Dîner végan à la maison lundi, 7 mars 2022

Pour diverses raisons, ma femme et moi accueillons à notre domicile la nounou des enfants de ma fille cadette. Ma fille est végan et s’est intéressée à faire une cuisine heureuse et goûteuse. Victoire, la nounou, nous a cuisiné végan pendant trois jours et, comme nous allions recevoir notre fille et son compagnon, j’ai eu l’idée de concevoir un dîner selon le principe de mes dîners, en introduisant une majorité de plats végan, pour en faire la surprise à ma fille.

J’ai choisi en cave deux vins, un blanc et un rouge et avec ma femme nous avons réfléchi aux légumes qui seraient pertinents sur ces vins. J’ai bâti l’ordre des plats, validé par ma femme et Victoire. Puis je suis allé avec Victoire faire les emplettes.

La cuisine a été réalisée en recherchant des goûts purs. Le menu est de onze plats, agrémenté de trois pauses hors végan : Chou-fleur cru à la crème d’amande / Poutargue / Tarte à l’oignon / Cabillaud pané / Navets jaunes et violets / Purée de céleri et purée de pomme de terre / Fenouil à la vapeur / Bâtonnets de potimarron / Mont d’Or / Pomme Chantecler au four.

Le Chassagne Montrachet Morgeot Vigne Blanche Château de la Maltroye 1976 a un niveau parfait et une couleur magnifique dorée. La bouteille ouverte cinq heures avant le repas avait un beau parfum. Il s’est amplifié. En bouche le vin est large et généreux, solaire. Il s’accorde très bien avec la poutargue, la purée de pomme de terre et la tarte à l’oignon. Il est très au-dessus de ce que j’attendais.

Le Château Mouton-Rothschild 1974 avait un nez discret à l’ouverture mais prometteur de noblesse. En bouche, on sent qu’il est d’une année peu puissante mais il montre une belle élégance. Il est noble et subtil. A l’aise sur les navets, le fenouil et le potimarron, il devient brillant et glorieux sur le Mont d’Or. C’est spectaculaire.

Pour les pommes au four j’ai envie de servir un Madère sec Joao Marcello Gomes années 50 qui était déjà ouvert. Le dessert sans aucun sucre crée un accord quasi magique avec le madère sec.

Les plus beaux accords sont le Mouton Rothschild avec le Mont d’Or, la pomme au four avec le madère et le Chassagne Montrachet avec la purée de pomme de terre faite avec une magique huile d’olive espagnole. Je voulais montrer à ma fille que j’étais capable d’organiser un dîner à la façon de mes dîners sur un thème majoritairement végan. Je crois que ce fut réussi.

déjeuner au restaurant Garance dimanche, 6 mars 2022

Je vais déjeuner au restaurant Garance. Nous sommes trois. Nous trinquons au verre avec un Champagne Langlet Blanc de Noirs 100% Pinot Meunier Extra Brut sans année. Contrairement au Grand Siècle de la veille, ce champagne jeune peut se boire jeune. J’ai été rebuté par le jeune Laurent Perrier car je sais ce qu’il devient avec l’âge alors que ce Langlet peut se concevoir ainsi. Il a un joli fruit et une belle aptitude à la gastronomie.

J’ai apporté un Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1985 que j’adore. J’aime les vins de ce domaine et j’ai une inclination certaine pour le 1985. Son nez est intense et direct. En bouche il combine une certaine âpreté avec une grande douceur. Il est vif et charmant. C’est un vin accompli extrêmement facile à comprendre.

L’amuse-bouche dont je n’ai pas gardé l’énoncé est divin. Il faut un talent certain pour créer des goûts de cette fluidité. Magnifique. L’entrée originale combine une langoustine crue avec des pieds de cochon. Pour le vin du Rhône nous avons demandé un canard de chair remarquable, à la sauce lourde et goûteuse. L’accord avec le riche vin de 1985 est idéal. La cuisine du restaurant Garance m’a fait forte impression.

Laurence Féraud, la fille du Pape !!!

Au revoir Pullman Bercy dimanche, 6 mars 2022

Pour un déjeuner de travail je suggère l’hôtel Pullman Bercy facilement accessible et bien situé. L’hôtel avait un restaurant vaste et spacieux qui est maintenant affecté aux petits déjeuners. Pour déjeuner on est dirigé vers le bar. Et ce lieu n’est pas fait pour un vrai déjeuner, malgré un service très attentif. C’est dommage, car je ne peux pas inviter des partenaires d’affaires dans ce type de décor. Le vin que nous avons pris est un Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle sans année. Qu’il est jeune ! J’ai du mal avec ces champagnes jeunes, quand je sais à quel point ils peuvent devenir splendides avec trente ans de plus. Ils sont de bon sang, mais en l’occurrence bon sang ne suffit pas.

