Dîner au restaurant Maison Rostang samedi, 8 octobre 2022

Un fournisseur occasionnel m’avait proposé avant les vacances un Krug avec cette indication : « niveau bas ». Les photos de mauvaise qualité ne permettaient pas de vraiment juger le vin, mais j’ai donné mon accord. La bouteille m’a été livrée et le vendeur m’avait annoncé avoir réservé une surprise. Lorsque je déballe le colis je vois que le champagne est beaucoup plus bas que ce que j’imaginais mais ce qui me rebute, c’est que le vilain chiffon qui entoure le haut du goulot et n’arrive pas à stopper la perte de volume dégage une odeur insupportable. Il est probable que le vin est en grande difficulté.

Le cadeau qui est joint aurait normalement tout pour plaire puisqu’il s’agit d’un Meursault les Tessons, Clos de Mon Plaisir Guy Roulot et Fils 1978. C’est un grand vin, mais le niveau a baissé de quinze centimètres environ et la couleur vue à travers le verre est très sombre. Je m’en veux d’avoir été aussi imprudent et je ne crois pas que le Meursault pourra compenser mon imprudence.

Il se trouve que j’invite à dîner un ami fidèle de mes dîners qui me demande chaque année d’organiser un repas pour ses amis. Nous aurons un repas prochainement à la Maison Rostang. Il me paraît opportun d’inviter mon ami au restaurant Maison Rostang ce qui me permettra de mettre au point le menu du futur repas avec le chef Nicolas Beaumann. Je sais que mon ami aime les vins anciens aussi, ayant envie d’en avoir le cœur net au sujet de ce Meursault qui a tant souffert, je le prends pour le boire avec lui. Nous verrons bien. La carte des vins du restaurant est telle que nous pourrons toujours remplacer ce vin.

Très en avance au restaurant, j’ai le temps de mettre au point le menu du futur déjeuner avec le chef, car nous nous comprenons extrêmement facilement et nous composons même le menu de ce soir.

Sortant le 1978 de ma besace, je montre le vin au sommelier Jérémie, et je lui demande s’il veut l’ouvrir, alors que j’ai mes outils avec moi. Jérémie me dit qu’il va prendre son bilame et part en cuisine avec le vin. Ne le voyant pas revenir après de longues minutes, je m’inquiète et je vais en cuisine. Là, je suis prêt à m’évanouir. Je vois la bouteille, une carafe avec le vin, un verre et les outils. En fait Jérémie a fait tomber quelques miettes dans la bouteille, a essayé de les récupérer, et n’y arrivant pas, a transvasé le vin dans une carafe et s’apprêtait à remettre le vin dans la bouteille qu’il avait lavée de ses impuretés. Mon dieu que la couleur du vin est terreuse. Il y a un risque majeur, mais allons jusqu’au bout.

Mon ami arrive et avec Jérémie, l’idée vient de prendre de la cave du restaurant un jeune Meursault de Roulot. Jérémie suggère un Meursault Clos du Haut Tesson A Mon Plaisir domaine Roulot 2014. Ce vin a un parfum magnifique, glorieux et puissant. En bouche, il est évidemment très jeune, vif et tranchant.

Le Meursault les Tessons, Clos de Mon Plaisir Guy Roulot et Fils 1978 a une couleur tuilée et terreuse qui rebuterait la quasi-totalité des amateurs, mais mon ami, habitué de mes dîners, sait qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Il goûte le vin avec moi et lui trouve une largeur et une consistance beaucoup plus plaisante que celle du 2014. Je dois lui tirer mon chapeau, car beaucoup d’amateurs auraient été influencés par la fatigue du vin. Il est fatigué, mais il a gardé une belle consistance et un gras fort sympathique.

Notre repas, conçu par Nicolas Beaumann est : langoustine, homard et pigeon. Les amuse-bouches permettent de comparer les deux vins, le jeune au parfum envoûtant et à l’acidité présente et le ‘vieux’, si l’on peut dire, plus large avec plus de gras et une belle présence, si l’on sait passer au-dessus de ses petits défauts.

