Un dîner de wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 20 janvier 2005

On change de registre, mais pas d’amour, avec un dîner de wine-dinners au restaurant Laurent. Les bouteilles sont apportées une semaine avant, et avec Patrick Lair, nous avons nos habitudes, et nous travaillons en équipe. Lorsque je découpe la capsule de la bouteille de Grands Echézeaux du Domaine de la Romanée Conti 1964, de la terre jaillit sur mes doigts. Encore cette inimitable odeur de la terre de la cave du Domaine. Le vin sent la poussière, semble comprimé, confiné. Espérons qu’il s’épanouisse. A l’inverse, le Mercurey 1959 a une odeur chaleureuse, totalement bourguignonne. Le Pichon Longueville 1921 a un bouchon d’origine et un niveau exceptionnel pour une bouteille authentique d’une présentation irréprochable. Il explose d’une perfection olfactive d’une générosité rare. C’est beau comme un 1928 épanoui ou comme un 1947 exubérant. Il est urgent de refermer la bouteille tant cette générosité mérite de rester encore en coulisse. Le bouchon du Pontet 1955 est un cas d’école : la perfection du bouchon, ce qui explique le niveau dans le goulot. Le Filhot 1928 fait un peu gris. Nous verrons.

Le menu préparé par Alain Pégouret en complicité avec Philippe Bourguignon fut d’une rare justesse de ton : Tarte friande de maquereaux cuits en marmelade d’agrumes, et champagne, réduction moutardée, Royale d’oursins dans un Capuccino anisé, Carré d’agneau de lait des Pyrénées caramélisé, artichauts violets, et petits oignons mijotés au romarin, Lasagnes de queue de bœuf braisée au vin rouge, moelle et truffe, Bleu Termignon, Tarte fine soufflée aux marrons, Café mignardises et chocolat.

Les convives arrivent au bar, ponctuels comme il se doit. Un champagne Dom Ruinart 1993 affiche une sûreté d’expression naturelle. C’est un grand champagne qui laisse en bouche une trace longue. Délicatement titillé par un toast au poisson fumé, il répond par un effleurement sucré. On démarre bien sur cet accord.

Nous rejoignons la jolie table, et la pâte feuilletée au maquereau provoque comme il faut un champagne impérial, Krug 1988. Quelle justesse de ton. Nous avions à la table de grands musiciens. Le Krug est un instrument précisément accordé. Tout est profond, goûteux, imprégnant. Il est difficile d’imaginer meilleur champagne.

Sur le capuccino d’oursins délicieux, un peu plus cappuccino qu’oursin, le Riesling Clos Saint Hune Trimbach 1996 affiche toute la noblesse de sa construction. Des alsace construit comme cela, il n’y en a que peu. Le cappuccino lui donne des notes citronnées qui le raccourcissent un peu. Alors que le prodigieux Puligny Montrachet Vial 1962, au nez intense, à la couleur dorée d’un airain lourd, et aux évocations de café et de réglisse se voit catapulté par l’oursin dans des vérités intangibles. Ce vin n’est plus du Puligny. C’est un vin intense, évocateur, qui emplit la bouche d’une immense complexité. Toute la table s’est pâmée, comme on le verra dans les votes.

L’agneau se fait discret pour laisser la place à de grands Bordeaux et la réduction vient rappeler qu’en cuisine on sait faire. Le Château Pontet Saint Emilion 1955 est superbe en tous points. Beau vin très jeune, même râpeux, il s’affirme à bon droit. Mais le Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1921 me renverse, me plaque sur les cordes d’un ring imaginaire. Je suis sous le charme. Il n’y a rien à faire, je suis envoûté. Il y a dans l’odeur une forme de synthèse ronde et épanouie qui ne se discute pas. Et en bouche, la pesanteur cardinale, le velouté papal, la justesse de ton m’interdisent de considérer autre chose. La viande approuve mon vote. On est dans une subtilité gustative pimpante.

