Dégustation de vins de la maison Henriot mercredi, 16 mars 2005

La journée du 16 mars, racontée dans le bulletin 134, avait été particulièrement active. A midi, repas bimestriel d’amis. Je les quitte pour me rendre au Plaza où Joseph Henriot et Bernard Hervet présentent avec leurs équipes les plus belles productions de leurs domaines. Il y a beaucoup de professionnels, car tout a été fait pour les attirer. Je me borne (si l’on peut dire) à goûter le Chevalier Montrachet Bouchard Père & Fils 1988 que je trouve un peu en dedans de ce qu’il pourrait faire, et un Puligny Montrachet les Folatières 1955 dont je bois d’abord le fond d’une bouteille déjà largement aérée et le début d’une bouteille récemment ouverte. A mon grand plaisir, s’il y a effectivement un écart d’épanouissement, celui qui est encore fermé a aussi bien du charme. Deux expressions d’un blanc fort expressif, au nez de crème, de beurre et des saveurs assez exotiques qui ravissent le palais par une belle trace persistante.

Au rayon des champagnes, nul ne pourrait résister à deux fleurons de la maison. Le champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1990 a une personnalité affirmée, et une espérance de vie qui semble illimitée. On dirait que le sprinter ne fait que s’ébrouer avant l’appel du starter. Le champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1964 est tout simplement époustouflant. Là aussi je goûte le fond d’une bouteille et le début d’une autre. Contrairement à l’expérience faite avec le Puligny, il faut ici oublier le vin qui vient juste d’être ouvert pour ne savourer que celui qui s’est bien aéré. Sublime champagne à la trace en bouche infinie. L’imprégnation voluptueuse des papilles est un grand moment. Il fut suivi par le Salon 1985 du dîner chez Gérard Besson que j’ai raconté. On parle ici de champagnes d’exception.

Au sein de cette assemblée joyeuse j’ai retrouvé Yann, sommelier complice des belles bouteilles que l’on a vues sur France 2 à « Envoyé Spécial ». Comme deux combattants d’une guerre gagnée, nous étions heureux de nous remémorer les moments où nous obtînmes de fiers galons (Montrachet 1865 par exemple).

J’allais ensuite ouvrir les bouteilles du dîner chez Gérard Besson.

Dîner de wine-dinners au restaurant de Gérard Besson mercredi, 16 mars 2005

Je vais au restaurant de Gérard Besson pour ouvrir avec Alain, sympathique et efficace sommelier, les bouteilles de ce soir. L’accueil est chaleureux, amical. Nous savons que nous allons créer un événement, et tous les plans de bataille ont été faits dans la bonne humeur, avec l’avidité de création d’un chef comme je les aime : un pur amoureux du vin. En cours d’ouverture des vins on me fait goûter une sauce pour savoir si j’approuve le choix ambitieux du chef. Je demande qu’on adoucisse un peu, ce qui sera fait. Je lance les ouvertures en discutant avec ces deux esthètes, et Gérard Besson m’apprendra un petit truc que j’essaie immédiatement avec succès sur le Filhot 1929 : pour être sûr que certains bouchons remontent entiers, une petite tape amicale sur le tirebouchon déjà en place dans le bouchon fera descendre celui-ci vers le bas. Il descend un peu, ce qui est le contraire du sens qui est souhaité, mais permettra de lever le tout beaucoup mieux. L’essai est concluant. L’odeur du Filhot 29 est époustouflante. C’est la définition du sauternes idéal. Aucune odeur ne me cause le moindre problème, ce qui fait que nous pouvons deviser aimablement, juste interrompus par une sommelière japonaise à la visite impromptue qui vient offrir à Gérard Besson un saké dont il est friand (ce qui prouve que même les génies culinaires peuvent être aussi comme les autres humains, avec leur lot d’erreurs ou de folies), et un petit coq coloré dont Gérard fait collection du fait du  nom de sa rue : rue du Coq Héron.

Le menu concocté est une œuvre d’art. On aimerait qu’il en reste une trace pérenne puisque cette création disparut dans nos ventres. Reste au moins cette liste impressionnante : Caroline au salpicon de volaille truffée, Pompadour, foie gras, truffe, Noix de Saint Jacques et huîtres juste pochées sur un lit de laitue de mer, Queues de langoustines au court-bouillon et cœur de palmier, Filet de rouget sur un fond de sauce au vin rouge, macaroni duxelle, Agneau de Mauléon à l’Orientale, Suprême de canette de Challans rôtie, sauce groseille cassis, Feuilleté à ma façon, sauce salmis, Bleu de Sassenage, bleu de Termignon au coing confit, Mangue et ananas bouteille au parfum de cannelle, « interprétation » d’abricot Bergeron. Chaque vin aura eu son accompagnement. Ce fut délicat, intelligent, créatif et sensible. Ce qu’il fallait pour des vins fort intéressants.

