Magnifique dîner au restaurant Paul Bocuse dimanche, 7 mai 2023

Thomas a participé à plusieurs dîners dont le 249ème tenu à la Maison Belle Epoque de Perrier-Jouët où avaient été servis trois Vosne-Romanée Cros-Parantoux des trois vignerons qui en ont des parcelles, Henri Jayer, Emmanuel Rouget et Méo-Camuzet. On en retrouvera la mémoire dans ce repas.

Il fête cette année ses 40 ans et depuis trois ans il a cherché à rassembler les plus prestigieux vins du millésime 1983 pour faire un repas d’anthologie avec des amis connaisseurs. Il veut le faire au restaurant Paul Bocuse à Collonges-au-Mont-d ‘Or et m’a demandé de prendre contact avec le directeur général du restaurant, Vincent Le Roux, pour mettre au point le menu.
Il souhaite aussi que je définisse les vins du repas ainsi que leur ordre. Hier nous avions dîné pour vérifier la pertinence des plats et mettre en place les derniers ajustements.

Le jour J, j’arrive à 16 heures pour ouvrir les vins et dès mon arrivée le chef exécutif Gilles Reinhardt vient me saluer et m’explique qu’il n’avait pas pu rester hier pour que l’on commente les plats et me dit qu’il a été navré de ce contretemps. J’apprécie énormément qu’il ait eu cette sympathique attitude.

L’ouverture des vins se fait en présence de Thomas et de Maxime Valéry chef sommelier. Les bouchons viennent assez facilement sauf celui du Cheval Blanc 1983 très serré dans son goulot. Le bouchon de La Tâche 1983 vient en charpie car en haut du goulot il y a une surépaisseur de verre qui déchire le bouchon lorsqu’on le tire.

Le plus beau parfum est celui du Chablis Les Clos Dauvissat 1983 en magnum. Sa couleur est belle et ce vin promet.

A 20 heures nous sommes huit et il n’y a que des hommes, amis de Thomas. Nous sommes dans un salon de taille idéale et Maxime Valéry va nous accompagner tout au long du repas et va même participer aux votes en fin de repas.

Le menu préparé par le chef exécutif Gilles Reinhardt qui est MOF est : les amuse-bouches / fine tartelette croustillante, chou-fleur en différentes textures et caviar osciètre royal / quenelles de sandre et homard sauce champagne / omble de fontaine bio, risotto végétal, jus d’arêtes au vin rouge / découverte de l’agneau laiton de l’Aveyron, petits pois à la française / canette des Dombes en deux services / le citron jaune bio, rafraîchi aux feuilles de céleri et agrumes confits aux baies de genièvre.

Le Champagne Dom Pérignon 1983 magnum à l’ouverture avait explosé et sauté en l’air ce qui est rare pour un champagne de quarante ans, mais dû à la température qu’il avait. Il est servi maintenant un peu chaud mais cela lui va assez bien. C’est un champagne vif, pour lequel la puissance compte plus que le charme. Les millésimes des Dom Pérignon ont tous des personnalités différentes et celui-ci est dans le camp des Dom Pérignon vifs et doux à la fois. Il est large et adapté aux amuse-bouches délicats et subtils.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1983 montre immédiatement qu’il est plus complexe et plus fin. C’est une autre version du champagne noble. Mais je trouve qu’il manque un peu d’émotion comme un acteur qui récite son texte sans trop de passion. C’est évidemment un grand champagne mais pas au niveau qu’il devrait avoir, comme le démontrera le vin qui suit. La tartelette est un pur régal qui cohabite le mieux avec le Dom Pérignon pour le caviar et le poisson cru alors que le jaune d’œuf avec le caviar trouve un bel écho avec le Krug.

Sonnez, trompettes de la renommée, car arrive maintenant le Chablis Les Clos Dauvissat 1983 magnum sur la légendaire quenelle. Le nez de ce vin est irréel tant il est puissant, affirmé et expressif. En bouche, c’est un vin parfait qui exsude des saveurs glorieuses. Nous faisons tous silence pour nous imprégner de ce divin breuvage. Magnifique vin intense, doré et rond, et accord sublime avec l’onctueuse quenelle. C’est un immense moment.

Le Château Cheval Blanc Saint-Emilion 1983 est associé à l’omble qui est un plat que j’adore et que j’avais estimé hier digne compagnon d’un rouge. Le jus d’arêtes est moins intense qu’hier alors que c’est lui qui crée l’accord. Le Cheval Blanc est au sommet de son art, d’une truffe forte et riche et d’une personnalité épanouie. Thomas et Alexander avaient bu plusieurs grands bordeaux de 1983 récemment et le Cheval Blanc avait dominé les autres dont Margaux et Latour qui sont pourtant de solides gaillards. Celui-ci est très grand et n’aura pas la consécration de votes qu’il mériterait dans un autre dîner car comme au rugby, les cinq bourgognes vont faire un barrage infranchissable aux votes finaux pour lui.

L’agneau accompagne les deux premiers bourgognes. Le Chambolle-Musigny Les Amoureuses Roumier 1983 apparaît pour certains plus vieux qu’il ne devrait être et ils font mauvaise mine, alors que je me dis : « enfin un vin de mon monde », bien sûr avec humour. Les amis glorifient donc le Gevrey-Chambertin Clos Saint-Jacques Armand Rousseau 1983 alors que je le trouve un peu aqueux et timide. Il va sans dire que les deux sont de très grands vins, mais la force du Roumier associée à une belle maturité même si elle est un peu précoce, me séduisent absolument, alors que la timidité du Rousseau n’arrive pas à me convaincre. L’agneau est absolument superbe et s’affronte au Chambolle-Musigny pour mon plus grand plaisir.

La canette des Dombes est présentée en deux services. Les deux vins d’Henri Jayer seront servis lors de la première étape. La découpe des canettes est faite par Jean-Philippe Merlin, le directeur de salle historique qui a découpé plus de quarante mille oiseaux pendant sa carrière chez Paul Bocuse.

L’Echézeaux Henri Jayer 1983 et le Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1983 sont deux vins tellement sublimes et subtils qu’une nouvelle fois il faut se recueillir pour écouter leur message. Tout est en subtilité et les deux vins se montrent extrêmement différents. Un ami voit dans le Cros Parantoux des accents de Richebourg alors que je lui vois des accents de Saint-Vivant, ce qui montre la diversité des goûts. Sept votants mettront le Cros Parantoux devant l’Echézeaux. Je serai le seul avec le sommelier à mettre l’Echézeaux devant le Cros Parantoux. J’ai trouvé une expression virile de l’Echézeaux quasiment parfaite alors que le Cros Parantoux exceptionnel lui aussi n’avait pas la même force de persuasion à mon goût.

Quel cadeau de Thomas d’avoir mis ces deux vins dans son repas d’anniversaire ! Et les deux vins étaient au rendez-vous car malgré ma remarque, nous avons eu devant nous l’expression la plus aboutie de l’âme du vin bourguignon d’exception.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983 est le seul vin non apporté par Thomas. C’est mon cadeau. Il est servi en même temps que la seconde partie du plat de la canette des Dombes, riche et complexe dans sa conception mais de goût généreux. On sait que j’ai tendance à aimer particulièrement les vins que j’apporte mais je crois que j’ai raison en ce cas. Immédiatement ce vin me donne l’impression d’une totale perfection, ce que je n’ai ressenti que pour le Chablis Dauvissat dans ce dîner. Et ce sentiment de perfection me marque. Mon voisin de table aura la même analyse. C’est impressionnant car pour mon goût La Tâche dépasse les quatre bourgognes précédents, malgré leurs immenses qualités. Je ressens l’équilibre, la puissance bien maîtrisée et une fraîcheur rare. Avec le plat en croûte, le bonheur est à son comble.

Il est déjà tard aussi paraît-il opportun que l’on vote au moment où le Château d’Yquem 1983 va être servi. Je propose qu’Yquem ne fasse pas partie des votes pour gagner du temps. Cet Yquem est particulièrement bon et se présente comme une belle synthèse de ce qu’est l’âme d’Yquem, avec un beau botrytis, une grande solidité et une richesse certaine. Il est cohérent dans tous ses aspects et le dessert crée un des plus beaux accords du repas, la délicate meringue faisant saliver l’Yquem.

