Les vins de 2005 de la maison Bouchard Père & Filsvendredi, 17 novembre 2006

La chaîne TF1 va évoquer le repas historique qui se tiendra ce soir au château de Beaune. Une séquence est prévue en cave. On me demande d’être aux côtés de Stéphane Follin-Arbelet lorsqu’il va montrer les vins du dîner. Pendant que le caméraman règle ses éclairages, j’ai le temps de rêver au milieu de piles impressionnantes de vins d’années comme 1846, 1858, 1864, 1865. Cette cave est un rêve inatteignable. Nous nous plions aux demandes de Didier Guyot, le journaliste qui avait réalisé le joli reportage « flacons d’éternité » lors d’un dîner de même nature. Après cette séance dont les extraits ordonnancés passeront le lendemain au journal de 13 heures, je me rends à la nouvelle cuverie Saint Vincent de Bouchard. Cette installation impressionnante est commandée par la recherche de la qualité totale, chère à Joseph Henriot, le dynamique propriétaire de Bouchard Père & Fils, malheureusement empêché d’assister aux cérémonies du 275ème anniversaire de la maison Bouchard Père & Fils. J’aurais beaucoup aimé qu’il explique ses choix, car il le fait toujours avec une clarté édifiante. Mais dans mon groupe de visite les explications de Christophe Bouchard furent précises et motivées. La simplicité et le respect de la nature ont commandé l’organisation des flux et la création d’une cave spectaculaire. C’est là que se fait la dégustation des 2005, face à des allées interminables de tonneaux.

Intéressé par les vins anciens j’ai beaucoup de difficultés à appréhender des vins très jeunes, dont la majorité ne sont pas encore au stade de la mise en bouteille. Je jugerai donc plus sur la qualité actuelle du vin et non pas sur ce qu’il deviendra. Ces notes prises à la volée, le carnet appuyé sur un tonneau quand une main tient un verre et l’autre le crayon ne sont pas celles d’un professionnel. J’ai eu la chance de pouvoir les confronter avec les remarques du directeur de la qualité qui m’a fait découvrir des caractéristiques lumineuses, quand on est guidé par un tel talent. Les 2005 sont les premiers vins à avoir été faits dans cette nouvelle cathédrale du vin. J’ai senti que tous en étaient fiers.

Le Bourgogne Pinot noir Bouchard Père & Fils 2005, vin d’assemblage, a un nez de clou de girofle et d’anis étoilé. Ce nez est chaleureux. La bouche est un peu coincée, mais il y a de belles choses, du fruit. Le fruit est encore un peu amer. Je pense à un artichaut poivré.

Le Beaune du Château rouge Bouchard Père & Fils 2005 a un nez plus subtil, joli et distingué. L’attaque est très acide, mais cela s’estompe. Il y a du potentiel, mais le vin est loin d’avoir fini sa croissance. Le final est de cassis et framboise.

Le nez du Beaune Grèves, Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 2005 est subtil, mais pas totalement formé. C’est dommage, car le perlant donne un goût salin. En en faisant abstraction, ce qui est difficile, on sent un velouté et un fruit de cassis. Ce vin sera très beau.

Le Volnay Caillerets, ancienne cuvée Carnot Bouchard Père & Fils 2005 combine avec force le poivre et la framboise. Il y a même du fruit confit. Il est bien rond, dense, charnu, soyeux et généreux.

Le Corton Bouchard Père & Fils 2005 a un nez très romantique. Subtil, son poivre est discret. Le fruit est clair. Un léger perlant gêne peu. Ce vin est plus strict que le précédent, moins généreux, mais ce qui frappe, c’est la finesse de la trame. Le directeur de la qualité dit : « on sent le caillou ». Ce vin sera très grand.

Le Vosne Romanée aux Malconsorts Bouchard Père & Fils 2005 a un nez de vin déjà plus évolué. Il est charmeur et semble déjà intégré. En bouche il est léger, aérien, au fruit bien affirmé. Il parait beaucoup plus mûr. C’est très charmeur, plus animal, mais je ne lui trouve pas la finesse des deux précédents.