La table rayonne de la beauté d’une jeune Maud. Seule frêle et jolie femme entourée de neuf mâles avides de bonne chère, elle sut montrer que le sexe dit faible ne s’en laisse pas compter, même si la force des bourgognes la brutalisa un peu. Un coiffeur célèbre que l’on voit souvent caresser les têtes des femmes les plus belles et les plus célèbres de la planète, plusieurs entrepreneurs dont le lien, cause de ce dîner, était la gestion financière de leurs avoirs. Parmi eux, quelques propriétaires de caves solides, comme leur culture sur le sujet du vin. On put ainsi parler d’aventures qu’il est agréable de se raconter. L’ambiance fut joyeuse, studieuse même, car certains découvrirent une façon de profiter des mets et des vins à un niveau qu’ils n’avaient pas soupçonné. Ce dîner a fait naître de nouvelles envies.

Le champagne Pâques Gaumont à Trépail, brut vers 1985 fit son entrée en scène. Doré, à la bulle bien active, c’est un champagne classique, sans type affirmé, comme le Grand Siècle de ce midi, qui plait énormément par son équilibre délicat. Joyeux champagne de plaisir, bien excité par les jolis éclairs à la volaille, belle mise en bouche. Le Champagne Salon "S" 1985 (il est sans doute inutile maintenant que je rajoute chaque fois au nom de Salon l’expression « mon chouchou ») est toujours un immense champagne brillamment mis en valeur par la truffe et la pomme de terre. Comme j’avais bu, il y a seulement quelques heures, le champagne Cuvée des Enchanteleurs 1964, il est intéressant de voir que beaucoup de points les rapprochent dans la perfection, le Henriot ayant pour moi l’attrait de la nouveauté puisque je connais par cœur le Salon 1985. Avoir le même jour ces deux perles est  un grand bonheur. J’aimerai les deux sans les opposer ni les hiérarchiser. A quoi cela servirait-il ?

Le Saint-Véran Bichot 1989 est un des vins que j’aime présenter, car avec l’oxygénation optimale que l’on a pris soin de lui donner, ce vin brille comme s’il était d’une appellation bien plus grande. Et je repense aux vins magistraux goûtés au salon des grands vins. Ils auraient tant gagné en suivant les méthodes qui prouvent ici de façon magistrale leur efficacité (je radote, mais comme je l’ai dit, c’est l’âge – au mieux, ma conviction). Les convives aux caves respectables m’ont posé beaucoup de questions sur ces méthodes. Ils ont été éblouis – je le dis et j’insiste – par l’effet déterminant de l’oxygène, pour la beauté des vins. Pour ce Saint-Véran, il n’y a pas que l’oxygène. Il y a son origine, bien sûr, mais aussi l’huître parfumée qui l’embellit efficacement.

Le Château Haut-Brion blanc 1998 est en classe de CP et sait à peine lire et compter. Mais quelle merveille ! Toute la complexité du bordeaux le plus beau est là dans ce remuant poupin. Cet aristocrate est rare. Il faut le mettre sur table plus souvent car il est divin. De plus, c’est un vin qui sera toujours complice de toutes les audaces culinaires. Là, sur le cœur de palmier gentiment adouci, c’est un exercice de style de grand talent.

Personne ne supposerait que le château Croque Michotte 1971 puisse apparaître aussi brillant que cela. Un vin agréable, gentiment épanoui, docile, facile, rond, délicat. Et le rouget le rend intelligent. Il devient docteur honoris causa ès rouget. Comme assez souvent des convives s’étonnent qu’on puisse associer un rouget à un vin rouge. Grâce au dosage de Gérard Besson ce fut un régal ainsi qu’avec les macaronis, plus faciles et attendus compagnons.

Qu’y a-t-il dans la bouteille du Domaine de La Lagune, Barton & Guestier 1934 ? C’est un Bégadan-Médoc expédié en fût par Barton & Guestier dont des experts pourraient sans doute m’indiquer pourquoi le vin est logé dans une bouteille bourguignonne extrêmement âgée puisque son cul profond a une boule bien ronde. Un convive reconnaît nettement que c’est la Lagune. Je repère nettement que c’est un grand 1934 qui plait à toute la table. Il fut plébiscité dans les votes. L’agneau lui allait bien.

Le Corton Renardes Michel Gaunoux 1990 est puissant, alcoolique, viril. Il asphyxia la belle Maud. La canette à la sauce hardie allait créer un ballet de natation synchronisée tant le mariage s’imposait comme une évidence. Encore jeune, ce vin se civilisera, sur fond de sa belle race. Le Beaune Avaux J. et M. Gauthey 1964 est d’une brutalité à l’état pur. C’est mâle. Ça effraie les jeunes filles dans les couloirs tortueux des saveurs canailles. Mais que c’est bon ! Le feuilleté est un peu sec. Problème de coordination des cuissons. Mais rien n’a empêché ce vin d’étaler une profusion de saveurs animales de la plus belle Bourgogne.

