Je reçois dans ma cave un organisateur d’événements pour des voyageurs en quête de raretés et une écrivain et journaliste vivant à Singapour. L’idée est qu’elle écrive un reportage sur ce que je fais dans des revues pour globetrotters. Elle est dans la quarantaine et a annoncé des restrictions alimentaires qui orientent le choix du repas.
A 9 heures j’ouvre le champagne que j’ai prévu, un Dom Pérignon 1985 qui a un bouchon superbe et un pschitt discret mais réel. La feuille qui entoure le bouchon est désagréable car elle s’émiette, ce qui a été fréquent sur de nombreux millésimes.
La bouteille du Meursault Faiveley Négociant 1959 est d’un verre bleu comme les bouteilles des années de la deuxième guerre mondiale. Je ne pense pas qu’il s’agit d’un réemploi. Le niveau est très haut. Le bouchon est de belle qualité. Je sens le goulot et une odeur affreuse de bouchon est insupportable. Par curiosité je sens le bouchon et la surprise est grande, car le bouchon ne sent absolument pas le bouchon. Comment est-ce possible ? Je sens plusieurs fois pour confirmer mes impressions.
Deux heures plus tard, le nez de bouchon s’est très atténué. Trois heures après, je ne sens presque plus rien et il me semble plausible de donner une chance à ce vin. Il y a dans ma cave de quoi réagir.
Le menu très simple et froid sera : chips à la truffe, saucisson, caviar pain et beurre, sushis et sashimis, fromages de chèvre et de brebis, tarte aux pommes.
Le Champagne Dom Pérignon 1985 a une belle robe dorée et une bulle présente. Il est dans un stade de sa vie qui est parfait car il est encore jeune mais présente aussi des signes de belle maturité. Il est tellement serein. Je le trouve idéal à cet âge. Avec le caviar osciètre prestige Kaviari, il confirme à quel point l’accord caviar et Dom Pérignon est pertinent.
Lorsque le Meursault Faiveley Négociant 1959 est servi, le nez de bouchon réapparait, très faible. En bouche il n’est pas vraiment gênant et au bout de quelques minutes, le nez de bouchon ainsi que le goût de bouchon ont complètement disparu. On dispose alors d’un vin très rond, fluide et d’un joli fruit. C’est un vin qui n’est pas puissant, pas très complexe que j’aime beaucoup et d’autant plus que c’est un rescapé, car le nez de bouchon était si fort à l’ouverture qu’il aurait pu être condamné. Avec les sushis et fromages le vin se comporte agréablement.
J’ai fait gouter à mes convives quelques gouttes d’une bouteille de Sherry du Cap 1862 déjà ouverte depuis des mois. L’élégance est certaine mais on sent un vin un peu éventé.
Ce déjeuner fort agréable aura-t-il des suites à Singapour ? Faisons un rêve.