Archives de l’auteur : François Audouze

Le dîner le plus extraordinaire de ma vie vendredi, 14 juin 2024

Il y a quelques mois, j’ai reçu un mail avec des photos incroyables de vins du 19ème et du 18ème siècle. C’était assez irréel. Je ne pouvais pas prétendre acheter tout, mais je ne voulais pas ne rien prendre, aussi j’ai acheté un Château Lafite 1811, de l’année de la grande comète. Je croyais naïvement qu’il s’agissait de la comète de Halley mais pas du tout, c’est une comète dont la période orbitale est de plus de 3000 ans. Son dernier passage était du temps de l’empire d’Egypte ce qui a fait appeler cette comète la comète Napoléon.

Tout récemment, je vois réapparaitre les photos des vins anciens dans un mail de l’un de mes fournisseurs habituels, qui propose un dîner avec ces bouteilles qui se tiendrait à l’Oustau de Baumanière, dont le nouveau chef, Glenn Viel, a trois étoiles. Je parle de ce dîner à deux amis et nous nous inscrivons. Mon fournisseur a organisé ce dîner avec un partenaire américain qui a trouvé trois amateurs américains qui complèteront la table.

On m’a demandé d’ouvrir ces vins très anciens. Je me présente donc à 15 heures à l’Oustau de Baumanière dont le site est d’une rare beauté, et avec Antoine, le chef sommelier, nous descendons en cave. Je demande que l’on fasse d’abord l’inventaire de ce qui sera bu, car je vois une profusion de bouteilles. Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai compris pourquoi. Romain, l’organisateur, a tellement peur qu’il y ait trop de bouteilles imbuvables qu’il a prévu de nombreux vins de remplacement. Et j’ai appris aussi beaucoup plus tard que l’Oustau avait demandé aux organisateurs des droits de bouchon tellement élevés que la solution trouvée était que les participants achètent des vins de la cave de l’Oustau, pour éviter ces droits de bouchons. Cela rendait le programme encore plus chargé.

Je commence l’ouverture des vins par un vin blanc de 1926 et le goulot resserré a empêché le bouchon de venir entier. J’ai dû lutter pour extirper toutes les brisures de liège sans que rien ne tombe dans le vin. J’ai mis dix minutes et je voyais Romain inquiet car au rythme de tant de temps pour un seul bouchon, on n’arriverait jamais à tout ouvrir.

J’ai reçu l’aide de plusieurs personnes et Antoine a montré un vrai talent pour ouvrir les vins. Je n’ai su que longtemps après que des vins ouverts par Romain ont été estimés imbuvables et ont été écartés. C’est le contraire de ce que je pratique, puisque je ne décide jamais d’éliminer un vin tant qu’il n’a pas eu plusieurs heures d’oxygénation lente. Il y a tellement de vins qui ressuscitent.

Lorsque les ouvertures ont été terminées voici la liste de ce que nous allons boire dans l’ordre de service : Champagne Krug Clos d’Ambonnay 1995 (offert par un convive) – Chateau Haut-Brion blanc 1959 (cave de l’Oustau) – Montrachet dans une bouteille alsacienne 1910 – Meursault 1926 – Chassagne Montrachet 1926 – Château Margaux 1825 – Château Margaux 1865 – Château Margaux 1875 – Château Latour 1794 – Château Latour 1892 – Château Lafite 1817 – La Mission Haut-Brion 1934 (offert par un convive) – Château Lafite 1798 – Château Lafite 1867 dans une bouteille d’un volume de 3 bouteilles – Château Mouton Rothschild 1928 – Vosne Romanée René Engel 1945 – Musigny de Vogüé années 50 – Musigny de Vogüé 1955 – Musigny de Vogüé 1959 – Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1990 (offert par un convive) – Probable Madère vers 1700 – Tarrantez 1842 – Madeira 1790 – Blandy’s 1792 – Château d’Yquem vers 1800 – Champagne Salon magnum 2006 (offert par un convive).

Pour se faire une idée du caractère invraisemblable de cet événement, voici les années des vins : #1700 1790 1792 1794 1798 #1800 1817 1825 1842 1865 1867 1875 1892 1910 1926 1926 1928* 1934* 1945* #1950* 1955* 1959* 1990* 1995* 2006*.

Répartis par siècle cela donne : 18ème siècle : 5 vins – 19ème siècle : 8 vins – 20ème siècle : 11 vins – 21ème siècle : 1 vin.

Les étoiles mises ci-dessus à côté de certains millésimes désignent les vins ajoutés par rapport au programme initial, à la fois pour satisfaire l’exigence de l’Oustau et pour répondre à la peur de Romain qu’il y ait des vins imbuvables. Il convient de dire qu’après que les vins ont été ouverts, j’ai tout senti et mon pronostic à ce moment-là, sans l’effet de l’oxygénation lente, était qu’environ seulement la moitié seraient buvables. Ce fut beaucoup mieux au moment du repas.

Il faisait tellement beau que nous nous sommes retrouvés pour l’apéritif dans le beau jardin avec le Champagne Krug Clos d’Ambonnay 1995, de la première année de ce Clos. C’est un très grand champagne. Il avait besoin d’âge lors de sa sortie. Il est maintenant très expressif et noble. J’aime de plus en plus les blancs de noirs dont ce champagne est un magnifique exemple.

Le menu préparé par le chef trois étoiles de l’Oustau de Baumanière a pour nom « Ballade ». Les intitulés sont : L’intitulé est dans le titre – gourmandise / tartine de sardines – universel / les couteaux, les pieds dans l’eau – imagé / un bigorneau très très aimable – insolite / un rouget entre deux pierres, un pain déjà saucé – poétique / plante carnivore – imagine / agneau croute – tradition / kyrielle de fromages / dessert à la carte / mignardises et gourmandises – un sourire. J’ai bien fait de ne pas lire le menu, car si je l’avais lu, je n’aurais pas aimé cette présentation désinvolte.

Le plat le plus original est celui des couteaux. D’une façon générale, indépendamment du talent du chef, les présentations trop complexes ont fait de ce menu un repas où les plats n’ont pas mis en valeur les vins. Il eût fallu des recettes extrêmement simples, fluides et douces, pour que les vins fragiles soient mis en valeur. Fort heureusement notre attention était portée sur des vins absolument exceptionnels.

Premier service : Je classe : 1 – Meursault 1926, 2 – Chassagne-Montrachet 1926, les deux étant bien aidés par le plat de sardine. 3 – Château Haut-Brion blanc 1959, de la cave d’Oustau que je n’ai pas trouvé au niveau qu’il pourrait avoir. Le Montrachet 1910 servi dans une bouteille alsacienne est mort. Les blancs n’ont pas brillé autant que les rouges.

Deuxième service : Je mets le Château Margaux 1825 en premier, car avoir un vin aussi puissant à cet âge mérite un premier rang. On sent dès la première gorgée la puissance des vins pré phylloxériques, faits pour l’éternité. Le Château Margaux 1865 a le même niveau de qualité, mais sera deuxième en raison de sa jeunesse (si on peut dire). Lorsque vous commencez un dîner avec un vin parfait de 199 ans, vous savez que vous entrez dans un monde irréel.

Le Château Margaux 1875 est agréable mais avec moins d’émotion que les deux plus anciens.

Troisième service : avec Château Latour 1794, je sais que nous avons le vainqueur de la soirée. Comment est-il possible d’avoir une telle perfection, c’est incroyable. Je l’ai dit à mes amis : quand vous direz qu’un 1794 était miraculeux, personne ne vous croira.

Le Château Latour 1892 est très puissant et génial. Ce qui est incroyable, c’est de voir que deux Latour séparés par 98 ans ont autant de qualités similaires.

Le Château Lafite 1817 a une couleur très rouge et très dense. Personne ne croirait qu’il a 207 ans. On se croirait dans le film de la machine à remonter le temps où l’on change d’époque avec facilité.

Le Château La Mission Haut-Brion 1934 devait être une star mais ce n’était pas pour moi le géant qu’elle devait être. Cependant merci à celui qui en a fait le cadeau, de la cave de l’Oustau.

Le Château Lafite 1798 est adorable, pas aussi stratosphérique que le Latour 1794 mais génial.

Le Château Lafite 1867 dans un gros volume plus gros qu’un magnum est époustouflant. Tellement équilibré que je l’ai mis en deuxième position derrière Latour 1794, troisième Lafite 1798 et quatrième Lafite 1817. C’est incroyable que je place les vins les plus anciens aux premières places de mon classement.

Le Château Mouton Rothschild 1928 est le vin qui termine l’incroyable série des vieux Bordeaux. Je le trouve sous le niveau du précédent Mouton 1928 que j’ai bu. De grande qualité mais il ne m’émeut pas.

Le Vosne Romanée René Engel 1945 est d’une pureté impressionnante.

On nous sert maintenant trois Musigny de Vogüé des années 50 : un sans année a une superbe finale, le 1955 est aussi très grand et le 1959 est magique. Trois expressions d’un très grand Musigny.

