A new kid is born mercredi, 28 novembre 2007

Since yesterday, Hermitage La Chapelle Jaboulet Aîné 1961 has entered in my cellar.

I had drunk this wine once. It was by a dinner that I organised at restaurant Lucas Carton with Alain Senderens. I had opened three wines of Domaine de la Romanée Conti. Alain came to tell me : "one of my best customers dines alone, and he drinks a Hermitage La Chapelle Jaboulet Aîné 1961. He would be happy to offer you a glass". I said yes, and I offered him a wine of Romanée Conti 1956 and of La Tache 1972.

Now, I have one bottle and it is the new born kid of my "family".

I did not resist to the pleasure to make a family portrait.

Cheval Blanc 1947, Pétrus 1928, Richebourg DRC 1929, Hermitage la Chapelle 1961, Yquem 1921. It should form the basis for a nice dinner. Is not it ?

 

 

 

92ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent jeudi, 22 novembre 2007

Le 92ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent. Joseph, un ami canadien qui avait participé au dîner au château d’Yquem voulait fêter ses cinquante ans en ce lieu dont il est familier, lors d’un de mes dîners. Il m’avait demandé de livrer mes vins plus de cinq mois à l’avance pour que l’on puisse déterminer si un long repos dans la cave du restaurant Taillevent apporte un équilibre supplémentaire.

J’arrive à 17 heures pour ouvrir les bouteilles et je croise  à l’entrée un groupe d’américains fidèles du restaurant qui quitte seulement le lieu. Cela a retardé les mises en place du soir, et je dois préparer les vins au milieu d’un ballet efficace. La plus grande surprise vient du Laville Haut-Brion 1948. Le bouchon a baissé dans le goulot de six à sept millimètres et le volume libéré est occupé d’une poussière terreuse noire comme du charbon. L’odeur est de terre de cave. J’époussète cette abondante poudre noire. Mais ce qui mérite la remarque, c’est qu’un centimètre plus bas le bouchon est élastique, plein, jaune liège, ignorant ce qui s’est passé un étage plus haut. Le nez du vin est incertain. L’oxygène va sans doute le réveiller. D’autres odeurs sont poussiéreuses, mais je sais que le retour à la vie est assuré. En découpant la capsule du Clos du Pape 1924, je constate qu’un peu de liquide a suinté vers le haut. Je sens. C’est un caramel pur et insistant qui envahit mes narines et je le signale à Alain Solivèrès lorsque je le salue. La plus belle odeur est celle de La Tâche 1955 et la plus motivante pour moi est celle du Nuits Cailles 1915 toujours présent aux rendez-vous que je lui donne.

J’ai donc le temps, malgré la grève, d’aller faire un tour place Vendôme où toutes les boutiques accueillent leurs clients à l’occasion du premier jour des illuminations de Noël. Je salue l’horloger chez lequel j’ai commis une belle folie. Nous bavardons un peu de l’idée d’un dîner que je ferais en ce lieu d’un luxe évident et je retourne accueillir mes convives. Joseph et son épouse Elizabeth ont constitué une table de douze dont je ne connais que trois personnes. L’Italie, le Canada, les USA sont représentés, mais aussi Paris et Besançon. Jean-Claude Vrinat toujours souriant nous a fait l’honneur de nous attribuer le magnifique salon du premier étage que je considère comme le plus beau salon où l’on peut dîner à Paris, avec ses lambris délicats du 18ème siècle. Une petite table pour deux a été ajoutée car Victoria et Henry, les deux jeunes enfants de Joe, habillés comme des princes, vont avoir un petit dîner, proches de nous, avant qu’une nurse ne les reconduise chez eux. C’est touchant et charmant. Henry aime le champagne. Ouf, je suis sauvé !

Le Champagne Dry Monopole, Heidsieck en Magnum 1955 fait partie de ces bouteilles que j’ouvre avec émotion. Il y a tant de bouteilles dans ma cave que je pourrais être indifférent à sortir des exemplaires uniques comme le Clos du pape 1924 que nous boirons plus tard. Mais il y a aussi des bouteilles qui me tiennent à cœur plus que d’autres, comme le Moët 1945 que nous avons bu au château d’Yquem avec Joe, et comme ce champagne que je chéris et que j’aurai sans doute du mal à remplacer. Ce soir, les vins que j’ouvre avec plus d’émotion que d’autres sont ce champagne et le Nuits Cailles 1915, car son stock se tarira forcément un jour. C’est le deuxième que j’ouvre à une semaine d’intervalle, comme l’Anjou 1928.

Le Dry Monopole 1955 a une belle couleur où le jaune a encore des reflets citronnés. La bulle est présente mais sans grande force. Le goût m’évoque instantanément le miel quand une convive voit des fruits jaunes qui apparaîtront plus tard à mon palais. Ce champagne est éblouissant. Il a un bel équilibre, une longueur ravissante, et des saveurs qui entraînent sur des chemins inexplorés pour beaucoup. Notre groupe est conquis par ce grand champagne émouvant, qui remet en cause toutes les idées reçues sur l’âge optimal d’un champagne.

Nous passons à table et voici le menu, créé sous l’autorité de Jean-Claude Vrinat par Alain Solivérès : Rémoulade de tourteau à l’aneth, crème fleurette citronnée / Epeautre du pays de Sault en risotto aux champignons / Viennoise de sole, boutons de guêtre et vieux comté / Palombe rôtie aux légumes d’automne caramélisés / Tourte de lapin de garenne au genièvre / Cristalline aux coings, glace au riz au lait / Croustillant au chocolat et aux fèves de Tonka. C’est un menu élégant, équilibré, où l’on sent que la cause des vins anciens a été prise en compte. Mais voyons plutôt.

Le Dry Monopole 1955 va s’amuser d’une crème de potimarron qui lui fait décliner d’autres facettes. J’explique à mes convives combien les grands champagnes sont flexibles et compagnons d’audaces gastronomiques.

Le Vouvray sec, clos de Nouys, domaine Maurice Audebert 1966 est pour moi une plaisante surprise. Le vin est jeunet mais sage, équilibré, d’une belle acidité, et sa région serait introuvable si je le dégustais à l’aveugle. Ce n’est qu’en fin de verre que je trouverai quelques indices qui le rattachent à son terroir. L’accord est époustouflant. Le radis qui coiffe le tourteau fait ressortir un goût fortement poivré du Vouvray et chacun peut mesurer à quel point le vin améliore le plat et le plat améliore le vin, ce qui est la définition d’un grand accord. Ce Vouvray constitue pour moi une divine surprise.

Je suis toujours servi par le sommelier des premières gouttes d’une bouteille, pour vérifier le vin. Comme j’ouvre les vins et laisse la bouteille verticale, la part du vin qui a été le plus longtemps proche du bouchon m’est servie en premier. C’est la plus ingrate. Aussi quand j’annonce à tous que le Château Laville Haut-Brion 1948 est fatigué, tout le monde me demande ce qui justifie cet avertissement. Et je verrai que les votes vont me donner tort. Mais ce n’est quand même pas le beau Laville que j’adore. Couleur dorée, saveur de Graves, c’est un vin à la palette aromatique plus large que le Pinot Gris Réserve spéciale, Schumberger 1953 qui est servi en même temps. Vin beaucoup plus joyeux et arrondi que le Laville, j’ai tendance à le préférer, contrairement à l’avis de la table. J’aime sans doute que ce vin simple s’exprime avec bonheur ce soir, car cela fait partie des achats de hasard qui foisonnent dans ma cave, cette bouteille étant unique et sans possibilité d’un nouvel essai, sauf improbable bonne pioche. L’épeautre est délicieux et confirme comme pour le premier plat qu’un goût simple, homogène et lisible est indispensable pour l’harmonie des vins anciens.

Le Vin d’Arbois Vigne de Pasteur 1968 est émouvant à plus d’un titre. La parcelle de vigne qui appartient à la famille de Pasteur est vinifiée par Henri Maire, gratuitement, et le vin n’est pas vendu mais réservé à la famille et à des scientifiques travaillant dans la recherche. Ces bouteilles ne sont accessibles que lors de successions et le premier vin que j’ai bu fut partagé avec l’une des descendantes d’Henri Maire. La vinification spéciale rend ce vin incomparable à tout autre. Je le bois avec émotion. La chair de la sole et le clin d’œil du comté sont très adaptés à ce vin légèrement fumé, gêné par un infime petit goût de bouchon qui disparait très rapidement. Mais la sauce est l’ennemie de ce vin, trop forte, trop typée homard, qui l’effarouche. Boire ce vin, c’est s’approprier un atome d’histoire. Les bisontins présents en éprouvent la sensibilité.