La queue de bœuf de chez Laurent, c’est un piédestal. Et trois bourgognes firent avec elle une prestation magistrale. Le Mercurey J. Thorin 1959 est époustouflant. Il est toute la Bourgogne, avec ses aspects changeants que j’ai si souvent vantés. Il représente l’acception aboutie de son climat. Je trouve le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1964 un peu abîmé. Mais quand je vois un vigneron bourguignon et un autre ami se pâmer sur sa subtilité, je révise mon jugement. On est dans la complexité la plus belle. Le Corton Bouchard Père et Fils 1961 est tellement jeune qu’on ne pourrait le croire. Il a tant de potentiel qu’il force l’admiration. On goûte un vin déjà grand qui deviendra grandiose. Tout le monde s’enflamma de la complémentarité de ces trois immenses bourgognes.

Je m’attarde un instant sur ce Grands Echézeaux. Etant volontiers exubérant et enthousiaste, je pourrais volontiers laisser penser à quelques lecteurs que j’ai pour les vins anciens les yeux de Chimène. Et je me dis parfois que mon lyrisme pousse mon jugement vers la tolérance. Or voilà que deux grands palais, qui connaissent les bourgognes sur le bout des lèvres, s’enflamment pour ce Grands Echézeaux quand je le trouvais plutôt fatigué. Comme ils ont attiré mon attention, j’ai repris mon analyse, et j’ai effectivement constaté que le premier écran cachait des trésors, si on les cherchait scrupuleusement. Aurais-je trouvé plus enthousiaste que moi ? Ce sera un sujet de réflexion, d’autant qu’un journaliste présent s’enflamma pour le Sauternes au point de ne plus vouloir que lui, alors que je me sentais un peu gêné par quelques infimes fadeurs. Deviendrais-je plus sévère et critique ? Docteur, que dois-je faire ? C’est grave ?

Le bleu d’une source confidentielle, que j’ai déjà goûté au Meurice, est le compagnon parfait du premier liquoreux, ici un Monbazillac Lagrive 1961. Voilà un liquoreux discret, sans aspérité ni type excessif, qui joue une partition extrêmement juste sur le fromage. Ce fut un accord magistral.

Le dessert au marron était ce qu’il fallait pour un Filhot 1928 que j’ai trouvé un peu métallique, mais qui était capable de porter des messages d’une complexité qui n’appartient qu’aux sauternes.

La table éclectique et enjouée s’enthousiasmait dans une bonne humeur plus que communicative. Le niveau général des vins était extrême et les accords particulièrement justes. On vota. Le vin le plus décoré de votes fut le Puligny- Montrachet. Il serait sans doute bon de méditer ce fait. Il figura dans les bulletins de vote des onze votants, ce qui est très rare, et il recueillit six places de premier. Quatre autres vins eurent aussi au moins un vote de numéro un sur le podium. Je le redis encore, car c’est important pour moi, si cinq vins sur onze ont reçu un vote de premier, c’est le signe que les vins choisis sont de grand intérêt. Le consensus, ou plutôt l’absence de consensus tant les goûts différent, couronna dans l’ordre le Puligny Montrachet 1962, le Pichon Longueville 1921, Le Corton Bouchard 1961, le Krug 1988 et le Filhot 1928. Fort curieusement le Grands Echézeaux 1964 n’eut que deux votes, de mes deux amis connaisseurs de bourgognes, et ces deux votes le plaçaient en numéro un. Paradoxe du goût !

Mon vote fut le suivant, dans l’ordre : Pichon Longueville 1921, Mercurey 1959, Puligny Montrachet 1962, Krug 1988. Il y avait à notre table des érudits et des néophytes. Deux étudiants poussèrent les portes d’un monde nouveau, un monde de plaisirs gustatifs extrêmes. Un niveau culinaire et œnologique particulièrement élevé.

galerie 1945 – Mouton-Rothschild mardi, 18 janvier 2005

Préparant des photos pour le bulletin 200 (je ne sais pas si elles seront utilisées), je photographie des bouteilles qui sont des symboles, comme celle-ci :

 

 

Ceux qui l’ont bu disent que c’est le plus grand de tous les Bordeaux.

 

Je ne le connais pas encore.