Le Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1990 est délicat, romantique et subtil, mais je ne suis pas à l’aise car il ne s’inscrit pas dans notre voyage d’aujourd’hui. Je ne peux que remercier l’ami américain généreux, mais il n’est pas logique de le boire dans un tel repas.

Nous passons maintenant à l’heure des vins doux.

Le Madère supposé 1700 a une bouteille très semblable au vin de 1690 que j’ai bu. Ce qui m’émeut, c’est que le 1690 était plat, et que l’émotion était plus historique que due au vin. Au contraire, ce 1700 est vif et suggère un joli Madère 1700, certes un peu faible mais doux et charmant.

Le Terrantez 1842 exprime de la menthe fraîche et de l’alcool. Il est plein d’énergie.

Le Borges Madeira 1790 a un alcool fort et une menthe forte. Frais et fort de belle réussite.

Le Blandy’s 1792 est époustouflant, hors norme. Que du bonheur.

Il est très difficile de classer ces vins doux si étranges.

Le Château d’Yquem supposé du #1800 est mort. Il est remarquable que nous n’ayons eu que deux vins morts, le Montrachet 1910 et le #1800 Yquem.

Pour revenir sur terre, alors qu’il est près d’une heure du matin, un ami nous a offert un magnum de Champagne Salon 2006, décidément délicieux.

Je me suis intéressé à isoler les vins les plus marquants de ce repas, dans l’esprit du voyage que nous voulions faire dans l’irréellement vieux. Voici ce que ça donne, sans classement, dans l’ordre de dégustation : Château Margaux 1825 – Château Margaux 1865 – Château Latour 1794 – Château Lafite 1798 – Château Lafite 1867 – Madère # 1700 – Torrantez 1842 – Blandy’s 1792.

L’âge moyen de ces huit vins est 214 ans correspondant à un millésime 1810.

Le plus grand vin est le Latour 1794, parfait et étonnant de justesse, et le plus émouvant du fait de son âge est le Madère 1700, pas parfait mais bien vivant.

Ce dîner est la consécration de ma démarche vers les vins anciens car il apporte la preuve qu’il n’y a pas de limite de temps et que le concept de déclin des vins n’existe pas. Il conforte ma croyance en l’immortalité des vins, qui ne meurent qu’à cause d’éléments autres que le vin dont le bouchon, la température de stockage et l’hygiène.

Le vin est éternel et j’en ai eu la preuve ce soir.

Merci aux organisateurs, merci aux généreux participants qui ont ajouté de beaux actes à cette pièce de théâtre, merci à Antoine qui a fait un service du vin parfait et merci à l’Oustau de Baumanière d’avoir été le bel écrin de cet événement, le plus grand de ma vie œnologique. Faire mieux ? Est-ce possible ? Ça ne sera pas facile.

déjeuner à l’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement jeudi, 13 juin 2024

Un amateur de vins vivant à Singapour boit tout ce qui se fait de mieux dans le monde du vin. Il en parle sur Instagram. Il est venu à l’un de mes dîners avec des amis et une amitié est née. Il m’a informé qu’il faisait un voyage en Champagne, avec des visites de grands vignerons. Il m’a proposé que nous nous rencontrions, et nous avons décidé de nous retrouver à déjeuner à l’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement.

Pour ce déjeuner je veux apporter des vins que mon ami n’a pas bus. Il est habitué aux vins les plus célèbres et les plus en vogue. Explorons d’autres vins.

Dans la première décennie 2000, la Maison Bouchard a racheté le Château de Poncié dans le Beaujolais. Etant invité à un dîner au Château de Beaune, j’ai pu boire un Beaujolais 1929 de Poncié qui était génial. Et j’ai demandé : est-il habituel que les vignerons du Beaujolais conservent des vins aussi vieux ? Et Joseph Henriot m’a dit : il se trouve qu’à cette époque, Poncié appartenait à Bouchard. Et Bouchard avait l’habitude de conserver des vieux vins.

J’ai trouvé intéressante cette histoire d’un domaine acheté deux fois par le même vigneron et un jour j’ai acheté du Fleurie 1955 de Poncié qui appartenait à ce moment-là à Etienne Bouchard. Mon ami ne peut pas connaître ce beaujolais. J’ai donc apporté ce vin.

Arnaud Lallement est avec son restaurant un ambassadeur de Krug. J’ai envie d’apporter des champagnes un peu inhabituels. J’ai choisi un Clos des Goisses 1979 de Philipponnat et un Lanson Red Label 1966 présenté dans la légendaire bouteille en forme de quille.

Nous avons rendez-vous à 11 heures du matin pour que mon ami assiste à l’ouverture des vins. Le Fleurie offre un parfum strict et droit qui annonce un vin de belle complexité. Le bouchon du Clos des Goisses vient entier alors que le bas du bouchon du Lançon reste en place et ne remonte que grâce à un tirebouchon. Le pschitt de ce vin de 58 ans existe ce qui est rare pour cet âge.

Nous avons une belle table donnant sur le jardin par un jour ensoleillé et radieux. Le menu de l’Assiette Champenoise mis rapidement au point avec Arnaud en fonction de mes vins est : radis – eau de légumes verts / langoustine royale – huile d’olive – nage crémée / petits pois – légumes craquants / gamberoni – caviar Petrossian / homard bleu – hommage à mon Papa / turbot breton – vin jaune / pigeonneau fermier d’Onjon – navet B. Deloffre / fromages Philippe Olivier / framboise P. Richard – miel de notre parc.

Le Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1979 est d’une intensité extrême. Fort, direct, il est très long, fait pour la gastronomie. C’est une belle expression du blanc de noirs. L’entrée au radis est d’une justesse de goût fascinante. J’ai envie de crier « ça c’est du trois étoiles » car le plat est abouti et a atteint une perfection éblouissante.

Le Champagne Lançon Red Label 1966 est un vin plein de grâce et de charme, d’une année mythique en champagne. Pendant son parcours avec les différents plats, je le préférais au Clos des Goisses pour son charme, mais en fin de repas, c’est l’énergie du blanc de noirs qui a emporté mes faveurs.

Le Fleurie Château de Poncié Etienne Bouchard 1955 est d’une belle personnalité et mon ami n’aurait jamais imaginé qu’un beaujolais de 69 ans puisse avoir une telle tenue. Il est droit comme un guerrier, large comme un panache et suffisamment long. Personne ne dirait son âge. Intense, piquant, strict, il est fait pour la gastronomie. Ce n’est pas un vin de charme mais de précision. Nous l’avons adoré sur le pigeon et sur les fromages.

Mon ami a commandé un Champagne Jérôme Prevost Closerie Fac Simile extra Brut Rosé très jeune bien sûr, de 2016, mais qui s’impose par sa belle personnalité.

Je me suis amusé à faire un choix d’association d’un vin pour chaque fromage que nous avons choisi, en me fiant uniquement à la vision du fromage. Voici les choix que j’ai faits pour les fromages et les vins : le lingot des moines de l’Hérault avec Clos des Goisses 1979 / Saint-Rémy de Lorraine avec Fleurie 1955 / Abondance de Haute-Savoie avec Lanson 1966 / Bouchon de Brasseur du nord de la France avec Fac-Simile 2016. Un seul de mes choix n’était pas pertinent. C’est de toute façon amusant d’imaginer les accords non pas par le gout mais par la vue.

La ronde des desserts est sans fin. Ils sont si beaux que l’on succombe à leur tentation, mais est-ce bien raisonnable ? Car ces desserts nous rassasient après un repas copieux mais délicieusement léger.

Une chose m’a frappé en ce repas, c’est l’absolue justesse des goûts des plats d’Arnaud Lallement. Les produits sont bons, les cuissons sont idéales et les goûts atteignent des maturités exceptionnelles.

Avec cet ami de Singapour nous nous entendons comme si nous étions amis depuis toujours. Ce repas fut un moment mémorable.

40ème séance de l’Académie des Vins anciens jeudi, 13 juin 2024

J’ai mis de temps à autre sur Instagram des énigmes. Il y a quelques mois, la réponse à trouver était un nombre. Deux vainqueurs sont proclamés et peu après je me rends compte que j’ai fait une erreur de calcul. La réponse n’était pas la bonne. Je trouve d’autres gagnants. L’idée que les premiers gagnants soient tristes me déplait aussi cinq gagnants sont désignés.

La tradition est que j’invite les gagnants à un repas avec de belles bouteilles. Les dates possibles pour les cinq élus incluant la date de l’académie des vins anciens, je leur propose cette option et ils donnent tous les cinq leur accord pour participer à l’académie. Ils seront mes invités et à ma table.

L’académie des vins anciens tient sa 40ème édition au restaurant Macéo. Nous serons 37 participants avec de plus en plus d’étrangers. Nous sommes répartis en trois tables, la mienne ayant treize convives et les deux autres douze. Les cinq gagnants de l’énigme sont regroupés à côté de moi dont un de Los Angeles, un de Londres, un néerlandais et deux français. Les autres académiciens de ma table sont des habitués, sauf un espagnol enthousiaste et ma voisine de table, une américaine qui a participé à plus de 20 dîners.

Il y aura 54 vins, ce qui est beaucoup, car j’ai fourni 28 vins, voulant que toutes les tables aient un beau souvenir de le 40ème séance.