La langoustine est présentée avec des coques qui lui donnent une bouffée d’iode et le 1978 est le plus à son aise avec le plat, gagnant en largeur. Le homard bleu breton est parfaitement cuit et les deux vins s’adaptent à lui formant deux accords assez différents, le jeune dans la vivacité et l’ancien dans le confort.

Pour le pigeon délicieux, Jérémie m’avait conseillé un Châteauneuf-du-Pape domaine Charvin 2009, me vantant une similitude avec les vins d’Henri Bonneau. Je n’avais à ce jour jamais bu de Châteauneuf de ce domaine. Il est bon, a un fruit fort et plaisant, mais c’est un vin qui va en profondeur plus qu’en largeur, ce qui limite mon plaisir. Il manque quelque chose pour mon palais, mais le pigeon est tellement bon que l’ensemble se conçoit.

Nous poursuivons avec de délicieux fromages. J’ai pris un époisses, un salers très affiné et un fromage de brebis. Avec ces fromages forts, le vin rouge devient beaucoup plus intéressant.

La cuisine est de haute qualité et la présentation des plats est esthétiquement réussie. Jérémie a bien accompagné notre repas et je ne peux pas lui en vouloir d’avoir compliqué l’ouverture du 1978. Dans une ambiance très conviviale avec le personnel du restaurant, nous avons, mon ami et moi, vécu un très beau repas. Et je ne féliciterai jamais assez mon ami qui a su comprendre un vin fatigué et en tirer une expérience positive. Il l’a même désigné premier des trois vins du repas.

dîner au restaurant Yannick Alléno au Pavillon Ledoyen jeudi, 6 octobre 2022

Nous invitons des amis à dîner au restaurant Yannick Alléno au Pavillon Ledoyen. À la confirmation de la réservation on m’a demandé l’empreinte de ma carte bleue et quelques jours avant le repas, un maître d’hôtel s’est proposé pour m’aider à préparer cette expérience gastronomique. Cela part d’un bon sentiment mais il m’a semblé plus pertinent que nous fassions les choix avec nos amis.

Le jour venu, quand je donne mon nom, une aimable hôtesse m’indique que nous sommes attendus en cuisine. Nous descendons des escaliers étroits et nous arrivons dans une salle immense où une brigade importante travaille. Tout ce monde s’affaire, ce qui n’empêche pas les sourires et la gentillesse de l’accueil. Yannick Alléno arrive et nous propose un apéritif impromptu en cuisine. Quelle aimable attention ! Il nous fait croquer des châtaignes originales, un petit plat au lait et un tempura de cèpe. Nous sommes tellement heureux de nous revoir. Un membre de l’équipe nous sert une coupe de Champagne Diebolt Vallois fort plaisant. Ce moment imprévu est un beau geste d’amitié.

Nous montons à l’étage du restaurant gastronomique et la décoration est originale. Les murs et le plafond de cette salle sont classés et immuables et des paravents légers séparent les tables sans que cela donne l’impression d’être isolés.

Chacun de nous quatre reçoit un menu personnalisé par son prénom, ce qui est, une fois de plus, une délicate attention. Nous choisissons le menu collection découverte dont seul le plat central est optionnel. Voici mon menu : primeur, cueillette improvisée, extraction en gelée délicate / royale d’oursin en texture, beignets de crevettes bouquet / tourteau dit dormeur, cuit à la cheminée sur une tranche de chou-fleur au curry, sauce liée aux parties crémeuses / pigeon mariné puis soufflé et poché au « lait de Sakura », cerises au jus de presse anis, caillé et roquette sauvage / figue de chez monsieur Baud au curry, confiture / anneaux croustillants de feuilletage glacés au café, gelée d’extraction de topinambour et raisins gorgés au Paradis.

Le choix des vins dans le livre de cave est un chemin périlleux, car dès que mes yeux se posent sur un vin qui me fait envie, la colonne des prix me fait faire la grimace. Je vais donc jouer « petit bras » pour deux vins et me « lâcher » pour le troisième.