Déjeuner d’huîtres chez ma soeur mardi, 1 mars 2022

Ma sœur et son mari ont un fournisseur d’huîtres d’une excellente qualité. J’avais pu en profiter lorsque, pendant le confinement, je les avais invités dans ma cave. Ils nous invitent, ma femme et moi, à déjeuner autour d’un plateau de fruits de mer.

Je prends dans ma musette une bouteille de champagne faite pour les huîtres, et mon regard se porte sur une bouteille de Byrrh qui m’évoque un souvenir : ma mère aimait cet apéritif doux, dont elle usait avec modération. J’emporte la bouteille déjà ouverte depuis quelques semaines.

Chez ma sœur nous commençons l’apéritif avec ce Byrrh légèrement éventé mais d’une grâce toujours présente et des souvenirs très anciens me reviennent en mémoire, de douceur et de suavité.

Le plateau de fruits de mer est impressionnant et les huîtres sont d’une fraîcheur idéale. Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 1994 est d’une belle puissance virile mais il sait aussi être courtois. Il est un bon compagnon de l’iode des huîtres. Sur une entrée aux coquilles Saint-Jacques crues assaisonnées d’une forte vinaigrette, c’est beaucoup plus dur de trouver l’accord.

Mon beau-frère vante les qualités d’un Bourgogne Côtes d’Auxerre Philippe Defrance 2013 et il a bien raison de l’aimer car il est frais et franc et joliment fruité. Les crevettes sont merveilleuses, alors que les langoustines cuites pour un plateau sont toujours trop cuites.

Un Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 2005 est de belle structure, promis à un bel avenir. Il est le partenaire des fromages. Ma femme a réalisé un cake au citron qui convient idéalement au Clos du Pape Sauternes 2002
d’un équilibre entrainant.

Nous n’avons pas recréé le monde car nous regardions plutôt dans le rétroviseur des souvenirs d’enfance que nous avons rafraîchis, par un beau samedi ensoleillé d’un hiver qui n’a pas encore montré le bout de son nez.

260th wine-dinner in restaurant Taillevent samedi, 26 février 2022

Since the beginning of my dinners, I have had 27 with the restaurant Taillevent. I want to do a new one in this place that I like, but I don’t know the new chef, Giuliano Sperandio. Director Baudoin Arnould creates contact with the chef so that we can develop the menu for the 260th wine-dinner. Immediately we understand each other. The chef understands and approves the fact that each dish must be consistent for the wine. Hence a search for simplicity that is not a limitation of creativity. On the dishes that I proposed, the chef made relevant additions and suggestions.

The wines were brought to the restaurant a week in advance. When the day comes, I arrive to open the wines at 4 p.m. By a rare chance, all the corks come out whole, except that of the Chypre 1870 because believing that the cork is short, I did not use the long wick, which resulted in the cork tearing. The aromas of the wines are all promising, the Nénin 1961 needing to blossom. The flavors of sweet wines are by far the most powerful and the one that moves me the most is that of Ausone 1937 with a depth of truffle taste. Having finished at 5 a.m., I have three hours ahead of me to think, meditate and rest, chatting with the friendly sommelier manager Paul Robineau. The chef comes to greet me and we finalize the final adjustments. His suggestions appeal to me. At 6 p.m. I open the magnum of champagne and at 7 p.m. the older champagne.

There will be ten of us, including ten males, which should earn us a heavy fine for not respecting parity. There are six new ones, which I really appreciate.

The aperitif is taken standing up in the beautiful, elegant wood-paneled Saturn lounge. Champagne Veuve Clicquot Ponsardin magnum 1989 has a strong bubble. In my opinion, it is an archetypal champagne because it has everything we love in a balanced and expressive champagne. If we had to define the champagne we would like to drink, it would be this one. It is consensual and pleasant. The truffle gougères are powerful and the relatively soft ham highlights this beautiful champagne.

To show that the chef wanted to cook for wine, here is how he worded his menu: appetizer / scallops / turbot / lobster / pigeon / stilton / mango / rose financier. I love the intentions expressed in this clean presentation.

Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966 has a pretty color of pink amber. The palate is round, consistent, very smooth. The evocations of pink citrus fruits are of a certain charm. It is a great champagne from a year that I consider to be one of the greatest of the century. I read on the faces of my guests the astonishment to see that a 56-year-old champagne can be so lively and brilliant.

The pairing of the turbot with the two whites is spectacular. The Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992 is a marvel of white, complex, noble racy. This white is at the top of its game. It is the most subtle of the wines of this meal logically crowned with the place of first.

If the Ramonet is Louis XV, the Château Rayas Châteauneuf du Pape white 1985 is Usain Bolt, because this wine is a bomb of energy, but of subtle energy. This Rayas is joyful and lively and it goes best with turbot. Rayas knows how to combine power and complexity.

The lobster is truffled which will create a bridge with the Château Ausone Saint-Emilion 1937 whose nose and mouth exude truffles. This wine which cannot hide that it is old is of a rare subtlety. To many around the table, it’s a surprise that an 85-year-old wine can have this energy and refinement.

As soon as I raise the glass of Château Nénin Pomerol 1961 to my lips, I know that I am in front of a perfect wine. Its structure is so well assembled that it is in perfect condition. He will no doubt improve further with time, but he is already in ideal shape. It does not have the charm of Ausone, but it is large. The pairing of simple, cooked-to-the-second lobster is perfect with both wines.

The Nuits-Saint-Georges Clos des Corvées General Gouachon 1945 Tasteviné 1950 is a wine full of subtlety and velvet. The year 1945 gave him a solid balance. It is the expression of a refined Burgundy. It’s Lamartine or Chateaubriand. He’s got everything.

While I had feasted on the promise of La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992 when I smelled it more than five hours ago, I find this wine too discreet. It is subtle but it does not have the aura of La Tâche, such a noble and conquering wine. Should it have been opened several hours before, it is possible, because this wine has no faults, it is just a little too timid. The rich pigeon failed to tickle him as he found the right partner with the elegant 1945 Burgundy.

When I announced that we were going to drink Château Climens Barsac 1949 first with stilton and then with a mango dessert, I saw the astonishment of the guests that one could look for such opposite pairings. Their astonishment will be even greater when they have found that these agreements are of absolute relevance. The Climens is quite simply the perfect wine, dynamic, powerful but charming like the snake which knew how to push Eve to eat the apple. Everything about this Barsac is luxury, pleasure, refinement. It is drunk greedily.

The financier with the rose is one of my coquetries and it is remarkably executed. And this is the first time that I feel as strongly that the Vin de Chypre 1870 tastes of rose. This heavy, powerful, high-alcohol wine is both sweet and dry, with strong spice. It has an inextinguishable length.

We are all amazed because no wine was weak, even though La Tâche lacked its usual prestige, and all the pairings were brilliant.

I don’t think I’ve ever seen such diversity in the votes. It’s incredible. If some imagine that I influence the votes, they will see that they are wrong. Let us judge: we are ten to vote for the five best of ten wines. All the wines had at least two votes, which is very rare because very often there are one or two wines that do not receive any votes. Then six wines were named first, which is really rare. Rayas had three first votes, Ramonet and Climens each had two first votes and Ausone, Nuits-Saint-Georges and La Tâche each had one first vote. Such a diversity of votes is hard to imagine.

The classification of the whole table is: 1 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 2 – Château Climens 1949, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1937, 4 – Château Rayas Châteauneuf du Pape white 1985, 5 – Champagne Moët et Chandon Brut Imperial 1966, 6 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992.

My ranking is: 1 – Château Climens 1949, 2 – Cyprus wine 1870, 3 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 4 – Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966, 5 – Château Ausone Saint-Emilion 1937.

The six new participants are of a certain enthusiasm and have promised to return to new dinners. As usual at Taillevent, the food and wine service was perfect. The chef gave a performance worthy of all praise because he put his talent at the service of the wine. This 260th was a particularly successful dinner.

260ème dîner au restaurant Taillevent samedi, 26 février 2022

Depuis le début de mes dîners, j’en ai fait 27 avec le restaurant Taillevent. J’ai envie d’en faire un nouveau en ce lieu que j’apprécie, mais je ne connais pas le nouveau chef, Giuliano Sperandio. Le directeur Baudoin Arnould crée le contact avec le chef pour que nous mettions au point le menu du 260ème dîner de wine-dinners. Immédiatement nous nous comprenons. Le chef comprend et approuve le fait que chaque plat doit être cohérent pour le vin. D’où une recherche de simplicité qui n’est pas une limitation de la créativité. Sur les plats que j’ai proposés, le chef a fait des ajoutes toutes pertinentes.