L’ouverture des vins commence à 15 heures. Un académicien fidèle m’aide ainsi que Béatrice, qui est la responsable du rangement de ma collection de bouteilles vides. Il y a énormément de bouchons qui sortent en miettes et je me demande toujours si les conditions atmosphériques ne jouent pas un rôle dans les comportements des bouchons, souvent semblables. Il y a parmi ces vins des niveaux assez bas, y compris dans mes apports, car chaque vin a le droit d’être bu, surtout en situation de pléthore comme aujourd’hui. Quelques vins sentent le bouchon, nous verrons. Globalement, il y a de très belles promesses.

Le menu composé par Adrian Williamson et son équipe est : sardine bretonne à l’huile d’olive, toast et fenouil croquant / médaillon de thon juste saisi, courgette et fleur de courgette farcie aux olives noires / épaule d’agneau confite aux herbes de Provence, carotte et navet glacés, jus corsé / trio de fromage et fourme d’Ambert / tarte fine aux pommes et crème d’Isigny.

L’apéritif est fait de : Côtes du Jura Château de Quintigny magnum sans année, Champagne Bollinger Spéciale Cuvée années 70, Champagne Laurent-Perrier sans année, Champagne Besserat de Bellefon sans année, Champagne Pommery années 80.

Les vins de table 1 sont : Champagne Mumm Cordon Rouge 1979, Hermitage blanc Poulet père et fils 1923 (niveau bas), Rioja blanc Mariano Lacort 1931, Montrachet Roland Thévenin 1947, Château Troplong Mondot Valette Saint-Emilion 1971, Château Palmer Margaux 1964, Château Lanessan 1985, Château Lynch Bages 1969, Vosne Romanée Antonin Rodet vers 1966, Echézeaux Mommessin 1973, Romanée Saint-Vivant Moillard Grivot 1937, Richebourg Théophile Gavin 1928, Vega Sicilia Unico 1962, Castell del Remey Extra Costers del Segre (Catalonia) # 1915, Gewurztraminer Clos Zisser Vendanges Tardives 1961, Château Pajot Enclave Yquem Sauternes 1965 , Cru de Coÿ Enclave Yquem 1923, Cognac Leyrat XO élite 40°.

Les vins de la table 2 sont : Meursault-Charmes P. Millot Battault 1969 , Chassagne Montrachet Henri Pillot 1959, Corton-Charlemagne J. d’Issoncourt 1990, Riesling Sylvaner Koenigschaffhauser , Kaiserstuhl 1970 , Château Haut Marbuzet 1967, Château Magdelaine Saint-Emilion J. P. Moueix 1964, Château Tour de Corbin Despagne Saint-Emilion 1975, Château Pichon Lalande Comtesse Pauillac 1967, Château Malescot St Exupéry Margaux 1971 , Château L’Angélus Pomerol (bas) 1964, Beaune Perrières rouge Guy Leblanc 1967, Aloxe Corton Joseph Drouhin 1969, Château Doisy-Daëne Barsac 1969, Château Sigalas Rabaud 1959, Château Cantegril Sauternes 1943.

Les vins de la table 3 sont : Champagne Pommery sans année, Meursault Calvet (bas) 1962, Riesling grand cru Côte de Barr Klipfel 1970, Château d’Agassac 1966, Château Larcis Ducasse Saint-Emilion 1964, Château Giscours 1964 , Château Cantemerle 1964, Château Haut Marbuzet 1967, Château Lascombes 1971, Mouton Cadet sélection Rothschild 1943, Côtes de Barr Riesling Grand Cru Louis Klipfel 1970, Vin Jaune Château l’Etoile 1981, Anjou Coteaux de la Loire négociants 1955, Château de Rolland Sauternes 1943, Château Coutet Barsac 1962, Rivesaltes Domaine Marie 1940.

A l’apéritif, nous commençons par un Côtes du Jura Château de Quintigny magnum sans année. Je croyais que c’était un vin blanc et je l’avais affecté à un groupe, mais en fait c’est un crémant du Jura que je fais servir en premier. On est loin des subtilités des champagnes, mais ce pétillant est bien agréable comme vin d’accueil.

Le Champagne Bollinger Spéciale Cuvée années 70 est remarquable car il est entré avec pertinence dans le monde des vins anciens. Il est noble et racé.

Le Champagne Laurent-Perrier sans année est plus conventionnel et le Champagne Besserat de Bellefon sans année est une très agréable surprise. Le Champagne Pommery années 80 est d’une belle personnalité, déjà paré des vertus des champagnes anciens.

J’ai bu les vins de la table 1. Le Champagne Mumm Cordon Rouge 1979 est agréable, mais il me fait mesurer à quel point il y a un écart entre le Cordon Rouge et le Mumm Cuvée René Lalou 1979, un vin de très haute qualité.

Adrian le directeur du restaurant fait le service des vins de notre table. Il me fait goûter en premier un peu de chaque vin pour que je puisse prévenir les convives. Et en sentant l’Hermitage blanc Poulet père et fils 1923 au niveau bas, je préviens mes amis qu’il ne faut pas s’arrêter au parfum vieux de ce vin. Et par un miracle comme il n’en arrive que dans les rêves, la sardine au goût très fort va effacer toute trace de vieillesse et l’Hermitage va briller, créant le plus bel accord du repas. Béatrice, qui était à une autre table, me fit remarquer que la sardine avait un goût qui rebutait les vins de sa table, alors qu’elle a ressuscité notre vin de 101 ans.

Le Rioja blanc Mariano Lacort 1931 associé au même plat est beaucoup trop monocorde, presque fade et n’apporte pas l’émotion qu’il offrirait peut-être en d’autres circonstances.

Le Montrachet Roland Thévenin 1947 est très conforme à ce que l’on pourrait attendre, très bien structuré. Ce n’est pas un montrachet puissant et séducteur, c’est un grand vin noble. C’est probablement le meilleur des Montrachets 1947 de ce négociant que j’aie déjà bus.

Le Château Troplong Mondot Valette Saint-Emilion 1971 est d’une année très grande pour les bordeaux de la rive droite. Et l’on apprécie sa grandeur et sa profondeur. On le ressent à un sommet de ce qu’il peut offrir. Il est grand.

J’avais choisi parmi mes apports un Château Palmer Margaux 1964 au niveau bas, voulant vérifier si ce vin solide tenait encore sa place à 60 ans. A ma grande joie il a gardé toute son énergie et cette densité si noble. C’est une belle surprise, mais évidemment pas un cas général.

J’avais inclus dans mon apport une bouteille illisible que je situais dans les années 70 mais en ouvrant la bouteille on pouvait lire sur le bouchon Château Lanessan 1985. Il est plus jeune que les autres et fort agréable.

Le Château Lynch Bages 1969 ne m’est pas apparu au niveau des autres car il a été apporté avec mon accord au moment du repas, car offert par un participant étranger qui ne pouvait pas l’envoyer de son pays. Il n’a pas eu l’aération qui convenait.

Après quatre bordeaux, quatre bourgognes. Le Vosne Romanée Antonin Rodet vers 1966 est un vin agréable et subtil.

L’Echézeaux Mommessin 1973 est une magnifique surprise pour moi. Tout-à-fait inattendu, il a une acidité très agréable, une grande subtilité et un goût que l’on n’attendrait pas de ce millésime. J’ai adoré.

Mais on oublie tout dès que le Romanée Saint-Vivant Moillard Grivot 1937 est servi. Le parfum est envoûtant, le vin est glorieux. C’est la Bourgogne dans ce qu’elle offre de mieux. Quel grand vin.

Je suis un admirateur des millésimes 1928 et 1929, millésimes du siècle, dont j’ai bu 424 vins de cette paire royale. Le Richebourg Théophile Gavin 1928 est un grand vin, mais force est de constater que le 1937 est beaucoup plus glorieux. Le Richebourg est grand mais ne peut pas offrir autant de complexités et de grandeur.

On peut faire la même remarque pour le Vega Sicilia Unico 1962 d’un grand millésime et de belle noblesse, mais qui n’est pas au niveau au niveau qu’il pourrait avoir. Il manque d’émotion.

Le jeune espagnol si enthousiaste qui m’avait aidé à ouvrir les vins a apporté un Castell del Remey Extra Costers del Segre (Catalonia) # 1915. L’année supposée lui avait été annoncée par celui qui lui avait vendu la bouteille mais rien ne peut justifier un tel millésime. Je le verrais volontiers de moins de cinquante ans. Il n’a pas pu accrocher mon intérêt.

Le Gewurztraminer Clos Zisser Vendanges Tardives 1961 est absolument superbe d’une fluidité parfaite. Elégant et agréable.

Un académicien ayant proposé un sauternes 1965 « enclave d’Yquem », j’ai choisi en cave un autre vin enclave d’Yquem de 1923. Le Château Pajot Enclave Yquem Sauternes 1965 est un beau sauternes, riche et joyeux. Mais le Cru de Coÿ Enclave Yquem 1923 est transcendantal. D’une grâce infinie.

L’un des gagnants de l’énigme a apporté un Cognac Leyrat XO élite 40° très élégant et fin qui a conclu notre repas.