Pendant que nous buvons l’Yquem, un des deux grooms vient jouer de son orgue de Barbarie, un serveur apporte une assiette avec une bougie allumée et nous applaudissons Thomas pour son anniversaire et pour sa générosité.

Les votes de premier sont concentrés sur trois vins, le Cros Parantoux Henri Jayer ayant quatre votes de premier, La Tâche trois votes de premier et le Chablis deux votes de premier et malgré ce plus petit nombre de votes de premier, ce sera le Chablis qui finira premier car il a reçu des votes de tous les participants, plus le sommelier qui a aussi voté. Tous les vins ont eu au moins un vote.

Le vote du consensus est : 1 – Chablis Les Clos Dauvissat 1983 magnum, 2 – Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1983, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 4 – Echézeaux Henri Jayer 1983, 5 – Chambolle-Musigny Les Amoureuses Roumier 1983, 6 – Champagne Dom Pérignon 1983 magnum.

Mon vote est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Chablis Les Clos Dauvissat 1983 magnum, 3 – Echézeaux Henri Jayer 1983, 4 – Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1983, 5 – Chambolle-Musigny Les Amoureuses Roumier 1983.

Ce repas a été un repas d’anthologie. Thomas y a mis tout son cœur. Les plats ont été adaptés en taille et en préparation. Tout a été absolument succulent. La quenelle est légendaire et j’ai un amour particulier pour l’omble. Les accords ont été superbes, le plus beau étant la quenelle avec le chablis, suivi de l’Yquem avec le citron jaune. Le service a été extrêmement attentif à cette expérience rare et Maxime Valéry a fait un service des vins original et précis, en une expérience nouvelle pour lui.

Les équipes motivées et souriantes ont contribué à la réussite d’un très grand repas qu’avec l’accord enthousiaste de Thomas je classe 276ème des dîners dont j’ai participé à la création. Une belle aventure.


mes apports dont des cadeaux

la Tâche sera ma contribution au dîner

les vins du dîner

l’ouverture des vins

le limonaire pour l’anniversaire de Thomas

Dîner de préparation au restaurant Paul Bocuse vendredi, 5 mai 2023

Un ami fidèle de mes dîners va fêter ses quarante ans avec quelques amis chez Bocuse. Il a rassemblé des vins parmi les plus prestigieux du millésime 1983. Il m’a demandé d’organiser la liste des vins du repas et de mettre au point le menu avec le directeur général du restaurant Bocuse, Vincent Le Roux.

Il est prévu que je dîne au restaurant la veille pour appréhender la cuisine du chef exécutif Gilles Reinhardt qui est MOF. Ce sera un dîner à trois avec celui qui sera fêté demain et un ami lyonnais amateur de vin que je connais de longue date. Je vais saluer le chef et son équipe en cuisine en lui disant que je serai heureux de bavarder avec lui après le service.

Vincent Le Roux me suggère de prendre des plats qui ne seront pas au menu demain, mais je préfère étudier deux des plats du dîner à venir. Mon programme sera donc : omble de fontaine bio, risotto végétal, jus d’arêtes au vin rouge / canette des Dombes en deux services.

Mon ami a apporté un Champagne Philipponnat Réserve Millésimée Extra-Brut L.V. 1982, L.V. signifiant Long Vieillissement. D’un parfum légèrement lacté, ce champagne est agréable mais manque un peu d’émotion. Il est rond, aimable, et s’accorde bien aux amuse-bouches délicats.

Lorsque l’omble est servi il me paraît évident qu’il faut qu’entre en scène le vin que j’ai apporté, un Moulin-à-Vent des Hospices Civils de Romanèche-Thorins 1959. Je souhaitais qu’un vin de la région vinicole la plus proche de Lyon soir mis à l’honneur. Le fait que le vin soit servi par Maxime Valéry chef sommelier du lieu, me fait plaisir, car pendant huit ans j’ai pu apprécier ce sommelier brillant à la Vague d’Or de Saint-Tropez.

Comme les coïncidences surviennent généralement en groupe, j’apprends que le grand-père de mon ami lyonnais a été maire de Romanèche-Thorins. Le vin est donc doublement bienvenu. A signaler une anecdote amusante qui montre qu’il y a encore beaucoup à faire pour la compréhension des vins anciens, aussi bien le directeur que le sommelier ont utilisé le mot ‘encore’ en se demandant : ce beaujolais sera-t-il ‘encore’ bon ?

L’omble est un plat superbe et c’est le jus d’arêtes qui forme avec le vin un accord magistral. Le Moulin-à-Vent qui avait un niveau exceptionnel, le liquide touchant presque le bouchon, nous avait gratifié d’un parfum idéal, riche et percutant. En bouche, c’est un vin noble et puissant, qui pourrait lutter avec bien des plus grands vins de Bourgogne. Il est d’une personnalité qui me plait car sous la cuirasse on sent un cœur qui bat. Je suis ému qu’il se montre si convaincant.

C’est Jean-Philippe Merlin, le directeur de salle historique, qui découpe devant nous la canette. Le plat est superbe, merveille de la cuisine bourgeoise traditionnelle et la seconde partie, pâtisserie complexe au mille saveurs est à manger religieusement. Avec le plat, ce vin riche est superbe et intense. C’est un régal.

Nous n’avons mangé ‘que’ deux plats et nous sommes rassasiés alors que pour demain, j’avais bâti un menu beaucoup plus complexe et multiple. Il faut donc retravailler le menu que le directeur lui-même jugeait trop copieux, sans nous l’avoir dit. En jouant sur le nombre des plats et sur la taille des portions, nous avons refait un programme.

J’ai voulu saluer le chef exécutif et le directeur général mais ils étaient partis. J’ai fait deux ou trois remarques légères au directeur de salle, qui les a parfaitement intégrées. Le dîner de demain devrait être un succès.

Nous avons très bien mangé. Cette cuisine riche traditionnelle est remarquablement exécutée. Le service aussi bien des plats que des vins est idéal. Il y avait deux tables où l’on célébrait un anniversaire. Daniel Abdallah, le groom souriant, a joué de l’orgue de barbarie pour l’hymne d’anniversaire. Quelle charmante tradition !

Daniel nous a photographiés sur le banc où un Paul Bocuse en bronze est assis. Tout fut superbe et émouvant dans ce temple de la bonne cuisine.

La Tâche est pour demain et le Banyuls est mon cadeau pour Thomas

Avec Thomas … et Monsieur Paul

Déjeuner à mon domicile mercredi, 3 mai 2023

Une dame coréenne m’avait invité à déjeuner à l’hôtel Saint-James pour discuter de possibles repas à Séoul. Elle avait conclu notre réunion par : je voudrais visiter votre cave et vous me ferez une proposition.

Le jour venu elle visite ma cave avec un coréen qui vend du vin en France et se met au service de cette dame, le frère du coréen qui fait de la restauration de parchemins antiques, la personne qui a créé le contact et son assistant. Les appareils photos n’ont cessé de mitrailler mes vins, avec des oh et des ah tant cette découverte de ma cave va très au-delà de ce qu’ils imaginaient.

Pour de telles visites suivies d’un repas j’organise normalement en cave un repas sommaire arrosé de mes vins. Ma secrétaire est en vacances aussi ma femme me suggère que nous recevions ces visiteurs à la maison. J’ai choisi des vins en voulant qu’ils ne soient pas conventionnels et ma femme a conçu un menu pour les vins.

Le menu est : gougères, gouda au pesto / foie gras mi- cuit à la vapeur / joue de bœuf aux carottes / Brillat-Savarin, Comté et chèvre / tarte au chocolat et caviar.

Dans notre salon la dame coréenne reconnaît un peintre dont nous avons des toiles car il a réalisé pour elle a New York une table façon Yves Klein, beau-père du peintre.

