoi j’ai apporté un alcool de 1905. En le sentant, le parfum m’indique la possibilité d’un armagnac, plus qu’une prune. Et en bouche je suis surpris par un sucre très présent. Et cela me semble une évidence : c’est un Rhum 1905 absolument splendide, d’une force qu’on n’attendrait pas de 118 ans ! Un régal rare.

Didier réussit à créer une ambiance extrêmement amicale qui aide à la dégustation. A part le Rhum sublime, mon cœur ira vers le Salon 1976 et le brillantissime rosé 1983 de Delamotte.

Quelle belle journée d’amitié !

279ème repas au restaurant Pages jeudi, 30 novembre 2023

Un Mexicain qui me suit sur Instagram m’a demandé d’organiser un de mes repas pour un petit groupe de quatre et il me donne un budget pour ce repas. Il demande aussi que son groupe participe à l’Académie des Vins Anciens. Il est prévu aussi que son groupe vienne assister à l’ouverture des vins à 10h30 avant le déjeuner au restaurant Pages que j’apprécie pour son adaptabilité à l’organisation de tels repas. Ce repas sera le 279ème de mes repas.

A 10h30 nous sommes présents tous les cinq. Je souhaite commencer par ouvrir La Tâche 1986 qui doit profiter du temps le plus long d’oxygénation lente. Le bouchon est extrêmement serré et j’ai de grandes difficultés à le tirer. Commencer de cette façon n’est sans doute pas très brillant pour impressionner mes convives car j’arriverai à tirer le bouchon seulement après l’avoir cassé en deux au milieu. J’aurais bien aimé le garder entier car il est beau. Le parfum est encore timide mais prometteur.

J’ouvre ensuite l’Hermitage blanc Chave 1993 et je suis face au même problème de bouchon trop serré, mais je m’en tire beaucoup mieux. Le nez est lui aussi timide mais moins que La Tâche. Il promet un beau résultat.

Le Chambertin 1990 a un bouchon qui vient entier sans problème et la délicatesse de son parfum annonce de belles choses.

L’Yquem 1944 a une bouteille magnifique, avec un niveau parfait. La couleur est d’un acajou presque noir en haut de bouteille et des reflets plus dorés en bas de bouteille du fait que la lumière traverse le verre du fond. Le bouchon est d’une qualité parfaite et le parfum est une explosion de fragrances séduisantes.

J’ajoute au programme convenu un Château l’Etoile Vin Jaune 1982 au parfum très fort d’un bel alcool car j’ai envie d’associer des blancs très différents.

Mes nouveaux amis qui avaient lu mes aventures attendaient que je propose, après la séance d’ouverture, d’aller au restaurant 116 pour boire une bière et sucer des édamamés. Ce que nous faisons, dans une ambiance de belle complicité. Cette étape au restaurant 116 fait partie du rite de mes repas au restaurant Pages.

Avant que mes convives n’arrivent, j’avais mis au point le menu avec le chef Ken et le pâtissier. L’idée du menu est de petits amuse-bouches, puis : filets de rouget crus / lieu jaune sauce umami / raviole de homard / veau avec une sauce au vin / wagyu et sa gaufre / saint-nectaire / dessert à la châtaigne.

J’ouvre le Champagne Dom Pérignon 1982 et un joli pschitt accompagne la sortie du bouchon. Le Champagne est magnifique, cohérent et c’est en fin de bouche qu’un joli fruit apparaît. J’adore le millésime 1982 et cette bouteille est d’une qualité particulière.

Pour le poisson cru, nous aurons le champagne et le Château l’Etoile Vin Jaune JH Vandelle 1982 de la même année. Le vin jaune est fort et superbe. Je trouve que l’accord avec le poisson est plus excitant avec le vin jaune même si le champagne est beaucoup plus subtil.

Le poisson est accompagné de l’Hermitage Blanc Jean-Louis Chave 1993. Sa fraîcheur à la longueur éternelle m’impressionne énormément. L’accord avec la sauce umami est divin. C’est un instant de pur bonheur.