Les vins ont été apportés au restaurant une semaine à l’avance. Le jour venu, je viens ouvrir les vins à 16 heures. Par un hasard rare, tous les bouchons sortent entiers, sauf celui du Chypre 1870 car croyant que le bouchon est court, je n’ai pas utilisé la longue mèche, ce qui a entraîné que le bouchon se déchire. Les parfums des vins sont tous prometteurs, le Nénin 1961 ayant besoin de s’épanouir. Les parfums des liquoreux sont de loin les plus puissants et celui qui m’émeut le plus est celui de l’Ausone 1937 avec une profondeur de goût de truffe. Ayant fini à 5 heures, j’ai devant moi trois heures pour penser, méditer et me reposer, bavardant avec le sympathique responsable de la sommellerie Paul Robineau. Le chef vient me saluer et nous mettons au point les derniers ajustements. Ses suggestions me plaisent. A 18 heures j’ouvre le magnum de champagne et à 19 heures le champagne plus ancien.

Nous serons dix, dont dix mâles, ce qui devrait nous valoir une forte amende pour non-respect de la parité. Il y a six nouveaux, ce que j’apprécie beaucoup.

L’apéritif se prend debout dans le beau salon Saturne lambrissé et élégant. Le Champagne Veuve Clicquot Ponsardin magnum 1989 a une forte bulle. C’est à mon sens un champagne archétypal car il a tout ce que l’on aime dans un champagne équilibré et expressif. Si l’on devait définir le champagne que l’on aimerait boire, ce serait celui-ci. Il est consensuel et agréable. Les gougères à la truffe sont puissantes et le jambon relativement doux met en valeur ce beau champagne.

Pour montrer que le chef a voulu cuisiner pour le vin, voici comment il a libellé son menu : mise en bouche / Saint-Jacques / turbot / homard / pigeon / stilton / mangue / financier à la rose. J’adore les intentions qui s’expriment dans cette présentation épurée.

Le Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966 a une jolie couleur d’un ambre rose. La bouche est ronde, cohérente, toute en douceur. Les évocations d’agrumes roses sont d’un charme certain. C’est un grand champagne d’une année que je considère comme l’une des plus grandes du siècle. Je lis sur les visages de mes convives l’étonnement de constater qu’un champagne de 56 ans peut être aussi vif et brillant.

L’accord du turbot avec les deux blancs est spectaculaire. Le Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992 est une merveille de blanc, complexe, noble, racé. Ce blanc est au sommet de son art. C’est le plus subtil des vins de ce repas couronné logiquement de la place de premier.

Si le Ramonet est Louis XV, le Château Rayas Châteauneuf du Pape blanc 1985 est Usain Bolt, car ce vin est une bombe d’énergie, mais d’énergie subtile. Ce Rayas est joyeux et entraînant et c’est lui qui s’accorde le mieux au turbot. Le Rayas sait combiner puissance et complexité.

Le homard est truffé ce qui va créer un pont avec le Château Ausone Saint-Emilion 1937 dont le nez et la bouche exsudent la truffe. Ce vin qui ne peut pas cacher qu’il est ancien est d’une subtilité rare. Pour beaucoup autour de la table, c’est une surprise qu’un vin de 85 ans puisse avoir cette énergie et ce raffinement.

Dès que je porte le verre du Château Nénin Pomerol 1961 à mes lèvres, je sais que je suis en face d’un vin parfait. Sa structure est tellement bien assemblée qu’il est dans un état parfait. Il va sans doute s’améliorer encore avec le temps, mais il est déjà dans une forme idéale. Il n’a pas le charme de l’Ausone, mais il est grand. L’accord du homard simple et cuit à la seconde près est parfait avec les deux vins.

Le Nuits-Saint-Georges Clos des Corvées Général Gouachon 1945 Tasteviné 1950 est un vin tout en subtilité et en velours. L’année 1945 lui donne un équilibre solide. Il est l’expression d’un Bourgogne raffiné. C’est Lamartine ou Chateaubriand. Il est tout en mesure.

Alors que je m’étais régalé des promesses de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992 au moment où je l’ai senti il y a plus de cinq heures, je trouve ce vin trop discret. Il est subtil mais il n’a pas l’aura de La Tâche vin si noble et si conquérant. Aurait-il fallu l’ouvrir plusieurs heures avant, c’est possible, car ce vin n’a pas de défaut, il est juste un peu trop timide. Le pigeon riche n’a pas réussi à le titiller alors qu’il a trouvé le bon partenaire avec l’élégant bourgogne de 1945.

