223ème dîner au restaurant Laurent mercredi, 4 avril 2018

Le 223ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Le Laurent. Il a été décidé en un temps record, un fidèle de mes dîners m’indiquant qu’un américain de Boston voulait fêter avec ses associés et ses conseils la concrétisation d’un contrat dont je n’ai pas demandé qu’on m’en dise plus. Les vins ont été livrés il y a une semaine.

Lorsque j’arrive à 17 heures pour ouvrir les vins, Ghislain, le sommelier-chef du restaurant, a déjà disposé les bouteilles du dîner sur une table dans l’ordre de service pour que je puisse prendre la traditionnelle photo. J’apprécie beaucoup cette initiative. Sur une table voisine tout ce dont je pourrais avoir besoin est en place. J’ouvre les bouteilles dans l’ordre de service et je n’ai pas le souvenir d’avoir ouvert tant de bouteilles sans que l’une d’entre elles ne me pose des problèmes d’odeurs inamicales. Aujourd’hui tous les parfums sont parfaits. Tiendront-ils, nous verrons. Le pomerol Caillou 1953 a un divin parfum de pomerol, nettement plus riche que celui du Pétrus 1966. Je me pâme en sentant le message odorant de l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1981 qui est tellement caractéristique du domaine. L’Yquem 1961 paraît beaucoup plus sec que le Climens 1943 plus botrytisé. Arrive maintenant l’ouverture du dernier vin, non inscrit au programme, que j’ai ajouté comme un cadeau. C’est un Rota 1858, seules mentions sur l’étiquette écrite à la main. Il y a très peu d’informations sur le web sur ce vin d’Andalousie et comme le verre est opaque je ne sais pas de quel type de vin il s’agit, rouge, blanc ou liquoreux. Le bouchon est très fortement collé à la paroi et s’émiette facilement. Il me faut cureter au début pour pouvoir lever le tout petit bouchon au liège parfait. Je fais sentir à Ghislain qui me devance pour dire que ce nez est le même que celui de mes vins de Chypre 1845. Ces fragrances sont celles d’un parfum, envoûtant, ensorcelant, fait de poivre, d’épices de réglisse, de zestes, d’une richesse infinie. Et je ne peux m’empêcher d’éprouver une immense joie. Dans la caverne d’Ali Baba que j’ai acquise, les Rota 1858 étaient des inconnues comme les bouteilles sans étiquettes. Savoir que ce Rota 1858 est du niveau du vin le plus cher à mon cœur, le Chypre 1845, ne peut que me combler.

Nous sommes treize dont trois femmes. Comme l’organisateur de ce dîner est américain, le dîner se tient en anglais, aussi, comme presque tous les convives me sont inconnus et parlent anglais, je ne sais quelle est la proportion d’américains et de français. Je la suppose moitié-moitié.

Dans le salon d’entrée en forme de rotonde nous buvons le Champagne Salon Magnum 1997 sur de belles gougères au fromage. Ce champagne, c’est à la fois le gendre idéal, car il est insolent de charme, façon George Clooney à vingt ans, et à la fois macronien dans le sens de « et en même temps », car il combine facilité de lecture et complexité et il combine un caractère vineux avec un grand romantisme. Il a tout pour lui et se situe à plus de vingt ans en un moment de plénitude.

Nous passons à table. Le menu préparé par Alain Pégouret est : Araignée de mer dans ses sucs en gelée, crème de fenouil / Morilles et petits pois lutés, sucs à peine crémés, ail des ours / Pièce de bœuf servie en aiguillettes, pommes soufflées / Agneau de lait mariné aux herbes cuit en robe des champs, crispy de cébettes et d’artichauts, fondue de cœur de romaine / Ris de veau rissolé, blettes d’olives noires / Stilton / Merveilleux à la mangue / Les palmiers « Laurent ».

Le Champagne Ruinart Père &Fils 1955 est le seul vin que j’avais goûté avant le repas car verser un verre nuit à l’intégrité de la méthode d’oxygénation lente, qui est d’autant plus efficace qu’on ne touche plus à la bouteille qui vient d’être ouverte. Le champagne m’avait conquis mais j’avais mesuré combien ce champagne peut être difficile à comprendre si l’on n’a pas l’habitude des champagnes anciens. A ma grande surprise, tous les convives ont apprécié ce champagne sans bulle mais au pétillant bien présent, aux goûts d’automne mais ensoleillé. Très riche et long en bouche il est adouci par l’araignée de mer et se montre d’un charme confondant. C’est un très beau champagne généreux, précis et ciselé.

Les morilles accompagnent deux vins. Le Château Laville Haut-Brion Graves 1982 est d’un jaune clair irréellement jeune, et c’est une caractéristique de ce vin à tous les âges. Il est complexe, jouant sur son acidité idéale et un beau caractère de Graves et ce qui frappe c’est sa largeur épanouie. C’est un guerrier triomphant. A côté de lui le Kebir-Rosé Etablissements Frédéric Lung Alger #1947 à la couleur d’un thé rose est un inconnu de tous les convives sauf deux qui ont déjà participé à un de mes dîners au George V où je l’avais servi. Il est surprenant car l’on n’a pas de repère. Ghislain à l’ouverture avait senti de la datte dans son parfum. Je ressens aussi des esquisses de café et il me semble plus dans une ligne de vin blanc que de vin rosé. Ce pourrait être un Rhône blanc riche et noble. Tout le monde est conquis par ce vin. L’accord des morilles est aussi intéressant avec chacun des vins. Le Laville s’élargit et le Kebir le rend plus profond.

Sur la pièce de bœuf à la lourde sauce il y a trois bordeaux de la rive droite. Le Château Ausone 1964 est exceptionnel de raffinement. J’attendais un Ausone solide et je bois un Ausone noble et galant, un Aramis, un Alfred de Vigny. C’est un très grand Ausone raffiné. Le Château Le Caillou Pomerol 1953 est la définition absolue du pomerol parfait, plus encore que son voisin plus capé. Il est riche, exsude la truffe, et montre une énergie insoupçonnée. Le Pétrus 1966 est tout en subtilité. Bien moins triomphant que le Caillou, il est comme le calligraphe japonais qui ne sera compris que par des initiés. Son message est subtil, dosé, raffiné et apparemment toute la table le comprend. Le Caillou réagit bien sur la lourde sauce.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1981 a les caractéristiques que j’aime, la rose et le sel. Je l’adore car il est tout en suggestion. Ce n’est pas un vin puissant, c’est un vin qui suggère des notes de grande intelligence. A côté de lui, sur l’agneau de lait, le Château Corton Grancey Louis Latour 1964 est d’une sérénité inouïe. C’est le vin de Bourgogne parfait. J’ai bu plusieurs fois ce 1964 et jamais je ne l’ai rencontré aussi épanoui et équilibré. Les votes vont consacrer sa brillante prestation. J’ai mangé la viande sur le Corton et la salade d’une belle amertume sur l’Echézeaux car cette romaine a exacerbé les amertumes du 1981 dans une alliance de toute beauté.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962 est d’un équilibre absolu. Il est fin, raffiné, très bourguignon sans renoncer à ses origines rhodaniennes. Je suis amoureux de ce vin si facile à lire, comme le Salon 1997, mais révélant de belles complexités. L’accord avec le ris de veau est divin.