Le Champagne Chartogne-Taillet Cuvée Sainte Anne Brut est un champagne que quinze ans auparavant j’aurais ignoré, car ces champagnes très nature, relativement simples n’étaient pas dans ma démarche. Mais celui-ci, pur, franc, direct et de belle acidité est un appel à la gastronomie. Il a besoin de se confronter à des saveurs franches et il se révèle d’une souplesse qu’il n’a pas sans un plat. Avec l’entrée l’accord se trouve et j’apprécie ce champagne.

J’ai choisi dans la carte des vins un Bourgogne Blanc Coche-Dury 2017 car j’ai le souvenir d’avoir eu une immense surprise en buvant le Bourgogne Rouge Coche Dury au restaurant La Cagouille, démontrant que sur un vin sans appellation ce magicien de Jean-François Coche-Dury est capable de faire des miracles. Là, au premier abord, je n’éprouve pas le sentiment de prodige car le vin est assez calme. Mais le miracle que j’attendais va se produire avec le plat d’oursin qui est une merveille. Le vin s’élargit, s’anime, et devient grand. C’est cela que je désirais.

L’Hermitage Jean- Louis Chave 2006 est un grand Hermitage. Il paraît tellement facile et accessible. En lui tout est judicieusement équilibré. Ce n’est peut-être pas la plus grande des années de cet Hermitage, mais à ce niveau de qualité, peu importe. Alors on est à l’aise et heureux. Avec le pigeon l’accord est parfait et même avec les petites cerises si expressives, le vin jubile.

Au cours du repas, deux des chefs que nous avions vus en cuisine sont venus expliquer leurs plats et ils savent en parler comme personne ne le ferait. On sent leur implication et leur enthousiasme. Les deux plats que j’ai considérés comme les plus brillants sont les deux premiers servis, la cueillette improvisée et la royale d’oursin.

Dans ce temple de la gastronomie, nous avons passé avec nos amis une excellente soirée.

Rayas à l’Ecu de France mercredi, 5 octobre 2022

Avec ma sœur et son mari nous allons déjeuner au restaurant l’Ecu de France tenu depuis des lustres par la famille Brousse. La lecture de la carte des vins est un réel bonheur, car la tarification est l’une des plus intelligentes de la région parisienne.

L’amuse-bouche est à base de betterave et d’œufs de saumon qui sont étouffés par le fort goût de betterave. Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 2007 a une forte bulle et une jolie couleur. Son parfum est très engageant. C’est un champagne racé, plaisant et très consensuel.

Nous choisissons nos menus. Le mien sera : macaronis farcis et gratinés au parmesan, foie gras, champignons et artichaut poivrade, jus truffé / cœur de selle d’agneau, carottes primeurs, aubergines, jus doux au thym citron et fève de Tonka / brie de Meaux aux brisures de truffe et comté.

Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape blanc 2008 est d’une jolie couleur qui commence légèrement à se dorer. Le nez est intense et en bouche le vin est glorieux, solaire, gourmand. Quel grand vin. On ne peut lui donner d’âge car il est intemporel, bien gras en bouche, accompli. Avec les macaronis l’accord est idéal.

Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape rouge 2009 est d’une grande puissance, épanoui. La selle d’agneau est plus en osmose avec le blanc qu’avec le rouge qui va trouver un bel accord avec le brie truffé. J’ai évoqué ce 2009 sur Instagram et plusieurs abonnés ont signalé un certain mécontentement du Rayas 2009 rouge. J’ai goûté à nouveau le 2009 le lendemain pour vérifier et je confirme mon jugement : ce 2009 rouge est superbe et grand. Il promet beaucoup pour le futur.

La cuisine qui s’est simplifiée est de grande qualité. Elle est plus à l’écoute des vins. Mon préféré de ce repas est le blanc 2008 lumineux.

si c’était un Mac Do, on dirait à ces aimables personnes « venez comme vous êtes »…..

Déjeuner de vins anciens au Sergent Recruteur samedi, 1 octobre 2022

‘Nous partîmes cinq cents mais par un prompt renfort…’ Ça s’est passé différemment. Nous devions être huit et nous nous retrouvons à quatre à déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur. Ce fut la valse des propositions de vins qui changeaient d’un jour à l’autre. Et j’ai même choisi d’autres vins le jour même.