Sur la palombe, Marco, le sommelier chef qui fit une prestation remarquable nous présente ensemble deux vins. Le Château Latour 1957 a une couleur d’une jeunesse incroyable. Comment est-ce possible d’avoir ce rubis intense pour une bouteille de la cave Nicolas que j’ai dans la mienne depuis trente ans peut-être, et qui a un niveau dans le goulot ? A côté, La Tâche, domaine de la Romanée Conti 1955 a une couleur pâle, frêle, un peu marquée par l’âge. Je sens le sel dans La Tâche ce qui laisse sceptique une convive qui en conviendra plus tard lorsque le Nuits Cailles fera ressortir le caractère salin de La Tâche. Ce vin du domaine de la Romanée Conti a un charme imprégnant. Mais je lui trouve une petite fatigue, encore plus accusée par la brillance du Latour que l’on n’attendrait jamais à ce niveau pour un 1957. Quelle race, quelle construction. Un vin brillantissime. Et la juxtaposition d’un bordeaux et d’un bourgogne sur le même plat me plait énormément car les vins sont tellement dissemblables qu’il ne sert à rien de les comparer ou d’en préférer un. Je jouis de l’exposé de ces différences, comme je l’avais éprouvé la veille au restaurant d’Alain Senderens. Malgré mon amour pour les vins du DRC, c’est la performance du Latour 1957 qui me séduit.

Le Nuits Saint-Georges « Les Cailles » Morin Pères & Fils 1915 est vraiment mon chouchou absolu. Sa couleur intense donne un coup de vieux à son cadet bourguignon de quarante ans. Le nez est envoûtant et en bouche, c’est la perfection de la Bourgogne qui nous ensorcèle. Il y a autour de la table de grands amoureux de la Bourgogne. Ils sont conquis par ce vin chaleureux, structuré, sain, joyeux, qui est d’une précision exemplaire. Tant d’idées sur les vins anciens tombent avec ce vin, que la table est secouée dans ses préjugés. Et je me demande comment il est possible que ce Nuits soit toujours aussi parfait chaque fois que je l’ouvre. Une réussite incroyable. En croquant la première bouchée de la tourte de lapin extrêmement virile, je me suis demandé si le Nuits subirait le choc de ces saveurs lourdes mais passionnantes. Un tel plat attendrait des vins lourds du Rhône. Mais le Nuits s’en sort remarquablement. La sauce lourde est ici totalement justifiée car le plat la demande. L’accord se fait bien, d’un mutuel consentement.

Nous quittons maintenant le monde des rouges pour celui des vins doux et trois vins ambrés vont s’aligner devant nous. La couleur de mangue ou de pèche jaune de l’Anjou Caves Prunier 1928 fait plaisir à voir . L’ambre du Clos du Pape Fargues  Sauternes 1924 est sombre mais joyeux. Le Château Lafaurie-Peyraguey  Sauternes 1964 fait clair et jeune par rapport à ses aînés. Le nez de l’Anjou est très curieux, multiforme, avec des feuilles vertes qui se mêlent au citron. Une forte impression de litchi envahit la narine. Le Clos du Pape a le nez brillant d’un sauternes épanoui où se déclinent le pamplemousse et la mangue. Le Lafaurie a un nez discret de vin puissant. En bouche, c’est pour moi le Clos du Pape qui survole de loin. L’Anjou 1928 est moins brillant que l’Anjou Rablay 1928, lui aussi des caves Prunier que j’ai ouvert il y a une semaine chez Pierre Gagnaire. Je pense même qu’il y a une légère déstructuration dans ce vin. Le Clos du Pape a perdu l’initiale évocation de caramel pour être plus mangue et l’association avec les coings est absolument divine. La carapace croustillante aurait dû se marier à ce 1924, mais c’est le coing qui est captivant. La présence du Lafaurie-Peyraguey 1964 à côté du 1924 vérifie le théorème que je lance toujours comme une boutade, mais qui est une vérité immuable : « toute personne qui n’a jamais bu de sauternes d’avant 1935 n’a jamais rien bu ». Car le Lafaurie généreux, goûteux, puissant serait joli tout seul. Mais il est infantile à côté du 1924 et trop simple par rapport au flamboiement langoureux de ce vin de 83 ans.

Nous allons vivre maintenant l’un de ces accords qui font date. Le dessert au chocolat est une merveille. Et l’on sait qu’avec le chocolat, l’accord se fera avec du Maury ou avec un alcool brun. Le Vin de Massandra, Collection Massandra (19°) 1953 que j’ai acheté avec un lot de ces vins multiformes de Crimée possède des étiquettes nombreuses et fort bavardes. Mais comme tout est écrit en cyrillique, c’est comme si nous buvions à l’aveugle, car les vins de Massandra ont exploré une impressionnante quantité de cépages. Alors, que trouve-t-on ? Une couleur foncée mais sans la densité d’un porto. Un nez étrange, énigmatique ou furtivement je ressens les effluves de vins médicinaux. En bouche, on est avec une grappa sans la charge alcoolique. C’est très alcool. Et je perçois immédiatement une caractéristique chère à mon cœur : la réglisse. Et ce vin indéfinissable, qui tient de la grappa mais aussi de vins mutés assez doux dont l’alcool ressort s’accorde au chocolat d’une divine façon. C’est voluptueux. Mon palais est celui des festivals, celui dont des stars aux courbes violentes gravissent les marches pour susciter mille rêves de folies. Il y a un mariage d’une sensualité exacerbée qui restera gravé dans ma mémoire car on transcende les deux accords classiques du vin ou de l’alcool sur du chocolat.

Vient le moment des votes. Au risque de me répéter, je prends ces votes avec un plaisir profond et une fierté certaine. Car j’ai apporté douze vins de sept régions différentes et j’ai demandé aux douze votants de désigner quatre vins qui sont leurs préférés sur les douze de cette soirée. S’il y avait quatre vins qui sortent du rang, quatre succès assurés, les votes seraient concentrés. Or onze vins sur douze ont figuré dans les votes. C’est un immense encouragement pour moi à explorer des vins disparates, parfois inconnus et peut-être disparus de toutes les caves. Le seul vin qui n’a pas eu de vote est le Pinot Gris 1953 de Schlumberger que j’ai pourtant trouvé fort bon, et des vins que j’ai estimés en sous performance par rapport à ce qu’ils pourraient être ont eu des votes, comme le Laville Haut-Brion 1948, l’Anjou 1928, La Tâche 1955 ou le vin d’Arbois 1968.

Quatre vins ont eu l’honneur d’une place de numéro un, le Nuits Cailles 1915 quatre fois et le champagne Dry Monopole 1955 quatre fois aussi. Le Clos du Pape 1924 a eu trois votes de premier et le Latour 1957 un vote de premier. Le vote du consensus serait : 1 - Nuits Saint-Georges « Les Cailles » Morin Pères & Fils 1915, 2 - Champagne Dry Monopole, Heidsieck en Magnum 1955, 3 - Clos du Pape Fargues  Sauternes 1924, 4 – Château Latour 1957.

Mon vote a été : 1 - Nuits Saint-Georges « Les Cailles » Morin Pères & Fils 1915, 2 - Clos du Pape Fargues  Sauternes 1924, 3 -  Château Latour 1957, 4 - Champagne Dry Monopole, Heidsieck en Magnum 1955. Ce n’est pas fréquent que le vote du consensus et le mien portent sur les mêmes vins, dans un ordre différent.

Joe me demandant si le séjour prolongé en cave de mes vins apportait quelque chose, je dus lui dire que tant de facteurs jouent sur la performance d’un vin que le passage en cave n’influence que les décimales.