Le Champagne Krug Grand Cuvée 1ère édition a été commercialisé de 1979 à 1981 avec sa jolie étiquette crème et a des vins des années 60 et 70. Lorsque j’avais ouvert le champagne vers 8 heures ce matin, la cape cachait une trace graisseuse. Le niveau était assez bas et aucun pschitt n’était apparu. Le bouchon s’était brisé à la torsion d’ouverture. A travers le verre foncé la couleur était peu plaisante aussi avais-je un doute. Or en servant le champagne sa couleur dorée jaune me rassure. Quelques bulles sont visibles. Le nez est engageant et en bouche ce champagne est solaire et souriant. Il est extrêmement cohérent, vif et brillant. Avec les gougères, c’est un régal. Voilà une heureuse surprise.

J’ai choisi le Graves Blanc Barton & Guestier 1959 comme un challenge. La couleur à travers le verre est splendide et le niveau est parfait. Lorsque j’ouvre la bouteille vers 8 heures le bouchon vient sans problème et le parfum est engageant. Servi à table, il forme avec le foie gras un accord idéal. Ce qui me fascine, c’est son acidité si élégante et magnifiée par le gras du foie. Je suis aux anges et mes convives sont stupéfaits qu’un vin de négociant d’une appellation générique procure un tel plaisir. Bien sûr le vin n’a pas la complexité riche d’un Grand Cru, mais il a un tel charme qu’il nous convainc.

Lorsque j’ai ouvert le Vieux Château Certan 1955, j’ai constaté que la bouteille a eu un nouveau bouchon mis au domaine en 1995, soit 40 ans après. Ceci explique le niveau parfait. Dès l’ouverture le parfum est conquérant et guerrier. En bouche, immédiatement, on sent que l’on est en face d’un vin parfait. Il serait en effet impossible de lui trouver le moindre défaut. Sa mâche de truffe est forte. Quel vin impressionnant. Pour rire, j’ai dit à mes convives qu’un clone de Robert Parker, en 1957, nous aurait dit : à boire avant 1990. Nous en avons ri.

La délicieuse et fondante joue de bœuf donne encore plus de charme au conquérant pomerol.

Le Châteauneuf du Pape Saint-Préfert 1949 avait un niveau superbe pour son âge et me tentait. Le nez très discret n’avait rien de négatif. Sa couleur dans le verre est beaucoup plus pâle que la couleur noire du bordeaux. Il est très difficile pour ce vin de passer après le 1955. J’en attendais beaucoup mais il lui est impossible de nous séduire après le miracle du Vieux Château Certan. De plus il n’est pas totalement précis.

J’avais servi le Malaga 1872 lors du déjeuner au restaurant Plénitude et j’avais dit à ma femme que ce vin est un Fregoli qui passe du sucré au salé quasiment à chaque gorgée. Ma femme a eu l’idée de faire une tarte au chocolat et au caviar selon une recette d’une amie cuisinière. L’accord entre ce dessert et le lourd vin riche de 151 ans est magique, car à tout moment le vin change de registre, en avant, en arrière, comme un danseur de tango. Ce vin aux complexités infinies et à la couleur qui change à tout moment comme un bijou, est magique.

Mon classement des vins serait : 1 – Vieux Château Certan 1955, 2 – Graves Blanc Barton & Guestier 1959, 3 – Malaga 1872, 4 – Krug Grande Cuvée, 5 – Saint-Préfert 1949.

L’ambiance fut amicale et mes convives émerveillés. L’éventualité de faire dans quelques mois des dîners à Séoul m’excite beaucoup.

Dîner avec un brillant Roumier 1971 dimanche, 30 avril 2023

Mon fils vient dîner chez ma femme et moi avec son fils. J’aime choisir des vins assez originaux quand je les partage avec lui. Cinq heures avant le dîner j’ouvre un Montrachet Bichot Négociant 1945 au niveau très acceptable. Le bouchon est sale et difficile à tirer car le haut du goulot a une surépaisseur qui empêche le bouchon de monter.

L’odeur est très désagréable de vilaine mixture, mais je sens en arrière-plan un fruité qui pourrait donner espoir.

A l’inverse, le Clos Vougeot G. Roumier et ses fils 1971 au niveau moyen, qui a un bouchon très sec qui vient entier, a un parfum à se damner. Quelle noblesse, quelle prestance ! Il est tellement prometteur que je mets un bouchon de verre au-dessous du goulot pour que ce parfum magique ne disparaisse pas.

Mon fils arrive et ma femme a préparé de délicieuses gougères. C’est l’occasion de vérifier si le Pommery 1973 servi il y a une semaine est encore vivant. Il avait été servi en Salmanazar et j’avais versé le reste dans une aiguière. La couleur est encore très claire alors qu’il y a un abondant sédiment dans la carafe, heureusement resté au fond. Le champagne est encore buvable mais il montre rapidement des signes de fatigue.

Je verse le Montrachet Bichot Négociant 1945 et la couleur grise est vraiment peu engageante. Le parfum a perdu les senteurs désagréables. Nous sommes en face d’un vin fatigué, qui n’a plus grand-chose qui évoque un montrachet, mais qui est buvable. Et les gougères gomment les imperfections.

Un gouda au cumin jouera le même rôle d’effaceur de défauts, mais si l’on veut être objectif, ce montrachet est mort. J’avais visité la cave où il reposait qui ne me plaisait pas et c’est un accident de cave qui peut expliquer cet état.

Nous passons à table et ma femme a préparé une épaule d’agneau avec de l’ail et des pommes de terre passées au four. Le Clos Vougeot G. Roumier et ses fils 1971 offre comme à l’ouverture un parfum noble et racé. Le vin est divin. Il est vif, tranchant, dynamique et ne cherche pas à plaire. En lui, aucune rondeur, mais une force de persuasion extrême. Son acidité lui donne la vivacité d’un vin jeune. Et quelle longueur ! Nous sommes ravis et le plat forme un accord majeur.

Nous parlions, nous parlions et il apparait que je devrais chercher une bouteille en cave, que l’on puisse ouvrir au dernier moment. Je choisis un Château Mouton-Rothschild 1964 qui devrait faire l’affaire. Effectivement il est tout de suite prêt à être bu. L’année 1964 fait des vins solides et un peu rigides mais je suis très favorablement surpris de voir ce Mouton aussi souple, tout en velours. C’est un grand vin intense et goûteux, au-dessus de l’idée que j’en avais.

Un Brillat-Savarin et un saint-nectaire ont cohabité avec ce vin. Le dessert de mangue et d’ananas a été mangé à l’eau. Je suis heureux de partager de telles bouteilles avec mon fils. Peu importe la faiblesse du montrachet, c’est le partage qui compte.

275th lunch at Plénitude Restaurant dimanche, 30 avril 2023

The 275th wine-dinner event, a lunch, is being held at the Plénitude Arnaud Donckele restaurant at the Cheval Blanc hotel in Paris. At 9:30 a.m., I go to the hotel entrance and the porter, like the employees in charge of luggage, says to me « hello Mr. Audouze ». I walk through the front door and the person in charge of reception, whom I already know, says ‘hello Mr. Audouze’. The sommelier not being available yet, I ask this charming lady if I can have a coffee. I go up to the seventh floor where there is a bar and they say ‘hello Monsieur Audouze’.

I will learn later that Alexandre Larvoir, the manager of the Plénitude restaurant had a note with my photo distributed to all the places I could go, which explains why I was recognized. It’s fun and it’s a great idea.

As soon as I can, I start opening the wines and the weather conditions must be strong because many corks give the impression of being swollen to the point that I had to use the Durand corkscrew which combines a classic wick with a bimetal which goes up the corks more easily but which I avoid using because the bimetallic strip tears the edge of the corks which is annoying for my collection of corks.

The 1966 Château Carbonnieux Blanc has a pronounced cork nose and what bothers me is that the cork also smells of cork. I will monitor the evolution of this perfume.

The champagnes open easily but the cap of the Dom Pérignon 1966 breaks into a thousand pieces which is unpleasant and has existed for years.

Even with the Durand, the Chablis Rebourseau and Philippon 1923 cork fell apart. Its scent is promising.

The two Bordeaux have absolutely perfect corks and their flavors are superb, that of Haut-Brion 1929 being divine.