Lorsque j’ai annoncé que nous allions boire le Château Climens Barsac 1949 d’abord avec du stilton puis avec un dessert à la mangue, j’ai vu l’étonnement des convives que l’on puisse chercher des accords aussi opposés. Leur étonnement sera encore plus grand quand ils auront constaté que ces accords sont d’une pertinence absolue. Le Climens est tout simplement le vin parfait, dynamique, puissant mais charmeur comme le serpent qui a su pousser Ève à manger la pomme. Tout dans ce Barsac est luxure, plaisir, raffinement. Il se boit goulûment.

Le financier à la rose est une de mes coquetteries et il est remarquablement exécuté. Et c’est la première fois que je ressens aussi fort que le Vin de Chypre 1870 a un goût de rose. Ce vin lourd, puissant et fort en alcool est à la fois doux et sec, avec de fortes épices. Il a une longueur inextinguible.

Nous sommes tous émerveillés car aucun vin n’a été faible, même si La Tâche n’avait pas son prestige habituel, et tous les accords ont été brillants.

Je crois n’avoir jamais vu une telle diversité dans les votes. C’est incroyable. Si certains imaginent que j’influence les votes, ils verront qu’ils sont dans l’erreur. Qu’on en juge : nous sommes dix à voter pour les cinq meilleurs de dix vins. Tous les vins ont eu au moins deux votes, ce qui est très rare car il y a très souvent un ou deux vins qui ne recueillent aucun vote. Ensuite, six vins ont été nommés premiers, ce qui est vraiment rare. Le Rayas a eu trois votes de premier, le Ramonet et le Climens ont eu chacun deux votes de premier et l’Ausone, le Nuits-Saint-Georges et La Tâche ont eu chacun un vote de premier. Une telle diversité de votes est difficile à imaginer.

Le classement de l’ensemble de la table est : 1 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 2 – Château Climens 1949, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1937, 4 – Château Rayas Châteauneuf du Pape blanc 1985, 5 – Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966, 6 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992.

Mon classement est : 1 – Château Climens 1949, 2 – Vin de Chypre 1870, 3 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 4 – Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966, 5 – Château Ausone Saint-Emilion 1937.

Les six nouveaux participants sont d’un enthousiasme certain et se sont promis de revenir à de nouveaux dîners. Comme à l’accoutumée au Taillevent le service des plats et des vins a été parfait. Le chef a fait une prestation digne de tous les éloges car il a mis son talent au service du vin. Ce 260ème fut un dîner particulièrement réussi.

Champagne Veuve Clicquot Ponsardin magnum 1989

Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966

Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992

Château Rayas Châteauneuf du Pape blanc 1985

Château Ausone Saint-Emilion 1937

Château Nénin Pomerol 1961

Nuits-Saint-Georges Clos des Corvées Général Gouachon 1945

La Tâche Domaine de la Romanée Conti   1992

Château Climens 1949

Vin de Chypre 1870

je n’ai jamais vu des verres aussi vides en fin de repas !

Déjeuner dans ma cave avec mon fils samedi, 19 février 2022

Mon fils vient déjeuner dans ma cave. Après une visite de la cave nous nous rendons dans la grande salle où sont présentées des milliers de bouteilles vides et où la table est mise. Des sushis ont été livrés et nous les mangerons en buvant un Champagne Taittinger 1966. Lorsque j’ai voulu il y a plus d’une heure soulever le bouchon j’ai vu de fines bulles apparaître au point de jonction entre le haut du bouchon et le goulot. Le bouchon était sorti entier, très beau.

La couleur du champagne est fascinante de beauté, d’un blé d’or, et la bulle est très active. Le champagne est raffiné. Il va s’élargir au fur et à mesure de son réchauffement cat il est sorti froid du réfrigérateur. On n’a pas la puissance d’un Comtes de Champagne, mais le charme et l’expressivité de ce champagne nous comblent d’aise. C’est un beau champagne de grande séduction.

Trois heures avant j’avais ouvert deux vins rouges. Le premier est d’une bouteille très ancienne au cul profond. La capsule indique très clairement « grand vin des Hospices de Beaune » ce qui est corroboré par l’étiquette quasiment illisible où l’on reconnait le dessin des Hospices. Le bouchon, quant à lui, montre l’année qui est sans ambiguïté 1922. C’est donc un Grand Vin des Hospices de Beaune 1922.