Les deux sauternes seront servis sur deux plats, le stilton d’abord et le dessert à la mangue ensuite. Le Château d'Yquem 1961 est noble et a mangé une partie de son sucre. Il joue donc sur sa finesse et le salin du stilton le met en valeur beaucoup plus que le Château Climens Haut-Barsac 1943 à la robe d’acajou doré et au botrytis épanoui. Alors qu’intrinsèquement le Climens est plus large et plus joyeux que l’Yquem c’est ce dernier qui recueillera des votes alors que le Climens sera injustement oublié.

Vient maintenant dans sa magnifique bouteille opaque au cul très profond le Rota vin d'Espagne 1858. La robe est complexe avec des tons très foncés mais aussi des tons jaune clair comme en un mélange irréel. Le nez est toujours aussi envahissant et en bouche c’est du plomb fondu de bonheur. Il y a un poivre intense, de la réglisse, des zestes d’orange suggérés. De nombreuses épices s’y ajoutent mais c’est surtout sa persistance aromatique qui est infinie. C’est un cousin du Chypre 1845, vin absolument divin.

Il est temps de voter et c’est bien difficile car je pense devant tant de perfection que si je refaisais mon vote dans une heure je pourrais voter différemment. Nous votons pour nos cinq préférés. Sur 13 vins, 12 ont eu au moins un vote. Six vins ont eu l’honneur d’être nommés premier. L’Hermitage la Chapelle a eu 4 votes de premier, le Corton Grancey 3 votes de premier, l’Echézeaux et le Rota 1858 ont eu 2 votes de premier, le Laville et le Pétrus ont eu un vote de premier.

Le classement du consensus serait : 1 - Château Corton Grancey Louis Latour 1964, 2 - Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1981, 3 - Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962, 4 - Château d'Yquem 1961, 5 - Pétrus 1966, 6 - Château Laville Haut-Brion Graves 1982.

Mon classement est : 1 - Rota vin d'Espagne 1858 , 2 - Château Corton Grancey Louis Latour 1964, 3 - Château Laville Haut-Brion Graves 1982 , 4 - Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1981 , 5 - Château Ausone 1964.

Lorsque j’ai demandé aux convives quel était l’accord qui les a le plus enthousiasmés, quelle ne fut pas ma joie de constater que tous les plats ont été cités comme étant le meilleur accord mets et vins pour au moins l’un d’entre eux. Bravo au chef Alain Pégouret d’avoir créé des plats si lisibles qu’ils ont collé aux vins. Le service a été parfait, Aurélien qui a fait le service des vins a été très attentif et a réussi parfaitement. Etions-nous dans un jour fleur ou un jour fruit ou un autre jour pour que tous les vins se soient présentés dans la forme la plus aboutie qu’ils pourraient avoir, je ne sais pas, mais ce dîner fut une réussite totale.

Champagne Salon Magnum 1997 Champagne Ruinart Père &Fils 1955 Château Laville Haut-Brion Graves 1982 Kébir-Rosé Etablissements Frédéric Lung Alger #1947 Château Ausone 1964 Château Le Caillou Pomerol 1953 Pétrus 1966 Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1981 Château Corton Grancey Louis Latour 1964 Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962 Château Climens Haut-Barsac 1943 Château d'Yquem 1961 Rota vin d'Espagne 1858 (cette étiquette est plus lisible que celle de la bouteille - identique - qui a été ouverte) textes trouvés où les vins de Rota sont signalés photo en cave photo au restaurant il y a quelques plats que je n'ai pas photographiés les votes et les classements la table en fin de repas

Déjeuner au restaurant l’Ecu de France dimanche, 1 avril 2018

Deux amies américaines, fidèles de mes dîners, avaient assisté au 222ème dîner au restaurant Pierre Gagnaire. Ma femme et moi les invitons à prendre un apéritif chez nous puis à déjeuner dans un restaurant que nous aimons. A domicile, j'ouvre un Champagne Krug Grande Cuvée à l'étiquette « gold » fait avec des vins qui ont plus de 30 ans. Le bouchon est beau, le pschitt est faible à l'ouverture mais le pétillant est fort et même très fort car la présence de la bulle est insistante. Je me suis dit qu'il eût fallu ouvrir la bouteille plus de deux heures avant. La couleur est joliment ambrée et le champagne est noble, présent, imprégnant. Avec le jambon Pata Negra délicieux il est agréable, mais pour une fois, car c'est rarement le cas, je le trouve plus vibrant sur la poutargue. Nous montrons à nos amies l'accord champagne et camembert qu'elles ne connaissaient pas et il me paraît que ce camembert Moulin de Carel conviendrait mieux à un jeune Salon qu'à un Krug à maturité comme celui-ci.

Nous nous rendons ensuite au restaurant l'Ecu de France car nous voulons montrer à nos amies ce restaurant traditionnel et historique dont la décoration n'a pas changé d'un détail depuis que je le connais, c'est-à-dire il y a plus de soixante ans. Nous l'aimons pour le décor, pour la carte des vins intelligente constituée par la famille Brousse de père en fils mais aussi pour la cuisine inspirée d'un chef haïtien au sourire inextinguible, Peter Delaboss.

Le menu créé par Peter Delaboss est : foie gras au caramel de betterave / velouté de corail truffé et Saint-Jacques rôties / filet de biche en croûte de céréales, jus cacaoyer / soufflé à l'orange et Grand-Marnier.

Le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé le 29 juillet 2013 a une belle couleur ambrée. Quelle surprise car il se montre très largement plus brillant que le Krug bu à la maison. Il a du charme, une extrême présence, de la puissance et de la complexité. Il se marie judicieusement avec le foie gras.

Le Bienvenue Bâtard Montrachet Louis Carillon et Fils 1999 est très généreux, ample, avec une longueur spectaculaire. Ce vin riche et gourmand est une très agréable découverte. Il bénéficie de la force de son millésime. L'accord avec les coquilles est parfait, appuyé par la force du corail des Saint-Jacques.

J'ai apporté La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992. Nous avions bu avec nos deux amies au dîner d'il y a deux jours La Tâche 1961 qui n'était pas parfaite. Ce vin est une belle revanche. Le vin est beaucoup plus puissant que ce que laisse entendre son millésime et il exacerbe joliment les qualités du domaine de la Romanée Conti. Hervé Brousse, qui dirige le restaurant dans la continuité de ses parents et à qui je fais goûter le vin, trouve dans ce 1992 des aspects d'une Romanée Saint-Vivant du domaine. J'avoue que je suis plutôt sur le terrain d'une belle La Tâche, dont les complexités sont ciselées. Le filet de biche est exactement ce qu'il faut pour mettre en valeur La Tâche.

Le soufflé au Grand-Marnier dont on sent à peine l'alcool n'appelle aucun vin en particulier, mais on peut finir les verres qui sont sur table sans commettre un contresens.

Le chef avait conçu son menu sans connaître les vins que nous choisirions. Nous avons réussi, par la grâce de l'ange gardien qui surveille nos agapes, à faire un repas de haute gastronomie avec des accords très pertinents. L'ambiance était souriante, nos amies américaines repartiront demain en leur pays, pour revenir en fin d'année pour de nouvelles aventures.