Le précédent château Rieussec 1965 que j’avais mis dans la même situation avec des pâtes bleues m’avait moyennement séduit. Celui de ce soir, beau liquide doré, simplifié comme le veut son âge, est chatoyant, enveloppant, confortable.

La Terre s’arrête de tourner, le tic tac des montres s’éteint. On change de galaxie. Le château Filhot 1929 est l’expression la plus absolue de la perfection du sauternes. On aura lu comme le Filhot 1908 d’un récent dîner était d’un charme fou (bulletin 132). Là, c’est la définition stricte de ce que doit être le sauternes idéal. Et il dépasse le Filhot 1908 de nombreuses coudées. Le nez est fort, enivrant. Le goût est celui d’un Sauternes chaud, intense, c’est « Jésus que ma joie demeure », c’est une supernova d’éblouissement. C’est comme si l’on était capable de fragmenter l’Etna en petits paquets cadeaux. Les épices, les poivres, les fruits confits, les agrumes, tout est là, et Gérard Besson venu nous rejoindre en fit la plus précise des démonstrations. Il nous demanda de commencer par l’ananas si joliment adouci. Puis la mangue qu’il a travaillée et retravaillée. Et enfin l’abricot si élaboré. Et chaque fois le Filhot, comme l’artiste que l’on bisse et terse, se plie poliment aux caprices de Gérard Besson pour délivrer de nouveaux concerts ébouriffants.

L’on vota, c’est une habitude. Huit vins sur dix sont dans les quartés, et cinq sur dix furent gratifiés d’une place de premier. Les plus nommés furent le Filhot 1929, le Haut-Brion blanc 1998, suivis de la Lagune 1934, Beaune Avaux 1964 et Rieussec 1965. Mon quarté fut : Filhot 1929, puis Domaine de la Lagune 1934, le Beaune Avaux 1964 et le Haut-Brion 1998.

Les plus beaux plats, s’il est possible de les classer furent pour mon goût le rouget, la noix de Saint-Jacques et l’huître, le cœur de palmier et ses langoustines, et le dessert. Le plus bel accord fut celui de la sauce de l’agneau avec la Lagune 1934, symbiose éblouissante.

Voilà un amoureux du vin, chef de talent qui avec son équipe soudée nous a produit un grand morceau d’anthologie gastronomique. Une leçon d’inventivité, de créativité, avec des vins appliqués et talentueux qui se présentèrent sans doute comme jamais ils ne pourraient le faire aussi bien.

Déjeuner d’un groupe d’amis mercredi, 16 mars 2005

Déjeuner bimestriel d’un groupe d’amis tous conscrits. Un des nouveaux membres de ce petit cercle, professeur de médecine et membre de l’Académie s’étonne que de balbutiants sexagénaires cherchent à traverser le XXIème siècle et font tout, par ces agapes, pour ne pas y arriver, en chargeant leurs artères de trop d’abondance. L’intérêt de ce propos sera certainement perçu, mais à retardement – à nos âges ! – car nous commençons par un champagne Laurent Perrier Grand Siècle d’un charme extrême. Aucune exagération d’aucun aspect. Ce champagne classique n’entraîne qu’un commentaire unanime : « c’est bon ». La première bouteille de Lynch Bages 1989, l’année de la plus belle réussite de ce Pauillac, est bouchonnée. Celle qui la remplace a curieusement un fruit que ne devrait pas avoir un 1989. Bien qu’on soit en Pauillac on avait des accents de jeune Côte Rôtie. C’est la troisième bouteille qui montre un vrai Lynch Bages 1989 taillé pour tracer la route de l’histoire, car son ingratitude apparente, où le bois amer marque, prépare les splendeurs d’un grand vin. Le Lynch Bages servit de tremplin à un magistral Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1986 superbe de construction subtile et épanouie. Un grand vin d’une année qui brille maintenant de tous ses feux. C’est sans doute au mois de juin que nous suivrons les conseils de retenue diététique de notre docte ami.

Salon des Grands Vins 3 samedi, 12 mars 2005

Je me retrouve le troisième jour assis aux cotés de Nicolas de Rabaudy et de Henri Lurton qui nous présente Brane-Cantenac, grand Margaux. Le 1989 est particulièrement brillant, élégant, au sommet de sa sensibilité, mais le 1959 (quelle générosité pour 120 personnes) est un vin de grande émotion, car cette année grandiose est en pleine exubérance. De grandes saveurs complexes que j’aide à expliquer, car le passage des goûts de 1989 à ceux de 1959 n’est pas facile pour tous les palais.