L’ambiance du repas a été particulièrement chaleureuse. Les gagnants de l’énigme, qui ne se connaissaient pas, sont devenus des amis. Pour certains, ce fut la découverte d’un nouveau monde. Qui se serait intéressé à un vin de 1937 ? Mes nouveaux amis vont devenir plus attentifs.

Mon classement des vins que nous avons bus à ma table est : 1 – Cru de Coÿ Enclave Yquem 1923, 2 – Romanée Saint-Vivant Moillard Grivot 1937, 3 – Hermitage blanc Poulet père et fils 1923, 4 – Echézeaux Mommessin 1973, 5 – Gewurztraminer Clos Zisser Vendanges Tardives 1961, 6 – Vega Sicilia Unico 1962.

Le thon a bien joué son rôle sur les bordeaux et l’agneau sur les bourgognes. Mais l’accord transcendantal parce qu’imprévu est celui de la sardine sur l’Hermitage blanc, ce qui a permis à ce vin d’être aussi bien classé dans mon vote.

Voilà une quarantième séance de l’académie particulièrement réussie.

282nd lunch at the Moët Hennessy Apartment samedi, 25 mai 2024

The 282nd event will be a lunch at the Moët Hennessy Apartment in Paris, where I have already made several meals. The cuisine will be carried out on the premises by the Pages restaurant team by chef Ken and under the direction of Naoko Oishi, owner of Pages restaurant.

There will be twelve of us, including a contingent of four Belgians and Dutch, one Australian, one New Yorker, one Californian and five French. Most foreigners signed up because they follow me on Instagram. There are five new ones.

I arrive at the Apartment at 9:30 a.m. to open twelve bottles of wine, including three magnums. I have never taken so much time to make the openings. Two and a half hours, which is more than twelve minutes per wine. I finished at 12 a.m. This is due to the extremely large number of corks which came in shreds, the wick only bringing up a mass of crumbs stuck to the metal, the walls of the neck keeping the cork friable. Even the Yquem corks which normally come whole came out torn. And the Krug magnum had a steel wire so thick that it took me a long time to turn the little ear that closes the cork capsule. The satisfaction I had fortunately was that no crumbs of cork fell into the wine. The other satisfaction is that of the scents of the wines. That of Y d’Yquem 1964, rich as that of a Yquem, the complex and rich flavor of Musigny 1947, the olfactory bomb of Château Chalon 1921, the absolutely perfect perfume of Yquem 1959.

The menu was designed with chef Ken and it occurred to me that between the Romanée Conti 1963 and the Musigny, a break would be necessary for the Krug champagne which I had put at the first place to begin the meal and which will be put in the middle of the meal . We will start the meal with a rosé champagne from Veuve Clicquot.

The guests arrive and we drink the Champagne Veuve Clicquot Cave Privée Rosé Magnum 1979 from the Apartment cellar. This champagne is majestic, with a papal balance. What a pleasure to savor this rich and seductive champagne. Happiness. The appetizers are copious and varied, which highlights the flexibility of champagne: oysters, gougères, pata negra, tempura, raw fish. Every agreement is relevant.

The meal menu is: lobster with white wine sauce, white asparagus from La Torche / veal with light red wine sauce, morels, mashed potatoes / Wagyu, beef jus and potato waffles / poached duck liver / Risotto with young parmesan / pigeon, salmis and potato millefeuille / old Comté 18 months and matured Saint-Nectaire / citrus tart and almond cream / rose financier.

The first course of lobster accompanies the two white wines. Y d’Yquem 1964 is from a year when Sauternes d’Yquem was not produced. There are therefore botrytized grains which have mixed with the white wine grains to produce an extremely rich wine. The pairing that it will create with the lobster bisque is an anthology pairing. This wine with its strong personality is captivating.

The Musigny Blanc Comte Georges De Vogüé 1993 also has a particularity, because its vintage is the last produced by old vines, which were uprooted after the harvest. The Vogüé estate had the delicacy to call the following vintages « Burgundy White » and not Musigny for more than twenty years. This rich and noble Musigny with a long trace on the palate creates a splendid pairing with beautiful white asparagus.

The following step will be four wines from Romanée Conti, the four greatest, and from very disparate years. The Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 is accompanied by the Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 on veal, a delicate dish. The Richebourg has a scent that is not very clear so it is almost erased by the magnificent Romanée Saint-Vivant which has the youthful ardor of a Romanée Conti wine with elegance and subtlety.

Contrary to plan, two other wines will have been served together even though they should not have been. They accompanied a Wagyu with exceptional cooking and ideal fat, which made La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943 shine, a wine that I consider exceptional in a vintage that was successful at the Domaine. The wine is particularly elegant, suave and sweet, with a fragile and delicate finish.

The Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1963 has an unpleasant cork nose, but which is not felt in the mouth. We even see how intense this wine is with a beautiful, unexpected fruit. He will not have had the companion I wanted, the poached foie gras and the strength of the Wagyu does not suit him. Worried about the scent of Romanée Conti, I didn’t react quickly enough for his dish to arrive. It’s a sad thing.

The Krug Private Cuvée Brut Réserve Magnum 50s Champagne is an absolutely magnificent bottle. When I see the champagne being served, I realize that it is clear at the first glass and becomes darker and darker, because more and more sediment appears. Champagne has a nice personality, but it doesn’t shine as much as it should. The pairing with the delicate risotto is a treat.

The Musigny Vieilles Vignes Comte de Vogüé magnum 1947 is an absolute epitome. This immense wine is rich and glorious. I bought it over thirty years ago and often thought about creating an opportunity to showcase it. What could be better than to precede it with four wines from Romanée Conti. And he plays his imperial role well. We are all struck by its splendor. And the superb pigeon is exactly what gives it ideal scale.

Château Chalon Bourdy 1921 has a scent to die for. What power for a 103 years old wine! Wine is magical and I am in love with it. It is a little more majestic than the 1906 I drank last week. The vin jaune and Comté pairing is divine and sacred.

Due to the glorious scent of Château d’Yquem 1959, probably one of the greatest Yquem flavors I have drunk, I expected it to outshine the deeper but more flavorful Château d’Yquem 1937, discreet even if it is intense. And to my great surprise, the 1937 surpassed the 1959 due to its extreme intensity and a more assertive nobility. The 1959 is the charmer and the 1937 is the deeper thinker. The subtle dessert is magical for these two wines.

The menu was ideal and the execution deserves all the compliments, even after the mistake on the poached foie gras for which I also feel responsible. The pairings were splendid: lobster with Y 1964, Wagyu with La Tâche 1943, pigeon with Musigny and Yquem with tart. But we won’t forget the Musigny blanc with asparagus.

The moment of the vote is eagerly awaited because it is very difficult to anticipate what the ranking will be as there is so much competition apart from Musigny which will have an insolent victory. Eight first votes out of twelve voters is a very rare score. Four other wines had a first vote, the Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943 and the two Château d’Yquem, the 1937 and the 1959. Eleven out of twelve wines had at least one vote, which is very satisfactory, only the Richebourg 1953 not having a vote because it was associated with the Romanée Saint-Vivant which overshadowed it.

The classification of the entire table is: 1 – Musigny Vieilles Vignes Comte de Vogüé magnum 1947, 2 – Château d’Yquem 1937, 3 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 4 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943, 5 – Y d’Yquem 1964, 6 – Château d’Yquem 1959.

My vote is: 1 – Musigny Vieilles Vignes Comte de Vogüé magnum 1947, 2 – Château d’Yquem 1937, 3 – Château Chalon Bourdy 1921, 4 – Y d’Yquem 1964, 5 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943.

The vote took place in a joyful atmosphere because we were all overwhelmed with beautiful memories, the small imperfections easily forgotten.

We went to the lounge to drink a Hennessy Richard Cognac accompanied by a rose financier, a perfect pairing which I am proud to have come up with.

The atmosphere was so friendly that when I mentioned a dinner that would take place in five months, more than half of those present told me they would come. What happiness!

282ème déjeuner à l’Appartement de Moët Hennessy samedi, 25 mai 2024

Le 282ème repas sera un déjeuner à l’Appartement de Moët Hennessy à Paris, où j’ai déjà fait plusieurs repas. La cuisine sera réalisée dans les locaux par l’équipe du restaurant Pages par le chef Ken et sous la direction de Naoko Oishi, propriétaire du restaurant Pages.

Nous serons douze, dont un contingent de quatre belges et hollandais, un australien, un new-yorkais, un californien et cinq français. La plupart des étrangers se sont inscrits parce qu’ils me suivent sur Instagram. Il y a cinq nouveaux.