Il y aura une américaine experte en vins qui connaît la terre entière dans le monde du vin et vit à New York, un de ses amis, ex Harvard, Mac Kinsey et autres Boston Consulting Group et s’est installé à Edimbourg pour y faire du whisky et un ami de l’académie des vins anciens, grand amateur de vins anciens.

Avec cet ami nous nous présentons au restaurant à midi alors que le rendez-vous est à 13h30 car nous voulons ouvrir quelques vins. J’ai apporté un Volnay Santenots Joseph Drouhin Hospices de Beaune 1959 au niveau assez bas qui est un peu imprécis à l’ouverture mais devrait se reconstituer lorsqu’il sera temps de le servir. Alain a apporté un Clos de l’Ecu Jaboulet Vercherre 1937 au parfum plus riche et plus franc. Le bouchon du 1937 est venu entier, très imbibé alors que celui du 1959 friable et collé au goulot est venu en miettes.

En attendant nos amis étrangers nous buvons une bière servie avec des toasts et de délicieuses rillettes. A 13heures j’ouvre le Champagne Lanson Red Label 1961 dont le bouchon s’est cisaillé. Son parfum est divin.

Les amis arrivent avec une profusion de vins que nous allons limiter. Pendant que je vais ouvrir les autres vins nous trinquons avec un Champagne Perrier-Jouët 1973. J’aime ces champagnes de belle évolution. Il est large, puissant, presque gras tant il est persuasif. C’est un beau champagne.

Pendant ce temps j’ouvre le Vega Sicilia Unico 1939 qui est la bouteille phare du repas. Le nez du vin est très discret, presque éteint, mais on sent la puissance sous-jacente.

Le menu que nous avons presque tous choisi est : tourteau de Roscoff en gelée de homard persillé, fouetté de fenouil et de corail / rouget en filet rôti, puis laqué d’une marinière de coquillages safranée, rouille, minestrone de coco de Paimpol, sauce anisée / selle d’agneau rôtie à la sauge et gingembre, dattes, opéra d’aubergine et riz noir, relevé par une napolitaine, jus corsé / fromages.

Lorsqu’apparaît le Champagne Lanson Red Label 1961 on prend conscience de l’extrême différence entre les deux champagnes. Le 1961 est vif, tranchant, noble et d’une folle jeunesse alors que le 1973 fait beaucoup plus notable de province et bon vivant. Ce Lanson de ce millésime fait partie de l’aristocratie du champagne.

Le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1976 se présente en toute perfection. Le vin émouvant est au sommet de son art. Il va encore progresser avec l’âge et rejoindra peut-être le mythique 1865 mais pour l’instant, c’est le gendre idéal. Avec le rouget, l’accord se trouve, de grande complicité.

Le Volnay Santenots Joseph Drouhin Hospices de Beaune 1959 a un parfum qui s’est restructuré. Il est léger, frêle et agréable. C’est un joli Bourgogne discret et plaisant.

Le Clos de l’Ecu Jaboulet Vercherre 1937 est beaucoup plus fort et structuré, mais ne m’émeut pas tant que cela. Peut-être un peu lourd et hermitagé.

Avec le Vega Sicilia Unico 1939 à la couleur presque noire et au parfum peu expressif, l’émotion me frappe comme un coup de poing. Ce Vega n’est pas le plus archétypal mais il est porteur d’une extrême émotion. Il est riche, entraînant, d’une belle longueur. Il n’a pas d’âge et nous emmène sur une gamme de goûts de pur plaisir. Ce vin est un instant de bonheur. La selle d’agneau avait accompagné avec bonheur le 1959 et le 1937. Il faut la force des fromages pour donner la réplique à cette merveille espagnole.

Nous sommes ravis de cette éclectique succession de vins. Le 1939 aura trois votes de premier et le Lanson un vote de premier.