Taillevent a fait comme à son habitude une prestation de grande qualité. Le service efficace, la gentillesse de Jean-Claude Vrinat, le menu bien ordonnancé qui a produit quelques accords rares, le salon de toute beauté, tout cela portait au bonheur. Mais ce fut l’ambiance de la table qui a fait de ce dîner un moment d’une intensité exceptionnelle. Un ami de Joseph qui participa au repas au château d’Yquem fit un petit speech pétillant d’esprit sur Joe et Elizabeth, avec sensibilité, exprima tout ce que Thanksgiving Day apportait à la joie amicale et familiale. Tout le monde a communié à l’amitié, à la bonne chère et aux vins anciens. Ce fut l’un des plus enthousiasmants de mes dîners.

dîner de wine-dinners du 22 novembre 2007 – les vins jeudi, 22 novembre 2007

Champagne Dry Monopole Heidsieck en magnum 1955

Vin d’Arbois Vigne de Pasteur 1968

.

.

.

.

Château Laville Haut-Brion 1948

Château Latour 1957

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1955

Nuits Saint Georges « Les Cailles » Morin Père & Fils 1915

On lit sur la capsule Morin Père & Fils à Nuits Saint-Georges

Anjou Caves Prunier 1928

Château Lafaurie-Peyraguey Sauternes 1964

Clos des Papes Fargues Sauternes 1924

 J'ai ajouté à ce dîner un Vouvray sec Clos de Nouys Maurice Audebert 1966,

un Pinot Gris réserve spéciale Schlumberger 1953

et un Massandra Madeira, Collection Massandra 1953 (19°).

Académie du Vin de France au restaurant Laurent mardi, 20 novembre 2007

L’académie du vin de France, présidée par Jean-Pierre Perrin du Château de Beaucastel tient des séances de travail qui sont suivies chaque année par un dîner de gala auquel on me fait l’honneur de me convier. Les plus grands vignerons français sont présents, ainsi que des journalistes, des restaurateurs et quelques gastronomes bons vivants que l’on reconnaît au tour de taille dont j’ai le calibre. Ce dîner se tient au siège de l’académie, le restaurant Laurent, car chacun se plait à reconnaître en Philippe Bourguignon une excellence qui convient à celle des vins des académiciens.

A 19heures, au premier étage, sont alignés en quatre salles tous les vins qui font rêver les amateurs, généralement de l’année 2005 qui connaîtra un jour la renommée de 1990. Il y a les champagnes et les blancs, et j’adore la subtilité d’un Chablis de Raveneau 2005, d’un Corton Charlemagne Bonneau du Martray 2005 et un tonitruant Meursault Clos de la Barre Comtes Lafon 2005. Les blancs sont particulièrement brillants. La salle suivante est consacrée aux vins rouges qui ne sont pas de Bordeaux, et je suis très agréablement impressionné par le vin rouge du Château d’Arlay 2005. L’Hermitage rouge Chave 2005 est puissant, mais je le trouve serré en ce moment, moins chaleureux que le joyeux Hermitage blanc Chave 2005 que j’avais goûté dans l’autre salle. Le Beaucastel rouge 2005 est plus plaisant que le Chave à ce stade de sa croissance, plus harmonieux. Mais le vin qui remporte tous les suffrages, de cent coudées, c’est le Romanée-Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2004. Je souris, parce que ma passion pour les vins de DRC est telle que je suis probablement partial. Force est de constater que ce vin est absolument immense, d’une subtilité poivrée combinant raffinement, délicatesse et soleil. J’en complimente Aubert de Villaine qui reconnaît qu’il est bien fait. Dans la salle des bordeaux le Corbin Michotte 2005 me plait beaucoup, le Gazin 2005 est très bien fait, et le Montrose 2005 paresse en robe de chambre.

Dans un tout petit bureau il y a trois vins, mais quels vins ! Un Vouvray 2005 de Huet a une verdeur et une acidité qui sont la promesse d’un vin succulent et grandiose dans une trentaine d’années. Alexandre de Lur Saluces a apporté Château de Fargues 2003 élégant, pondéré, qui doit attendre encore avant de nous offrir toutes les merveilles qu’il cache encore. Mais c’est le dernier vin qui est un uppercut à l’âme. Le Gewurztraminer Hugel 2005 dont je n’ai pas noté s’il est sélection de grains nobles est merveilleux en bouche. La valse de la douceur entraînée par l’acidité se prolonge dans un final virevoltant quasi infini. Quelle promesse ! Si je dois voter pour quelques vins, alors que l’esprit de cette présentation n’est pas à comparer mais à profiter, je citerais en premier le Romanée Saint-Vivant DRC 2005, puis le Gewurztraminer Hugel 2005 et le Meursault Comtes Lafon 2005. Tous les autres, dégustés avec leurs propriétaires, sont de grands vins.

Nous passons à table et Jean-Pierre Perrin fait comme d’habitude un discours puissant, engagé, solennel. Le menu conçu par Alain Pégouret, chef sensible de grand talent, avec Philippe Bourguignon est un chef d’œuvre de cuisine et d’harmonie et Jacques Puisais, l’inénarrable raconteur des vins et des mets, signala que ce fut la plus belle réussite qu’il ait connue en cet endroit.

Voici le menu :  Huîtres spéciales « Gillardeau » n° 2 lutées dans leurs coquilles, bouillon de mousserons citronné et fleurette au bacon. / Foie gras de canard grillé posé sur une cracotte, figues et amandes fraîches / Carré de chevreuil et son toast de légumes d’automne au mascarpone / Munster fermier et pain au carvi / Canons de chocolat, l’un finement cacahouèté et l’autre : cerises, oranges amères confites et sauge. Je m’amuse à classer mes préférences, le bouillon de mousserons est divin et la cuisson du foie gras est unique. L’accord le plus éblouissant est sans doute celui du foie gras et du riesling.

Les vins ont été nommés dans le menu qui nous est remis non pas du nom du domaine mais du nom de celui qui représente son domaine ou celui qui a fait le vin. L’attention est charmante.

Il faut bien vite prendre en premier le Chablis Grand Cru « Valmur » Jean Marie Raveneau 2000 pour goûter sa fraîcheur et son message floral et minéral, car le Meursault Premier Cru « Goutte d’Or » Dominique Lafon 2000 est du genre Terminator, à ne pas aimer partager la vedette. Et c’est le plat qui va permettre aux deux de briller d’égale façon, car l’huître seule préfère le Chablis quand les mousserons adorent le Meursault. Les huîtres lutées sont goûteuses à souhait.

Le Riesling Grand Cru « Rangen de Thann » Clos Saint-Urbain 2000 Léonard Humbrecht, quand on le boit seul fait un peu surmaturé, et l’amertume est un peu forte. Mais le foie gras joue un rôle déterminant car il transforme complètement le riesling qui se civilise, s’arrondit pour devenir le gendre idéal du foie.

La juxtaposition de deux monstres sacrés promet d’être passionnante. Comme le dira plus tard Jacques Puisais, ces deux frères ennemis vont en fait se mettre en valeur mutuellement. L’Hermitage rouge Gérard Chave 1998 a une attaque puissante, virile, mais derrière cette façade, il y a de jolies variations sur le fruit. Le Chateauneuf-du-Pape Château de Beaucastel rouge Jean-Pierre Perrin 1998 paraît plus subtil et plus complexe, mais lorsque l’on passe de l’un à l’autre, on se prend à aimer celui que l’on boit. Après de multiples allers et retours, mon cœur penche pour le Beaucastel dont j’aime le romantisme. Mais je suis prêt à adorer les deux.

Le Gewurztraminer Grand Cru « Hengst » Léonard Humbrecht 2000 se prête avec bonheur au jeu des deux munsters, le plus jeune et le plus affiné. Sa jeunesse est quand même un handicap car je sais ce qu’il offrirait avec vingt ans de plus. Venant de boire il y a quelques jours un banyuls de 1925, j’accueille le Banyuls « la Coume » Jean Michel Parcé rimage 1985 avec amitié, sensible à son fruit exubérant. Mais là aussi, il faut à ces vins des décennies de plus pour qu’on en goûte la substantifique moelle.

Le repas fut une réussite spectaculaire. Le service et l’atmosphère sont uniques. Alain Pégouret fut fortement applaudi. J’ai revu des amis avec des milliers de promesses de se rendre visite. Cette fête de l’amitié vigneronne est un grand moment, cher à mon cœur.

Imaginons qu’un coup de baguette magique ait permis d’assister au même repas, avec les mêmes plats et avec les mêmes vins qui auraient, chacun d’eux, vingt ans de plus. Nous aurions gravi deux échelons de plus dans l’échelle du plaisir. Il serait impossible de rassembler autant de bouteilles d’un même millésime ancien pour autant de monde. Mais quel enjeu !

dîner de l’Académie du Vin de France au restaurant Laurent mardi, 20 novembre 2007

Beaucastel 2005 et Hermitage Chave 2005, c'est l'aristocratie du Rhône bue avant le dîner.