The Echezeaux has a cork entirely surrounded by fat and comes whole. The neck is covered with this grease and I clean it with my fingers which turn black. I had a picture taken of my dirty hand. It’s impressive. But what is incredible is that the perfume of the wine is moving as it expresses what makes the soul of Romanée Conti.

I had to use the Durand for the Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 as the cork was difficult to eradicate. It is black on three quarters. The nose is more solid and makes me think of the warrior character of Richebourg more than the subtlety of Romanée Conti, but the wine looks great on the nose diagnosis.

The Rayas 1976 has an engaging fragrance and the Yquem 1967 offers a breathtaking bouquet of scents. Malaga 1872 has a heavy wax that is very hard and difficult to remove. The perfume is a journey into the beyond as the sweet and the dry interlace.

All is well except for the Carbonnieux. Two hours later the cork nose has almost disappeared and shortly before the arrival of the guests there is almost no more fault, but not completely.

Arnaud Donckele comes to greet me and tells me that he wanted to integrate my personality into his creation, which must represent our two visions. The opportunities to put his talent at the service of legendary and ancient wines are rare. He appreciates all the more that we intertwine our intuitions.

Guests are punctual. There will be eleven of us, all of the same gender, and my guests come from three countries, England, Germany and Poland.

I present my dinners that none of the guests have practiced and on delicate appetizers we drink Champagne Krug 1989. It has no more bubbles, its color is a summer wheat gold and its personality is triumphant. It is a great harmonious, balanced and joyful champagne. For my guests it is an opportunity to enter a world they do not know, that of old champagnes.

We sit down to eat. The menu created by Arnaud Donckele from our common reflection is: oyster, caviar, agaric for Gratin ‘champenois’ / rabbit, brocoletti, mousseron for vinaigrette ‘Saint-Saëns’ / white asparagus, green mango, herbs for coulis ‘Narcisse’ / red mullet, baker’s, crocus, for ‘one-eyed’ sabayon / veal, morels, walnut for ‘clavelin’ sabayon / pigeon, giblet, herbs for ‘delicacy’ salmis / emotional memory for ‘orchard balm’ juice.

We see that the word ‘for’ exists in the title of each dish, because the flesh or the solid is at the service – so to speak – of the sauce. When Arnaud comes to see us at some point during the meal, he will say: « start with the sauce ».

Champagne Dom Pérignon 1966 is absolutely divine and its sparkling is more pronounced than that of Krug. I drank this vintage of Dom Pérignon 27 times and in my opinion it is the greatest 1966 that I have drunk. What Grace. So much the Krug is in affirmation, so much the Dom Pérignon is in suggestion. The pairing with the oyster is perfect.

I warned my guests that the Château Carbonnieux Blanc Léognan 1966 had a cork nose when opened, and in the glasses whose top is very narrow compared to the opulence of the shape of the glass, the small residual cork nose is amplified. But on the palate, what remains of the cork nose is insignificant on the palate. I had warned that I could open another white wine but no one was bothered to the point that a guest ranked this wine second in his vote.

The Chablis Supérieur Rebourseau and Philippon 1923 accompanies the Carbonnieux on the rabbit executed in a masterful way. I wanted us to drink a hundred-year-old wine. This Chablis is all about delicacy. He is airy and shows no signs of fatigue. It is not very complex, it is moving. And it creates an agreement with the sauce which is anthological.

One of the guests had said at the beginning of his first contact: « I don’t recognize a Chablis in this wine » and I reassured him because, just as an old champagne is in another world than a current champagne, a century-old Chablis no longer has the characteristics of a young Chablis and what counts is the emotion it provides. Everyone will understand this since this wine will be included in nine out of eleven vote sheets. A success.

I say to my friendly guests: the Musigny Blanc Comte Georges De Vogüé 1989 is a return to the world of wine that you know, since it has all the characteristics of a dazzling young wine. In another meal, he would be a winner, he is so brilliant. But here the attention is more towards old wines. I thought of the Montrachets. This Musigny is more incisive and sharp whereas the Montrachets are broader and opulent. Both are expressions of the absolute excellence of white Burgundy wine. The pairing with the asparagus and its sauce is magical.

An anecdote concerning Ausone 1955 and Haut-Brion 1929 which appear now. When I open the wines a few hours before the meal, I don’t taste, to have a slow oxygenation in its purity. I only feel. During lunch, wines are served by the sommelier. I ask him to serve me the first drops so that I can let everyone know if there is a problem. So I drink before the dish is served. But in my meals, the wines are served after the dish is on the table, so that the guests do not drink a wine with the memory of the previous dish. Wine should be drunk after the first bite of the dish designed for him. To inform the guests, I do the opposite. We had just had the asparagus with a green herb sauce. I taste the wines and the smell is not nice and for both wines their finish is too short. So I inform my guests that both wines might have problems and that I will open another wine if they are not satisfied.

I receive my dish, I drink the wines which have not the slightest problem. Everyone enjoyed it and no one asked me to open another wine. This shows the influence of a dish on wine’s taste.

Château Ausone Saint-Emilion 1955 has a very expressive nose and on the palate the wine is strong, powerful, intense and rich. It is a conqueror with a trace of truffle in the middle of the mouth.

Château Haut-Brion 1929 is all nobility with a certain refinement. Its length is superb. Our table will be split in two, with supporters from Ausone and others from Haut-Brion. If Haut-Brion did not shine as much as that, it is because a small veil of dust reduced the pleasure without masking the message of the wine and its nobility. The guests were happy to see that Bordeaux can reach such riches. And what was their surprise to see that these two wines go well with a fleshy and powerful red mullet.

The Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957 which had stained my hands has a nose that I love, which expresses the soul of Romanée Conti wines with salt and rose, these markers that I love. What a moving wine.

The Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 is solid. Its fragrance is rich and its taste like its nose reminds me of the pride of Richebourg. La Romanée Conti can have this facet. But the grace and dazzling finesse of Romanée Conti are also there. It is a very great wine but my heart will go to Echézeaux. The pairing of the two wines with the veal is very subtle.

Château Rayas Châteauneuf du Pape 1976 is so easy to understand! After four red wines that demand attention, the palate settles into a conformable armchair and listens to a reassuring message, which obviously does not exclude richness and complexity. That’s what the pigeon needed. This wine is great but still quite far from the mythical 1978.

The Château d’Yquem 1967 is splendid. Its fragrance is inimitable. It’s an explosion of scents. I must say that the dessert is absolutely magical and blew me away. We can understand that in a temple that belongs to LVMH we had the opportunity hundreds of times to try perfect pairings with Yquem, but I am still blown away. The 1967 is now more mellowed and plays more on its grace than on its power.

We will see in the votes that my guests, more concerned about entering the unknown world of old wines, will vote less for wines like Rayas or like Yquem because the surprise is less strong.

Alexandre Larvoir tells us that his team will have to prepare the dining room for the dinner that will follow and suggests that we go to the smoking room to taste the Malaga 1872. We therefore voted by drinking the Malaga 1872 which is not part of the wines to be ranked, each voting for their five favorite wines.

Yet the Malaga 1872 deserves our attention, because it combines sweet and salty, sweet wine and dry wine. This kaleidoscopic and confusing complexity is a refined pleasure.

All the wines, without the Malaga, had at least one vote, which makes me happy because each wine was able to be in the top five of at least one voter. Five wines have had the privilege of being named first, Echézeaux four times, Romanée Conti three times, Chablis twice, Krug 1989 once and Rayas 1976.

The ranking of the eleven guests is: 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 2 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957, 3 – Chablis Supérieur Rebourseau and Philippon 1923, 4 – Champagne Dom Pérignon 1966, 5 – Château Ausone Saint- Emilion 1955, 6 – Château Rayas Châteauneuf du Pape 1976.

My ranking is: 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 3 – Château Haut-Brion 1929, 4 – Chablis Supérieur Rebourseau and Philippon 1923, 5 – Champagne Dom Pérignon 1966.

What pleases me the most is that Chablis came third. It was ranked in the top five by nine out of eleven diners. That a hundred-year-old wine and Chablis achieve such a performance delights me with ease.