Je contribue quelquefois à décrire les vins. Ma tâche devient fort simple quand un fringant jeune homme né en 1917, Thierry Manoncourt, fort de soixante millésimes auxquels il aura donné sa main apparaît sur scène. Il n’a besoin de personne et présente tout seul son grand vin qu’il aimerait tant voir classé comme Cheval Blanc. J’ai l’impertinence de signaler que la couleur de son Figeac 1989 est plutôt tuilée par rapport à ce que l’année devrait montrer. Je suis bardé de flèches par ses yeux péremptoires. Son vin est fort bon.

Ayant commencé la première dégustation du salon aux cotés de Pierre Lurton, je vais diriger la dernière, soutenu par Nicolas de Rabaudy. Le sujet est celui des vins anciens. On va goûter un Côtes du Jura Jean Bourdy 1967 de couleur dorée au message jurassique rare. Il est d’ailleurs à noter que je fus la seule personne de ce salon à défendre les vins du Jura alors que je n’ai ni cette vocation ni cette obligation. Un Coteaux du Layon Domaine Baumard 1981 surprend toute l’assemblée par la séduction extrême de ses arômes et de son goût mêlant le sucré et le  désaltérant. Deux doubles magnums de Côtes du Roussillon Villages Cazes 1989 étonnent eux aussi, tant ce vin, même s’il est plus court que certains grands crus d’autres régions plus capées, a de l’élégance et de la mâche. Un Liebfraumilch Johann Schenk 1974 délicieusement liquoreux séduit comme pas deux. Et un Maury 1959 des vignerons de Maury, sur de subtils carrés de chocolat Boissier distribués en même temps, conclut ce salon sur la note la plus voluptueuse de tout ce qui nous fut donné à goûter pendant le salon : sensualité lascive du Maury et du chocolat. Je voyais les yeux des dégustateurs pétiller tant ils profitaient de vins inattendus et manifestement intéressants. Beaucoup ont appris des pistes nouvelles. Les amoureux des vins anciens verront grossir leurs rangs de nouvelles recrues.

L’équipe de service des verres et des vins, sous la ferme autorité de Franck, sommelier que j’ai pratiqué dans de belles maisons, a fait un travail remarquable. Mais je dois dire – et ce n’est pas à leur passif, car ils ont agi soit sur les instructions qui leur ont été données, soit sans instruction – que mes vins étaient de loin ceux qui furent les mieux présentés. Ouverts à midi quand la conférence était à 17 heures, sans bouchons alors que tous les autres étaient rebouchés avant leur service, à température plus conforme que ce qui fut fait ailleurs, ils ont démontré qu’il faut parler de mes méthodes, même aux plus grands producteurs. Il n’y a aucune prétention de ma part mais de la pratique. L’écart était énorme avec plus d’un producteur sur deux entre ce qu’il aurait fallu faire et ce qui fut fait. Je suis prêt à ouvrir des débats (et des vins !).

Magistral salon où des amateurs ont approché des vins inaccessibles ailleurs qu’ici. Ambiance propice à de chaleureuses rencontres. Tout fut réussi.

Salon des Grands Vins 2 vendredi, 11 mars 2005

C’est le deuxième jour du Salon des Grands Vins. La première conférence est celle que je guette. On y parle des vins du domaine Bonneau du Martray. Jean Charles le Bault de la Morinière tient la plus brillante et émouvante conférence que l’on puisse imaginer. Tout y est. L’évocation historique où l’on sent que les passages de générations ne sont pas toujours des choses simples, le pouvoir ne se partageant pas. L’hommage aux équipes qui font le vin. L’hommage à la terre, au climat, aux orientations, au soleil, sans lesquels rien ne se ferait aussi bien. Les réflexions, les choix techniques pour que l’authenticité historique du vin soit assurément préservée. Le tout sur un fond de sensibilité qui conquiert l’auditoire. Il vole presque la vedette à ses vins merveilleux mais ce n’est pas possible. Trois Corton Charlemagne, le 1992, le 1997 et le 2002, différents et tous passionnants et le Corton rouge 2002 époustouflant, jeune, brillant, un beau vin qui pousse Michel Bettane à lui lancer les compliments les plus dithyrambiques.

Je visite de nombreux stands, sans chercher à faire des analyses structurées des vins présentés. Un champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1990 caché dans le recoin du stand Henriot me donne un immense plaisir, et la cuvée Henriot 1996 est d’une intensité qui mérite le respect. Quelle personnalité !