 

Crozes Hermitage la Guiraude de domaine Alain Graillot et Chateau Simone 2005

 

Jurançon sec du domaine Cauhapé 2005 et sur la photo : Champlain, le célèbre caviste canadien, probablement le plus grand collectionneur de Romanée Conti en grands formats, François Audouze et Alexandre de Lur Saluces propriétaire de Fargues.

 

Les huîtres lutées sont très belles et le foie gras (à droite) est goûteux à souhait.

 

Merveilleuse cuisine élégante d'Alain Pégouret.

au Joël Robuchon de Las Vegas, Yquem et Cheval Blanc jeudi, 8 novembre 2007

A 19 heures précises, j’arrive au restaurant de Joël Robuchon situé au centre de l’hôtel MGM. Il faut bien un kilomètre entre la dépose du taxi et cet endroit. Nous en ferons bien deux avec des amis au retour, car nous nous sommes perdus dans les méandres des allées qui serpentent entre les tables de jeu. La décoration du lieu est luxueuse, avec des teintes noires, jaune vif et cristal. Les matériaux sont beaux. Tout ici donne une impression de luxe serein. Nous serons peu nombreux à ce dîner, pas plus d’une quinzaine. Je reconnais l’acheteur de vins du Caesar’s Palace dont j’avais fait la connaissance impromptue dans les caves de la Romanée Conti. Pierre Lurton est tout sourire, et bavarde avec la responsable des relations publiques de Joël Robuchon et la journaliste d’une revue de luxe de Las Vegas. Je suis avec Bipin Desai venu exprès pour ce dîner de Los Angeles, un ami suisse, l’agent pour le Nevada de plusieurs grands châteaux bordelais et mon ami de Las Vegas qui a organisé ce dîner est venu avec sa ravissante épouse. Il y a aussi des propriétaires de restaurants ou leurs sommeliers.

Ce dîner fait partie de la tournée de promotion qu’effectue Pierre Lurton dans l’ouest américain. En voici le titre : dégustation de Chateau Cheval Blanc and Chateau d’Yquem. Dîner du jeudi 8 novembre 2007, imaginé par Joël Robuchon. Invité d’honneur : Pierre Lurton.

Le menu : L’avocat - Dans une infusion juste prise aux herbes et une caillebotte à l’huile d’olive / Les crustacés - La langoustine truffée à l’étuvée de chou vert, le homard rôti à la citronnelle avec une semoule végétale, l’oursin accompagné d’une purée de pomme de terre au café / Le Matsukaté - Aux capucines en ravioli, escorté d’un bouillon parfumé au gingembre / Le thon blanc - Confit à l’huile pimentée et relevé d’une nage d’endives aux pistils de safran / Le veau de lait - En mille-feuille de tofu aux délices d’Alba sous une voilette parmesane / Le bœuf de Kobe - Grillé aux matsukatés, cristalline au poivre, cresson en tempura, raifort à la moutarde / La poire William - Glacée aux saveurs fruitées et confite à la crème de cassis / Le Victoria - Ananas parfumé au praliné- noisette givré de thé au jasmin.

Je suis venu surtout pour retrouver la cuisine de Joël Robuchon, mais les vins valent le détour. J’étais un habitué des restaurants de Joël Robuchon d’abord rue de Longchamp chez Jamin puis avenue Raymond Poincaré. Joël était mon Dieu vivant de la cuisine et lorsqu’il a voulu prendre du recul, ce que je comprenais, je n’ai pas voulu me rendre à l’Atelier car l’image immaculée que j’avais de ce chef eût été écornée. J’étais donc impatient de le retrouver avec l’envie de vaincre et d’accrocher trois étoiles à son carnet de notes. En buvant le champagne Dom Pérignon 1999, les petits canapés qui nous sont proposés sont dans la droite ligne du talent que j’ai connu. Il y a des saveurs pesées au trébuchet qui n’appartiennent qu’à son génie. Le Dom Pérignon 1999, malgré l’avis de l’homme qui le fait, Richard Geoffroy, ne m’émeut pas beaucoup. Il est bien fait, mais sans cette pointe de charme et de folie qui doit caractériser ce champagne de fête. Nous passons à table, et l’avocat est tout simplement divin. Joël est le seul qui peut définir des goûts d’une justesse absolue. La langoustine est extraordinaire et ce qui m’intéresse c’est que les emprunts aux cuisines orientales ne nuisent en rien à une expression purement européenne du goût. C’est de la cuisine bourgeoise sublimée. Le champagne Dom Pérignon 1996 est un de ceux que j’aime. Sa personnalité est forte. C’est un grand champagne de gastronomie. L’oursin traité en crème n’a pas l’explosion iodée qu’il pourrait avoir et le homard est relativement conventionnel.

Le Matsutaké est délicieux et met en valeur le Petit Cheval 2001. Si ce vin était seul à boire, le nez affirmé et le goût, même un peu sec, nous pousseraient à l’aimer. Mais il va servir de faire valoir au Cheval Blanc 2001 qui n’en paraît que meilleur. C’est un grand vin. Le thon blanc est moins convaincant que certains autres plats, même si la dextérité est évidente. Le délicieux veau de lait met en valeur deux vins, le Cheval Blanc 1989 et le Cheval Blanc 1990. Alors que le match était sans conteste à l’avantage du 1990, je trouve qu’aujourd’hui le 1989 a retroussé ses manches et sort enfin un grand jeu. Les deux vins sont d’un épanouissement total et je mettrais volontiers ex aequo les deux, même si la feuille de match couronnerait le 1990 plus élégant et charmeur par rapport au 1989 plus puissant et massif.

Le bœuf de Kobe est fondant en bouche, avec un gras extraordinaire. Il est accompagné de deux vedettes, le Cheval Blanc 1998 et le Cheval Blanc 2000. Cette soirée serait-elle révolutionnaire ? Car le Cheval Blanc 2000 ce soir est plus épanoui que le 1998. Ceci montre à quel point les avis ne sont jamais définitifs, car les conditions dans lesquelles on boit les vins changent. Malgré cela, je continue de penser que 1990 est au dessus de 1989 par son charme et son équilibre et que 1998 est au dessus du 2000, même si c’est une extraordinaire réussite, parce qu’il est plus pur, l’exemple historique de ce que Cheval Blanc doit être.

Les desserts ont montré des pistes intéressantes pour explorer Yquem. La crème de cassis est à exclure car les fruits rouges et noirs n’aiment pas Yquem. Mais les autres saveurs mettent en valeur Yquem.

Le château d’Yquem 1996 est assez limité pour mon goût alors que le château d’Yquem 1988 est en pleine force. Il est puissant, équilibré, serein et passe en force tout en ayant une palette aromatique large. Le château d’Yquem 2001 a toujours, c’est vrai, le potentiel de devenir un immense Yquem mais je trouve que ces trois essais en une semaine déboulonnent un peu le 2001 de son piédestal. Je ne le vois plus aussi stratosphérique que l’image que je m’étais forgée.

L’Yquem qui vient maintenant est un Yquem de connaisseurs, d’aficionados. Le Château d’Yquem 1962 en magnum a du thé et de l’abricot. Il est très complexe, énigmatique même. C’est un vin qui surprend à chaque goutte. En dégustation comparative, il aurait de mauvaises notes car il a perdu de son sucre. Les suggestions de thé le rendent assez amer. Mais sa finale d’une fraîcheur invraisemblable en fait un Yquem envoûtant, pour celui qui sait le lire. Car il faut de la patience et de la sérénité pour apprécier cette énigme et cette déroutante expression. Le 1988 et lui sont deux Yquem opposés, le 1988 dans la joie et l’épanouissement, le 1962 dans l’ésotérisme et l’énigme. Quel bonheur.