Le Bonnes Mares Bouchard Père & Fils 2005 a un nez fabuleux, d’une finesse extrême. L’épice et le cassis sont ciselés. En bouche la rondeur est grande. Je note : « quelle rondeur en bouche ! C’est éblouissant ! Quel charme ! »

Le Chapelle Chambertin Bouchard Père & Fils 2005 a un nez subtil très distingué. La densité est impressionnante. Menthol, anis, race immense, il est austère quand le Bonnes Mares est joyeux. C’est frais, épicé, c’est beau.

Le Chambertin Clos de Bèze Bouchard Père & Fils 2005 a un nez encore un peu fermé mais prometteur. En bouche il commence dans la joie. Mais le perlant insiste. Il est alors plus austère, strict. C’est un vin de très grande complexité qui sera brillant quand il va s’assembler.

Si l’on juge du seul plaisir, je classe ainsi : 1 – Bonnes Mares, 2 –  Volnay Caillerets, 3 – Chapelle-Chambertin, 4 – Le Corton. Globalement, ce qui me frappe, c’est la densité, la concentration et la précision de la trame de ces grands vins.

Nous passons aux blancs. Le Bourgogne Chardonnay Bouchard Père & Fils 2005, vin de mélange, a un nez déjà terriblement flatteur. L’exposé aromatique est presque trop riche. Il y a pour moi un certain manque de coffre. Il est trop brut de forge.

Le Beaune du Château blanc Bouchard Père & Fils 2005 a une belle acidité au nez. En bouche, il est perlant. Il y a de belles caractéristiques mais je sens un petit manque. Je sens une persistance en bouche très sensible, sur une structure un peu simplifiée.

Le Meursault Genévrières Bouchard Père & Fils 2005 a son territoire situé en bas des Genévrières du dessus, précision topologique que je trouve jolie. Le nez est généreux. En bouche, ça cause ! Là, on sent qu’il y a de la matière. Très fruit confit, caramel, combiné à du floral. Vin chatoyant de belle acidité. Vin élégant.

Le Meursault Perrières Bouchard Père & Fils 2005 a un beau nez. C’est un vin très différent du précédent. Je le trouve plus léger, plus minéral, moins rond, plus dans la définition du Meursault. L’acidité est belle, la longueur est folle. Ce sera un très grand vin, même si pour l’instant il est un peu dur. Deux camps se formeront pour choisir le plus grand Meursault des deux. Le Perrières, à mon goût, a plus d’avenir mais moins de charme à ce jour.

Le Chevalier Montrachet Bouchard Père & Fils 2005, c’est la classe folle. Il est floral, élégant, eau de rose. La palette aromatique est vaste. Le vin reste très léger. Je fais rire tous mes compagnons de dégustation en disant que c’est un « vin de soif », tant on a envie d’en reprendre.

Le Montrachet Bouchard Père & Fils 2005 a un nez fort. C’est un parfum. Le vineux apparaît fort, plus que le floral. Belle complexité et force sont ses deux caractéristiques essentielles. Quand il s’ouvre dans le verre, il devient grand. Il n’a pas le charme immédiat du Chevalier. Mais il est dense et grand avec un beau final.

Le Corton Charlemagne Bouchard Père & Fils 2005 a un nez discret mais joyeux. En bouche, il chante. Il est riche, il a beaucoup d’ampleur, de charme. Il est coloré et plein en bouche, avec une immense persistance aromatique. Il promet.

Les premières impressions qui viennent, c’est que l’ordre de dégustation est particulièrement judicieux. Ensuite, un grand nombre de ces vins seraient à l’aise à table, sur une belle cuisine, sans qu’on les rejette pour précocité interdite. Enfin, ce qui se dégage, c’est la qualité exemplaire de la fabrication de ces vins. Lors des précédentes dégustations de vins jeunes en cave, je trouvais une signature Bouchard très typée. Ici, je pense qu’avec les nouveaux moyens mis à la disposition du vin, on a gagné en universalité. Ces vins sont plus purs. Cela nous promet d’immenses vins. Bravo à la maison Bouchard et à toutes les équipes qui ont permis que ce rêve se réalise.