J’arrive à l’Appartement à 9h30 pour ouvrir douze bouteilles de vins, dont trois magnums. Jamais je n’ai pris autant de temps pour faire les ouvertures. Deux heures et demie, ce qui fait plus de douze minutes par vin. J’ai fini à 12 heures. Cela est dû au nombre extrêmement grand de bouchons qui sont venus en charpie, la mèche ne remontant qu’une masse de miettes collées au métal, les parois du goulot gardant le liège friable. Même les bouchons d’Yquem qui normalement viennent entiers sont sortis déchirés. Et le magnum de Krug avait un fil d’acier si gros qu’il m’a fallu beaucoup de temps pour tourner la petite oreille qui ferme la capsule du bouchon. La satisfaction que j’ai eue heureusement est qu’aucune miette de bouchon n’est tombée dans le vin. L’autre satisfaction est celle des parfums des vins. Celui de l’Y d’Yquem 1964 riche comme celui d’un Yquem, la saveur complexe et riche du Musigny 1947, la bombe olfactive du Château Chalon 1921, le parfum absolument parfait de l’Yquem 1959.

Le menu a été conçu avec le chef Ken et il m’est apparu qu’entre la Romanée Conti 1963 et le Musigny, une pause s’imposerait pour le champagne Krug que j’avais mis en tête et qui sera mis en milieu de repas. Nous démarrerons le repas avec un champagne rosé de Veuve Clicquot.

Les convives arrivent et nous buvons le Champagne Veuve Clicquot Cave Privée Rosé Magnum 1979 de la cave de l’Appartement. Ce champagne est majestueux, d’un équilibre papal. Quel plaisir de savourer ce champagne riche et séducteur. Un bonheur. Les amuse-bouches sont copieux et variés, ce qui met en valeur la flexibilité du champagne : huître, gougères, pata negra, tempura, poisson cru. Chaque accord est pertinent.

Le menu du repas est : homard sauce vin blanc, asperge blanche de la Torche / veau sauce vin rouge légère, morilles, purée de pommes de terre / Wagyu, jus de bœuf et gaufres de pommes de terre / foie de canard poché / Risotto au jeune parmesan / pigeon, salmis et millefeuille de pommes de terre / vieux Comté 18 mois et saint-nectaire maturé / tarte agrumes et crème d’amandes / financier à la rose.

Le premier plat de homard accompagne les deux vins blancs. L’Y d’Yquem 1964 est d’une année où le sauternes d’Yquem n’a pas été produit. Il y a donc des grains botrytisés qui se sont mêlés aux grains du vin blanc pour produire un vin d’une richesse extrême. L’accord qu’il va créer avec la bisque du homard est un accord d’anthologie. Ce vin de forte personnalité est envoûtant.

Le Musigny Blanc Comte Georges De Vogüé 1993 a lui aussi une particularité, car son millésime est le dernier produit par des vignes anciennes, qui ont été arrachées après la récolte. Le domaine de Vogüé a eu la délicatesse d’appeler les millésimes suivants « Bourgogne Blanc » et non Musigny pendant plus de vingt ans. Ce Musigny riche et noble à la longue trace en bouche crée un accord splendide avec les belles asperges blanches.

La suite sera de quatre vins de la Romanée Conti, les quatre plus grands, et d’années très disparates. La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 est associée au Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 sur le veau, plat délicat. Le Richebourg a un parfum qui n’est pas très net aussi il est quasiment effacé par la magnifique Romanée Saint-Vivant qui a la fougue de la jeunesse d’un vin de la Romanée Conti avec élégance et subtilité.

Contrairement au plan prévu deux autres vins auront été servis ensemble alors qu’ils n’auraient pas dû l’être. Ils ont accompagné un Wagyu d’une cuisson exceptionnelle d’un gras idéal, qui a fait briller La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943 vin que je considère comme exceptionnel dans un millésime qui a réussi au Domaine. Le vin est particulièrement élégant, suave et doucereux, avec un final fragile et délicat.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1963 a un nez de bouchon désagréable, mais qu’on ne ressent pas en bouche. On voit même à quel point ce vin est intense avec un beau fruit inattendu. Il n’aura pas eu le compagnon que je voulais, le foie gras poché et la force du Wagyu ne lui convient pas. Inquiet à cause du parfum de la Romanée Conti je n’ai pas réagi assez vite pour que son plat arrive. C’est dommage.

Le Champagne Krug Private Cuvée Brut Réserve magnum années 50 est d’une bouteille absolument magnifique. Lorsque je vois que l’on sert le champagne, je réalise qu’il est clair au premier verre et devient de plus en plus sombre, car du dépôt apparaît de plus en plus. Le champagne a une belle personnalité, mais il ne brille pas autant qu’il le devrait. L’accord avec le délicat risotto est un régal.

Le Musigny Vieilles Vignes Comte de Vogüé magnum 1947 est un régal absolu. Ce vin immense est riche et glorieux. Je l’avais acheté il y a plus de trente ans et je pensais souvent à créer une occasion de le mettre en valeur. Quoi de mieux que de le faire précéder par quatre vins de la Romanée Conti. Et il tient bien son rôle impérial. Nous sommes tous frappés par sa splendeur. Et le pigeon superbe est exactement ce qui lui donne une ampleur idéale.

Le Château Chalon Bourdy 1921 a un parfum à se damner. Quelle puissance pour un vin de 103 ans ! Le vin est magique et j’en suis amoureux. Il est un peu plus majestueux que le 1906 que j’ai bu la semaine dernière. L’accord vin jaune et comté est divin et sacré.

Du fait du glorieux parfum du Château d’Yquem 1959, probablement l’un des plus grands parfums des Yquem que j’ai bus, je m’attendais à ce qu’il surpasse le Château d’Yquem 1937 plus profond mais au parfum plus discret même s’il est intense. Et à ma grande surprise, le 1937 a surpassé le 1959 du fait d’une intensité extrême, et d’une noblesse plus affirmée. Le 1959 est le charmeur et le 1937 est le penseur plus profond. Le dessert subtil est magique pour ces deux vins.

Le menu a été idéal et la réalisation mérite tous les compliments, même après l’erreur sur le foie gras poché dont je me sens aussi responsable. Les accords ont été splendides du homard avec l’Y 1964, du Wagyu avec La Tâche 1943, du pigeon avec le Musigny et des Yquem avec la tarte. Mais on n’oubliera pas le Musigny blanc avec les asperges.

Le moment du vote est très attendu car il est très difficile d’anticiper ce que sera le classement tant il y a de compétition en dehors du Musigny qui va avoir une insolente victoire. Huit votes de premier sur douze votants, c’est un score très rare. Quatre autres vins ont eu un vote de premier, la Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943 et les deux Château d’Yquem, le 1937 et le 1959. Onze vins sur douze ont eu au moins un vote, ce qui est très satisfaisant, seul le Richebourg 1953 n’ayant pas de vote car il était associé à la Romanée Saint-Vivant qui lui a fait de l’ombre.

Le classement de l’ensemble de la table est : 1 – Musigny Vieilles Vignes Comte de Vogüé magnum 1947, 2 – Château d’Yquem 1937, 3 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 4 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943, 5 – Y d’Yquem 1964, 6 – Château d’Yquem 1959.

Mon vote est : 1 – Musigny Vieilles Vignes Comte de Vogüé magnum 1947, 2 – Château d’Yquem 1937, 3 – Château Chalon Bourdy 1921, 4 – Y d’Yquem 1964, 5 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943.

Le vote s’est fait dans une atmosphère joyeuse car nous étions tous submergés de beaux souvenirs, les petites imperfections s’oubliant sans problème.

Nous sommes passés au salon pour boire un Cognac Hennessy Richard accompagné d’un financier à la rose, accord parfait dont je suis fier d’avoir eu l’idée.

L’ambiance était tellement amicale que lorsque j’ai évoqué un dîner qui aura lieu dans cinq mois, plus de la moitié des présents m’ont dit qu’ils viendraient. Quel bonheur !

Un agréable Clos des Lambrays mercredi, 22 mai 2024

Pour fêter l’anniversaire de ma fille aînée, nous allons au restaurant « au bourguignon du Marais » tout proche de chez elle. Le cadre est sympathique et les serveurs sont très sympathiques mais un peu submergés. La carte des vins est très bistrot, mais bistrot intelligent. Je déniche une pépite, un Clos des Lambrays Grand Cru Domaine des Lambrays 2014. A ma grande surprise, ce vin m’est apparu beaucoup plus joyeux et ensoleillé que le Bonnes-Mares Roumier 2017 bu récemment.

Ce 2014 est un vrai plaisir. Il a un bel avenir devant lui mais il est déjà très convaincant.

La viande est bonne et l’atmosphère est agréable. Nous avons passé une belle soirée.

Déjeuner au restaurant L’Ecu de France mardi, 21 mai 2024

Lorsque je téléphone au restaurant L’Ecu de France, madame Brousse me dit : « ça fait longtemps qu’on ne vous a pas vu ». Je reçois ce message comme une gentillesse.

Nous arrivons ma femme et moi au restaurant et on nous propose de déjeuner dehors, face à la Marne. Malgré un temps incertain nous choisissons d’être dehors. Deux bernaches de belles tailles qui volaient sans bruit amerrissent en glissant sur leurs pattes palmées comme le ferait un skieur nautique qui lâche la corde qui le tirait.

Pendant le repas nous verrons passer des personnes faisant du kayak et même une jeune femme faisant du paddle. Sa vitesse dans le sens du fleuve est nettement plus grande qu’au retour.