En écrivant ces lignes, je grignote le cake qui nous fut donné au moment de notre départ, en souvenir de la délicate attention qui existait il y a vingt ans. En sortant du restaurant, Bipin Desai, mon ami suisse et moi nous nous demandions où situer cette cuisine. Joël Robuchon, qui aurait dû nous rejoindre n’est pas venu. C’est son adjoint, Claude Le Tohic, meilleur ouvrier de France, qui a fait la cuisine. Ce n’est sans doute pas la même que si Joël y avait mis la main, même si aujourd’hui ces différences sont peu sensibles. On peut dire que le guide Michelin qui va venir ausculter le lieu dans moins d’une semaine n’aura aucune difficulté à donner trois étoiles, car on est à ce niveau, sans hésitation. Mais est-ce le Robuchon que j’ai déifié ? Si certaines saveurs sont au niveau irréel que Joël a su atteindre, l’ensemble du dîner ne met pas Robuchon très largement au dessus des autres comme il l’était il y a vingt ans. Est-ce que sa table vaut le voyage ? Assurément oui, car c’est certainement l’une des plus grandes tables de la planète. Et faire sa connaissance avec les plus beaux fleurons de Cheval Blanc et d’Yquem, que demander de mieux ?

Une verticale de 35 millésimes de Cheval Blanc à Los Angeles samedi, 3 novembre 2007

Bipin Desai organise de fabuleuses dégustations. Cette fois-ci, c’est à Los Angeles, en quatre repas, deux déjeuners et deux dîners qui se suivent. Nous aurons deux verticales de Cheval Blanc et Yquem, avec un invité d’honneur qui est Pierre Lurton, présidant aux destinées de ces deux précieux vins.

Les restaurants sont Spago et Chinois on Main, où l’année dernière Bipin avait organisé des verticales de Lynch Bages et des Rieslings de Trimbach.

J’arrive à l’Hotel Bel Air, dans le quartier Bel Air. C’est un ensemble complexe de bâtiments ressemblant à des haciendas mexicaines, dans un jardin botanique luxuriant.

Nous arrivons à 8 heures au restaurant Spago Beverly Hills, accueillis par Christian Navarro qui organise l’ouverture des vins et le service en verres. Pour 60 personnes, c’est un travail assez énorme. Cela veut dire aussi que les quantités seront très petites par personne car chaque bouteille est divisée en 30 portions. Mais il faut dire que cela n’empêche pas de goûter avec plaisir les vins.

Nous bavardons debout en dégustant de délicieux petits canapés sur un Champagne Henriot NM tout à fait agréable. Voici le menu que je laisse en langue originelle : Wood oven roasted Wolf ranch quail with Italian white truffles / Cabernet risotto with roasted Maine lobster / medallions of Sonoma lamb with crispy potato-mushroom galette and wild huckleberries / chef’s selection of artisan cheese / deep dish Anjou pear pie with caramelized cream. Le menu est absolument raffiné. Les goûts furent très bons, mais nous étions concentrés sur les vins.

Première série : Cheval Blanc 1988, 1985, 1979, 1978, 1975, 1971, 1970.

Je commence par sentir tous les vins. Le 1988 a un nez très intense, indiquant un vin très puissant. Le nez du 1985 est plus fluide, plus discret, signifiant un vin plus délicat. Le 1979 a un nez qui est fumé, comme l’odeur d’un feu. Le nez du 1978 est très équilibré. Celui du 1975 est discret mais de grande classe. Le 1971 semble très fort en alcool et indique un vin fort. Le 1970 a un nez puissant mais pas trop expansif, suggérant une haute qualité.

Je bois les vins avant que le plat n’arrive, et quand il est servi, mon voisin l’avale littéralement et pousse vite son assiette avant que je n’aie commencé, me disant qu’il serait incapable de juger les vins avec l’odeur de la truffe blanche. Mais sommes-nous là pour juger ou pour nous faire plaisir ? Je vais essayer de faire les deux.

Tout au long de ces notes, mes impressions seront celles que je sens quand j’écris. Si je change d’avis, je le dirai. Car dans le verre, le vin évolue, et la première approche peut se modifier.

Le 1988 est un très classique Cheval Blanc, fort, encore agressif comme un cheval sauvage. Le 1985 montre une certaine évolution. Un peu fatigué, il réclame un plat. Il est assez intéressant, mais probablement trop strict. Le 1979 est élégant, plutôt alcoolique. Un peu strict aussi. On pourrait dire que c’est un Cheval Blanc classique mais resserré. Le 1978 est plus généreux, plus ensoleillé, confortable mais pas très brillant. Un peu astringent.

Le 1975 est un peu faible mais plaisant. Pas tout à fait complet, mais montrant du talent. J’aime ce vin. Le 1971 est puissant, épanoui, pas typique pour Cheval Blanc, mais grand. Le 1970 a un bel équilibre. C’est le plus équilibré de ce groupe.

Je bois maintenant les vins avec la caille et le 1970 confirme qu’il est délicieux. Je classerais ainsi à ce stade : 1970 – 1988 – 1971. Le 1971 est extrêmement puissant, c’est un soldat. Le 1970 a de l’élégance, le 1988 a la jeunesse. C’est le cheval sauvage qui sera un grand vin dans quelques années. Le 1975 se montre un peu fatigué. Le 1978 devrait être inclus dans mon choix parce qu’il est plus dans la ligne de ce que Cheval Blanc doit être que le 1971, aussi mon choix serait : 1970 – 1988 – 1971 – 1978.

Le 1985 est comme un bon élève, classique mais pas surprenant; le 1979 est plutôt beau pour l’année. Il est sec mais pour mon palais il est meilleur que le 1985.

Seconde série : Cheval Blanc 1955, 1953, 1952, 1937, 1934

Nous sommes soixante personnes à participer à cet événement, et il faut remarquer que deux bouteilles par vin est suffisant pour bien comprendre les vins. Beaucoup de verres ne sont pas vides à la fin de la série, ce qui signifie que 30 personnes par bouteille est une formule qui marche. Nous faisons de plus petites gorgées et nous pouvons goûter sans problème. Les choses changent beaucoup quand il y a seulement une bouteille pour 60 personnes, et Bipin décida que dans cette situation il y aurait seulement un verre par table (il y avait six tables), toute la table buvant dans le même verre. Je dois dire que ce n’est pas spécialement ma tasse de thé, mais je comprends bien les problèmes que Bipin a rencontrés pour obtenir toutes ces bouteilles. Si quelqu’un n’apporte pas la bouteille qu’il a promise, il est assez difficile de la remplacer immédiatement. C’est ainsi que nous avons eu une seule bouteille pour le 1952 et le 1937. Pour l’un des vins, ça ne m’a pas trop gêné, car j’ai immédiatement senti que c’est le meilleur vin de la soirée. Mais pour le 1937, il apparaît que j’ai mal compris le message, car je l’ai trouvé fatigué alors que beaucoup d’autres personnes l’ont trouvé fantastique.

J’examine d’abord les nez. Le 1955 a un nez très riche, avec une trace de lait. Le 1953 a une fantastique odeur. Le 1934 a un nez plutôt évolué mais très intéressant. Le 1937 a un nez plutôt acide, un peu troublé.

En bouche le 1952 est fantastique. C’est un immense vin. Le 1937 a un goût qui est un peu brûlé, avec des accent de Porto, même si ce n’est pas le type de Porto que l’on trouve dans le 1947 comme on va le voir. Encore très vivant, mais un peu “fumé” comme un morceau de bois brûlé. Apparemment j’ai raté le train car d’autres personnes ont aimé le 1937.

Le 1955 est un grand vin, mais pas autant que le 1952. Le 1953 est un grand vin, dans la même ligue  que le 55 et le 52. Le 1934 est bon mais un peu fatigué (quelques amis furent plus impressionnés que moi par le 1934).

Je trouve le 1952 épatant, et mon classement est : 1952 – 1955 – 1953 – 1934 – 1937.

Le 1934 s’améliore et se montre meilleur que ce que je pensais. Il vibre merveilleusement avec le délicieux risotto. Les vins de la décennie des années 50 sont nettement au dessus des vins de la première série. Le 1952 est rapidement épuisé car nous partageons un seul verre. Le 1955 est réellement un très grand vin. Le 1934 se fatigue après quelques minutes.

L’avantage de cette série est de montrer combien la décennie 50 réussit actuellement pour Cheval Blanc.

Troisième série : Cheval Blanc 2004, 2003, 2001, 2000

En sentant le 2004, on voit que nous changeons complètement d’époque. Le nez est pur, sympathique. Le nez du 2003 est plus concentré, plus intense. Le nez du 2001 est plus souple, plus voluptueux. Le nez du 2000 est velouté, élégant mais aussi puissant. C »est le nez le plus distingué.