The service is always of the highest quality. Maelys, Anaïs and Marion served us remarkably well. They combine professionalism and beauty. As usual Emmanuel Cadieu made a perfect wine service.

For my taste, the best pairing is rabbit with Carbonnieux and Chablis, then asparagus and white Musigny. The most original is the pairing between the red mullet and the two Bordeaux wines.

Placing the rabbit at the top of the meal and before the red mullet is one of the caprices that I appreciate, because I like breaking the codes, and doing it with the complicity of Arnaud Donckele and above all his talent, it’s a Supreme hapiness.

275ème déjeuner au restaurant Plénitude samedi, 29 avril 2023

Le 275ème événement de wine-dinners, un déjeuner, se tient au restaurant Plénitude Arnaud Donckele de l’hôtel Cheval Blanc à Paris. A 9h30, je me présente à l’entrée de l’hôtel et le portier comme les employés chargés des bagages me disent ‘bonjour monsieur Audouze’. Je passe la porte d’entrée et la responsable de l’accueil, que je connais déjà, me dit ‘bonjour monsieur Audouze’. Le sommelier n’étant pas encore disponible, je demande à cette charmante dame si je peux prendre un café. Je monte au septième étage où il y a un bar et on me dit ‘bonjour monsieur Audouze’.

J’apprendrai plus tard qu’Alexandre Larvoir, le directeur du restaurant Plénitude a fait diffuser une note avec ma photo dans tous les endroits où je pourrais aller, ce qui explique qu’on m’ait reconnu. C’est amusant et c’est une très belle idée.

Dès que je peux, je commence l’ouverture des vins et les conditions atmosphériques doivent être fortes car beaucoup de bouchons donnent l’impression d’être gonflés au point que j’ai dû utiliser le tirebouchon Durand qui combine une mèche classique avec un bilame qui remonte plus facilement les bouchons mais que j’évite d’utiliser car le bilame déchire le bord des bouchons ce qui est gênant pour ma collection de bouchons.

Le Château Carbonnieux Blanc 1966 a un nez de bouchon prononcé et ce qui me gêne est que le bouchon sent aussi le bouchon. Je surveillerai l’évolution de ce parfum.

Les champagnes s’ouvrent facilement mais la coiffe du Dom Pérignon 1966 se brise en mille morceaux ce qui est désagréable et a existé pendant des années.

Même avec le Durand le bouchon du Chablis Rebourseau et Philippon 1923 est venu en miette. Son parfum est prometteur.

Les deux bordeaux ont des bouchons absolument parfaits et leurs parfums sont superbes, celui du Haut-Brion 1929 étant divin.

L’Echézeaux a un bouchon entièrement entouré d’une graisse et vient entier. Le goulot est couvert de cette graisse et je le nettoie avec mes doigts qui deviennent noirs. J’ai fait prendre une photo de ma main salie. C’est impressionnant. Mais ce qui est incroyable, c’est que le parfum du vin est émouvant tant il exprime ce qui fait l’âme de la Romanée Conti.

J’ai dû utiliser le Durand pour la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 tant le bouchon était difficile à extirper. Il est noir sur les trois quarts. Le nez est plus solide et me fait songer au caractère guerrier du Richebourg plus qu’à la subtilité de la Romanée Conti, mais le vin s’annonce grand au diagnostic du nez.

Le Rayas 1976 a un parfum engageant et l’Yquem 1967 offre un bouquet de senteurs époustouflant. Le Malaga 1872 a une lourde cire très dure et difficile à enlever. Le parfum est un voyage dans l’au-delà tant le doux et le sec s’entrelacent.

Tout va bien sauf pour le Carbonnieux. Deux heures après le nez de bouchon a presque disparu et peu avant l’arrivée des convives il n’y a quasiment plus de défaut, mais pas totalement.

Arnaud Donckele vient me saluer et me dit qu’il a voulu intégrer ma personnalité dans sa création, qui doit représenter nos deux visions. Les occasions de mettre son talent au service de vins légendaires et anciens sont rares. Il apprécie d’autant plus que nous entremêlions nos intuitions.

Les convives sont ponctuels. Nous serons onze, tous mêmement genrés, et mes convives viennent de trois pays, Angleterre, Allemagne et Pologne.

Je présente mes dîners qu’aucun des convives n’a pratiqués et sur de délicates mises en bouche nous buvons le Champagne Krug 1989. Il n’a plus aucune bulle, sa couleur est d’un or de blé d’été et sa personnalité est triomphante. C’est un grand champagne harmonieux, équilibré et joyeux. Pour mes convives c’est l’occasion d’entrer dans un monde qu’ils ne connaissent pas, celui des champagnes anciens.

Nous passons à table. Le menu créé par Arnaud Donckele à partir de notre réflexion commune est : huître, caviar, agaric pour Gratin ‘champenois’ / lapin, brocoletti, mousseron pour vinaigrette ‘Saint-Saëns’ / asperge blanche, mangue verte, herbettes pour coulis ‘Narcisse’ / rouget, boulangère, crocus, pour sabayon ‘borgne’ / veau, morille, noix pour sabayon ‘clavelin’ / pigeon, grenaille, abattis pour salmis ‘délicatesse’ / souvenir affectif pour jus ‘baume du verger’.

On voit que le mot ‘pour‘ existe dans l’intitulé de chaque plat, car la chair ou le solide est au service – si l’on peut dire – de la sauce. Quand Arnaud viendra nous voir à un moment du repas, il dira : « commencez par la sauce ».

Le Champagne Dom Pérignon 1966 est absolument divin et son pétillant est plus prononcé que celui du Krug. J’ai bu 27 fois ce millésime de Dom Pérignon et à mon sens c’est le plus grand 1966 que j’aie bu. Quelle grâce. Tant le Krug est en affirmation, tant le Dom Pérignon est en suggestion. L’accord avec l’huître est parfait.

J’ai prévenu mes convives que le Château Carbonnieux Blanc Léognan 1966 avait à l’ouverture un nez de bouchon, et dans les verres dont le haut est très étroit par rapport à l’opulence de la forme du verre le petit nez de bouchon résiduel est amplifié. Mais en bouche, ce qui reste du nez de bouchon est insignifiant au palais. J’avais prévenu que je pourrais ouvrir un autre vin blanc mais personne n’a été gêné au point qu’un convive a classé ce vin second de son vote.

Le Chablis Supérieur Rebourseau et Philippon 1923 accompagne le Carbonnieux sur le lapin exécuté de façon magistrale. Je voulais que l’on boive un vin de cent ans. Ce chablis est tout en délicatesse. Il est aérien et ne montre aucun signe de fatigue. Il n’est pas très complexe, il est émouvant. Et il crée un accord avec la sauce qui est anthologique.

Un des convives avait dit au début de sa prise de contact : « je ne reconnais pas un chablis en ce vin » et je l’ai rassuré car de même qu’un champagne ancien est dans un autre monde qu’un champagne actuel, un chablis centenaire n’a plus les caractéristique d’un jeune chablis et ce qui compte, c’est l’émotion qu’il procure. Tout le monde le comprendra puisque ce vin sera inscrit dans neuf feuilles de votes sur onze. Un succès.

Je dis à mes sympathiques convives : le Musigny Blanc Comte Georges De Vogüé 1989 est un retour dans le monde du vin que vous connaissez, puisqu’il a toutes les caractéristiques d’un vin jeune éblouissant. Dans un autre repas, il serait un vainqueur tant il est brillant. Mais ici l’attention est plus vers les vins anciens. J’ai pensé aux montrachets. Ce Musigny est plus incisif et tranchant alors que les montrachets sont plus larges et opulents. Les deux sont des expressions de l’excellence absolue du vin blanc de Bourgogne. L’accord avec les asperges et sa sauce est magique.