222ème dîner au restaurant Pierre Gagnaire jeudi, 29 mars 2018

Le 222ème dîner se tient au restaurant Pierre Gagnaire. J’avais fait le 91ème dîner en son restaurant parisien et j’ai eu envie de recommencer. La mise au point du menu s’est faite en deux temps, d’abord avec Pierre Gagnaire, puis, sous son autorité avec les chefs Thierry Méchinaud et Michel Nave. Les vins avaient été apportés il y a plus d’une semaine. A 16h30 commence la séance d’ouverture des vins. Je suis rejoint par Logan sommelier qui fera le service des vins et je lui fais sentir, ainsi qu’à quelques membres de l’équipe du restaurant, les parfums des vins. Ce qui est assez invraisemblable c’est que ce sont les vins les plus vieux qui ont les parfums les plus généreux. Dans l’ordre d’âge, le Chypre 1870 a un parfum lourd qui évoque des madères et un poivre insistant. Le Musigny 1906 a un parfum marqué d’un beau fruit, le Lafite 1908 qui a été reconditionné au château en 1990 a un fruit insolent et fort curieusement un bouchon qui se casse en deux, l’Yquem 1921 a des fragrances exceptionnelles, à se damner. La seule mauvaise surprise est celle de La Tâche 1961 dont le bouchon, seulement à moitié levé, exprime une odeur de serpillère insistante. Le bouchon vient entier, noir et gras et le vin sent la lavasse. J’ai bien peur pour lui et c’est le seul. Le bouchon du Musigny 1906 a été sorti en charpie, émietté comme rarement.

Les convives sont presque tous à l’heure et nous sommes onze dont deux fidèles américaines qui viennent spécialement en France pour mes dîners, trois nouveaux, cinq habitués et moi.

Le Champagne Dom Ruinart magnum  1998 est une très belle surprise car il est épanoui. J’ai toujours du mal à considérer qu’un champagne de 1998 n’est pas un jeune bambin, alors qu’il a vingt ans. Son épanouissement, sa joie de vivre me plaisent. Les amuse-bouches sont d’une diversité extrême et d’un raffinement absolu. Tout le talent de Pierre Gagnaire est déjà exposé dans ces complexités goûteuses. Et le champagne s’en régale.

Le menu composé par Pierre Gagnaire et ajusté récemment avec ses deux chefs est : Croquant chocolaté de foie gras de canard, salade de champignons de Paris, velouté Blanc, brioche toastée de palette ibérique, compote de gold rush aux oranges sanguines / Poireau grillé farci de coques et couteaux, pousses d'herbes sauvages des côtes du Croisic, raviole de seiche, navet daïkon / Sole meunière – les filets sont taillés en goujonnettes, fèves, petits pois, pointes d'asperges et nèfles. Soupe verte émulsionnée avec le beurre de cuisson du poisson / Grosse langoustine croustillante 1982 – condiment Dundee-Peecky, galette de blé noir. Une bisque / Cassolette de morilles au curry madras, côtes de romaine, oignons cébettes, pain soufflé farci de ris de veau, lard de Bigorre / Quasi de veau fermier à la Milanaise – purée de carotte au jus | tête de veau / Coffre de canard de Challans enveloppé de poudre de cacao aux aromatiques sous une cloche de chocolat amer – fines aiguillettes laquées d’une bigarade à l’ail fermenté Aomori. Pomme de terre FiFine / Fromage Stichelton / Parfait vanille de Tahiti | mangue jaune / Petits fours et financiers.

Avec le menu Pierre Gagnaire a fait remettre à chacun une lettre manuscrite dans laquelle il s’excuse de ne pas être auprès de nous. Cette attention est très appréciée.

On me fait goûter en premier tous les vins et lorsque je bois la première gorgée du Champagne Salon Le Mesnil  1964, c’est comme si j’ouvrais les portes de Paradis. La couleur est d’un ambré clair, le nez est tétanisant de perfection percutante et le champagne est tout simplement divin. S’allument en moi toutes les références que j’ai des champagnes Salon et l’on est au firmament de ce que peut offrir ce divin champagne. L’entrée au foie gras est délicate mais mon esprit est au Salon, même si la palette ibérique fait briller le champagne. C’est une des plus belles émotions que j’aie eues avec Salon.

Le Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962 est l’un des cinq grands vins choisis par Curnonsky comme représentant l’excellence du vin blanc français. L’année 1962 est une des plus grandes années de ce cru de Loire. La pureté de ce vin est extrême. Tout en lui est fluide et équilibré. Je m’en régale et le plat de poireau forme avec ce vin un accord qui est probablement pour moi le plus grand de repas car la continuité est saisissante.

Par contraste, le Meursault Leroy Négociant 1966 est puissant et beaucoup plus ouvert. C’est un Meursault Village de haute qualité assemblé par un négociant de renom, mais même s’il est généreux il ne peut pas cacher qu’il est Village. On est loin du coffre d’un grand cru. La sole est excellente et très épurée, avec des goûts extrêmement lisibles et gourmands.

Le Château Lafite-Rothschild Pauillac 1908 avait à l’ouverture un nez marqué par un fruit de toute beauté. Le nez est encore impressionnant mais en bouche il y a une acidité sensible que le nez ne laisse pas imaginer. En sachant lire entre les lignes, on trouve un Lafite de grande race et de belle richesse mais l’acidité limite un peu le plaisir. Fort heureusement la divine langoustine et sa bisque apportent de la douceur à ce vin de haute lignée. Il est possible que ce soit le rebouchage en 1990 qui ait apporté cette acidité.

Le nez du Pétrus Pomerol 1976 est dix fois expressif qu’à l’ouverture. Le vin a profité de l’oxygénation lente et c’est une merveille absolue. Si l’on voulait trouver ce que serait la définition du Pétrus archétypal, il ne faudrait pas chercher plus loin, c’est celui-ci. Je l’adore. Il a de la truffe, de la richesse, une densité infinie. Sa longueur est celle d’un seigneur. Il faut écarter tous les légumes verts du plat de morilles et ris de veau pour trouver l’accord avec cet immense Pétrus. Il n’a pas le côté romantique du Pétrus 1975 que je chéris, mais c’est un grand Pétrus de sérénité.

Le quasi de veau est probablement le plat le plus charmeur et goûteux de ce magnifique repas. Le Grand Musigny Faiveley 1906 est un grand vin, doté d’un beau fruit et d’un très joli équilibre. Alors que pour mon goût il est très au-dessus de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1961, c’est paradoxalement La Tâche qui recevra largement plus de votes que le Faiveley. Est-ce la fascination de tout ce qui vient de la Romanée Conti ? Car au moment du service il n’y a plus aucune trace de serpillère ou de lavasse, mais le nez est clairement bouchonné. Or, comme cela arrive assez souvent, le nez de bouchon ne se ressent pas en bouche. Le vin a de la rondeur et une belle expressivité. Mais même s’il n’y a pas l’amertume rêche que donne un goût de bouchon, je ne peux pas aimer le 1961 plus que le 1906. Le plat est divin et aide bien le Musigny.

Les deux chefs doivent être chaudement félicités car ils ont interprété le canard avec un doigté qui en fait un plat extraordinaire pour les deux vins qui suivent. Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1978 confirme bien qu’il est de la plus grande année pour Rayas, l’année mythique comme 1945 l’est pour Mouton ou 1961 pour l’Hermitage La Chapelle. Le vin est franc, direct, solaire, gourmand, et facile à vivre. Sa longueur est belle et alors que je craignais que le Vega Sicilia Unico 1969 ne lui fasse de l’ombre, je trouve ce 1978 plus fringant que le 1969 par rapport à ce qu’on peut en attendre. Le vin espagnol est grand mais je ne retrouve pas aussi prononcée la fraîcheur que j’aime.