La raviole de homard est à l’aise avec le champagne et le vin du Jura. La juxtaposition des trois vins, de Champagne, du Jura et du Rhône est idéale pour voyager dans toutes les gammes de goûts.

Le Chambertin Rossignol Trapet 1990 a une forte parenté avec le Chambertin Trapet 1990 que j’adore. Ils sont vraiment cousins. L’accord avec le veau discret est subtil. Ce chambertin exprime la sensibilité des vins de Bourgogne. Et nous allons connaître les mêmes sensations en faisant suivre ce vin par La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986 que celles que nous avons eues avec les gagnants d’un championnat européen de dégustation à l’aveugle : le chambertin est si riche et si percutant qu’il domine, dans le cœur de mes amis, la subtilité du vin de la Romanée Conti.

J’aime beaucoup La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986 au goût mêlant raffinement et puissance. Comme il y a une semaine je mets le vin de la Romanée Conti devant le chambertin et mes convives le mettent derrière.

Le wagyu, gras mais pas trop, est un compagnon idéal pour La Tâche.

Le Château d’Yquem 1944 est un vin d’une grâce infinie. Sa couleur annonce des goûts de marron, qui convergent vers le délicieux dessert aux châtaignes. C’est un régal raffiné.

La pertinence des accords a impressionné mes nouveaux amis mexicains.

Nous votons et c’est assez invraisemblable que nous ayons quatre gagnants mis en place de numéro un, alors que nous ne sommes que cinq. C’est le chambertin qui a deux votes de premier, ceux qui ont un vote de premier sont le Dom Pérignon, l’Hermitage blanc et l’Yquem. J’ai mis l’Hermitage en premier car la sensation de fraîcheur m’a impressionné fortement. Mes amis ont été étonné que nos votes puissent être aussi distincts.

Le vote global serait : 1 – Chambertin Rossignol Trapet 1990, 2 – Champagne Dom Pérignon 1982, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986, 4 – Château d’Yquem 1944, 5 – Hermitage Blanc Jean-Louis Chave 1993, 6 – Château L’Etoile Vin Jaune JH Vandelle 1982.

Mon vote est : 1 – Hermitage Blanc Jean-Louis Chave 1993, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986, 3 – Chambertin Rossignol Trapet 1990, 4 – Château d’Yquem 1944, 5 – Champagne Dom Pérignon 1982.

Dans deux jours je vais revoir ces nouveaux amis à l’académie des vins anciens. Ce sera une toute autre expérience.

entre conscrits au Yacht Club de France jeudi, 30 novembre 2023

Nous nous retrouvons entre conscrits au Yacht Club de France. Thierry Le Luc, le directeur de la restauration du club a apporté un soin particulier à cette rencontre. Les hors-d’œuvre sont toujours pantagruéliques et pourraient suffire pour un déjeuner : poutargue, ris de veau, croustillant, andouille, risotto aux gésiers.

Ils sont accompagnés par un Champagne Laurent-Perrier millésimé 2012 de belle fraîcheur, très agréable à boire. Voilà une bonne pioche !

Le menu est : assiette de fruits de mer / rôti de lotte comme une viande, sauce béarnaise, girolles et cèpes, légumes de saison / fromages d’Éric Lefebvre / Pavlova aux agrumes.

Deux rôtis de lotte ont été présentés dans des potirons comme un clin d’œil à Halloween. Ce plat est remarquable. La lotte et la Pavlova ont été les grands moments du repas.

Deux Meursault de 2017 et 2018, un Puligny-Montrachet 2020 et un Château les Carmes Haut-Brion 2002 ont accompagné le repas, fort agréables. Je n’ai pas bu le vin rouge car je n’ai pas pris de fromage, du fait d’agapes très rapprochées des précédents jours.

L’équipe du Yacht Club de France fait des prouesses pour nous satisfaire, et ça se sent. Nous en sommes reconnaissants.