 

Une autre photo de la même :

 

 

je me suis depuis rattrapé, en l’ayant bu deux fois. C’est tout simplement le plus parfait de tous les bordeaux.

celle qui suit a été bue le 17 décembre 2015 – compte rendu : http://www.academiedesvinsanciens.org/mouton-rothschild-1945-avec-mon-fils/

DSC04413

2015-12-16 16.28.59

DSC04415

DSC04416

des capsules des Mouton 1945 qui me restent

2016-03-30 17.41.47 2016-03-30 17.40.02

photo de Mouton 1945 de la collection de M. Koch qui seront en vente. Les capsules sont très différentes des miennes.

45 Mouton of Koch

comment me joindre ? dimanche, 16 janvier 2005

 

Remarque importante : je ne suis en aucun cas un organe d’évaluation de la valeur des vins. Pour toute les questions relatives à la vente, l’achat ou l’estimation d’un vin, j’ai préparé une réponse type, donnant des informations que l’on peut lire ici : http://www.academiedesvinsanciens.org/archives/1817-Vous-mavez-pose-une-question-sur-la-valeur-etou-la-vente-de-vins-que-vous-possedez.html Si je ne réponds pas à un message, c’est parce que j’estime que ma réponse n’apporterait rien de plus que la réponse-type. Merci de votre compréhension.

 

(les vins du 100ème dîner)

Dîner à l’Ecu de France samedi, 15 janvier 2005

Sur une impulsion qui éclate généralement vers 18 heures, l’envie d’aller dîner me prend. L’Ecu de France à Chènevières se fit rare récemment. L’occasion d’y succomber s’impose. J’appelle mon épouse. L’accord est pris. Nous nous y retrouvons. Cette maison anglo-normande donne l’impression que des amours coupables ou ancillaires s’y sont consumées. On imagine quelque cousette sentant bon la lavande d’un parfum banal éparpiller ses cheveux sur des draps lourds et chaleureux après l’ivresse d’un Chambertin. L’accumulation systématique de faïences pastorales cache mal que des sueurs scellaient là des alliances de l’instant. L’huis à peine passé un chien important et fort noir me scrute le bas-ventre comme s’il était besoin d’un laisser passer. Apparemment l’examen satisfait l’animal. Je suis accepté. Monsieur Brousse, l’auteur d’une cave originale, me tend la liste des vins. Je suis prêt à sauter sur chaque ligne, disant « oh oui, oh oui ». Je choisis la sagesse, Hermitage rouge de Chave 1990. C’est solide, c’est goûteux, ce n’est pas hasardeux.  Christiane, la prêtresse des lieux, sait qu’il faudra me laisser officier. Elle fait partie de ce qui m’attache à cette intemporelle étape. La cuisine vient d’être refaite, investissement lourd d’une génération sage. Le chef est enthousiaste, il a cette foi que seuls les vrais possèdent. Le repas va montrer que l’étape en a franchi une. Le vin à peine ouvert a le nez doucereux, mais en bouche il est froid. Le fruit est timide. Une écrevisse pansue trempée dans une bisque intense donne à l’Hermitage une impulsion franche. L’Hermitage devient goûteux, se réveille. Il est grand. Le plat à peine fini, l’Hermitage est de nouveau sur le banc de touche. Les œufs brouillés aux truffes manquent de l’étincelle d’une truffe dense que l’on trouvera plus tard chez Patrick Pignol (voir photo). L’Hermitage attend. Il est dans des tonalités de fruits roses et de pêches, la température acquise ne l’ayant pas débridé.

Un canard sauvage d’une imprégnation gustative impérative aspire l’Hermitage. Le vin devient gibier. L’osmose se fait, et je suis ravi d’être capable de capter quand la chair et le vin parlent la même langue. Quelle animalité ! Il est absolument évident que ce vin commandé lors de notre arrivée aurait mérité plusieurs heures d’ouverture. Mais la virginité du vin timide qui devient pétulant par la suite mérite l’estime. Je le déguste avec ravissement.