Le Château de Fargues Sauternes Lur Saluces 1943 est grand. Quel beau sauternes ! S’il était seul, on l’adorerait. Hélas pour lui et tant mieux pour nous, le  Château d'Yquem Sauternes Lur Saluces 1921 est totalement conforme à sa légende. Comme je le dis souvent, avec les vins rouges et les vins blancs, on peut imaginer que sur un détail, il pourrait y avoir quelque chose de mieux. Alors qu’avec un sauternes, quand il est parfait, il n’y a aucun bouton de guêtre que l’on pourrait critiquer. Il est parfait, point. Cet Yquem 1921 est la perfection absolue du sauternes à la complexité infinie. Le Stichelton est un compagnon idéal des sauternes, encore plus doux que le stilton.

Le Vin de Chypre 1870 combine une douceur de muscat comme celle d’un madère avec un poivre incroyablement prononcé. J’ai hésité à le mettre premier mais l’Yquem 1921 est tellement grand qu’il a eu mes faveurs comme celles du consensus. Le financier est l’ami naturel du Chypre.

Le vote des onze participants pour leurs cinq préférés parmi treize vins n’est pas une chose facile tant les vins sont différents. Selon quels critères peut-on départager Salon 64 Yquem 1921 ? Mais tout le monde a réussi à voter. Une chose me plait énormément : onze vins sur les treize ont eu des votes ce qui montre que onze vins méritaient de figurer parmi les cinq premiers d’au moins un convive. Cinq vins ont eu l’honneur d’être classés premiers. Trois vins ont été classés trois fois premiers : Salon 1964, Pétrus 1976 et Yquem 1921. Deux autres vins ont eu un vote de premier : Fargues 1943 et Chypre 1870.

Le classement du consensus est : 1 - Château d'Yquem Sauternes Lur Saluces 1921, 2 - Pétrus Pomerol 1976, 3 - Champagne Salon Le Mesnil  1964, 4 - Château Lafite-Rothschild Pauillac 1908, 5 - Vin de Chypre 1870, 6 - La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1961.

Mon classement est : 1 - Château d'Yquem Sauternes Lur Saluces 1921, 2 - Vin de Chypre 1870, 3 - Champagne Salon Le Mesnil  1964, 4 - Pétrus Pomerol 1976, 5 - Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1978.

La cuisine que nous avons goûtée, maîtrisée, simplifiée parfois, a été l’une des plus pertinentes que nous ayons connues. Bravo à Pierre Gagnaire mais aussi à toute son équipe. Le service des vins par Logan a été attentif et parfait, le service de table montre une implication intelligente et motivée de toutes les équipes.  L’ambiance de la table, joyeuse mais attentive à comprendre les vins et les accords a fait de ce repas aux vins particulièrement prestigieux un des plus beaux des 222 dîners que j’ai eu l’honneur d’organiser avec de grands chefs et de grands vins.

Champagne Dom Ruinart magnum 1998 Champagne Salon Le Mesnil 1964 Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962 Meursault Leroy Négociant 1966 Château Lafite-Rothschild Pauillac 1908 Pétrus Pomerol 1976 Grand Musigny Faiveley 1906 La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1961 Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1978 Vega Sicilia Unico 1969 Château de Fargues Sauternes Lur Saluces 1943 Château d'Yquem Sauternes Lur Saluces 1921 on peut voir le 2 et le 1 en regardant bien Vin de Chypre 1870 j'ai mis en référence une étiquette plus lisible que celle de la bouteille qui a été ouverte La bouteille de Vega Sicilia Unico 1969 et celle de Chypre 1870 ne sont pas sur la photo ci-dessus mais elles sont sur la photo ci-dessous prise au restaurant la lettre de Pierre Gagnaire et le menu les votes des participants fin de repas

Huîtres et Dom Pérignon 1990 samedi, 24 mars 2018

Ma femme est allée faire des courses. Elle revient et me dit : je vais avoir besoin de toi et ça commence par un « H ». Depuis que je me suis trouvé un talent d'écailler, je sais que H veut dire huître. Je vais voir de quoi il s'agit et mon intuition est bonne. Il y a une trentaine d'huîtres car le marchand a arrondi les douzaines. Je cherche le couteau qui m'a fait découvrir que je savais ouvrir les huîtres et je commence. A la deuxième huître, la pointe d'acier se casse et je n'ai plus qu'un couteau qui ne peut pas pointer. Il y a dans le tiroir un autre couteau à huître avec lequel je n'ai jamais eu de bons résultats. La suite des évènements est un chemin de croix. Toutes des demi-minutes, je maudis ce sort contraire qui me pousse à ouvrir des huîtres avec un mauvais outil. Je ne cesse de répéter qu'un bon ouvrier ne peut agir s'il n'a pas les bons outils. Je peste, et quand je peste, ça s'entend. Ma femme m'encourage tout en disant que je radote et rongeant mon frein, j'arrive au bout de l'ouverture non sans avoir laissé en route –et pas sur les huîtres – quelques gouttes de sang.

Le plateau est prêt et l'énergie que j'ai déployée mérite, à mes yeux, d'être récompensée. J'ouvre un Champagne Dom Pérignon 1990. Le bouchon est coiffé par un muselet de couleur vert olive inhabituel. Le bouchon vient sans histoire avec un beau pschitt. La couleur du champagne est claire, à peine ambrée. Dès le premier contact, je suis face à une immanence. Ce champagne est parfait. Et face à la perfection, point n'est besoin d'analyser. Ce Dom Pérignon est là, parfait, et l'important est d'en jouir. Avec l'iode de l'huître, il y a une multiplication d'énergie et d'intensité. Le champagne est électrique tant il est vif. Il y a en lui des accents floraux et romantiques mais il est aussi vineux. Ce qui me fascine c'est l'équilibre et la sérénité et la profondeur du message. J'avais aimé récemment le Dom Pérignon 2009 qui me semble avoir l'âme de Dom Pérignon, mais là, avec ce 1990, je bois la gloire de Dom Pérignon. Quelle grandeur, quelle grâce. C'est la perfection du champagne de charme et de persuasion. Avec les huîtres il n'y a aucun accompagnement, seulement du pain et du beurre. Et il faut absolument boire le champagne juste après les huîtres pour que l'iode se multiplie dans le champagne. La force vineuse est là, mais c'est le charme qui triomphe.

Je me sens prêt à ouvrir d'autres huîtres, s'il y a de telles récompenses !

qu'est ce muselet Eparnix ?

Déjeuner au Cercle Interallié dimanche, 18 mars 2018

Déjeuner au Cercle Interallié à l'invitation d'un membre. L'immeuble qui abrite le Cercle est imposant et d'une décoration raffinée. Tout y est élégant. Nous allons dans la belle salle à manger du premier étage et pour une fois il fait beau et le soleil illumine le jardin. Nous prenons un champagne au verre. C'est le Champagne Bruno Paillard Blanc de Blancs sans année. J'ai une petite réserve que mes amis n'ont pas. Car même si ce champagne a une certaine ancienneté, même s'il est agréable, il lui manque une petite étincelle de génie. Nous commandons la même entrée, des petites asperges blanches qui seront les premières de l'année. Elles sont délicieuses. Personnellement je prends un cabillaud et mes amis du saumon.