En bouche, le 2004 est déjà un grand vin. Il est très bon, mais la palette aromatique n’est pas très large. Le final est beau. Le bois est élégant. J’ai une impression très positive de ce jeune vin. Le 2003 est plutôt monolithique et simplifié. Malgré les écarts de réputations, je suis plus en faveur du 2004 que du 2003, qui ne me semble pas, au vu des bouteilles servies, aussi bien construit.

Le 2001 est élégant, très pur, avec une puissance suffisante. Il est très fruits noirs, et astringent. Le 2000 est un immense vin. Il n’est pas vraiment dans le style Cheval Blanc. Il est équilibré, doux et serein, avec du cacao et du bois tropical. Ce vin deviendra un très grand vin.

Classer est très difficile. Pour le plaisir pur, j’hésite entre : 00 – 04 – 01 – 03 et 00 – 01 – 04 – 03. Le 03 est trop simplifié et osseux.

Essayant d’imaginer un choix final pour cette journée, je fais ce classement :

2000 – 1952 – 1955 – 1953 – 2004 – 1970 – 1988 – 2001 …

Mais je change en fait pour :

1952 – 1955 – 1953 – 2000 – 2001 – 2004 – 1970 – 1988

Ceci montre combien il est difficile de prendre une décision. Le 2000 sera certainement le plus grand. Mais la performance de la décennie 50 méritait d’être soulignée.

Des amis qui me raccompagnent à mon hôtel veulent partir, aussi je ne prends pas le dessert qui est accompagné par un Santo Stefano Moscato di Asti 2006. Je bois juste une gorgée rapide pour constater qu’il est très jeune.

Durant le dîner, Pierre Lurton luttait pour ne pas fermer ses yeux, car c’était pour lui une journée non stop de 27 heures. Mais avec sa légendaire énergie, il a été capable de parler de façon précise de tous les vins. John Kapon, le président d’une grande maison de ventes aux enchères était lui aussi fatigué car il participe à de tels événements ou les  provoque presque tous les jours. James Sucking nous a montré comment il fait des vidéos prêtes instantanément à être mises sur son blog. L’assistance était composée d’un groupe de fidèles qui suivent Bipin Desai comme des fans. L’atmosphère était chaleureuse.

Un merveilleux dîner avec une cuisine délicate dans un bel endroit. Les big boys de Cheval Blanc sont pour demain.

Le second repas pour la dégustation des Cheval Blanc est un déjeuner au Chinois on Main, avec la cuisine de Luis Diaz et René Mata, et avec la supervision des vins par Christian Navarro. La dégustation est conduite par Bipin Desai et l’invité d’honneur est Pierre Lurton, qui nous donnera des informations très précises sur chaque année avec les dates de vendange, les rendements, les proportions par cépage, et le taux d’alcool, l’acidité et le taux de sucreRoman" size="3"> quand il s’agit d’Yquem. Il est extrêmement intéressant de boire en sachant toutes ces informations. Des convives ont pris en note ces chiffres. Je ne l’ai pas fait.

Le menu consiste en : passed hors d’oeuvre / potstickers with stir-fried lamb and Matsukake mushroom emulsion / wok seared Maine lobster and veal cheeks bao / duck pancakes with mushroom sauce / Peking duck “Bipin” with Asian pears in red wine / Pixie tangerine granite with almond macaroons.

La nourriture est très épicée, ce qui trouble parfois la bouche, et parfois trop compliquée pour mettre en valeur les vins. Mais l’atmosphère et l’implication de tout le personnel furent remarquables ce qui fait que nous avons profité de ce rare moment.

Les bouteilles sont ouvertes à la dernière minute et décantées juste avant le service. Cette méthode est très différente de la mienne, et quelques vins furent un peu fermés du fait de l’ouverture rapide.

Première série : Cheval Blanc 1999, 1996, 1995, 1989, 1983

Le 1999 a le nez d’un vin que l’on vient d’ouvrir. L’alcool se montre en premier, et les autres arômes sont encore endormis. Le 1995 a une palette aromatique plus complète, il est plus charmant. Le 1996 a un nez très classique, ne montrant pas beaucoup de fantaisie. Le 1989 est d’une odeur plus fermée, et la couleur indique une évolution. Le 1983 a un nez évolué.

Je bois les vins sans nourriture. Le 1999 a une belle structure. Il est boisé, mais agréable. Je trouve un bon équilibre dans ce vin. Le 1996 est plus établi. Il est plus classique, avec rien de très spectaculaire. J’écris encore : “très classique”.

Le 1995 est un peu plus plat. C’est un bon vin, mais sans panache. Le 1989 est un vin de gastronomie. Très équilibré, un peu amer, ce serait un grand vin avec un plat adapté. Le 1983 est manifestement bon. Il a évolué, mais il est très élégant.

Comme c’est difficile de classer, je reviens plusieurs fois sur chaque vin. Le 1999 est plaisant. Le 1996 est trop classique. Le 1995 est plus plaisant maintenant, avec un grand équilibre. Le 1989 appelle un beau plat. Le 1983, comme le 1996 est trop classique, même s’il est bon.

Je vote ainsi : 1989 – 1999 – 1995 – 1996 – 1983. Ce qui est intéressant est qu’autour de moi, les commentaires sont complètement différents de ce que je note. Bipin trouve le 1999 trop linéaire. Quelques amis disent que les plus grands sont le 1983 et le 1995. Vais-je être influencé par ces commentaires ?

Je goûte de nouveau le 1983 avec le plat, et il semble meilleur. Le plat est beaucoup trop épicé. J’aime le 1999 avec les épices, et le 1989 se fatigue avec les épices.  Etant influencé par les commentaires, j’apprécie de plus en plus le 1983. Je continue de trouver 1989 de mieux en mieux. Et dans cette ambiance, je classe les vins ainsi : 1983 – 1989 – 1995 – 1996 – 1999.

Il est clair que les vins se sont ouverts, ce qui révèle des qualités que je n’avais pas saisies. Mais je garde à l’esprit que j’avais aimé le 1999. Je modifie ma vision précédente car cela donne un classement qui est dans l’ordre des années.

Seconde série : Cheval Blanc 1966, 1964, 1962, 1961, 1959

Le 1966 un le nez d’un vin qui a été ouvert trop récemment. L’alcool apparaît en  premier. La couleur semble évoluée. Le 1964 a une odeur poussiéreuse. Ce pourrait être le verre. Le 1962 un a nez charmant mais le plat est servi, ce qui change les appréciations. Le nez du 1961 est ouvert, et le 1959 a une très charmante odeur, charmante avec le plat.

Le 1966 est un vin très confortable. Le 1964 est un très grand et j’écris de nouveau très grand. Le 1962 est plus limité. Le 1961 est un grand vin, mais ne correspond pas à ce que je connais ni à sa réputation. Il manque de panache et de rayonnement. Le 1959 mérite le respect. C’est un grand vin avec une longueur infinie. A ce stade, je classe : 1959 – 1964 – 1966 – 1961 – 1962. La position du 1961 montre qu’il devait y avoir un problème avec cette bouteille.

Le 1966 est manifestement un vin très agréable. C’est un vin de plaisir, pas sophistiqué mais confortable. Le 1964 est grand, beau, magnifique. Le 1962 n’a pas le niveau des autres. Le 1961 montre une plus grande densité que les autres, mais n’est pas un vin de plaisir en ce moment. Le 1959 est un vin parfait, immense. Il a tout ce qu’on pourrait souhaiter d’un Cheval Blanc.

Bipin fait des commentaires sur un aspect du goût de Cheval Blanc qui est le bonbon. Ma remarque personnelle est que tous les vins que nous avons de la décennie des 50 furent de vrais champions.

Mon classement final confirme celui que je fis en premier : 1959 – 1964 – 1966 – 1961 – 1962.

Troisième série : Cheval Blanc 1998, 1990, 1982

Le nez du 1990 n’est pas ouvert (le premier vin de chaque série a un nez fermé, dû à cette méthode d’ouverture). Le 1998 dont la couleur est spectaculairement plus jeune que les autres a un nez très pur. Le nez du 1982 est très pur aussi.

Le goût du 1998 est fantastique. C’est un vin d’un pur succès et d’un grand achèvement. C’est si bon ! Le 1990 est très bon mais plus établi, plus cosy. C’est un grand vin. Le 1982 est dans la même situation mais il est encore plus “établi”.