La carte des vins est toujours un sujet d’intérêt. Je choisis pour l’entrée un Champagne Selosse Initial sans année dont la date de dégorgement n’est pas indiquée.

Lorsque nous nous dirigions vers notre table je vois qu’un jeune couple a choisi un vin de Georges Roumier. Je les félicite et cela me donne envie. Je choisirai un Bonnes-Mares Grand Cru Domaine G. Roumier 2017.

Sur la carte je choisis un haddock comme entrée et du bœuf Simmental comme plat principal.

Le Champagne Selosse Initial sans année est agréable et bien fait. Je préfère la Version Originale dont j’apprécie le style, mais cet Initial s’il a une belle solidité est un peu fermé. Le plat de haddock est délicieux.

Le Bonnes-Mares Grand Cru Domaine G. Roumier 2017 a été ouvert au dernier moment pour que je puisse suivre son éclosion. Ce vin est absolument délicieux, d’une grande fraîcheur, ciselé et sa jeunesse n’est pas un handicap car il est déjà affirmé. Ce vin est adorable dans sa jeunesse.

Le plat de viande est un peu compliqué par une abondance de saveurs différentes. Le Cantal s’est bien marié avec le vin.

C’est toujours un plaisir de déjeuner en cet endroit que je connais depuis plus d’une soixantaine d’années car il a accompagné beaucoup d’événements familiaux.

Le vin réserve toujours des surprises. J’avais pris les bouteilles qui n’étaient pas finies pour boire les vins à la maison. Le lendemain, le Champagne Selosse que j’avais trouvé fermé se montre brillant, épanoui, presque joyeux. Le Bonnes-Mares quant à lui, subtil et raffiné hier est devenu ensommeillé.

Il y a des vins qu’il faut boire le jour même et d’autres qui se réveillent le lendemain. Rien n’est définitif.

dîner chez des amateurs de vins lundi, 20 mai 2024

Depuis quelques années j’avais réservé des places à l’Académie des Vins Anciens à des élèves de grandes écoles qui bénéficiaient d’un tarif avantageux, sans obligation de fournir des vins. Des relations amicales se sont créées avec certains d’entre eux et nous nous sommes revus notamment lorsqu’ils ont gagné un concours européen de dégustation réservé aux grandes écoles.

Je suis invité à participer à un dîner d’amateurs de vins qui font partie de clubs de dégustation et sont extrêmement affutés pour les dégustations à l’aveugle. Leurs connaissances sont largement supérieures aux miennes. Les âges de ces dégustateurs vont de 23 ans à 40 ans peut-être. Ils sont entrés dans le monde des vins anciens et en achètent volontiers. J’ai rencontré certains dans des événements sur le vin.

Le dîner se tient dans l’appartement de deux des membres, Laure et Alexandre. On m’a demandé de venir à 16 heures pour l’ouverture des vins, ce que je fais bien volontiers.

Dans la grande cuisine, des plats étaient en cours de réalisation mais on fait place nette pour que je puisse officier. Pendant la séance d’ouverture, j’ai le temps de raconter des anecdotes avec plusieurs convives venus pour assister à cet épisode important. Les vins ont des comportements qui diffèrent, sans aucun problème majeur sauf un bouchon irrattrapable qui a glissé dans le vin. Il a fallu le carafer. C’est un 1929 qui servait de secours éventuel pour l’apport d’un participant.

Nous quittons ensuite la cuisine, car Alexandre va réaliser la composition et la présentation des plats. Les parfums dans la cuisine donnent faim.

Pour l’apéritif nous avons : Pata Negra 44 mois / Tarama au caviar Petrossian / Gougères au vieux comté. C’est un beau départ. Nous buvons un Champagne Telmont Héritage 1976. Je ne connais par cette maison centenaire dont l’actionnariat compte aujourd’hui un minoritaire du nom de Leonardo di Caprio. Le champagne est solide, sérieux et fait beaucoup plus jeune que ses 48 ans. Il a de belles complexités mais est un peu trop sérieux pour moi.

Le Champagne Pommery 1959 est un rayon de soleil. Quel bonheur, quelle jouissance. Ce champagne est rond, plein, joyeux et gourmand. Que du bonheur. Et il montre à quel point les champagnes anciens sont transcendants par rapport aux champagnes récents.

Le menu préparé par Alexandre est : homard rôti au beurre noisette, condiment cèpe, jus réduit des têtes / fricassée de morilles et asperges vertes au vin jaune, jaune d’œuf coulant / poulpes grillés , coulis de piquillos brulé et chorizo / chevreuil du Loiret rôti , jus corsé truffé , mini légumes de chez Eric Roy / mini carré d’agneau Le Bourdonnec, petit pois au lard fumé et oignons nouveaux, mousseline de carottes à l’orange / fromages : Brillat-Savarin à la truffe, Stichelton, vieux comté, Sakura / ananas Victoria rôti et flambé, brunoise de fruits exotiques et caramel passion, glace vanille / Financier amande, tartelette citron, bonbon au chocolat, tuile coco.

Dès qu’Alexandre nous sert le premier plat, on sait immédiatement qu’il a un niveau de cuisine proche de grands cuisiniers. Car la présentation du plat est parfaite et son parfum un délice. Le Montrachet Chanson 1967 est très clair. Son nez est délicat. Il n’a pas la puissance habituelle du montrachet mais sa fluidité et son élégance en font un vin très agréable à boire et raffiné.

A côté de lui, le Clos Vougeot Blanc Héritiers Guyot 1949 est une bombe. C’est un voyage dans les complexités ultimes. Riche, vibrionnant, il est un pur plaisir avec une longueur liée à son millésime, c’est-à-dire infinie.

Si on croyait être au sommet de la complexité, il fallait vite chasser cette idée, car le Château Lafite Blanc 1935 est irréel. C’est un voyage dans l’inconnu du vin, subtil, kaléidoscopique, charmeur, magique. Nous sommes tous frappés par ce vin car il n’y a aucun repère sauf peut-être le Y d’Yquem qui est aussi capable de nous surprendre.

Les deux plats faits pour les vins blancs sont absolument superbes, les cuissons parfaites et les produits de haute qualité.

Alexandre a voulu que les poulpes soient associés aux vins étrangers. Le Brunello di Montalcino Riserva Argiano 1975 est un solide gaillard, bien structuré, mais qui n’est pas porteur de beaucoup d’émotion. Comme on dit de façon un peu vulgaire, il « fait le job », mais pas plus.

A l’inverse, le Vega Sicilia Unico 1969 nous fait entrer dans la magie de ce grand vin que j’adore car au-delà de la puissance il est capable d’offrir des saveurs mentholées.

Je pensais qu’après les vins puissants d’Espagne et d’Italie, les bordeaux anciens auraient du mal mais il n’en fut rien, car le chevreuil les a mis en valeur. Le Château Latour 1937 et le Château Léoville Las Cases 1937 sont deux grands vins d’une des rares grandes années de la décennie 1930-1939. Le Latour est plus noble et construit. Le Léoville ne manque pas de charme, mais je trouve que ces deux beaux vins n’ont pas offert tout ce qu’ils pourraient. Il n’est pas impossible que, fasciné par les vins blancs, j’aie été plus sévère avec les vins rouges.

L’agneau est une merveille faite pour les bourgognes. Le Vosne-Romanée les Beaumonts Charles Noëllat 1959 est un grand vin d’un grand vigneron. Sa sérénité et sa rondeur sont superbes.

Alors que 1929 est une année que je chéris et pour laquelle je suis prêt à admettre tous les écarts, les deux 1929 qui vont suivre ne m’ont pas vraiment plu, marqués par de la fatigue. Pourtant je défendrais volontiers le Clos Saint Denis mise Nicolas 1929 qui a des accents de la noblesse de son millésime, alors que pour le Corton Julien Damoy 1929 dont le bouchon était tombé dans le vin, la fatigue est trop forte. Il y a eu par instants de belles évocations du millésime que je considère comme le millésime du siècle, mais la joie n’était pas là.

La propriétaire du Château Villeneuve avait adressé à Laure et Alexandre une bouteille du Saumur Blanc sec Château Villeneuve 1945 avec un papier manuscrit de Caroline Chevallier expliquant qu’elle adressait ce vin vinifié par son grand-père et son arrière-grand-père, Robert et Armand Chevallier, pour participer à l’événement de ce jour. Pour ce vin de chenin blanc, je n’ai pas beaucoup d’expérience, mais il a une grande élégance et j’aime l’équilibre que donne son beau millésime. C’est une heureuse surprise.

Le Château Chalon Bourdy 1906 qui est un de mes apports est d’une année rare pour les vins jaunes. Il crée avec le comté un accord qui est l’un des plus anthologiques de la gastronomie. Puissant, de longueur infinie, il sait aussi se faire doucereux. Il a une rémanence en bouche indélébile et comme souvent, je tombe amoureux du vin que j’ai apporté, ce qui ne se produira pas, hélas, pour les deux autres apports.

Nous avons deux liquoreux de 1947, année superbe, qui vont s’épanouir avec un délicieux Stichelton. Le Château Gilette 1947 est un Gilette doux, qui est excellent bien sûr mais dégage beaucoup moins d’émotion que le Château Climens 1947 beaucoup plus affectif et brillant.