La jeunesse de ce vin est irréelle. Mon fils, buvant à l’aveugle, se disant que j’ai ouvert un vin très vieux déclare 1955 alors qu’il pense plutôt aux années 60. Ce vin de cent ans a une grande puissance et j’aurais volontiers pensé à un Musigny, mais il faut sans doute situer à Corton ce vin puissant. La structure du vin est solide et on aurait pu penser que le vin avait été hermitagé, mais les Hospices de Beaune ne sont jamais allés dans cette voie. C’est donc un supposé Corton très puissant, riche fruité, et à l’extrême longueur. Je suis de plus en plus sensible à l’émotion que procure un vin. Ce 1922 est d’une grande sensibilité. Sur un Brillat-Savarin il va trouver une dimension supplémentaire.

J’ai ajouté à ce repas une demi-bouteille de Clos des Papes Châteauneuf-du-Pape 1971. Ce vin nous donne l’impression de nous trouver face à la perfection du Châteauneuf-du-Pape. Je pense à Rayas, Beaucastel, Henri Bonneau et je me dis que l’on est bien au-dessus de tous ces vins, même si je les adore et même s’ils explorent des voies différentes de celui-ci. Sa rectitude, son entrain, sa palette si large de saveurs gourmandes, tout cela nous transporte en haut de l’Olympe. Quelle personnalité.

Mon fils me demande comment j’ai choisi les vins du repas. Le champagne a été choisi au hasard, en me promenant dans ma cave. Je n’avais pas d’idée préconçue mais je considère 1966 comme l’une des plus grandes années en Champagne.

L’inventaire de ma cave a été fait en indiquant le plus souvent pour les vins anciens l’état des niveaux. J’avais mis pour le vin de 1922 une indication « G » qui veut dire goulot ce qui est rare pour des vins si vieux. Et il y a pour quelques bouteilles l’indication de leur utilisation possible, dont certaines ont l’indication de mes enfants. J’ai donc choisi sur liste.

Le Clos des Papes, quant à lui, a été choisi pour un autre raison. J’ai acheté il y a peu douze demi-bouteilles de ce vin. Je voulais vérifier si mon achat était pertinent. Je sais maintenant qu’il l’est.

Classer ces trois vins n’est pas facile puisque tous les trois ont brillé par une jeunesse extrême, le 1966 ressemblant à un 1982, le 1922 ayant des accents de 1961 et le 1971 pouvant être confondu avec un 1995. Du fait de la rareté d’un 1922 qui se comporte aussi bien, je mettrais le bourgogne en premier. Le Clos des Papes pourrait être premier du fait de sa générosité éblouissante mais il sera second. Et le champagne si brillant est troisième mais adoré.

Boire des vins inattendus avec mon fils est un plaisir sans équivalent.

les bouteilles préparées pour le déjeuner. La 1/2 champagne ne sera pas bue.

Déjeuner chez des amis samedi, 19 février 2022

Des amis fidèles nous invitent à déjeuner. Lui est passionné de cuisine et réalise des recettes de cuisiniers qu’il suit assidûment. Elle a saisi cette occasion pour donner les clefs de la cuisine à son mari.

Nous commençons à goûter un Champagne Pommery Cuvée Louise 1995 sur des gougères absolument parfaites. Le champagne a une belle maturité et ce qui me ravit c’est qu’il exprime une belle émotion. Il a des accents suaves d’une grande délicatesse.

Le Parmentier de canard est d’une belle exécution. J’ai apporté un Château Lynch Bages 1989 au niveau parfait dans le goulot et au bouchon qui se brise à la levée. Le parfum du vin est d’une puissance extrême et d’une irréelle jeunesse. Le vin est grand, riche et puissant, doté d’une force de persuasion extrême. C’est un grand vin, ce que je savais, mais je n’imaginais pas qu’il eût gardé une telle jeunesse. L’accord se trouve naturellement.

Mon ami a carafé depuis longtemps une Côte Rôtie Château d’Ampuis Guigal 2002. Le nez est jeune. Le vin est équilibré, mais ce qui manque, c’est un peu d’émotion. Le vin n’a pas de défaut, joue bien son rôle sur un Epoisses et sur un Salers, mais il lui manque une petite étincelle de génie.

Le dessert est un Mont-Blanc réalisé par notre hôte, de belle facture. Le Gewurztraminer Grand Cru Marckrain Bestheim 2000 a un joli nez de litchi et se montre particulièrement brillant sur le dessert. L’accord est idéal.