Dans le 1990 je trouve le goût de bonbon mentionné par Bipin. Le vin est extrêmement frais. Du fait de ce final aérien je mets le 90 au dessus du 98 qui me plaisait plus en première approche. Le 1982 reste un peu en retrait même si c’est un vin d’une grande qualité.

Je classe : 1990 – 1998 – 1982.

Le 1990 a beaucoup de similitudes avec le 1959. Le 1990 est sans doute largement au dessus du 1989. Les trois premières séries furent d’une grande qualité. Le plus pur des vins est certainement le 1998. Le charme est du côté du 1959 et du 1990.

Quatrième série : Cheval Blanc 1949, 1948, 1947, 1945, 1921

Bipin annonce que nous n’aurons que deux bouteilles de 1947 sur les trois fournies car il a un doute sur l’une d’elles. Il annonce qu’il y a seulement une 1921. Mais comme il pense que ce pourrait être un faux, il demande si nous voulons la goûter. Evidemment personne ne refuse de goûter. Nous avons, à quelques uns, examiné le bouchon, et Pierre Lurton voyant comment il était imprimé, avec l’indication “rebouché en 1995” sur les deux faces du bouchon, confirma ma propre analyse, à savoir que le vin est authentique. Et en bouche il est définitivement un vin des années 20, sans aucun doute, et c’est un grand vin. L’idée de changer un grand vin des années 20 pour un autre grand vin des années 20 rend très probable qu’il s’agisse d’un vrai Cheval Blanc. Je le trouve délicieux, combinant douceur et acidité. Un vin d’une exceptionnelle longueur. Je ne l’inclurai pas dans le classement ultérieur, car je bois juste une ou deux gorgée, ce qui exclut une analyse fiable.

Le 1949 a un nez superbe et très élégant. Le 1948 a un nez très riche et séduisant, d’une rare profondeur. Le 1947 a un nez incroyable. C’est une bombe. Il est au dessus du 1948. Le 1945 est bouchonné.

Je commence à goûter le 1945 et avec la plus grande objectivité possible, je dois dire que le goût n’est pas faussé par l’odeur du bouchon. C’est un vin large, opulent, serein, puissant, velouté. C’est un grand vin. Le 1949 que je trouve trop froid est plus strict, léger, mais c’est un grand vin. Probablement trop strict si on le compare avec le précédent Cheval Blanc 1949 que j’ai goûté au sein d’une présentation horizontale des meilleurs Bordeaux de 1949. Le 1947 expose son aspect Porto avec une grande évidence. Il y a du café, du cacao et du beurre de noisette. La puissance en bouche est étonnante. Plusieurs personnes autour des tables aimeraient que le 1948 se place au dessus du 1947, car le 1948 n’est pratiquement jamais ouvert, c’est d’ailleurs le seul millésime avec le 1921 que je n’avais pas bu de ces 34 vins présentés. Et l’hésitation est possible car ce 1948 a une force et une sérénité qui en font un vin important et imposant. Il semble un peu fortifié tant il est puissant, mais c’est juste une impression.

Bipin a annoncé qu’il gardera pour lui les bouteilles vides des plus grands vins, aussi une  vide de 1947 arrive sur la table, et Bipin partage avec moi le sédiment. Cette lie a pour moi un goût à mourir instantanément. C’est incroyablement bon. Purement étonnant. Je pourrais tomber de ma chaise. C’est incroyable. Je le trouve totalement dément, et il me rend fou. Il y a un côté caramel, un gout de Maury. C’est comme de l’or précieux en bouche.

Le 1949 confirme qu’il est un peu limité, Le 1945 est encore plus grand que ce que j’avais goûté. Le 1947 est manifestement au dessus, mais le trio 1947, 1948, 1945 boxe dans une catégorie poids lourds. Mon classement : 1947 – 1948 – 1945 – 1949.  Les trois premiers ont un aspect commun : torréfiés, riches, très Porto.

Ma conclusion est que la décennie 50 a fait les plus authentiques Cheval Blanc qui allient élégance et finesse et sont maintenant au sommet de leur forme. Et la décennie 40 a créé, pour les meilleures années des vins qui sont plus extrêmes, plus fous, plus extravagants.

Le 1947 est un vin extraterrestre, Le 1921 est encore un bon vin, très différent des autres. C’est certainement une verticale magnifique et plutôt unique que nous avons vécue, avec les beaux commentaires de Pierre Lurton et l’intelligente organisation de Bipin Desai.

Résultats d’une vente lundi, 29 octobre 2007

Résultats d'une vente.

Une énorme cave a été vendue à New York par Acker Merral, dont John  Kapon est l'animateur.

Voici les résultats les plus spectaculaires cités par un contributeur sur le forum de Robert Parker :

All I can say is wow ! $9,600/mag for '99 La Tache ?!!


The top 20 grossing lots were as follows:

12 bottle 1945 Chateau Mouton Rothschild Pauillac $133,100.00

1 Methuselah 1999 Romanee Conti Domaine de la Romanee Conti $127,050.00

12 bottle 1962 Chambertin A. Rousseau $108,900.00

12 bottle 1961 Chateau Latour a Pomerol Pomerol $102,850.00

12 bottle 1961 Chateau Lafleur Pomerol $90,750.00

3 magnum 1971 Romanee Conti Domaine de la Romanee Conti $78,650.00

12 bottle 1928 Chateau Latour Pauillac $72,600.00

12 bottle 1978 Echezeaux H. Jayer $72,600.00

12 bottle 1982 Chateau Petrus Pomerol $66,550.00

12 bottle 1969 Chambertin Clos de Beze, A. Rousseau $66,550.00

6 magnum 1999 La Tache Domaine de la Romanee Conti $58,080.00

12 bottle 1971 Chambertin A. Rousseau $58,080.00

6 bottle 1990 Romanee Conti Domaine de la Romanee Conti $58,080.00

6 bottle 1990 Romanee Conti Domaine de la Romanee Conti $58,080.00

1 Jeroboam 1990 Romanee Conti Domaine de la Romanee Conti $58,080.00

1 Jeroboam 1962 Romanee Conti Domaine de la Romanee Conti $54,450.00

6 bottle 1978 Romanee Conti Domaine de la Romanee Conti $54,450.00

6 bottle 1993 Musigny G. Roumier $50,820.00

12 bottle 1999 Musigny G. Roumier $48,400.00

6 bottle 1962 Musigny G. Roumier $48,400.00
Le moins qu'on puisse dire, c'est que les vins phare sont devenus un produit d'hyper luxe.

qu’aimez-vous dans le vin ? mardi, 23 octobre 2007

Je chattais sur le web en regardant le film « Sideways ». Deux amis qui enterrent la vie de garçon de l’un d’eux visitent les vins californiens. Une belle serveuse de restaurant est attirée par le célibataire qui lui pose à un moment la question : « qu’aimez-vous dans le vin ? ». Elle se lance dans une réponse purement romantique où le travail du vigneron a sa place.

Pendant ce temps, sur le forum « la passion du vin », nous dissertions sur le concept de « lubrifiant social » joué par le vin, selon l’expression de Jean Clavel. Et je me suis demandé ce qui conférait au vin ce statut particulier où se mêlent le romantisme, la nostalgie, la bienveillance et la revendication sociale.

Et j’y vois trois raisons. La première, c’est qu’il fait partie de trois liquides nourriciers qui sont indissociables de notre vie, l’eau qui nous baptise, le lait qui crée un lien fusionnel avec la mère et le vin, antichambre des paradis artificiels. La seconde, c’est qu’il n’est pas périssable. Si le vin avait la courte vie du beaujolais nouveau, on l’oublierait assez vite. Alors que lorsqu’on déniche dans la cave un vin du grand-père, tout un monde de nostalgie, de souvenirs, assaille l’esprit. Lorsque j’ai bu un vin de 1780, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à l’avenir du monde. Je buvais un vin élaboré quand l’automobile, le train, l’électricité, le téléphone, l’avion, l’informatique n’étaient même pas envisageables. En deux siècles l’homme a transformé la planète mais aussi son mode de vie. On pense forcément à cela lorsque l’on absorbe le témoignage vivant des époques révolues. La troisième raison est que le vin fait partie à la fois des produits bon marché et des produits chers. L’argent barre l’accès aux plus rares d’entre eux ce qui conduit naturellement à projeter ses idées sociales.