Le dessert à l’ananas est brillantissime. Lorsque j’avais annoncé le Champagne Taittinger Brut 1943 comme l’un de mes apports, je n’avais pas vérifié le vin en cave. Lorsque je l’ai pris en main, j’ai eu du mal à voir à travers le verre la couleur du champagne. Tout me paraissait sombre. J’ai donc par précaution pris un Champagne Taittinger Brut 1964 dont la couleur plus claire était plus rassurante.

Au moment d’ouvrir le 1943 avant le repas, Alexandre avait éclairé la bouteille et par transparence, la couleur paraissait normale. En versant le champagne maintenant, on voit que le premier verre a une belle couleur, qui s’assombrit au fur et à mesure du service. Le champagne se montre fade et sans longueur ce qui m’attriste. Le 1964 compense un peu cette contreperformance mais pas suffisamment à mon goût.

Il est déjà très tard et il est temps de voter pour nos cinq vins préférés. Je collecte les votes sur une demi-feuille de papier. Les résultats sont étonnants car pour douze votants il y aura 9 vins votés premiers. C’est très rare d’avoir une telle diversité. Trois vins auront deux places de premier, le Clos Vougeot Blanc Héritiers Guyot 1949, le Château Lafite Blanc 1935 et le Saumur Blanc sec Château Villeneuve 1945, c’est-à-dire trois blancs. Six vins auront une seule place de premier, le Champagne Pommery 1959, le Vega Sicilia Unico 1969, le Château Latour 1937, le Vosne-Romanée les Beaumonts Charles Noëllat 1959, le Clos Saint Denis mise Nicolas 1929 et le Château Chalon Bourdy 1906. Quelle variété de votes !

Le vote de l’ensemble de la table est : 1 – Clos Vougeot Blanc Héritiers Guyot 1949, 2 – Champagne Pommery 1959, 3 – Château Lafite Blanc 1935, 4 – Château Latour 1937, 5 – Vosne-Romanée les Beaumonts Charles Noëllat 1959, 6 – Vega Sicilia Unico 1969.

Mon vote est : 1 – Château Chalon Bourdy 1906, 2 – Château Climens 1947, 3 – Champagne Pommery 1959, 4 – Château Lafite Blanc 1935, 5 – Clos Vougeot Blanc Héritiers Guyot 1949. Il est à noter que je n’ai mis aucun vin rouge dans mon vote ce qui est très rare. Avais-je un palais aux vins blancs, qui peut le dire ?

Cette soirée amicale fut une vraie réussite. Alexandre a un talent de cuisinier qui mérite des compliments, la générosité des participants a été sans limite. J’avoue que ce qui m’a poussé à accepter l’invitation est le Lafite blanc 1935 car j’avais ouvert lors du dîner où j’avais mis neuf vins du domaine de la Romanée Conti un Lafite blanc 1959 extraordinaire. Mais il y aurait eu mille autres raisons pour que je dise oui.

Tous sont des passionnés de vin et de gastronomie. Merci à tous de leur gentillesse et d’avoir écouté mes anecdotes et merci surtout à Laure pour son accueil charmant.

281ème dîner au restaurant Astrance samedi, 18 mai 2024

Le 281ème dîner se tient au restaurant Astrance de la rue de Longchamp à Paris. J’avais déjà fait trois repas à l’Astrance de la rue Beethoven. Dans ce nouveau lieu, nous aurons un espace beaucoup plus grand et une belle table comme je les aime, en forme de ballon de rugby.

Nous serons onze. Il y a trois participants qui sont déjà venus à mes dîners et sept nouveaux, qui suivent mes récits sur Instagram. Les convives viennent de Houston, de Londres, de Genève, de Belgique, d’Aix et de Paris.

J’étais venu au restaurant il y a quelques semaines pour mettre au point le menu avec Pascal Barbot, qui est très motivé à recommencer à créer de nouvelles recettes pour mes dîners.

J’arrive à 16 heures pour ouvrir les vins, aidé par le sympathique sommelier Lucas. Beaucoup de bouchons viendront avec des déchirures et Lucas est étonné de constater qu’aucun morceau de bouchon ne tombe dans le vin.

Aucun parfum ne me semble douteux. Certains vins comme l’Ausone 1962 sont immédiatement brillants alors que d’autres comme le Pommard 1929 auront besoin de quelques heures pour s’épanouir. Deux participants sont venus voir comment je procède et c’est l’occasion d’évoquer des souvenirs et des anecdotes.

Le menu a été mis au point en échangeant avec Pascal Barbot. J’ai eu un mail hier me disant qu’il avait la certitude d’avoir turbot, rouget et pigeon, car il tient à avoir les meilleurs produits. Cette exigence me plait beaucoup.

Les convives arrivent et nous commençons par l’apéritif debout avec un Champagne Jacques Selosse millésimé 2002 accompagné de tuile pois chiche, gribiche aux algues, brioche toastée, beurre de romarin et mélilot. Le champagne dégorgé en 2013 a atteint un état de sérénité parfait. C’est un seigneur. Quel plaisir de goûter ce champagne qui a échangé la fougue de sa jeunesse avec une magistrale maturité.

J’ai profité de l’apéritif pour donner les conseils et consignes pour que le repas soit vécu de la meilleure façon.

Le menu créé par Pascal Barbot, pour lequel j’indique le ou les vins associés est : Salon 1988 : huître et échalote confite, grosse praire , jambon Bellota / Puligny Montrachet Les Combettes Domaine Leflaive 1988 et Chablis Grand Cru Blanchot Vocoret & Fils 1988 : langoustine vapeur, consommé et huile de crustacé, biscotte à la confiture de crevette / riz koshihikari fraîchement poli au naturel et bisque de homard / Château Ausone 1962 : filet de turbot à la braise, beurre blanc et sauce sola / Château Nénin 1982 gros rouget vapeur de laurier et sauce beurre rouge / Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929 et Vosne Romanée Grivelet Cusset 1943 : côte de veau cuit au sautoir, jus de cuisson / Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1986 et Châteauneuf du Pape Paul Drevon 1945 : pigeon rôti sur coffre, une rôtie et baie de genièvre / Château Rayne Vigneau 1966 : mangue au naturel et éclat d’un cake aux agrumes / Porto Quinta do Noval 1976 : une tartelette tiède chocolatée, caramel au beurre salé.

On pourrait faire au Champagne Salon 1988 les mêmes compliments que ceux que je viens de faire au Selosse, car ce 1988 montre un accomplissement idéal. Tout en lui est serein, puissant, parfait. Les deux champagnes semblent avoir atteint un âge idéal. L’huître est magique pour le champagne ainsi que la merveilleuse sauce de la praire. Un convive demande : pourquoi le jambon ? C’est mon souhait de montrer à quel point les grands champagnes sont flexibles car comment trouver des mets aussi opposés qu’une huître et un jambon espagnol puissant. C’est la magie du champagne.

Les deux vins blancs sont servis ensemble sur la langoustine et ensuite le riz poli.

Le Puligny Montrachet Les Combettes Domaine Leflaive 1988 est d’une belle rondeur. Il est avenant. Le Chablis Grand Cru Blanchot Vocoret & Fils 1988 est plus complexe et sophistiqué. Le raffinement du chablis convient à la délicieuse langoustine alors que la séduction du Puligny s’accorde divinement à la sensuelle bisque de homard. Cette bisque est un des grands moments du repas. Pascal Barbot est très fier de la préparation et du polissage du riz.

Le Château Ausone 1962 a un parfum d’une élégance exceptionnelle et le vin est à un stade d’évolution ou tout est raffiné, c’est un vin galant. Le turbot lui convient à merveille.

Le Château Nénin 1982 est un gamin à côté de l’Ausone mais il a une solide structure qui en fait un vin conquérant. Le rouget est délicieux et c’est un de mes caprices d’associer les pomerols avec le rouget. Et c’est pertinent.

Le veau est d’une tendreté extrême et c’est ce qu’il faut pour le Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929. Deux convives très amateurs de vins avaient en se présentant émis des doutes sur les vins vieux, pensant qu’ils seraient sur une pente descendante, idée préconçue hélas trop répandue, et voilà qu’ils découvrent qu’un vin de 95 ans a une vivacité incroyable. Ils entrent dans un monde nouveau. Le pommard est subtil et expressif. Sa longueur est remarquable. C’est un vin de plaisir raffiné. Je l’adore.

Le Vosne-Romanée Grivelet Cusset 1943 est très élégant mais un peu moins brillant que le 1929. Il est toutefois fort agréable à boire. Il est servi sur le veau en même temps que le 1929 ce qui explique qu’on lui réserve un accueil moins marqué.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1986 est accompagné du Châteauneuf du Pape Paul Drevon 1945 sur le magnifique pigeon. Contre toute attente, le Châteauneuf est tellement exceptionnel, absolument parfait, qu’il fait (presque) oublier le Richebourg, fort bon mais moins tonitruant. Comment est-ce possible que ce Châteauneuf ait atteint une telle perfection ? Il est d’une jouissance absolue. Le pigeon est le plat le plus marquant de ce repas à mon goût mais ils sont tous brillants.