Je suggère que nous prenions du champagne et dans la belle carte je suggère le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle. Et mes amis comprennent mes légères réserves précédentes, car ce champagne floral, romantique, a une forte personnalité. Il est très élégant et prenant. Sur les asperges il est vif et je l'apprécie aussi sur le cabillaud bien traité. Il reste du champagne pour les fromages et pour les desserts présentés sur un chariot, qui sont d'une telle tentation que toutes les résolutions s'effondrent. Le millefeuille est un délicieux péché. L'ambiance de ce Cercle est une des plus agréables qui soient.

Discovery of Salon 2007 dimanche, 18 mars 2018

Didier Depond, president of the Champagnes Salon and Delamotte had suggested that we have lunch together. He is an extremely busy man so the date of the appointment has coughed three times. We meet at the restaurant Le Petit Sommelier which is known for its high quality wine list. What I did not notice until then was that the proximity of the Montparnasse train station means that many travelers come with their suitcases piling up in all the open spaces. My jacket given to the staff was distorted by this pyramid of suitcases.

When I arrive, I ask the table chosen by Mr. Depond and the pretty Manon, sommelière that I did not know, said to me: "I saw your brother last night". I ask her: "Jean Audouze?" And she answers yes, astonished at this coincidence. This supposes that Didier Depond announced that I would be his guest and that she had the information. Being in advance I have time to reread the wine list and dream of a thousand good wines that deserve our interest.

Didier arrives, we kiss, and he asks Manon to serve the wines he has already provided. He serves the Champagne Salon 2007 which he tells me that I will be the first in the world to taste it. We know that the great seducers say to their conquests that this is the first time they fall in love, but why not believe what Didier told me. We choose our menus. For both of us there will be oysters, then the hearty platter of pork and other foie gras. My meat will be a leg of lamb with garlic.

We will compare the 2007 Salon Champagne in two different glasses. With one, the Champagne Salon is wide and friendly. With the other he is sharp and intense. Well, clever who would say which is better but we will continue the other champagnes with the glass that makes the 2007 sharp and intense.

The 2007 Salon's nose is impressive, lively and salty. In the mouth we look at each other because this 2007 is the absolute definition of a big Salon. He has everything for him. Didier willingly compares to the 1997 he loves. I join him. It is not a champagne of affirmation, even if it imposes itself, but it has all the subtle grace of Salon. It's a wonderful champagne. With oysters the association is a treat because it is the salt that brings them together. And the oysters are delicious.

On pork, on foie gras, the Salon is perfect but there are no surprises. With small sardines the agreement is major.

I am thrilled because this 2007 promises to be huge and its DNA is that of the most beautiful Salon.

On the meat Didier served Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2008. It is a beautiful champagne wide. We are not at the Salon level but we must not compare because this Delamotte has a very beautiful complexity. It is generous and easygoing.

Didier also serves the Champagne Delamotte Blanc de Blancs Collection 1999. This champagne was disgorged about 18 months ago. He is brilliant. It's good champagne that we taste greedily because we know that we are facing a generous champagne and fine. At this point, the 1999 is much more interesting than the 2008, but the 2008 has a great future. There is in 1999 a certain race that makes it a very flexible champagne for gastronomy and very racy for drinking alone.

I brought in my musette the rest of Cyprus 1869 drunk until then with my son. It is the chocolate cake that will be the least problematic dessert for this wine. It is still amazing, with an amazing freshness and acidity and more velvety mid-palate notes. It did not vary by one gram. It must be said that in 149 years, it had time to assemble itself. I give a glass to Manon who is conquered and other friendly staff members a taste.

The food in the restaurant is simple but good because the products are good. The oysters in particular are superb. The atmosphere is that of a bistro but we can see that there are wine lovers who enjoy the excellent wine list. With Didier we found childhood memories that are common despite the fact that a generation separates us.

Didier was generous and managed to highlight the relevance of Delamotte champagnes. And he made me the gift of making me discover the Salon 2007 which will be in the history of Salon a great romantic and floral Salon, of crazy distinction. It is the soul of Salon that he delivered us in this extremely friendly meal.

(pictures are in the article in French, just below)

Découverte du champagne Salon 2007 deux mois avant sa commercialisation jeudi, 15 mars 2018

Didier Depond, président des champagnes Salon et Delamotte m'avait proposé que nous déjeunions ensemble. C'est un homme extrêmement occupé aussi la date du rendez-vous a toussoté trois fois. Nous nous retrouvons au restaurant Le Petit Sommelier qui est connu pour sa carte des vins de grande qualité. Ce que je n'avais pas remarqué jusqu'alors, c'est que la proximité de la gare Montparnasse entraîne que de nombreux voyageurs viennent avec leurs valises qui s'amoncellent dans tous les espaces libres. Mon blouson s'est vu distordu par cette pyramide de valises.

Lorsque j'arrive, je demande la table retenue par M. Depond et la jolie Manon, sommelière que je ne connaissais pas, me dit : « j'ai vu votre frère hier soir ». Je lui demande : « Jean Audouze ? » et elle me répond oui, étonnée elle-même de cette coïncidence. Cela suppose que Didier Depond ait annoncé que je serais son invité et qu'elle en ait eu l'information. Etant en avance j'ai le temps de relire la carte des vins et d'imaginer mille pépites qui mériteraient notre intérêt.

Didier arrive, nous nous embrassons, et il demande qu'on nous serve les vins qu'il a déjà fait préparer. Il fait servir le Champagne Salon 2007 dont il me dit que je serai le premier au monde à le goûter. On sait que les grands séducteurs disent à leurs conquêtes que c'est la première fois qu'ils tombent amoureux, mais pourquoi ne pas croire ce que Didier me dit. Nous choisissons nos menus. Pour nous deux il y aura des huîtres, puis le copieux plateau de cochonnailles et autres foies gras. Ma viande sera un gigot d'agneau aillé.

Nous allons comparer le Champagne Salon 2007 dans deux verres différents. Avec l'un, le champagne Salon est large et convivial. Avec l'autre il est vif et tranchant. Bien malin qui dirait lequel est préférable mais nous continuerons les autres champagnes avec le verre qui rend le 2007 vif et tranchant.

Le nez du Salon 2007 est impressionnant, vif et salin. En bouche nous nous regardons Didier et moi car ce 2007 est la définition absolue d'un grand Salon. Il a tout pour lui. Didier le compare volontiers au 1997 qu'il adore. Je le rejoins. Ce n'est pas un champagne d'affirmation, même s'il en impose, mais c'est toute la grâce subtile de Salon. C'est un magnifique champagne. Avec les huîtres l'accord est un régal car c'est le sel qui les réunit. Et les huîtres sont délicieuses.

Sur les cochonnailles, sur le foie gras, le Salon est parfait mais il n'y a aucune surprise. Avec de petites sardines l'accord est majeur.

Je suis aux anges, car ce 2007 promet d'être immense et son ADN est celui des plus beaux Salon.

Sur la viande Didier fait servir le Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2008. C'est un superbe champagne bien large. On n'est pas au niveau du Salon mais il ne faut pas comparer car ce Delamotte a une très belle complexité. Il est généreux et facile à vivre.

Didier fait aussi servir le Champagne Delamotte Blanc de Blancs Collection 1999. Ce champagne a été dégorgé il y a environ 18 mois. Il est brillant. C'est du bon champagne que l'on goûte goulûment car on sait qu'on est en face d'un champagne généreux et fin. A ce stade, le 1999 est beaucoup plus intéressant que le 2008, mais le 2008 a un grand avenir. Il y a dans le 1999 une race certaine qui en fait un champagne très flexible pour les accords et très racé pour le boire seul.