Salon des Grands Vins 1 jeudi, 10 mars 2005

C’est le septième numéro du Salon des Grands Vins. Cette édition 2005 va s’affirmer comme un millésime de perfection. Des vignerons de renom, dont toute la récolte est automatiquement vendue, même dans les années de crise, font goûter des pépites, des joyaux de leur production. La veille, les stands se montent, par une armée de fourmis aux gestes précis et aux fonctions attribuées. Pas question qu’un acteur sorte de son champ de compétences. Tout s’assemble. Je vais exposer des bouteilles vides, évocatrices de ce que les vignerons ont fait de plus légendaire (Romanée Conti 1929, Cheval Blanc 1947 ou Yquem 1893) mais aussi, comme c’est ma philosophie, des étrangetés qui ont survécu au temps alors qu’on ne les attendait pas (Sidi Brahim 1942, Muscadet 1960,  Fleurie 1935). Ces bouteilles ont émerveillé les amateurs, souvent débutants, car beaucoup de jeunes, avides de savoir, peuplent les allées et les stands. Deux remarques sont les plus fréquentes : « oh, elles sont vides », ce qui implique une réponse humoristique de circonstance : « vous seriez passés il y a cinq minutes, vous auriez pu goûter à Romanée Conti 1929, on vient juste de la finir ». Et l’autre, quand je signale que j’ai bu toutes les bouteilles exposées : « vous en avez de la chance ». Ma réponse surprit beaucoup : « cette chance, je l’ai construite ». En une époque où les critères de réussite sont le Bachelor, la première compagnie ou le loft, la chance semble être le seul vecteur de la prospérité.

J’arrive le premier jour 45 minutes avant que les portes ne s’ouvrent et je vois une file d’attente de plus de cinq cents mètres qui ressemble à celle qui se forme aux portes du Louvre, mais cette fois du coté musée. C’est que tout le monde aimerait bien assister à la conférence-dégustation d’Yquem qui inaugure le salon. Seuls 120 élus auront droit à ce privilège. Eux aussi ont construit leur chance.

Avec Enrico Bernardo, meilleur sommelier du Monde 2004, que j’ai souvent apprécié au Cinq, avec Georges Lepré, brillant sommelier et homme d’esprit, Pierre Lurton doit présenter trois millésimes. Il me demande d’être à ses cotés. Dans une ambiance enjouée nous allons parler tour à tour de ce vin prodigieux. Nicolas de Rabaudy, écrivain du vin, va guider la majeure partie des 27 conférences. Ici, il n’a pas beaucoup d’effort à faire, tant nous avons de belles choses à dire sur ce vin mythique. Le Yquem 1999 est lourd, chaud, fait de miel et d’abricots. Il sent le sucre. Le Yquem 1998 au nez plus fermé est nettement plus profond. Les figues, les coings, les abricots, les poires sont parmi les facettes de ce vin où je trouve un peu de sel. Le Yquem 1996 est plus floral, au nez d’agrume. Son final de zeste d’orange est un peu plus court. Pierre Lurton indique que son équipe considère le 1996 comme le plus traditionnel des trois. Il faudra que j’en discute avec eux, car à mon sens, c’est nettement le 1998, de ce que j’ai ressenti, qui est l’Yquem  qui s’inscrit dans la ligne historique. Le 1998 me fait penser aux belles années vingt, quand le 1996 plus léger m’évoque les années trente. Nous en reparlerons sur place avec ces équipes compétentes lorsque je les rencontrerai, car il sera intéressant de croiser nos repères.

La conférence suivante est tenue par Jean Pierre Perrin co-propriétaire de Beaucastel qui présente ses vins avec Michel Bettane. Je ne décrirai pas tous les vins goûtés pendant ces événements, me limitant à quelques remarques. Ici, c’est l’émouvante présentation d’un vin rare, le Beaucastel Hommage à Jacques Perrin 1995, vin d’une petite parcelle, dédié au père de Jean Pierre Perrin. C’est l’expression la plus belle du Chateauneuf du Pape noble. J’en ai raconté des expériences (bulletin 65 et 118). Il est très acide, voire brutal, mais fortement prometteur.

Pierre Lurton m’ayant donné une bouteille d’Yquem 1996 pour égayer mon déjeuner et Jean Pierre Perrin ayant pris avec lui une bouteille d’Hommage 1995, nous voilà arrivant à l’hôtel Meurice, Jean Pierre Perrin et moi, tels deux clochards dont les litrons dépassent de la poche. Yannick Alléno nous attendait. Une tarte aux truffes et un risotto de langoustines, tels des inspecteurs de police acharnés, ont réussi à faire avouer à l’Hommage le secret de son talent. Il vibra plus sur la langoustine que sur la truffe. L’Yquem se régala de la viande de veau pour nous faire des caresses coquines. Le chef avait goûté l’Yquem à notre arrivée pour adapter la sauce de la côte de veau à la jeunesse de ce nectar. Ce fut divin.