Nous finissons cet agréable repas avec un Rhum Savanna Unshared Cask de la Réunion 2009 qui a onze ans de fût et titre 58°. Il est jeune encore mais il promet.

Notre ami va poursuivre avec méthode son chemin vers la grande cuisine. Nous aurons de belles surprises.

Deux repas avec des vins étonnants jeudi, 17 février 2022

Mon fils vient périodiquement à Paris pour gérer la société industrielle de famille. Pour l’accueillir à son arrivée vers 13 heures, j’ouvre un Champagne Krug Private Cuvée années 60 ou peut-être plus vieux. Le bouchon parfaitement cylindrique est court. Aucun pschitt n’accompagne son extraction. Dans le verre le champagne est d’un ambre doré magnifique et ne montre aucune bulle. Mais le pétillant est là, bien présent. Le vin a une belle acidité, il est intense et dynamique. Il a des accents légers d’agrumes mais il est surtout vineux. Il est solide et généreux, au finale tonique. C’est un très grand champagne qui accompagne des chips dont à la truffe et de beaux fromages.

Nous allons ensuite nous promener dans un forêt voisine et vers 16 heures je commence à ouvrir les vins du dîner que j’envisage de faire goûter à mon fils à l’aveugle.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1963 a un niveau convenable pour les vins du domaine de cette époque. Sous la capsule et au-dessus du bouchon il y a une forte poussière noire qui ne sent pas la terre. Le bouchon a manifestement souffert et vient presque entier. Le parfum du vin est discret mais plutôt prometteur.

J’ai dans ma cave une zone de très vieilles bouteilles difficiles à identifier. J’ouvre une bouteille mise en bouteille par Cruse et Fils comme l’indique la capsule dorée. Le niveau dans la bouteille très opaque est en dessous de l’épaule, dans la zone dite « vidange ». Le bouchon vient en charpie en une multitude de morceaux de liège très noirs. Le parfum est tellement incroyable de fruit puissant que je me méfie. Il est une expression française qui dit « trop beau pour être vrai ». Ce parfum est si brillant que j’ai peur qu’il ne s’évanouisse. Nous verrons.

Vers 18 heures j’ouvre une bouteille de Champagne Lanson 1969. Elle a une forme de quille qui est très jolie. Le fil de fer du muselet est extrêmement difficile à défaire et je suis obligé d’utiliser une pince. Un beau pschitt salue l’ouverture et la sortie du bouchon court et au miroir incliné, le miroir étant la face du bouchon au contact du liquide.

Un peu avant 20 heures nous passons à table. Le Champagne Lanson 1969 est d’un charme enthousiasmant. Si l’on voulait faire une comparaison ‘genrée’, le Krug du midi est masculin et le Lanson est féminin. Le Krug est plus noble, mais le Lanson est plus chaleureux. J’aime beaucoup les champagnes Lanson de cette époque. Sur des rillettes, le champagne est brillant.

Je sers deux verres remplis dans une pièce voisine, afin que mon fils n’ait pas d’indication. A gauche une couleur intense d’un rouge sang. A droite une couleur plus claire. Mon fils n’a pas commis d’erreur puisqu’il a cité Bordeaux et Bourgogne et ne s’est pas trompé dans les décennies des vins.

Le Bordeaux inconnu mis en bouteille par Cruse & Fils est très probablement des années 20. Ce pourrait être un Rauzan-Ségla ou un Pichon Longueville. Son parfum est resté large et généreux, tonique. En bouche c’est un vin presque parfait montrant un beau fruit rouge et une belle expression. Comment est-ce possible pour un vin dont le niveau dans la bouteille était à cinq centimètres sous le bas de l’épaule. Les vins anciens me surprendront toujours. Nous sommes subjugués par sa richesse et sa longueur. Quelle surprise !

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1963 a un nez qui exprime le sel et c’est la bouche qui offre la rose. Il y a la délicatesse des vins du Domaine, pour une année peu expressive. Mais le charme agit. Sur de délicieux pigeons, c’est le Richebourg qui s’exprime le mieux.

Plus le temps passe et plus la couleur du vin devient riche car la densité est plus grande dans le bas de la bouteille et le vin gagne en énergie et en largeur. Le dernier verre sera presque noir avec une lie qui se boit. Bien sûr nous préférerons le vin bourguignon, mais en termes de précision et de finesse le bordeaux marque des points.