Le vote du consensus est : 1 – Vega Sicilia Unico 1939, 2 – Champagne Lanson Red Label 1961, 3 – Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père et Fils 1976, 4 – Clos de l’Ecu Jaboulet Vercherre 1937.

Mon vote est le même pour les trois premiers : 1 – Vega Sicilia Unico 1939, 2 – Champagne Lanson Red Label 1961, 3 – Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père et Fils 1976, 4 – Volnay Santenots Joseph Drouhin Hospices de Beaune 1959.

Même si ces événements sont difficiles à organiser, le plaisir de boire de telles bouteilles justifie les efforts. La preuve en est que nous avons envie de recommencer.

avec le chef et le sommelier

avec le chef et les amis

Déjeuner au restaurant Le Petit Sommelier de Paris mercredi, 28 septembre 2022

Nous sommes six polytechniciens de ma promotion à nous retrouver pour déjeuner au restaurant que j’ai suggéré, Le Petit Sommelier de Paris dont le propriétaire est Pierre Vila Palleja qui est en train de préparer deux concours d’une extrême difficulté, celui de meilleur sommelier de France et par ailleurs celui de meilleur ouvrier de France. La carte des vins de ce restaurant a été primée dans de nombreux guides. Je serai en charge du choix des vins et comme certains n’ont envie ni de champagne ni de mélanger les couleurs, le déjeuner se fera au vin rouge.

Pierre nous fait des suggestions que nous suivons. Je prendrai : pâté en croûte « tout cochon » / épaule de porcelet croustillante et fumée, fricassée de légumes et pommes grenailles / Pavlova aux fruits rouges, menthe poivrée. Nous commençons par un Cornas Renaissance de Clape 2009. L’allusion au nouveau nom de la République en marche d’Emmanuel Macron est évidente mais personne ne veut que la politique intervienne dans ce choix. Malgré ses treize ans ce vin est jeune et vif comme un vin de l’année. Solide et bien construit, il a une belle personnalité.

Le vin suivant va monter d’un cran dans l’échelle du plaisir. Car le Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes 2011 a tout pour lui. Puissant il est aussi charmant et doucereux, large et gouleyant. Un vrai bonheur.

A la table voisine deux hommes déjeunaient. Avant de se retirer l’un des deux me dit que grâce à la lecture de mon blog il avait beaucoup appris, ce qui avait influencé ses choix de caviste. Tout donnait l’impression que j’avais soudoyé quelqu’un pour montrer à mes camarades que je suis connu. Nous en avons ri et j’ai remercié cet aimable caviste à qui j’ai souhaité de beaux succès.

La cuisine est simple et goûteuse, le service est professionnel. J’aime cet endroit et j’apprécie son propriétaire.

Nous voulions parler de démographie, de réchauffement climatique et du conflit ukrainien, mais le plaisir de se revoir et l’indiscipline de nos échanges ne nous ont permis de conclure sur aucun sujet. Il faudra donc se revoir…

Déjeuner au Pavillon de la Reine restaurant Anne dimanche, 25 septembre 2022

Un dimanche, nous allons déjeuner dans Paris avec trois de nos six petits-enfants. Ce sera au Pavillon de la Reine, hôtel et restaurant discrètement protégé de la foule qui se promène Place des Vosges quand il fait beau. Le restaurant s’appelle Anne. Nous déjeunons dans la cour entre de hauts murs recouverts de vigne vierge qui est d’une grande beauté en ce début d’automne. Nous prenons le menu carte blanche unique en quatre temps, improvisé chaque jour.

La cuisine est délicate, subtile, réalisée avec goût et dextérité, comme si le chef avait des envies de devenir MOF (meilleur ouvrier de France). La carte des vins est assez courte, mais je repère un Gevrey-Chambertin Vieilles Vignes Domaine Rossignol-Trapet 2016.

Ce vin respire la Bourgogne. Il a cette subtilité de suggestion que j’adore. Aucun goût n’est imposé, tout glisse comme un rêve. Ce n’est pas un vin très complexe mais il est charmant. C’est ainsi que j’aime la Bourgogne authentique qui évoque ce que les moines avaient esquissé il y a des siècles et des siècles. Devant ce vin frais et franc, je suis heureux.