L’Ecu de France est unique, possède les vertus de la maison familiale jalousement préservée. La famille Brousse, Christiane, un chef plus que motivé. Tout est là pour que ces restaurateurs comme on les aime, avec leur science des vins, consolident une des plus belles étapes de la restauration de cœur. Cette France de Ray Ventura et ses collégiens, de Gabin chantant « un dimanche au bord de l’eau », cette France de la chaleur humaine ressentie comme un parfum de muguet, c’est celle là dont j’aime jouir. A cet endroit, sur un bras de la Marne.

Déjeuner périodique d’un groupe d’amis vendredi, 14 janvier 2005

Déjeuner périodique d’un groupe d’amis. Nous avons presque fini d’assécher un stock de champagne Mumm 1985 mais ici, un goût de bouchon perceptible embruma le plaisir habituel. Pour le repas, ce ne furent pas moins de trois Mission Haut-Brion 1989 que nous fîmes passer de vie à trépas. Le premier avait une couleur de vin vieux assez marquée. Mais ce vin vraiment noble nous ravissait. En fermant les yeux on eut pu dire un 1934. La démonstration de son âge anormal vint du deuxième, dont la belle jeunesse rayonnait, portant ce vin à des niveaux extrêmes de satisfaction, et confirmant la réserve que j’avais émise. Le troisième se positionna entre les deux premiers, ayant suffisamment de signes de jeunesse mais aussi une fatigue plus grande que le second. Dans l’échelle de Robert Parker on verrait presque quatre points d’écart entre le premier et le second. Même origine, même stockage, probablement même caisse. Les vins sont comme les frères et sœurs, tous différents. Les parents de ces Mission Haut-Brion 1989 peuvent être fiers de leurs trois enfants.

Je reçois des livres vendredi, 14 janvier 2005

Un lecteur attentif que je remercie aussi ici m’offre deux livres sur le vin. Pierre Poupon, ancien vinificateur du domaine Jacques Prieur, a commis un très court livre, « la fin d’un millésime », petit roman délicieux pour les amateurs de vins. Il est fortement autobiographique. De beaux passages montrent que l’auteur porte en son cœur un profond amour du vin et je ne résiste pas à l’envie de vous en faire déguster un court extrait :

« Le Santenots 49 éclairait le cristal d’une douce lueur de braise. Observé d’en haut, son cercle orangé découpait comme une pastille translucide de terre ocre teintée de bauxite. C’était la couleur d’une robe royale, à la fois vive et tendre, non pas fatiguée par l’usure mais lustrée et hâlée par les caresses du temps. C’était cette robe ducale … ». Voilà un message d’amour du vin.

Dans le même envoi un deuxième livre fort didactique sur « les vins de bourgogne » de Sylvain Pitiot et Jean-Charles Servant, édité comme le précédent par Pierre Poupon. J’y apprends des tonnes de choses notamment par des cartes géographiques extrêmement bien faites, qui situent les vins que je révère. On y trouve un court paragraphe sur l’ouverture et le service d’un vin. Ce qui est suggéré va me motiver à écrire un deuxième livre, car je pense pouvoir apporter des améliorations à ce que conseillent de doctes personnes. Au fil des dîners, j’ajuste sans cesse les méthodes, qui conduisent à ce que les vins se présentent dans un état de perfection presque impossible sans elles. Ce sera le sujet de propositions que j’espère pouvoir confronter à la sagesse et à l’expérience de professionnels.

Déjeuner au restaurant Macéo vendredi, 14 janvier 2005

Déjeuner au restaurant Macéo, dans un cadre dont les volumes sont particulièrement agréables. La décoration de bois clair et miroirs ne sied pas au charme délicat du lieu, mais l’ambiance est joyeuse. Lors d’une précédente visite, un sommelier au tonus entraînant nous avait fait goûter quelques trésors cachés. Là, le choix du vin se fit dans une ambiance toute minimaliste : je demandai si mon choix était bon. On me dit que oui. Point.