Je quittai Jean Pierre Perrin dans la précipitation car je devais assister Pierre Lurton pour la présentation de Cheval Blanc. Il n’avait évidemment pas besoin de moi, mais j’avais quelques anecdotes pour rappeler l’histoire du goût de ce grand vin. Le Cheval Blanc 1998 a un nez sublime. Je ne pouvais m’arrêter de le sentir, tellement captivé – comme cela m’arrive – que l’odeur magique paralyse mon bras qui voudrait me désaltérer. L’odeur m’occupa cinq bonnes minutes, me procurant un immense plaisir, la bouche rappelant que le vin est jeune, et fort grand. J’ai trouvé le Cheval des Andes 2002 en fort progrès par rapport à ce que j’avais bu.

La conférence suivante, sur les vins de cépages autochtones d’Europe, fut pour moi un moment mémorable. On m’avait demandé de figurer, plus souvent que je ne l’aurais dû, à la table des conférenciers parce que l’intervenant principal, l’âme générale de ces rencontres, ne pouvait être présent comme il l’aurait voulu. Je me suis donc trouvé près d’Olivier Poussier, premier sommelier du Monde 2000, et je tombai sous le charme de son invraisemblable érudition. Que pouvais-je ajouter à ce qui fut une immense leçon sur des vins intimes et rares caractérisés par le respect de leur origine historique. Des vins intéressants, pas toujours dans les voies gustatives que j’aime explorer, mais sans nul doute un bestiaire amoureusement constitué par Olivier.

C’est en spectateur que j’assistai à la conférence de Jean Louis Chave sur ses vins dont je suis tant amoureux. L’homme est jeune, respecte l’histoire mais affirme ses choix personnels. Tout en lui exsude la recherche de l’excellence absolue. Cet homme est un roc de volonté et c’est impressionnant. Il arrive  la fois à exprimer du sentiment, de la continuité, mais aussi cette quête du parfait qui ne le quittera jamais. Très réservé, on sent que l’on n’a pas intérêt à venir dans son pré carré. Compte tenu de son âge, il nous mènera encore vers des niveaux insoupçonnés de perfection. L’Hermitage Chave blanc 1995 est somptueux. Il est très long. C’est un vin magnifique de gastronomie. L’Hermitage rouge Chave 1998 (je ne cite pas tout ce que l’on a bu) est rond, séducteur, et malgré sa jeunesse, déjà beau. C’est sa plénitude qui me fascine.

Les organisateurs du congrès retiennent à dîner, à des tables animées par quelques producteurs, de grands vignerons, des professionnels du vin, la presse et quelques people. Michel Bettane et Thierry Desseauve vont décerner des prix pour récompenser des vignerons méritants selon des critères qu’ils ont choisis. On en lira sans doute dans la presse les nominations. Je suis à la table de Joseph Henriot avec des personnalités de tous horizons. Nous parlons de vin, de ses techniques, de son futur. Le repas est particulièrement réussi par Lenôtre pour près de 220 personnes. C’est Olivier Poussier qui surveille tous les détails.

Tant de domaines étant représentés, certains vins seront sur toutes les tables quand d’autres n’en réjouiront que deux ou trois. Nous profitons du Meursault Genévrières Bouchard Père et fils 2000 dont le gouleyant accompli fut encore développé par la présence à notre table de celui qui l’a fait. Le Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1994 est d’une année relativement moyenne, mais il est tellement bien fait qu’on en jouit sur un plat un peu fort pour lui. Le Château Palmer 1995 est très élégant, quand le Château Cheval Blanc 1995 est tout simplement renversant. C’est un vin dont le raffinement est la caractéristique principale. Je voyais les Yquem 1997 qui passaient devant notre table pour atterrir sur celles des officiels ou des people. Mais le Château de Malle 1997  confirma une fois de plus que ce sauternes est bien construit, long et de plaisir. L’année 1997 étant grande, on profitera de ce vin bien plus tard. Magistral dîner et choix de vins. Ce n’est pas très compliqué quand on a rassemblé la fine fleur du vignoble français.

Du salon des grands vins, c’était le premier jour. Les deux autres sont palpitants. A suivre…

Déjeuner à l’Auberge des Saint-Pères à Aulnay sous Bois mercredi, 9 mars 2005

Le lendemain je retrouve un ami que je n’ai pas vu depuis longtemps qui me propose un plan qui ne se refuse pas : « j’apporte deux bouteilles de nos années de naissance, et tu m’invites à déjeuner ». Il est de pires propositions. Nous nous retrouvons à l’Auberge des Saint-Pères à Aulnay sous Bois qui porte vaillamment son étoile logiquement conquise. Nous commençons par un Givry Domaine Ragot 2002. Non, non, ce n’est pas celle là mon année de naissance. C’est gentil à l’apéritif et sur un délicieux foie gras. Simplement construit, linéaire, c’est un vin de soif.