J'ai apporté dans ma musette le reste du Chypre 1869 bu jusqu'alors avec mon fils. C'est le gâteau au chocolat qui sera le dessert le moins problématique pour ce vin. Il est toujours aussi étonnant, avec en attaque une fraîcheur et une acidité étonnantes et des notes plus veloutées en milieu de bouche. Il n'a pas varié d'un gramme. Il faut dire qu'en 149 ans, il a eu le temps de s'assembler. Je fais goûter à Manon qui est conquise ainsi qu'aux autres membres du personnel extrêmement sympathiques.

La cuisine du restaurant est simple mais bonne car les produits sont bons. Les huîtres en particulier sont superbes. L'ambiance est celle d'un bistrot mais on voit bien qu'il y a des amateurs de vins qui profitent de l'excellente carte des vins. Avec Didier nous nous sommes trouvé des souvenirs d'enfance qui sont communs malgré le fait qu'une génération nous sépare.

Didier a été généreux et a réussi à mettre en valeur la pertinence des champagnes Delamotte. Et il m'a fait le cadeau de me faire découvrir le Salon 2007 qui sera dans l'histoire de Salon un grand Salon romantique et floral, de distinction folle. C'est l'âme de Salon qu'il nous a délivrée en ce repas extrêmement amical.

la bouteille de Salon 2007 que Didier Depond m'a dédicacée les photos prises par Didier pendant le repas

An incredible « unknown soldier » probably prephylloxeric, was immense lundi, 12 mars 2018

An incredible "unknown soldier" probably prephylloxeric, was immense

I bought a cellar which is a cave of Ali Baba, because there are wines that are part of dear desires. All are over 140 years old. The wines arrived in my cellar and I put them in areas that I organized to make me dream. Of course, when my son comes to Paris, I want urgently to show him. We spend long hours looking at the bottles and putting nearby the bottles I already had that are from the same origins. We are talking, we are like in a dream and I think of tonight's dinner. My wife being in the south, we will be two. It is tempting to take a bottle in the new shipment and in a natural way I take the lowest of the many bottles of Cyprus 1869 wines that are one hundred years older than my son. A bottle, the only one, has a level at half height. I take it.

We need big champagne and it will be a beautiful 1973. To begin, we will take champagne more likely without risk and it will be a 2005. It lacks something else. When a young collaborator helped me organize my cellar, she had stored unidentifiable wines in specific places. In one of the places, the bottle ass that I see is likely to be from the 19th century. Depth, irregularity of the circumference of the bottom of bottle, all sign the seniority. I look at the bottle without indication. It must be a white Burgundy whose color is beautiful. Another bottle has the same bottom but not quite. That's when I see a Bordeaux bottle infinitely smaller than the broad and Burgundian dresses, and what strikes me is the incredible finesse of the crease of the bottom of the bottle, between the cylinder and the ass. The ass is deep but everything in the bottle is frail. With the help of a lamp I try to see the color of the wine and I have a click. It is this bottle that must be chosen.

We go home and at 5 pm I open the bottles. The Bordeaux wine capsule is blue, a dragonfly blue softened by the years. And on the top of the capsule there is a marine anchor on which rests a bunch of grapes. Nothing else is visible. Classically the cork is crumbling because there is in the middle of the neck an extra thickness that strangles the cap. We must tear the plug so that it is removed. Even in crumbs we see that the quality of the cork is very beautiful. The level in the bottle is mid-shoulder. When I feel, I am surprised that there is such a generous red fruit. The promise is beautiful too is it appropriate to leave the bottle quiet in a rather cool atmosphere.

The bottle of 1869 Cyprus, which has lost nearly half of its content, has on the contact disc between the surface and the glass a myriad of white bubbles which are frankly uninviting. But it must be said that I chose the most injured of all the bottles. The cap is covered with a huge light wax hat that is cut with a knife. The cap is not two centimeters long and as often with this type of wine, it has twisted, the bottom of the cap having nothing horizontal. The cap smells of vinegar and the wine in the bottle smells of vinegar. It seems bad to me.

For the aperitif we will have small sardines, sausage, pâté, and for the dish we will have delicious ribs of lamb prepared with many spices of the south and for the continuation, we will improvise.

Pierre Péters Blanc de Blancs Grand Cru Champagne The spirit of 2005 has a color that is darker than I could imagine. The bubble is active. The champagne is beautiful, but what is it young! I lost the taste for so young champagnes. The more time passes and the more the qualities of this Blanc de Blancs are shown. It is with the sardines that it is the most alive, more than with the sausage or the pâté. It's really a champagne of gastronomy.

My son cooks lamb chops and we taste the unknown wine. The nose evokes red fruits. It is generous. On the palate, the wine is a miracle. It has intonations of beautiful red fruits with an exemplary freshness. Its length is unreal. Immediately I think of Chateau Margaux 1928 because of the red fruits and the feminine side of the wine, but it is clear that the wine is much older, because the bottle is from the 19th century and cannot be a re-used bottle. So I'm looking for what it is. It is a wine so feminine that it evokes me a Margaux. But it has such an aromatic persistence and such freshness that it must be an eternal wine. And the idea comes to me that it could be a prephylloxeric wine. As it is necessarily the 19th century, as it has the nobility of a first grand cru classé, why not imagine that it is a Chateau Margaux 1870 or a prephylloxeric year of this castle. And that's when I remember that I have a Château Margaux 1887 whose capsule is blue. I'll have to go look in the cellar. But for now I want it to be a Chateau Margaux 1870. No one can contradict me, I do not try to convince anyone, but there is an important point that deserves to be reported. I drink with my son many very great wines. This is the first time I say to him during a meal: "Let's be silent and concentrate on this wine". I would not be far from thinking it's the biggest Bordeaux I've drunk, but if I want to be objective, Mouton 1945 or Lafite 1900 have more presence. But in terms of charm, I do not see any wine that could offer such a beautiful romantic fruit associated with such length. The prephylloxeric character is felt because of the youth of the wine and especially the impression that this eternal wine would be the same if it was open in one hundred years.

My son and I are knocked out. We look at each other as two athletes who have just realized that they have finished running a marathon. We know that we have accomplished a feat. That's what we feel. And all the more so because we do not know what we drink. This moment of grace has a particular importance.

After this unforgettable moment that justifies more than ever the risks that I took to buy bottles that are of no interest to many people, what to drink? The Cyprus wine, which had long held a belt of white bubbles, lost them. The wine looks much more pure. And there is no longer any sketch of vinegar. But after a wine as extraordinary as this Bordeaux, the Cyprus wine, even getting rid of its defects, will not shine. Also, as the aeration makes him progress, let him one more day to aerate.

I open the Charles Heidsieck Royal Charles Brut Champagne 1973. The bottle is beautiful and very original. His label is like new. The stopper breaks and even with the corkscrew it cannot be prevented that the cork bottom also breaks. The color of the champagne is magnificent; a light blond gold, the imperceptible bubble at the exit of the cap gives way to a sparkling very clear and very active. The champagne is lively, vibrant, and sharp as the blade of a samurai sword. It is huge and shows that if the champagne Péters has great qualities, it cannot fight against the effect so beneficial of age. I take some Camembert on the Royal Charles. We then nibble biscuits and chat about everything and anything.

It seems to me that we have probably never been so moved by a wine like this unknown Bordeaux with incredible red fruit and the length and freshness of the greatest wines that we have drunk.