Sur une cuisine très convenable, le dos de bar ayant du goût, l’Hermitage Delas Marquise de la Tourette 1998 fut un vrai compagnon. Attaquant en bouche sur des fruits noirs, cerises et mûres écrasées, il s’assemble progressivement et trouve de la rondeur. Je l’ai ressenti légèrement aqueux, à la trame discrète. Mais globalement, ce Rhône a un beau pouvoir de séduction.

l’association des sommeliers parisiens présente ses vœux mercredi, 12 janvier 2005

Je me rends à l’invitation de l’association des sommeliers parisiens à leur réunion de présentation des vœux. C’est l’occasion de retrouver des professionnels que je respecte et que j’apprécie. L’ambiance est extrêmement amicale et chaleureuse et des propriétaires de vins prestigieux sont venus apporter leur soutien à cette association. Même si l’on peut penser que le motif commercial n’est pas totalement absent, on voit de chaudes complicités qui font plaisir. De grandes bouteilles sont ouvertes à profusion. La réunion se tient au sein de l’école des arts de la table. Ces beaux métiers de bouche se tiennent les coudes. C’est bien. J’aimerais aussi y croiser parfois un grand chef qui viendrait en ami apporter un soutien à ces experts qui participent à la réussite des grands dîners. Le président de l’association me demanda d’offrir un de mes dîners à un apprenti méritant qu’il désignerait. J’espère marquer un jeune esprit par la beauté des grands témoignages de l’histoire du vin.

galerie 1946 dimanche, 9 janvier 2005

C’est amusant de mettre côte à côte Chateau Margaux 1946 et Chateau Margaux 1947. On peut s’amuser à jouer au jeu des "sept-z-erreurs" avec ces deux étiquettes. Pour le 1946 provenant de la cave Nicolas, l’année est inscrite en rouge, avec un caractère différent.

Repas dans le Sud lundi, 3 janvier 2005

Pas de question existentielle pour le Rimauresq rosé 2003 Côtes de Provence bu sur des olives noires. C’est l’été qui ensoleille la bouche. Il y a du charme dans ce rosé sans histoire et bien fait. Mieux fait que le Domaine d’Ott Bandol rosé 2002 à la construction plus dense mais qui veut trop montrer. Le Rimauresq coule en bouche parce qu’il est facile. L’Ott montre les défauts de sa cuirasse parce qu’il est trop typé.

On ouvre une deuxième bouteille de Lafite-Rothschild 1981 de la caisse déjà explorée. Niveau très haut dans le goulot, bouchon parfait. Le vin a un beau nez et en bouche il est d’une jeunesse invraisemblable, tout dans le fruit. Le fruit est étonnant pour cet âge. Il est tellement anachronique qu’on dirait une vieille coquette redessinée au scalpel. C’est un grand vin, mais j’ai nettement préféré la première plus mûre. Comme on exploite la cave du Sud, il y a forcément des redites. Le Mouton-Rothschild 1987 a toujours un charme fou. Là aussi un niveau très haut dans le goulot et un bouchon impeccable. Un nez qui annonce ce que la bouche va être, toute de séduction. Très épais pour un 1987 c’est un vin de grande classe, qui surpasse ici cette bouteille de Lafite. J’aime Mouton et aucun de ces 1987 ne me déçoit. Une solidité de Pauillac toute particulière pour cette année que l’on n’attendrait pas à ce niveau.

Il existe parmi les érudits lecteurs de ce bulletin (ils le sont tous) des passionnés ou des spécialistes des accords mets et vins. Une épaule d’agneau à l’ail fort goûteuse est de grande évidence pour le Mouton. Mais imaginez ce qui suit : une crêpe au sucre délicatement tartinée d’un peu de confiture de fraise mara des bois, cette fraise intense au goût de fraise des bois. Imaginez en bouche l’empreinte de cette fraise enivrante, calmée par la douceur de la crêpe. Et là-dessus, une gorgée du fond fort sédimenteux du Mouton. On aurait dit qu’une compagnie de dindons avait envahi la pièce, tant la tablée glougloutait de plaisir. Voilà qui ne figurera sans doute dans aucun des livres consacrés aux accords mets et vins. Mais que c’est bon !