Je bois à l’aveugle, sur un délicieux agneau du Limousin artistiquement traité un Mouton Rothschild 1951 que je fus incapable de reconnaître. J’en fus vexé car Mouton est un vin que je bois souvent. Très belle réussite de la petite année 1951, ce vin de belle couleur, de nez expressif  dégage de belles sensations. Nettement moins rond que le Corbin Michotte 1926 de la veille, il est plus sophistiqué et raconte beaucoup d’histoires. Un vin relativement peu puissant mais diablement intéressant. Je cite à ce propos une remarque de Monsieur Thierry Manoncourt, le brillant et vénérable propriétaire de Figeac qui dit qu’en 1951 aucun vin n’est bon. Mes expériences, comme celle d’un Cheval Blanc 1941 qui marque ma mémoire, montrent qu’il faut se méfier des a priori. Des laiderons pré-pubères seront parfois des femmes mûres particulièrement séduisantes.

Un verre d’un liquide jaune ambré, presque orangé, arrive sur la table. De loin je pense à un muscat tant le vin paraît dense. Mais je sais que c’est un sauternes que je trouve au troisième essai : La Tour blanche 1943. Magnifique. C’est la belle expression du Sauternes accompli et serein, sans le moindre défaut. Il est beaucoup plus doux et sucré que le Fargues tout en restant élégant. J’ai préféré le message énigmatique du Fargues, mais ce sauternes d’un grand classicisme est un modèle d’exécution. Le charme de ces vins est infini.

Dîner de wine-dinners au restaurant de l’Ecu de France mardi, 8 mars 2005

Dîner de wine-dinners du 8 mars 2005 au restaurant de l’Ecu de France
Bulletin 133
Dîner de wine-dinners réalisé dans l’esprit de wine-dinners
pour les vins fournis par Emmanuel Boidron

Les vins de Emmanuel Boidron
Champagne Pommery cuvée Louise 1989 en magnum
Château Pichon-Lalande GCC Pauillac 1975
Château Beauséjour, 1er Grand Cru Classé de Saint-Emilion 1966
Château Calon, Montagne Saint Emilion 1964
Château Corbin Michotte, 1er Cru Classé de Saint-Emilion 1926
Château Calon 1929
Château de Fargues 1945
un armagnac centenaire

Le menu créé par l’Ecu de France
Brouillade d’œufs aux truffes
Effeuillé de cabillaud épais au jus de viande
Pigeonneau rôti à la réglisse et au foie gras,
miettes de fruits secs
Salade d’oranges et pamplemousses

Dîner de wine-dinners à l’Ecu de France mardi, 8 mars 2005

Je dois organiser un dîner un peu particulier pour un ami puisqu’il est fondé sur ses vins. Ils représentent pour lui une haute valeur sentimentale. Il veut les partager avec des amis d’enfance dans des conditions idéales. Mon rôle devient celui « d’ouvreur préparateur» de ses pépites. Comme les ambitions de l’Académie, dont j’annoncerai prochainement les contours, sont de mettre en valeur le patrimoine des vins anciens, cet événement entre dans ses objectifs. Je ne peux qu’acquiescer. Le choix porte sur l’Ecu de France, car l’enthousiasme du jeune et bouillonnant chef me semble adapté. J’eus une écoute, une coopération de la part des équipes et une intelligence culinaire dignes de restaurants étoilés. L’oubli que fait le guide Michelin de simplement signaler cet endroit est à réparer tout de suite. Si la nouvelle génération des propriétaires veut viser une étoile, il y aura quelques améliorations à apporter, mais on sent qu’avec de la volonté, cet objectif pourrait ne pas être de l’utopie. Le moteur ne demande qu’à monter en régime.

L’ouverture des vins se fait comme à l’habitude, vers 17 heures. Christiane, fidèle lectrice de mes bulletins, veut me voir enfin à l’œuvre, mais la première bouteille ne me permet pas de faire une démonstration convaincante : le bouchon colle tellement à la paroi du Calon 1929 que je dois l’extirper morceau par morceau. Et le bas du bouchon étant fort imprégné, je ne peux empêcher des miettes de flotter sur le vin. Mes méthodes deviennent convaincantes pour le Fargues 1945, dont le bouchon menace de tomber. Je le sors intact. Aucune odeur n’est inamicale. Je n’ai pas de crainte.

Le Champagne Pommery cuvée Louise 1989 en magnum est fin, délicat, léger et primesautier. Un opportun  sandwich débordant littéralement de douceurs complexes lui donne une densité et une expressivité nettement supérieures. Le champagne s’affirme, jouant d’un brio particulièrement plaisant.

C’est sur une inattendue mise en bouche qu’apparaît le Château Pichon-Lalande GCC Pauillac 1975 dont la jeunesse coquine et la rudesse sympathique trouvent avec la sauce légèrement crémeuse de coquilles Saint-Jacques de quoi s’extérioriser.