(pictures of this dinner are in the article below)

Un incroyable « soldat inconnu » probablement préphylloxérique lundi, 12 mars 2018

J'ai acheté une cave qui est une caverne d'Ali Baba, car s'y trouvent des vins qui font partie de chers désirs. Tous ont plus de 140 ans. Les vins sont arrivés dans ma cave et je les range dans des zones que j'ai organisées pour qu'ils me fassent rêver. Bien évidemment, lorsque mon fils vient à Paris, je n'ai qu'une envie, c'est de lui montrer. Nous passons de longues heures à regarder les bouteilles et à ranger près d'elles les bouteilles que j'avais déjà et qui sont de mêmes origines. Nous parlons, nous nous extasions et je pense alors au dîner de ce soir. Ma femme étant dans le sud, nous serons deux. Il est tentant de prendre une bouteille dans le nouvel arrivage et de façon assez naturelle je prends la plus basse des nombreuses bouteilles de Chypre 1869 vins qui sont plus vieilles de cent ans que mon fils. Une bouteille, la seule, a un niveau à mi-hauteur. Je la prends.

Il faut ensuite un grand champagne et ce sera un beau 1973. Pour commencer, on prendra un champagne plus probablement sans risque et ce sera un 2005. Il manque autre chose. Lorsqu'une jeune collaboratrice m'avait aidé à organiser ma cave, elle avait stocké dans des cases des vins impossibles à identifier. Dans une des cases, le cul de bouteille que je vois a toutes chances d'être du 19ème siècle. Profondeur, irrégularité de la circonférence du bas de bouteille, tout signe l'ancienneté. Je regarde la bouteille sans indication. Ce doit être un blanc de Bourgogne dont la couleur est belle. Une autre bouteille a le même fondement mais pas tout à fait. C'est alors que je vois une bouteille bordelaise infiniment plus menue que les larges et fessues bourguignonnes, et ce qui me frappe, c'est la finesse incroyable du pli de bas de bouteille, entre le cylindre et le cul. Le cul est profond mais tout dans la bouteille est frêle. Avec l'aide d'une lampe j'essaie de voir la couleur du vin et j'ai un déclic. C'est cette bouteille qu'il faut choisir.

Nous rentrons à la maison et à 17 heures j'ouvre les bouteilles. La capsule du vin bordelais est bleue, d'un bleu de libellule adouci par les ans. Et sur le haut de la capsule il y a une ancre de marine sur laquelle repose une grappe de raisin. Rien d'autre n'est visible. Fort classiquement le bouchon vient en miettes car il y a au milieu du goulot une surépaisseur qui étrangle le bouchon. On doit donc déchirer le bouchon pour qu'il s'extirpe. Même en miettes on voit que la qualité du liège est très belle. Le niveau dans la bouteille est à mi- épaule. Lorsque je sens, je suis surpris qu'il y ait un fruit rouge aussi généreux. La promesse est belle aussi est-ce opportun de laisser la bouteille tranquille dans une atmosphère assez fraîche.

La bouteille de Chypre 1869 qui a perdu près de la moitié de son contenu a sur le disque de contact entre la surface et le verre une myriade de bulles blanches qui sont franchement peu engageantes. Mais il faut savoir que j'ai choisi la plus blessée de toutes les bouteilles. Le bouchon est recouvert d'un énorme chapeau de cire très légère qui se découpe au couteau. Le bouchon ne fait pas deux centimètres de longueur et comme souvent avec ce type de vins, il s'est twisté, le bas du bouchon n'ayant rien d'horizontal. Le bouchon sent le vinaigre et le vin dans la bouteille sent le vinaigre. Ça me paraît mal parti.

Pour l'apéritif nous aurons des petites sardines, du saucisson, du pâté, et pour le plat nous aurons de délicieuses côtes d'agneau préparées avec moult épices du midi et pour la suite, nous improviserons.

Le Champagne Pierre Péters Blanc de Blancs Grand Cru L'esprit de 2005 a une couleur qui est plus foncée que ce que je pouvais imaginer. La bulle est active. Le champagne est beau, mais qu'est-ce qu'il est jeune ! J'ai perdu le goût pour des champagnes si jeunes. Plus le temps passe et plus les qualités de ce blanc de blancs se montrent. C'est avec les sardines qu'il est le plus vif, plus qu'avec le saucisson ou le pâté. C'est vraiment un champagne de gastronomie.

Mon fils cuit les côtelettes d'agneau et nous goûtons le vin inconnu. Le nez évoque des fruits rouges. Il est généreux. En bouche, le vin est un miracle. Il a des intonations de beaux fruits rouges avec une fraîcheur exemplaire. Sa longueur est irréelle. Immédiatement je pense à Château Margaux 1928 à cause des fruits rouges et du côté féminin du vin, mais force est de constater que le vin est beaucoup plus vieux, car la bouteille est du 19ème siècle et ne peut pas être une bouteille de réemploi. Alors je cherche. C'est un vin si féminin qu'il m'évoque un margaux. Mais il a une telle persistance aromatique et une telle fraîcheur que ce doit être un vin éternel. Et l'idée me vient qu'il puisse s'agir d'un vin préphylloxérique. Comme il est forcément du 19ème siècle, comme il a la noblesse d'un premier grand cru classé, pourquoi ne pas imaginer qu'il s'agisse d'un Château Margaux 1870 ou d'une année préphylloxérique de ce château. Et c'est alors que je me souviens que j'ai un Château Margaux 1887 dont la capsule est bleue. Il faudra que j'aille la regarder en cave. Mais pour l'instant j'ai envie que ce soit un Château Margaux 1870. Personne ne pourra me contredire, je ne cherche à convaincre personne, mais il y a un point important qui mérite d'être signalé. Je bois avec mon fils de nombreux très grands vins. C'est la première fois que je lui dis en cours de repas : « taisons-nous et recueillons-nous sur ce vin ». Je ne serais pas loin de penser que c'est le plus grand bordeaux que j'aie bu, mais si l'on veut être objectif, Mouton 1945 ou Lafite 1900 ont plus de charpente. Mais au niveau du charme, je ne vois pas de vin qui pourrait offrir un si beau fruit romantique associé à une telle longueur. Le caractère préphylloxérique est ressenti à cause de la jeunesse du vin et surtout de l'impression que ce vin éternel serait le même s'il était ouvert dans cent ans.

Mon fils et moi, nous sommes KO. Nous nous regardons comme deux athlètes qui viennent de se rendre compte qu'ils ont fini de courir un Marathon. On sait qu'on a accompli un exploit. C'est ce que nous ressentons. Et c'est d'autant plus fort que nous ne savons pas ce que nous buvons. Cet instant de grâce a une importance particulière.

Après ce moment inoubliable qui justifie plus que jamais les risques que j'ai pris d'acheter des bouteilles qui n'intéressent quasiment personne, que boire ? Le vin de Chypre qui avait gardé longtemps une ceinture de bulles blanches les a perdues. Le vin paraît beaucoup plus pur. Et il n'y a plus la moindre esquisse de vinaigre. Mais après un vin aussi extraordinaire que le bordeaux, le Chypre, même débarrassé de ses défauts, ne pourra pas briller. Aussi, comme l'aération lui fait faire des progrès, laissons-lui un jour de plus à s'aérer.