Une anecdote qui concerne Ausone 1955 et Haut-Brion 1929 qui apparaissent maintenant. Quand j’ouvre les vins quelques heures avant le repas, je ne goûte pas, pour avoir une oxygénation lente dans sa pureté. Je sens seulement. Pendant le déjeuner, les vins sont servis par le sommelier. Je lui demande de me servir les premières gouttes afin que j’informe tout le monde s’il y a un problème. Alors, je bois avant que le plat ne soit servi. Or dans mes repas, les vins sont servis après que le plat est sur table, afin que les convives ne boivent pas un vin avec le souvenir du plat précédent. Le vin doit être bu après la première bouchée du plat conçu pour lui. Pour informer les invités, je fais le contraire. Nous venions d’avoir les asperges avec une sauce verte aux herbes. Je goûte les vins et l’odeur n’est pas sympathique et pour les deux vins leur finale est trop court. J’informe donc mes invités que les deux vins pourraient avoir des problèmes et que j’ouvrirais un autre vin s’ils ne sont pas satisfaits.

Je reçois mon plat, je bois les vins qui n’ont pas le moindre problème. Tout le monde a apprécié et personne n’a demandé que j’ouvre un autre vin.

Le Château Ausone Saint-Emilion 1955 a un nez très expressif et en bouche le vin est fort, puissant, intense et riche. C’est un conquérant avec une trace de truffe dans le milieu de bouche.

Le Château Haut-Brion 1929 est tout en noblesse avec un raffinement certain. Sa longueur est superbe. Notre table va se diviser en deux, avec des supporters d’Ausone et d’autres de Haut-Brion. Si Haut-Brion n’a pas brillé autant que cela c’est qu’un petit voile de poussière réduisait le plaisir sans masquer le message du vin et sa noblesse. Les convives ont été heureux de voir que les bordeaux peuvent atteindre de telles richesses. Et quelle ne fut pas leur surprise de voir que ces deux vins s’accordent avec un rouget charnu et puissant.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957 qui avait tâché mes mains a un nez que j’adore, qui exprime l’âme des vins de la Romanée Conti avec le sel et la rose, ces marqueurs que j’adore. Quel vin émouvant.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 est solide. Son parfum est riche et son goût comme son nez m’évoquent la fierté du Richebourg. La Romanée Conti peut avoir cette facette. Mais la grâce et l’éblouissante finesse de la Romanée Conti sont aussi là. C’est un très grand vin mais mon cœur ira vers l’Echézeaux. L’accord des deux vins avec le veau est tout en subtilité.

Le Château Rayas Châteauneuf du Pape 1976 est tellement facile à comprendre ! Après quatre vins rouges qui demandent de l’attention, le palais s’installe dans un fauteuil conformable et on écoute un message rassurant, qui n’exclut évidemment pas la richesse et la complexité. C’est ce qu’il fallait pour le pigeon. Ce vin est grand mais quand même assez loin du mythique 1978.

Le Château d’Yquem 1967 est splendide. Son parfum est inimitable. C’est une explosion de senteurs. Je dois dire que le dessert est absolument magique et m’a bluffé. On peut comprendre qu’en un temple qui appartient à LVMH on a eu l’occasion des centaines de fois d’essayer des accords parfaits avec Yquem, mais je suis quand même soufflé. Le 1967 est maintenant plus assagi et joue plus sur sa grâce que sur sa puissance.

On verra dans les votes que mes convives, plus soucieux d’entrer dans le monde inconnu des vins anciens voteront moins pour des vins comme le Rayas ou comme l’Yquem car la surprise est moins forte.

Alexandre Larvoir nous annonce qu’il va falloir préparer la salle à manger pour le dîner qui va suivre et nous suggère d’aller au fumoir pour goûter le Malaga 1872. Nous avons donc voté en buvant le Malaga 1872 qui ne fait pas partie des vins à hiérarchiser, chacun votant pour ses cinq vins préférés.

Pourtant le Malaga 1872 mérite notre attention, car il combine le sucré et le salé, le vin doux et le vin sec. Cette complexité kaléidoscopique et déroutante est un plaisir raffiné.

Tous les vins, sans le Malaga, ont eu au moins un vote, ce qui me fait plaisir car chaque vin a pu être dans les cinq premiers d’au moins un votant. Cinq vins ont eu le privilège d’être nommés premier, l’Echézeaux quatre fois, la Romanée Conti trois fois, le Chablis deux fois, le Krug 1989 une fois comme le Rayas 1976.

Le classement des onze convives est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 2 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957, 3 – Chablis Supérieur Rebourseau et Philippon 1923, 4 – Champagne Dom Pérignon 1966, 5 – Château Ausone Saint-Emilion 1955, 6 – Château Rayas Châteauneuf du Pape 1976.

Mon classement est : 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 3 – Château Haut-Brion 1929, 4 – Chablis Supérieur Rebourseau et Philippon 1923, 5 – Champagne Dom Pérignon 1966.

Ce qui me réjouit le plus est que le Chablis soit arrivé troisième. Il a été classé dans les cinq premiers par neuf convives sur onze. Qu’un vin de cent ans et de Chablis arrive à une telle performance me ravit d’aise.

Le service est toujours de la plus grande qualité. Maelys, Anaïs et Marion nous ont servis de façon remarquable. Elles combinent le professionnalisme et la beauté. Comme d’habitude Emmanuel Cadieu a fait un service du vin parfait.

Pour mon goût, le plus bel accord est le lapin avec le Carbonnieux et le Chablis puis l’asperge et le Musigny blanc. Le plus original est l’accord entre le rouget et les deux bordeaux.

Le fait de placer le lapin en tête de repas et avant le rouget est un des caprices que j’apprécie, car j’aime casser les codes, et le faire avec la complicité d’Arnaud Donckele et surtout son talent, c’est un bonheur suprême.

le bouchon de l’Echézeaux était si gras que mes mains sont devenues noires

la table dite ‘François Audouze’

Déjeuner dans ma cave avec une journaliste de Singapour mardi, 25 avril 2023

(text in English is after the pictures)

Je reçois dans ma cave un organisateur d’événements pour des voyageurs en quête de raretés et une écrivain et journaliste vivant à Singapour. L’idée est qu’elle écrive un reportage sur ce que je fais dans des revues pour globetrotters. Elle est dans la quarantaine et a annoncé des restrictions alimentaires qui orientent le choix du repas.

A 9 heures j’ouvre le champagne que j’ai prévu, un Dom Pérignon 1985 qui a un bouchon superbe et un pschitt discret mais réel. La feuille qui entoure le bouchon est désagréable car elle s’émiette, ce qui a été fréquent sur de nombreux millésimes.

La bouteille du Meursault Faiveley Négociant 1959 est d’un verre bleu comme les bouteilles des années de la deuxième guerre mondiale. Je ne pense pas qu’il s’agit d’un réemploi. Le niveau est très haut. Le bouchon est de belle qualité. Je sens le goulot et une odeur affreuse de bouchon est insupportable. Par curiosité je sens le bouchon et la surprise est grande, car le bouchon ne sent absolument pas le bouchon. Comment est-ce possible ? Je sens plusieurs fois pour confirmer mes impressions.

Deux heures plus tard, le nez de bouchon s’est très atténué. Trois heures après, je ne sens presque plus rien et il me semble plausible de donner une chance à ce vin. Il y a dans ma cave de quoi réagir.

Le menu très simple et froid sera : chips à la truffe, saucisson, caviar pain et beurre, sushis et sashimis, fromages de chèvre et de brebis, tarte aux pommes.

Le Champagne Dom Pérignon 1985 a une belle robe dorée et une bulle présente. Il est dans un stade de sa vie qui est parfait car il est encore jeune mais présente aussi des signes de belle maturité. Il est tellement serein. Je le trouve idéal à cet âge. Avec le caviar osciètre prestige Kaviari, il confirme à quel point l’accord caviar et Dom Pérignon est pertinent.

Lorsque le Meursault Faiveley Négociant 1959 est servi, le nez de bouchon réapparait, très faible. En bouche il n’est pas vraiment gênant et au bout de quelques minutes, le nez de bouchon ainsi que le goût de bouchon ont complètement disparu. On dispose alors d’un vin très rond, fluide et d’un joli fruit. C’est un vin qui n’est pas puissant, pas très complexe que j’aime beaucoup et d’autant plus que c’est un rescapé, car le nez de bouchon était si fort à l’ouverture qu’il aurait pu être condamné. Avec les sushis et fromages le vin se comporte agréablement.

