Un ami fidèle de mes dîners va fêter ses quarante ans avec quelques amis chez Bocuse. Il a rassemblé des vins parmi les plus prestigieux du millésime 1983. Il m’a demandé d’organiser la liste des vins du repas et de mettre au point le menu avec le directeur général du restaurant Bocuse, Vincent Le Roux.
Il est prévu que je dîne au restaurant la veille pour appréhender la cuisine du chef exécutif Gilles Reinhardt qui est MOF. Ce sera un dîner à trois avec celui qui sera fêté demain et un ami lyonnais amateur de vin que je connais de longue date. Je vais saluer le chef et son équipe en cuisine en lui disant que je serai heureux de bavarder avec lui après le service.
Vincent Le Roux me suggère de prendre des plats qui ne seront pas au menu demain, mais je préfère étudier deux des plats du dîner à venir. Mon programme sera donc : omble de fontaine bio, risotto végétal, jus d’arêtes au vin rouge / canette des Dombes en deux services.
Mon ami a apporté un Champagne Philipponnat Réserve Millésimée Extra-Brut L.V. 1982, L.V. signifiant Long Vieillissement. D’un parfum légèrement lacté, ce champagne est agréable mais manque un peu d’émotion. Il est rond, aimable, et s’accorde bien aux amuse-bouches délicats.
Lorsque l’omble est servi il me paraît évident qu’il faut qu’entre en scène le vin que j’ai apporté, un Moulin-à-Vent des Hospices Civils de Romanèche-Thorins 1959. Je souhaitais qu’un vin de la région vinicole la plus proche de Lyon soir mis à l’honneur. Le fait que le vin soit servi par Maxime Valéry chef sommelier du lieu, me fait plaisir, car pendant huit ans j’ai pu apprécier ce sommelier brillant à la Vague d’Or de Saint-Tropez.
Comme les coïncidences surviennent généralement en groupe, j’apprends que le grand-père de mon ami lyonnais a été maire de Romanèche-Thorins. Le vin est donc doublement bienvenu. A signaler une anecdote amusante qui montre qu’il y a encore beaucoup à faire pour la compréhension des vins anciens, aussi bien le directeur que le sommelier ont utilisé le mot ‘encore’ en se demandant : ce beaujolais sera-t-il ‘encore’ bon ?
L’omble est un plat superbe et c’est le jus d’arêtes qui forme avec le vin un accord magistral. Le Moulin-à-Vent qui avait un niveau exceptionnel, le liquide touchant presque le bouchon, nous avait gratifié d’un parfum idéal, riche et percutant. En bouche, c’est un vin noble et puissant, qui pourrait lutter avec bien des plus grands vins de Bourgogne. Il est d’une personnalité qui me plait car sous la cuirasse on sent un cœur qui bat. Je suis ému qu’il se montre si convaincant.
C’est Jean-Philippe Merlin, le directeur de salle historique, qui découpe devant nous la canette. Le plat est superbe, merveille de la cuisine bourgeoise traditionnelle et la seconde partie, pâtisserie complexe au mille saveurs est à manger religieusement. Avec le plat, ce vin riche est superbe et intense. C’est un régal.
Nous n’avons mangé ‘que’ deux plats et nous sommes rassasiés alors que pour demain, j’avais bâti un menu beaucoup plus complexe et multiple. Il faut donc retravailler le menu que le directeur lui-même jugeait trop copieux, sans nous l’avoir dit. En jouant sur le nombre des plats et sur la taille des portions, nous avons refait un programme.
J’ai voulu saluer le chef exécutif et le directeur général mais ils étaient partis. J’ai fait deux ou trois remarques légères au directeur de salle, qui les a parfaitement intégrées. Le dîner de demain devrait être un succès.
Nous avons très bien mangé. Cette cuisine riche traditionnelle est remarquablement exécutée. Le service aussi bien des plats que des vins est idéal. Il y avait deux tables où l’on célébrait un anniversaire. Daniel Abdallah, le groom souriant, a joué de l’orgue de barbarie pour l’hymne d’anniversaire. Quelle charmante tradition !
Daniel nous a photographiés sur le banc où un Paul Bocuse en bronze est assis. Tout fut superbe et émouvant dans ce temple de la bonne cuisine.
La Tâche est pour demain et le Banyuls est mon cadeau pour Thomas
Avec Thomas … et Monsieur Paul