J'ouvre le Champagne Royal Charles Brut Charles Heidsieck 1973. La bouteille est belle et d'une forme très originale. Son étiquette est comme neuve. Le bouchon se brise et même avec le tirebouchon on ne peut empêcher que le bas de bouchon se brise aussi. La couleur du champagne est magnifique, d'un or blond léger, la bulle imperceptible à la sortie du bouchon laisse la place à un pétillant très net et très actif. Le champagne est vif, vibrant, tranchant comme la lame d'un sabre de samouraï. Il est immense et montre que si le champagne Péters a de grandes qualités, il ne peut lutter contre l'effet si bénéfique de l'âge. Je prends un peu de camembert sur le Royal Charles. Nous grignotons ensuite des petits biscuits et nous bavardons de tout et de rien.

Il me semble que nous n'avons probablement jamais été aussi émus par un vin comme ce bordeaux inconnu aux fruits rouges invraisemblables et à la longueur et la fraîcheur des plus grands vins que nous ayons bus.

le vin de Chypre 1869 a une cassure de verre sur le goulot qui doit dater de plus d'un siècle photos prises lorsque la bouteille est vide : les deux bouteilles, celle du bordeaux étant vide les côtelettes

Magnificent lunch in restaurant Michel Rostang samedi, 24 février 2018

It has been a long time since I had shared beautiful bottles with my friend Tomo. We missed it. So when there is a lack, you have to catch up with prestigious bottles. We'll be two and here's the program: Cheval Blanc 1947, Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1994, Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Senior 1938. There are only red wines, but we also need to explore unconventional tracks. I arrive at 11 am at the restaurant Michel Rostang to open the two wines in my possession, the wine of Henri Jayer from my cellar and the Hermitage that we bought together, Tomo and me. The cork of Cros Parantoux is no problem and the nose of the wine has a rare youth. The Hermitage capsule is difficult to remove entirely because the tin is very fragile and stuck to the top of the cork. The cork seems to me to have the same problems as that of the Montrose 1964: cork incredibly friable and soaked, plug stuck to the walls, and "sherry on the cake", extra thickness on part of the neck, which prevents it from going out without tearing. The cork comes in a thousand pieces but I can come out without a crumb falling into the wine. Jasmin, a young assistant sommelier from Baptiste, the excellent sommelier who follows Alain Ronzatti, the restaurant's historic sommelier, filmed the opening of this wine. The perfume of the Rhône wine seems solid and promising. I write these lines while waiting Tomo who will come with a Cheval Blanc 1947 bottled by Calvet who had received this wine in barrels. This is the first time I see this mythical wine in Calvet bottling. In the meantime, waiting for Tomo, I'm putting the menu together with Michel Rostang himself. He had asked by Baptiste which dish would advise the estate for this Hermitage 1938. The estate has no archive before 1945 and the advice given is veal rather than red meat. It turns out that Michel Rostang and his wife have lunch before the service in the room next to the kitchen and I see a nice piece of beef that is sliced to them. I do not hesitate, it will be beef and not veal. Tomo arrives a little after the twelve strokes of noon and I open the bottle. The capsule is neutral which is amazing and the cap is neutral and very short. It is a cork of modest quality. Tomo wonders if the bottle is genuine. I have not the slightest doubt because a forger who wants to make a Cheval Blanc 1947 would do otherwise. To give the Bordeaux time to breathe, we will change the order of the wines and Cros Parantoux will be served before the Cheval Blanc. The Bordeaux nose seems logical to me with the year or at least the period and with the appellation. The delicious small appetizers would be better suited to a champagne than a burgundy as noble but we taste it anyway and we are amazed. The nose of the Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1994 is expressive and intense and the mouth combines with great elegance an absolute delicacy and a beautiful power. This wine tunes its complexities in all directions and never a sip is like the previous one. The wine is welcoming us and we feel that we are facing a great wine of Henri Jayer. We are happy. We are now served the truffle sandwiches that have contributed to the reputation of Michel Rostang. They are divine and it seems to me that it would be a shame to eat them with the so subtle Cros Parantoux. I therefore ask that we serve the Château Cheval Blanc 1947. The color in the glass is very dark compared to the color particularly light of the Burgundy. The nose is authentic but discreet. The mouth is lacking in size. It is a beautiful wine but it is not the legend. But you have to know how to wait. The Saint-Emilion is very consistent with the heavily truffled sandwiches and expands with them. The sweetbread that comes almost naked on the plate, which I love, will make shine the Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1994. The wine finds in the agreement a beautiful energy. He keeps the delicacy and the subtlety, gains in power, and its complexities are of a rare nobility. The intense taste does not stop to mark the palate. We are thrilled.

For Château Cheval Blanc 1947, I asked Michel Rostang to prepare fillets of red mullet just pan-fried with a small sauce. The dish is served with a simplicity that delights me, with a cannelloni of Jerusalem artichoke. The red mullet plays a role of flavor enhancer for the wine that takes a width beyond measure what it showed until then. We begin to lift the veil of a possible great wine. There is no doubt that this is a real Cheval Blanc 1947, but we only have 80% of what is this legendary wine. We feast, but not the seventh heaven he should offer us.

The beef is served in slices with a truffle puree and a leaded sauce of truffle chips excites its taste. With a particular generosity the butler will cover the meat with thin slices of truffles as if a Pinatubo of truffle wanted to drown the meat. The Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1938 is a bottle of rare beauty. The level is very suitable for a bottle of this age to about 5 cm. The wine that is served is quite cloudy and I do not like its earthy color so much. But the nose of the wine is pure and its taste is rich and generous. The domain Jaboulet had told Baptiste that it is likely that this 1938 looks like a 1962 which is very Burgundian and it is true that it has a beautiful delicacy but the wine is resolutely Rhone. There is indeed in the final evocations of terroir that are more Rhône than Burgundy. Meat and truffle transport this wine to beautiful heights. The rich and spontaneous wine, very straight, is of high quality. There is enough wine left for us to ask for the cheese. It will be only the Saint-Nectaire, which is the only cheese that is sufficiently sweet for these subtle wines.

I brought with me the Marc de Rosé domaine d'Ott 1929. I'm sure this Marc will be the winner of this meal. We order a soufflé Grand Marnier which, not flambé, will be suitable for alcohol. I have not to pray Tomo to confirm that the marc is by far the winner of the meal because on a very dry and strong nose it offers in the mouth an incredible sweetness. It's happiness in liquid.

The room has slowly but surely emptied so let us invite Baptiste and Jasmin to join us. Tomo offers a Champagne Krug Clos du Mesnil 1992. It is interesting to think that 1994 which is not a great year gave us an exceptional Cros Parantoux and that 1992 which is not a great year gives us a Clos du Mesnil of a very high quality. The passing years change the situation for the great wines. We continued chatting while drinking this very young, lively champagne, which combines green notes of beautiful acidity with the nobility of a champagne of perfection.

If we have to rank what we drank which is very disparate; it will be 1: Marc de rosé of Ott 1929, 2 - Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1994, 3 ex aequo Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1938 and Champagne Krug Clos du Mesnil 1992, 5 - Château Cheval Blanc 1947. If a Cheval Blanc 1947 is fifth in a meal, it is that the quality of other wines is exceptional.

The restaurant Michel Rostang has all the nice features of a family home. Before the service, Michel and his wife have lunch while the whole team is struggling all around. The menu was developed with Michel, Baptiste but also with Nicolas Beaumann the chef who could not be present and I had warned that we were opening the Hermitage 1938. All the service was involved for us to have a perfect meal. Each dish highlighted the wine with which it was associated. Everyone fulfilled our wishes. It was one of the best meals we shared, Tomo and me.

(the pictures of this lunch are in the next article just below)