Rendez-vous à l’appartement M-H et déjeuner au restaurant Pages mercredi, 21 septembre 2022

Stanislas est en charge de la relation avec les grands clients particuliers de Moët Hennessy. Il m’avait fait visiter un bel appartement au centre de Paris où l’on reçoit ces importantes personnes et l’idée de faire un repas en ce lieu était lancée. Il s’agirait d’un déjeuner avec le chef Teshi propriétaire du restaurant Pages et avec son épouse Naoko qui composeraient le menu pour mes vins. Nous avons fait ensemble plus d’une quinzaine de repas aussi le courant passera facilement.

A l’heure du déjeuner je me présente à cet appartement où Stanislas nous fait goûter un Champagne Dom Pérignon P2 2003. Il y a un jeune ami fidèle de mes repas, une chanteuse qui a aussi des activités financières, de jeunes personnes dynamiques dont un qui s’occupe de cryptomonnaies et de métavers. Ils trinquent avec nous. Je trouve le champagne un peu sec et serré, qui n’a pas trouvé la largeur qu’il pourrait avoir. Peut-être un effet de stockage.

Teshi et Naoko travaillent avec moi sur le menu et le directeur du lieu évoque les sujets matériels de verrerie et d’autres questions. Stanislas nous sert maintenant un Champagne Dom Pérignon rosé 2008 absolument excellent et promis à un bel avenir. Il est souriant et charmant.

Nous nous rendons à pied au restaurant Pages où Stanislas a retenu une table. Un notaire et un président de fondation nous rejoignent. On nous sert le Champagne Dom Ruinart 2010 tout jeune mais qui a déjà un corps bien affirmé. Il promet. Les amuse-bouche sont raffinés.

J’ouvre le vin que j’ai apporté, un Vega Sicilia Unico 1991 au parfum à se damner. Il évoque des grains de cassis que l’on croque joyeusement. On nous sert un cabillaud surmonté d’une coque et entouré d’une sauce légèrement vinaigrée et fortement teintée d’herbes vertes fortes. J’ai alors une intuition. Sans avoir goûté le plat, je pense que le vin espagnol trouvera un bel écho avec ce cabillaud, ce qui est assez paradoxal. J’essaie et c’est d’un raffinement subtil, les herbes vertes excitant le juteux Vega. Je partage cet essai avec quelques convives qui approuvent cet accord ‘hors piste’.

Vient ensuite le Champagne La Grande Dame de Veuve Clicquot 2012 à la forte personnalité qui se marie bien à une viande blanche aux haricots blancs et carottes.

On nous sert un Charmes-Chambertin Vieilles Vignes Dominique Laurent 2010 qui est absolument charmant et subtil, vin de grande émotion et un Latricières-Chambertin Grand Cru David Duband 2017 qui me parle beaucoup moins, trop jeune pour être émouvant.

Vient ensuite un Termanthia Numenthia Bodega 2015 vin espagnol qui appartient au groupe Moët Hennessy. C’est un vin lourd et puissant qui aurait pu attirer mon attention, mais le Vega Sicilia Unico 1991 est tellement extraordinaire que je succombe à son charme. Quel vin juteux, joyeux et racé.

Des figues fraîches avec une crème à la noix s’accorde délicieusement avec le Tokaji Escenzia Aszu 1988 que j’ai apporté qui est d’une douceur incomparable. Le restaurant Pages a évolué dans sa cuisine. Le nouveau pâtissier a envie de réussir ce qui est motivant et le chef Ken est toujours aussi créatif. Ce déjeuner d’amitié fut fort agréable. Maintenant, c’est à Teshi, Naoko et moi de préparer le grand repas programmé.

Dernier dîner dans le sud mardi, 13 septembre 2022

Les vacances arrivent à leur fin, après trois mois de temps irréellement chauds, et de quasi sécheresse. Il va falloir rejoindre la région parisienne où semble-t-il, la chasse aux voitures est organisée. Alors, avant de se replonger dans ce monde stressé, j’ai envie de célébrer les beaux moments vécus ici. Du caviar osciètre prestige de Kaviari sera un bon compagnon d’un Champagne Krug 1982.