Le lendemain midi, le repas sera consacré au bœuf Wagyu. Il se trouve que je venais d’acheter deux jours auparavant deux bouteilles de Sidi-Brahim 1939. J’avais le souvenir d’un Sidi-Brahim 1942 absolument superbe et riche. Ce 1939 devrait être le compagnon du Wagyu. Au moment de l’ouvrir je regarde plus précisément l’étiquette et je vois marqué « blanc ». La bouteille est très opaque et lorsque je la mets face à la lumière, je constate qu’il s’agit d’un vin blanc. Je vérifie ma facture d’achat et effectivement le vin était annoncé blanc. Pour moi, un Sidi-Brahim est rouge, ce qui justifie que je n’aie pas vérifié, d’autant que les deux bouteilles sont complètement opaques.

Alors, c’est une tempête sous mon crâne. Vais-je ouvrir ce blanc dont je n’ai aucun repère ? Je me souviens qu’au Japon nous avions mangé du Wagyu en fines tranches cuites sur des pierres chaudes en buvant un Corton-Charlemagne de Coche-Dury et l’accord avait été divin. Je tourne dans ma tête les risques à prendre et je décide de ne pas tenter l’aventure. Je prends en cave un Santenay-Gravières Jessiaume Père et Fils 1928. Le niveau dans la bouteille est absolument parfait, de trois centimètres sous le bouchon. La bouteille est extrêmement épaisse et paraît particulièrement saine.

Le bouchon sort entier mais au lieu de glisser dans le goulot il remonte en saccades de cinq millimètres en cinq millimètres. C’est assez curieux. Le parfum est idéal.

Le vin est servi trois heures et demi plus tard et le parfum du vin est miraculeux et pur. En bouche, le gras maîtrisé du Wagyu lui donne un caractère aérien. On sent bien que ce vin n’est pas d’une appellation tonitruante, mais il a une précision et une justesse de ton qui le rendent magique. Plus le vin est servi plus il est ample et généreux. Le Wagyu est accompagné de pommes de terre grenailles et l’accord est pertinent. On ressent que le millésime 1928 a fait des vins éternels.

Mon fils préfère le Richebourg 1963 au Santenay 1928. Je mets les deux vins ex-aequo car je suis impressionné par la précision aérienne du vin le plus ancien.

En deux jours nous avons fait une belle exploration de vins anciens inhabituels. Ces vins nous réservent de belles surprises. Tant mieux.

le lendemain, le vin que je voulais ouvrir est un blanc !!!

il est remplacé par :

Déjeuner au restaurant le Grand Véfour samedi, 12 février 2022

Un ami journaliste qui a aidé à me faire connaître au tout début de mes dîners est un grand gastronome. Nous bavardons au téléphone et il me dit que plusieurs restaurants souffrent des restrictions liées au Covid. Il évoque quelques noms et l’idée me vient d’inviter cet ami au restaurant le Grand Véfour.

Nous nous y retrouvons un jeudi pour déjeuner et je constate avec plaisir que le restaurant est plein. A côté d’un menu à prix très attractif, il y a les plats signatures de Guy Martin aux tarifs beaucoup plus musclés, surtout en cette période d’excellence de la truffe noire. Mon ami choisit des plats relativement modestes et je me dis qu’en prenant les plats signatures, je rends service à la restauration. Pure recherche d’alibi.

Les plats que je choisis sont : œufs brouillés à la truffe et homard bleu rôti aux truffes noires. Pour le premier plat je commande un Champagne Jacques Selosse Brut Initial dégorgé en mai 2021. Ce champagne est déjà un peu ambré et d’une finesse d’un grand équilibre. Il a la touche Selosse, sans accent excessif. C’est un champagne qui se boit bien.

Pour le plat de résistance j’ai commandé un Coteaux du Languedoc Clos des Cistes Peyre Rose 2002. C’est un ami qui m’avait fait découvrir les vins de Marlène Soria que j’avais trouvé magnifiques sur le millésime 2003. L’attaque est belle, encourageante, promettant de beaux plaisirs. Le milieu de bouche est boisé, même si le vin n’a pas été élevé en fûts, c’est une impression.

Et le finale très court est comme une phrase qui n’est pas terminée. On attend et rien ne vient. Il me semble que ces vins doivent être bus jeunes, car ce Peyre Rose qui titre 14,5° semble avoir perdu de son entrain.

Le lieu est charmant, chargé d’histoire. Le service est attentif. La cuisine est d’un classicisme certain, mais c’est ce que j’avais choisi. Voici une belle table où il faut revenir.