La brouillade d’œufs aux truffes avec une petite tartine de truffe incendie nos narines tant le tubercule s’enflamme. Le Château Calon, Montagne Saint Emilion 1964 surprend cette jeune assemblée par la complémentarité avec la brouillade, pas forcément indiquée a priori, pour bavarder avec lui. Il étonne aussi par sa jeunesse, l’accord forçant les commentaires d’émerveillement.

Sur un effeuillé de cabillaud épais légèrement ferme au jus de viande, le Château Beauséjour, 1er Grand Cru Classé de Saint-Emilion 1966 émeut par une odeur parmi les plus belles que l’on puisse trouver dans le bordelais. Mon ami y trouve des senteurs qui ne sont pas évidentes pour tous, tandis que je ressens ces odeurs veloutées que l’on décèle chez les grands bordeaux d’années telles que 1928. Sa jeunesse est évidente et ravit de fort jolies convives, mais la rondeur acquise présage, pour plus tard, une vieillesse longue et heureuse lorsque ce vin décidera de mûrir. La chair du cabillaud lui va bien tandis qu’un poivre insistant brouille un peu le message.

Un fort goûteux  pigeonneau rôti à la réglisse et au foie gras, avec des miettes de fruits secs, est le plat idéal pour deux des phares de ce repas. Le Château Calon Montagne Saint Emilion 1929 a un nez assez poussiéreux. Un léger soupçon de bouchon altère le plaisir mais pas longtemps. Le vin n’a pas la flamboyance d’un 1929 mais son charme, sa discrète distinction en font un compagnon charmant. Le Château Corbin Michotte, 1er Cru Classé de Saint-Emilion 1926 me remémore les vins les plus brillants de 1926 dont le sublimissime Haut-Brion. D’une odeur intense, épanouie, d’une couleur d’un rubis évoquant les plus fringants des jeunes vins de dix ans à peine, il marque la bouche d’une empreinte impressionnante d’accomplissement serein. C’est le vin qu’on aimerait boire toujours dans cet état, sûr de lui et dominateur. Le 1926 a capté le goût du pigeon et s’exprime comme lui, parlant sa langue, opulente et charnue.

Au fromage, on finit quelques verres encore remplis ou l’on est servi à nouveau de champagne, avant qu’arrive une des stars de la soirée. La salade d’oranges et pamplemousses forme un dessert un peu complexe qu’il faudrait épurer de quelques fioritures, mais dont certains composants à l’agrume mettent en valeur un Château de Fargues 1945 éblouissant. Une couleur d’ambre intense, une odeur plutôt discrète d’un sauternes aux accents arides. Cela tranche avec le palais qui parade, flamboyant, dense, d’une longueur infinie.

Un armagnac centenaire du père ou du grand-père de l’initiateur de l’événement  présente dans une bouteille alléchante un liquide de l’or le plus beau. Hélas l’alcool a perdu son charme, n’offrant qu’un goût limité et poussiéreux. La bouteille est amusante, car il y a un lion rouge sur l’étiquette qui ressemble comme un frère au lion rouge du Sauternes 1929 dont la photo figure sur le bulletin 126. Et le nom de famille des distillateurs propriétaires est Suffran. Ce qui, par une assimilation phonique hardie les pousse à faire figurer une image du bailli de Suffren (1726 – 1788) et à intituler leur Fine Grand Armagnac : Réserve du Bailli.

Nous votâmes et chaque vin eut au moins le crédit d’un vote, les deux plus couronnés étant le Corbin 1926 et le Fargues 1945. Quatre vins eurent un vote de premier, et mon vote résume assez bien la moyenne des votes : en 1 Corbin Michotte 1926, en 2 Fargues 1945, en 3 Beauséjour 1966 et en 4 Pichon Lalande 1975.

Le chef a produit une cuisine de haute qualité dont je retiens le pigeon et la brouillade d’œufs aux truffes. L’accord le plus émouvant fut celui du Corbin Michotte 1926 avec le pigeon. Le service fut attentionné. Un niveau d’étoilé, même si l’endroit n’y est pas encore prêt. De tels dîners sont d’utiles répétitions.

galerie 1943 lundi, 28 février 2005

On retrouve dans l’écusson ce qu’était la stylisation de Carlu (bouteille bue à Noël 2006)

 Pol Roger 1943, champagne mythique

 Dom Pérignon 1943, dégorgé en 1953 pour le couronnement de la reine Elizabeth II

 

Ce Clos Vougeot Léon Violand 1943 n’est pas très beau. Mais ce qui compte, c’est ce qu’on trouve dedans.

 La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943, une des plus belles La Tâche que j’ai bues.

 Clos des Lambrays 1943

Chateau Climens 1943 bu le 1 janvier 2007 à un dîner au restaurant Ledoyen est un très grand Climens. Bu avec ce Loubens 1940 très convainquant.