J’ai un amour particulier pour les champagnes de 1982 que je trouve romantiques. Ils savent être puissants mais gardent un charme et une délicatesse qui leur apportent la grâce. Cette bouteille me semble un peu moins jeune que celles dont j’ai le souvenir et cela me fait réaliser que ce champagne a quarante ans. Pour moi, un champagne de 1982 est un jeune bambin. Eh bien non, il ne peut plus être considéré comme jeune car il entre dans une zone de maturité. Il est si noble que cette évolution ne me gêne pas. Je trinque par l’esprit à la beauté de la Méditerranée et au bonheur de cet été.

d’abord, petit passage au restaurant l’Aventure

et dernier dîner dans le sud

Déjeuner avec un archéologue mercredi, 7 septembre 2022

David Djaoui est un archéologue d’Arles qui a organisé une exposition au Musée d’Histoire de Marseille dont le thème est « On n’a rien inventé » montrant que du temps des romains le niveau de connaissance de l’œnologie et de la gastronomie était extrêmement élevé. Il m’avait contacté et je lui avais prêté six bouteilles anciennes vides qu’il avait lui-même choisies dans ma cave parisienne pour l’exposition de 2019. Le Covid étant passé par là, c’est seulement maintenant que David vient me rapporter les bouteilles dans ma maison du sud.

C’est l’occasion de déjeuner ensemble. L’apéritif sera de Pata Negra, gouda au cumin et mimolette. Le menu simple sera poulet avec un écrasé de pommes de terre à l’huile, camembert Jort et tarte au citron.

Le Champagne Pommery 1989 avait un pschitt significatif lorsque je l’ai ouvert de bon matin. Sa couleur est d’un bel ambre doré. Son parfum est agréable, racé. En bouche c’est un bonheur et David Djaoui prend conscience du monde qui sépare les champagnes anciens des champagnes très / trop jeunes. Quelle douceur, quelle rondeur ! Je suis enthousiaste devant un tel plaisir. Avec le jambon, c’est un régal.

Nous sommes un mardi et le Rimauresq Côtes de Provence 1983 avait été ouvert vendredi dernier. C’est donc avec circonspection que je sers ce qui reste de ce vin. Et je suis surpris de voir qu’il est encore vaillant, joyeux et agréable à boire. Si l’on cherche la petite bête, on sent effectivement une petite amertume dans le finale, mais globalement c’est une heureuse surprise, car le vin élargi a gardé sa typicité.

Le Châteauneuf-du-Pape Domaine Pauljean 1971 a un niveau à 4 centimètres du bouchon ce qui est un très beau niveau. Le nez à l’ouverture était suffisamment prometteur. Le parfum est maintenant parfait. Dès la première gorgée je suis réjoui et je remercie le Rimauresq car il met en valeur le Pauljean. Il y a en effet un fruit puissant dans le Châteauneuf que le Côtes de Provence n’a pas et on se régale de ce fruit entraînant. Un régal. 1971 est une superbe année et ce vin en profite. Quand je pense que ce vin a 51 ans, ça paraît incroyable car il a une vivacité idéale.

Vega Sicilia Unico n’a plus le monopole de l’accord avec un camembert Jort, car l’accord du Jort avec le Pauljean est superbe.

Rien ne pouvait s’associer à la tarte au citron sauf nos discussions passionnantes sur le doute scientifique qui est le comportement indispensable aux chercheurs scientifiques et l’humilité, indispensable aux amateurs de vins.

De ce repas, c’est le Pommery 1989 qui m’a donné la plus grande émotion.

David Djaoui est passionnant dans un domaine qui fait rêver et je rêve de recommencer une complicité pour une de ses prochaines expositions.

les bouteilles que David Djaoui avait choisies dans ma cave et rendues ce jour :

le lien avec la présentation de l’exposition de 2019 :

Exposition à Marseille sur le Vin dans l’Antiquité.