J’ai fait gouter à mes convives quelques gouttes d’une bouteille de Sherry du Cap 1862 déjà ouverte depuis des mois. L’élégance est certaine mais on sent un vin un peu éventé.

Ce déjeuner fort agréable aura-t-il des suites à Singapour ? Faisons un rêve.

le Bordeaux ne sera pas bu.

I receive in my cellar an event organizer for travelers in search of rarities and a writer and journalist living in Singapore. The idea is that she writes a report on what I do in magazines for globetrotters. She is in her 40s and has announced dietary restrictions that guide meal choice.

At 9 a.m. I open the champagne I have planned, a Champagne Dom Pérignon 1985 which has a superb cork and a discreet but real pschitt. The leaf that surrounds the cork is unpleasant because it crumbles, which has been common in many vintages of Dom Pérignon.

The bottle of Meursault Faiveley Négociant 1959 is made of blue glass like the bottles from the years of the Second World War. I do not think it is a reuse. The level is very high. The cap is of good quality. I smell the bottleneck and a terrible cork odor is unbearable. Out of curiosity, I smell the cork and the surprise is great, because the cork absolutely does not smell like the cork. How is it possible? I smell several times to confirm my impressions.

Two hours later, the cork nose has greatly diminished. Three hours later, I hardly smell anything and it seems plausible to me to give this wine a chance. There is something in my cellar to react in case.

The very simple and cold menu will be: truffle crisps, sausage, bread and butter caviar, sushi and sashimi, goat and sheep cheese, apple pie.

Champagne Dom Pérignon 1985 has a beautiful golden color and a present bubble. It is in a stage of its life which is perfect because it is still young but also shows signs of good maturity. It is so serene. I find it ideal at this age. With the Kaviari Prestige Ossetra caviar, it confirms how relevant the caviar and Dom Pérignon pairing is.

When the Meursault Faiveley Négociant 1959 is served, the nose of the cork reappears, very weak. In mouth it is not really bothersome and after a few minutes, the nose of cork as well as the taste of cork have completely disappeared. We then have a very round, fluid wine with lovely fruit. It is a wine which is not powerful, not very complex which I like a lot and all the more so since it is a survivor, because the nose of the cork was so strong when it was opened that it could have been sentenced. With sushi and cheese, wine behaves pleasantly.

I made my guests taste a few drops of a bottle of Sherry du Cap 1862 that had already been opened for months. The elegance is certain but we feel a slightly stale wine.

Will this very pleasant lunch have consequences in Singapore? Let’s have a dream.

Déjeuner du ‘vrai’ jour de mon anniversaire dimanche, 23 avril 2023

Le 23 avril 2023 m’assène au réveil une dure vérité : les 80 ans, j’y pensais. Aujourd’hui c’est une réalité. Je vais vite ouvrir les vins du déjeuner avec mes enfants. Les vins sont récents il n’y a donc aucun problème et les parfums sont tous engageants.

L’apéritif se fait avec le Jéroboam de Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 2008 bu en partie la veille et ouvert dans la nuit de l’avant-veille. Je l’aime encore plus qu’hier car la bulle est devenue plus calme et le champagne s’arrondit avec des saveurs plus que plaisantes. Il y a un gouda et des restes des petits fours d’hier. Tout se passe bien.

Ma femme a prévu du wagyu qu’elle achète en Belgique. Le fournisseur ajoute toujours à sa livraison un beau morceau d’Angus. Nous aurons donc le déjeuner en trois parties de viandes : wagyu puis intermède Angus et retour au wagyu.

C’est amusant car le wagyu généreux et bien gras est tout en douceur. L’Angus semble animé par un coup de fouet d’énergie, avec des saveurs viriles, et le retour au wagyu rend cette viande encore plus agréable puisque sa douceur est encore plus mise en valeur.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1996 est tout en douceur. Quel vin élégant qui, à 27 ans, n’a plus besoin de montrer sa puissance. Elle est là et naturelle. Ce vin est charmant, agréable et bon compagnon des viandes. On se régale de ce vin juteux comme la viande.

Le Vega Sicilia Unico 1989 a la démarche hautaine et fière d’un torero. Quelle richesse, quelle stature et ce qui me fascine c’est son finale qui est envoûtant, avec des tonnes de cassis et une signature mentholée. Et l’on voit que les deux vins sont très différents, le premier naturel, complet et complexe et facile à appréhender et le second dense, intense, fier, et finissant par une pirouette ensorceleuse. Les deux sont les meilleurs de leurs appellations et ne se confrontent pas. Il n’y a pas de vainqueur mais deux amis.

Le champagne est idéal sur une tarte au citron meringuée de grand plaisir.

pour le mathématicien que je fus, fêter 80 ans avec 7 bougies est une nouveauté mathématique…

Apéritif dinatoire après le déjeuner à l’Ecu de France samedi, 22 avril 2023

Juste après le déjeuner, un petit groupe s’est retrouvé chez moi pour un apéritif dinatoire. J’avais ouvert hier un Jéroboam de Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 2008. J’avais dû batailler avec le bouchon pendant plus de dix minutes, tant il était serré. Mon casse-noix est trop lisse pour faire tourner efficacement le bouchon. Le pschitt avait été tonitruant et le parfum d’une force étonnante.

Au service, le parfum est aussi puissant, imprégnant et la bulle est active. Le champagne est un conquérant. Il impose une trace en bouche à la façon d’un Attila ou d’un Tamerlan. Il a des qualités sans limite. Il est extrêmement complexe et plaisant. C’est un vrai grand champagne. A mon goût il gagnera en patientant en cave encore dix ans. Mais quel champagne !

Nous avons grignoté. Mon fils est allé dans sa cave et a ouvert des bouteilles partagées avec ses amis de toujours.

Après cette journée chargée, je suis allé me coucher, sachant que dans quelques minutes j’allais changer de décennie. Ça ne laisse pas indifférent.

déjeuner au restaurant L’Ecu de France pour mes 80 ans samedi, 22 avril 2023

Cela fait plusieurs mois que j’ai lancé les invitations pour fêter mes quatre-vingts ans. Ce sera au restaurant L’Ecu de France que je connais depuis plus de soixante ans car il accueillait des fêtes familiales. La recherche de vins à ouvrir pour plus de cinquante personnes est assez excitante. Je choisirai en priorité des grands flacons dont certains ont été achetés pour de grandes fêtes. Ce sera le cas du Salmanazar de Pommery 1973 et du Mathusalem d’Ermitage de Chapoutier 2009. Ça fait déjà vingt bouteilles avec ces deux flacons.

Viennent ensuite des jéroboams ou doubles magnums, des magnums et des bouteilles. Nous aurons donc presque tous les volumes possibles. J’ai voulu aussi présenter des appellations originales, peu fréquentes dans des repas. Cela donne le programme qui n’a cessé de changer de semaine en semaine :

Salmanazar Champagne Pommery & Greno Brut 1973 / Bouteilles d’Hermitage Blanc Marquise de la Tourette Delas 1987 / Double magnum Château d’Arlay Côtes du Jura rouge 1989 / Double Magnum Côtes du Roussillon Villages domaine Cazes 1989 / Mathusalem Ermitage « Le Méal » M. Chapoutier 2009 / Magnums Coteaux du Layon Château du Breuil 1985 / Jéroboam « la Géante » Maury Mas Amiel 1963.

Ce n’est qu’au moment des ouvertures que je me suis rendu compte que j’avais créé un programme pour plus de cinquante personnes, sans Bordeaux et sans Bourgogne. C’est assez original.

En accord avec le restaurant, j’ai apporté tous mes vins la veille à 17 heures pour ouvrir les plus grands formats afin qu’ils puissent profiter d’une oxygénation lente. J’ai prévu beaucoup plus de flacons que ce qui est nécessaire, car je ne veux pas avoir de mauvaises surprises et aussi parce que je ne sais pas bien apprécier combien 55 personnes boiront d’un même vin.