Le Château Rayne Vigneau 1966 qui a presque 60 ans est entré dans une zone où l’âge apporte des saveurs magiques. D’un beau gras que donne l’âge il est gourmand et agréable. L’accord avec la mangue est naturel.

Le Porto Quinta do Noval 1976 est riche et agréable. Il est encore trop jeune pour offrir les complexités les plus subtiles.

L’ambiance de la table a été joyeuse et appliquée, chacun cherchant à profiter au mieux des plats et des accords. Pascal Barbot est venu expliquer les plats et c’est passionnant de voir à quel point il a travaillé les présentations et les cuissons au service des vins.

Il est temps de voter. Tous les douze vins ont eu des votes ce qui est remarquable. Quatre vins ont eu des votes de premier, le Châteauneuf quatre fois, Le Pommard et le Richebourg trois fois et le Salon 88 une fois.

Le classement de l’ensemble de la table est : 1 – Châteauneuf du Pape Paul Drevon 1945, 2 – Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929, 3 – Château Ausone 1962, 4 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1986, 5 – Château Rayne Vigneau 1966, 6 – Champagne Salon 1988.

Mon Classement est : 1 – Châteauneuf du Pape Paul Drevon 1945, 2 – Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929, 3 – Vosne-Romanée Grivelet Cusset 1943, 4 – Champagne Salon 1988, 5 – Château Ausone 1962.

J’avais cherché dans ma cave un vin pour finir le repas si l’ambiance était bonne. Elle l’est et j’ai ouvert une bouteille totalement inconnue dont l’étiquette porte la mention : « Vin Blanc Supérieur ». Le contenu a certainement été mis dans une bouteille vide avec un bouchon à moitié enfoncé. J’avais déjà eu une expérience du même genre il y a quelques années et à ma grande surprise c’était un Rhum ancien superbe. J’espérais un rhum mais en fait après avoir cherché, nous avons conclu qu’il s’agit d’un Bas-Armagnac années 20 fort agréable lorsqu’il s’est épanoui.

Ce fut le point final d’un dîner joyeux et convivial très réussi.

Dîner à la Manufacture Kaviari par Georgiana Viou mardi, 14 mai 2024

La Manufacture Kaviari organise des dîners en petit comité en demandant à un chef étoilé de composer un menu mettant en valeur ses caviars. Des grands chefs comme par exemple Yannick Alléno se sont prêtés avec plaisir à cet exercice. Le dîner sera fait ce soir par Georgiana Viou, qui a une étoile au restaurant Rouge à Nîmes. Originaire du Bénin, elle offre une cuisine qui mêle deux inspirations, l’une de la cuisine béninoise et l’autre de la cuisine du sud de la France.

Ce matin, le directeur de la manufacture m’appelle et me dit qu’il serait prêt à m’acheter des vins pour ce repas car il est en manque. Il m’envoie le menu et me dit que le budget qu’il pourrait m’attribuer est limité par rapport à celui que j’engage pour les vins de mes dîners.

J’ai pour principe de ne jamais vendre des vins de ma cave, mais comme je participerai avec ma femme au dîner, ce n’est pas une vente mais un accompagnement, et, sans le lui dire, je n’ai aucune envie de facturer les vins que j’apporterai.

Il faut des vins inhabituels, pour accompagner la cuisine de la cheffe, et si possible, d’une région proche de Nîmes. Je fais une recherche sur le fichier de l’inventaire de cave et je choisis cinq vins qui devraient accompagner les cinq plats prévus : Un Jurançon sec Domaine de Souch 1991, un Costières de Nîmes Domaine Juliande 1998, un Vin jaune Château l’Etoile 1982, un Mas de Daumas Gassac Vin de Pays de l’Hérault 1986, un Mas Amiel Maury Cuvée Spéciale 1974. Ils sont tous très proches de Nîmes, sauf le Jurançon.

Nous arrivons assez tôt à la Manufacture pour que je puisse ouvrir les vins. Presque tous les bouchons se brisent en morceaux, sauf celui du Daumas Gassac très beau et au contraire le Maury a un bouchon dont le liège trop léger colle aux parois et se déchire en mille morceaux dont certains sont tombés dans le vin. Nous avons évoqué l’idée de servir ce vin en utilisant un chinois, mais une cuiller magique que j’ai dans ma trousse a évité de recourir à ce procédé.

De tous les vins ouverts c’est le Maury qui a le parfum le plus éclatant d’une grande suavité.

Les participants du dîner arrivent, esthètes et gastronomes, ainsi qu’un ami aux activités aux multiples facettes dans le monde du vin et de la gastronomie, que j’ai invité.

Traditionnellement le champagne d’accueil est un Champagne Billecart-Salmon sans année agréable et suffisamment discret pour ne pas heurter les subtilités des caviars que nous allons déguster dans une pièce très froide qui impose que l’on prenne un gilet molletonné pour ne pas geler sur place.

Le caviar Baeri au gris très foncé me plait beaucoup pour sa longueur incroyable. Le caviar Osciètre Prestige est solide et complexe et c’est en fin de bouche que sa richesse s’exprime. Le caviar Kristal est extrêmement court en bouche et très consensuel. On nous dit que le Kristal est le préféré des chefs car c’est celui qui s’adapte le mieux à leur cuisine.

Après cette belle dégustation, nous passons à table. La souriante Georgiana se présente ainsi que son jeune chef Lukatao Debenath. Elle décrira chacun des plats en expliquant les points importants de sa création. C’est très agréable.

Le menu composé par la cheffe met en majeur le caviar ce qui est une excellente chose. D’autres chefs de précédents dîners en ce lieu ont eu moins de considération pour les caviars.

Voici le menu : Osciètre Prestige, brocoli, échalotte noire, jaune d’œuf confit / Baeri Français, bleu de la pêche de Mathieu Chapel, ragoût de fève et fraises des bois fermentées / Osciètre, asperges blanches de pays, sauce blanquette / Kristal et Pressé, filet de taureau, caviar végétal / Osciètre, chocolat Tuma Yellow et miel de Nîmes.

Face à ce menu que j’ai reçu ce matin il y avait des évidences : les asperges appellent le vin jaune et le chocolat appelle le Maury. Ensuite la viande de taureau ira avec un Mas de Daumas Gassac, le plus grand vin proche de Nîmes. Le Costières de Nîmes s’imposait par son origine et j’ai pensé le mettre avec le poisson. Il restait l’entrée et l’idée du Jurançon m’est venue.

Le Jurançon sec Domaine de Souch 1991 a une couleur assez ambrée tendant vers le rose. Le nez est plaisant et en bouche j’adore le fait que ce vin sec ne peut s’empêcher d’avoir des intonations de vins doux. Et c’est ce qu’il faut pour une entrée aux multiples facettes. Mais le plat est si fort que je demande qu’on serve un peu du vin jaune qui est le seul capable d’affronter la virilité de l’entrée.

Le Costières de Nîmes Domaine Juliande les Vignerons de Montfrin 1998 est un vin qui m’est inconnu. Sa couleur dans le verre est rosée. S’agit-il d’un vin rosé ou d’un vin rouge, j’aurais du mal à le dire, mais sa douceur est très agréable et l’accord se trouve extrêmement bien avec le poisson et aussi avec l’onctueux ragout de fève. Ce vin n’est pas complexe mais il s’est montré élégant et ouvert aux saveurs du plat.

Ma femme n’aime pas les asperges quand elles sont croquantes alors que je les apprécie. L’une des deux servies est légèrement brûlée au chalumeau et Georgina nous explique son choix. L’accord avec le Vin jaune Château l’Etoile 1982 est absolument superbe, et il fallait bien la puissance du vin pour dompter les asperges. Le vin est droit, conquérant et intense, fait pour la gastronomie.

Le Mas de Daumas Gassac Vin de Pays de l’Hérault 1986 est un vin magnifique, au sommet de son art. Il est fait de 75% de cabernet sauvignon. Sur la contre-étiquette on indique qu’il faudrait servir ce vin à 18°, ce qui me paraît assez chaud. La viande de taureau est exquise à la fois seule ou avec le caviar qui se marie bien. Il est intéressant de constater que le caviar de ce plat ne s’oppose à aucun moment au beau vin rouge.

Le dessert au chocolat est d’une grande originalité avec des saveurs douces mais aussi intenses. Le Mas Amiel Maury Cuvée Spéciale 1974 est le compagnon idéal de ce plat, doux, subtil, délicieusement féminin.

Ce qui m’a impressionné c’est que Georgiana a su « apprivoiser » les caviars pour qu’ils soient parfaitement intégrés aux plats. C’est, je crois, la plus belle composition de repas où le caviar est toujours en cohérence parfaite et non pas ajouté comme un voyageur clandestin.

Je suis content car aucun de mes vins n’a été hors sujet. Le plat le plus difficile à accompagner était le premier et le vin jaune est venu au secours du Jurançon.

Les discussions avec des participants que je ne connaissais pas ont été animées et passionnantes. La cheffe a réussi un beau repas dans une ambiance souriante.

Ce fut un beau dîner de la Manufacture Kaviari.