Je commence par ouvrir le Salmanazar Champagne Pommery & Greno Brut 1973, dont le bouchon vient sans effort. Du fait du pincement du verre de l’intérieur du goulot, de petites brisures de liège sont repêchées avec les outils adéquats. Le parfum me plait. Si j’ai voulu ouvrir ce flacon en premier c’était aussi pour vérifier que le vin n’est pas mort, car il eût fallu au plus vite trouver une solution de rechange pour l’équivalent de douze bouteilles. Je suis rassuré.

J’ouvre ensuite le Mathusalem Ermitage « Le Méal » M. Chapoutier 2009 qui ne pose aucun problème et offre un parfum conquérant. Ensuite ce sera le Double Magnum Côtes du Roussillon Villages domaine Cazes 1989 qu’il est bon d’ouvrir maintenant car la cire très dure demande un temps extrêmement long. Le parfum est plus encourageant que ce que j’attendais. Tout va donc très bien.

Pendant que j’officiais, un restaurateur d’une ville voisine avait déjeuné avec un ami ce midi et avait asséché deux Rayas et un troisième vin. Il ne cessait de me dire que les vins anciens devraient être ouverts au dernier moment et que mes vins étaient forcément morts. Il n’est ni le premier ni le dernier à avoir ces fausses idées.

Je reviendrai demain pour poursuivre les ouvertures et recevoir mes invités à déjeuner à midi. Le dîner ce soir sera léger.

C’est à 10 heures que je me présente pour ouvrir les autres flacons. Il pleut à torrent. L’apéritif sur la terrasse au bord de la Marne a peu de chances de se réaliser.

Le restaurateur assez « collant » m’avait quasiment obligé hier d’ouvrir une bouteille d’Hermitage Blanc Marquise de la Tourette Delas 1987. J’en ouvre cinq autres. Le Double magnum Château d’Arlay Côtes Du Jura rouge 1989 a une cire difficile à enlever. Il faut en permanence essuyer le goulot pour qu’aucune poussière ne chute dans le goulot. Le parfum est délicat et sensible.

Les magnums de Coteaux du Layon Château du Breuil 1985 ont de vilains bouchons qui se brisent en morceaux alors que le vin est jeune. Son parfum est subtil.

L’étonnement vient maintenant. Le Jéroboam « la Géante » Maury Mas Amiel 1963 est une bouteille qui doit être unique. La cire est très épaisse et je cherche à cisailler la cire en suivant une nervure régulière qui cerne le goulot. Le bouchon sort et soudain, avec lenteur, un gros morceau de verre épais du goulot tombe. Puis quelques secondes plus tard un autre morceau de verre tombe. Immédiatement Hervé Brousse, le fils des propriétaires des lieux, qui dirige l’établissement, a le bon réflexe : on entoure la bouteille d’un film sur plusieurs épaisseurs pour qu’elle soit plus solide. Il va falloir carafer le vin et le filtrer. Lors de ces opérations le parfum du Maury embaume la salle de sa douceur.

Tout est fini de mon côté et la salle du restaurant est en pleine mise en place. On sent que les gestes sont précis et les méthodes rodées. On surveille la météo qui annonce que la pluie pourrait cesser vers 11 heures ou 11h30 ce qui pourrait permettre, si on essore les tables et le carrelage, de prendre l’apéritif sur la terrasse. Ce sera le cas.

Les premiers arrivants, venant de loin, sont très en avance. Tout le monde est à l’heure sauf deux américaines qui nous rejoindront en cours de route, ayant prévenu de leur retard.

Nous nous rendons tous sur la terrasse et c’est le moment de mon discours. Je le rumine depuis deux mois car j’ai envie de citer des anecdotes qui ont jalonné les relations avec chacun des convives, afin que chacun soit cité sans que mon discours ne ressemble à ceux de Fidel Castro qui pouvaient durer six heures. Ceux qui sont cités sont heureux des souvenirs que j’évoque. On peut donc servir le Salmanazar Champagne Pommery & Greno Brut 1973, dont la couleur est ambrée mais assez claire, car, comme je le constaterai le lendemain, le fond est beaucoup plus sombre.

Ce champagne est enchanteur. Il a des saveurs idéales de champagnes anciens et je vois avec satisfaction que mes invités l’aiment. Il combine complexité et charme, étant doux comme un vin doux, mais avec une acidité noble. C’est un champagne très plaisant. J’avais prévu un jéroboam de champagne Montebello 1973 pour le cas où, mais nous n’arriverons même pas à finir ce grand Salmanazar.

Nous passons à table dans la salle de restaurant que nous occupons entièrement en sept tables de huit. Le menu préparé par le restaurant et mis au point avec moi est : tartare de bar au citron confit, œuf de truite et estragon / ravioles d’escargots et gambas, persillade et sauce à l’Arbois / filet de bœuf, sauce périgourdine et crème de foie gras / saint-nectaire / Pavlova aux pommes et ananas, chantilly mascarpone / chocolats / café et mignardises.

Tout le monde est surpris que l’Hermitage Blanc Marquise de la Tourette Delas 1987 soit aussi fruité, large et généreux. C’est en effet un Hermitage en pleine maturité joyeuse. L’accord avec le bar et l’œuf est réussi.

Le Double Magnum Château d’Arlay Côtes du Jura rouge 1989 est une divine surprise. Le vin rouge est d’une délicatesse élégante, subtile. C’est un vin noble et charmant tout en ayant une belle puissance. Il est très au-dessus de ce que j’attendais. L’accord avec les escargots et la persillade est un des plus jolis du repas. Quel vin élégant !

Le Double Magnum Côtes du Roussillon Villages domaine Cazes 1989 est lui aussi particulièrement surprenant, car il y a en ce vin une noblesse que ne pourrait jamais avoir un vin intitulé « Villages ». C’est il y a vingt ans que j’avais visité le domaine de Rivesaltes Cazes, car j’avais tissé une relation amicale avec Bernard Cazes. J’avais bu alors de ce vin les millésimes 1982 et 1979. Enthousiasmé, j’avais alors acheté deux doubles magnum de 1989. Mon choix était bon car ce vin est exceptionnel.

Le Mathusalem Ermitage « Le Méal » M. Chapoutier 2009 est un très grand vin, mais comme je le connais et comme il est jeune, j’ai beaucoup moins de surprise et d’émotion avec ce grand vin superbe qu’avec les deux rouges précédents qui m’ont subjugué. La viande bœuf est de très grande qualité et le saint-nectaire assouplit l’Ermitage à la perfection.

La surprise la plus forte sera pour mes amis offerte par les Magnums Coteaux du Layon Château du Breuil 1985. L’accord avec la Pavlova est immense. Il y a du litchi, des fruits doux, des subtilités qui partent dans tous les sens, et c’est surtout cette douceur lascive de l’odalisque d’Ingres. On est sur un petit nuage de félicité.

C’est maintenant au tour du Maury Mas Amiel en Jéroboam « la Géante » 1963 de parvenir en carafes sur les tables. Le parfum fort est envoûtant et en bouche c’est un feu d’artifice de douceurs, mais conquérantes alors que le Coteaux du Layon jouait sur la douceur.

J’avais demandé à Hervé Brousse que les recettes soient de la plus grande simplicité et de totale lisibilité. Ce fut une réussite complète.

Comment classer des vins si disparates ? les plus complexes et envoûtants sont le champagne Pommery et le Maury. Tous ont de l’intérêt. Mon classement sera : Mas Amiel 1963, Pommery 1973, Coteaux du Layon 1985, Château d’Arlay 1989, et ensuite tous les autres.

Je suis allé parler à chacune des tables. Des amis de longue date ou des membres de la famille se retrouvaient après des années d’absence. L’ambiance était joyeuse. J’entre dans une nouvelle décennie avec un joli paquet d’émotions.


Le Salmanazar est mis à côté d’un format encore plus grand de Pol Roger qui ne sera pas servi

cette photo ci-dessous est juste pour donner des idées sur les tailles des bouteilles

les bouteilles prévues

le Montebello ne sera pas servi

il n’y a pas toutes les bouteilles, mais une de chaque :