De ces trois raisons, celle que je trouve la plus intéressante, c’est l’absence de péremption du vin qui permet de goûter des jalons de l’histoire, autorisant tous les romantismes. Ce n’est pas demain que le vin cessera d’être prétexte à discuter en société de la vie, de l’histoire et de rêver.

Three dinners in San Francisco with very rare wines mardi, 9 octobre 2007

I have met two years ago a wine collector who lives in San Francisco. We became friends, and we decided that we would meet twice a year, once in Paris and once in San Francisco, to share some rare bottles of our collections. We try to balance our inputs, and there is a very sympathetic competition in our generosity, as when he proposed a Lafite 1865, I proposed a Chateau Chalon 1864, when he proposed a Latour 1924, I proposed a Pétrus 1947, and so on.

My wife, who does not drink wine except liquorous wines (especially Yquem), comes with me for our annual meeting in San Francisco. We arrive at the Mandarin Oriental hotel, and the chief concierge talks to me as if I were the emperor of China. He is already informed about what should happen. We have a room on the 39th floor which allows us to see the Golden Gate Bridge, where we will see the planes of the Blue Angels make a fantastic show for a memorial. My friend and his wife who live not far from the town’s Center have taken a room in the same hotel. I decide to invite them for the first dinner, in the restaurant “Silk’s” belonging to the hotel, as I know that they will take care of us for the rest of our stay. I had been very enthusiast one year ago by the menu made by the creative chef Joel Huff when we had shared Mouton 1926 and Cristal Roederer 1949, but this time, I have not been so convinced. We joked about the food as every course had foam. One oyster was lost by a too spicy cream, my seared scallop, crab carbonara, smoked avocado had a too spicy avocado, the Japanese Kobe beef skirt steak, sunchoke puree is perfect, and the pear cake, buttermilk panna cotta, shiso green apple sorbet is a declared enemy of wine.

I was not smart enough as I did not immediately declare bad a champagne Krug Grande Cuvée obviously too acidic and bitter, and when I talked to the sommelier, asking him to taste it, he told me that a very agreeable acidity is a sign of youth. Which means : “I do not intend to change your bottle”. We had more pleasure with a Corton-Charlemagne Vincent Girardin 2003 absolutely delicious, expressive, of a nice definition, and of an appreciable length. This elegant wine has many qualities. And we were happy to drink a Clos de Vougeot domaine Méo Camuzet 2002,a Burgundy with a great charm and a great authenticity. With the Kobe beef, it is a delight.

After a day of tourism, with a lunch by Sutro’s, on the Pacific Coast, we have the first real dinner which is a familial dinner as we are with my friend and his wife, their two sons, and the fiancée of the elder son. The dinner is by restaurant Masa’s, whose chef is Gregory Short. At 5pm I had opened my wines brought by air transportation one month ago. The cork of the Carbonnieux 1928 comes into pieces, and as I have not my tools with me, some small pieces of cork fall in the wine, and the sommelier says to me : I will take care of that. My fault has been to have not checked what happened next. The cork of the Suduiraut 1929 comes in one piece, and the perfume of the wine is fantastic. My friend wants me to leave the room to let him open his wines, which is unusual for our meetings.

We come back at dinner time and here is the menu : butternut squash soup, brown butter foam / bone marrow custard, truffle sauce, crispy bone marrow / farm raised Siberian Osetra caviar, melted leeks, salsify purée, chive infused oil / German butterball potato salad, applewood smoked bacon, Spanish capers, French cornichons, micro celery, whole grain mustard vinaigrette / whole roasted Hiramé, wilted young spinach, maitake mushrooms, preserved meyer lemon infused broth / sweet butter poached Maine lobster, caramelised baby lettuce, brioche toast, lobster vinaigrette / whole roasted Mallard duck foie gras, French green lentils, jonathan apples, red shiso, apple gastrique / sautéed Paine farmes squab breast, honey roasted quince, wilted young chard, confit leg, “jus de grenadine” / pan-roasted rack of Millbrook farms venison, poached seckel pear, roasted chestnuts, sauce “au poivre” / Artisan cheese, fleur de maquis (sheep), capricious (goat), Montbriac (cow) / petit sorbet, ginger-orange-carrot “slurpee” / pear charlotte, carmelized pears, raspberries, blackberries, streusel, caramel sherbet.

It is clear that the way to announce the dishes shows the personality of the chef. He has made a very great meal, which would deserve certainly one star in the Michelin. The combinations wines and food were not always perfect but it did not prevent us from enjoying the wines.

The Champagne Cristal Roederer 1990 is an agreeable surprise. It is a champagne that I do not often drink, and it is above the image that I had formed. It has already signs of maturity with some aspects of candied fruits. Dense, very typed, of a strong personality, it is a great champagne.

The Château Olivier, Graves white 1945 is of a colour of gold not far from mango. The nose is very polite and handsome. This wine could be considered as a lesson. Because for all the ones who consider a mature white wine as maderised, this wine could show that it is not the case. This wine has developed a new personality different from what it was when the wine was young, but which is of a great talent, and of a gastronomic particular interest.

The Château La Gaffelière, Saint-Emilion 1959 is of an incredible youth. I spent my time saying that it was exactly what a 1986 is. And while saying that, I did not take enough advantage of this delicious wine, as I was lost by its abnormal youth.

The contrast is extreme with the Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1934 which is really an example of this year. The colour is very light, like pink, but in mouth the wine is really solid. It is a little fragile, but I like this testimony, very representative of a year that I like. The acidity does not disturb, and we enjoy this wine.

I am furious as the Château Carbonnieux 1928 which appears now is corked, thing that my friend and I we had not noticed by the opening. What has happened meanwhile? I am furious because I hate to provide a wine which is not perfect. Last year, I had brought a Chateau d’Issan 1899 which was weak, and now this one. I am unhappy. Fortunately the pepper sauce of the venison helps to rub the corky taste, and we can taste without too much pain the wine even if it is not at its top. I have drunk many times the Carbonnieux 1928 red with always a great success. It is the first diminished one.

The Echézeaux Domaine de la Romanée-Conti 1964 makes me smile as I recognise immediately by the smell the peppery signature of the Domaine. This very Burgundy wine has all to please me. It is agreeable and friendly even if lacking a little of power. The joy of life of the wine compensates that.

The Château Suduiraut 1929 compensates all my pain. It has a very powerful nose, full of expression. The aromas are candied orange, the fruit of a palm tree. It is an exceptional wine with broadness, joy and perfection. It goes very well with the taste of nuts and caramel of the dessert.

I did not ask for votes except from my friend. His vote was : 1 – Château Olivier 1945, 2 – Château Suduiraut 1929, 3 – Echézeaux DRC 1964, 4 - Château La Gaffelière 1959.

My vote has been : 1 – Château Suduiraut 1929, 2 - Champagne Cristal Roederer 1990, 3 - Château La Gaffelière 1959, 4 – Echézeaux DRC 1964.

The Suduiraut compensates my frustration with the Carbonnieux. The chef has made a very good menu, especially with the foie gras, magnificently treated, and the pigeon. The service was friendly and efficient.

The next day is the high point of our stay in San Francisco. This will be a dinner for men only, all collectors. The wives make their own party. We open the wines at 5 pm with Steve, and this time I can see the wines brought by every attendant. We are six. My input is Palmer 1947 and Mouton 1928, with a beloved label.

The restaurant “Fleur de Lys” has a French chef, Hubert Keller, from Alsace, who made a fantastic dinner : passed « canapés » / tsar Nicoulaï « select » California osetra caviar accompanied with parsnips blinis / roasted Maine lobster on artichoke purée, citrus salad, porcini oil / boneless quail, scented with a juniper berry & orange essence / Colorado lamb loin & lamb cheek sausage, « tarbais » bean « cassoulet », whole grain mustard & tarragon sauce / venison topped with sauteed foie gras, served with truffled Port wine sauce / assortment of artisanal French cheeses served with rustic fig bread / classic Grand Marnier soufflé served with an orange & cardamom ice cream / assortment of petits fours & chocolates.

All was devoted to our pleasure, and the combinations with wines were more accurate that by Masa’s, even if the food was of a very great quality in both cases.

The Champagne Brut Classic Deutz in magnum 1975 plays perfectly its game, to be an opener. And the “canapés” are generous and of a great sensibility. The champagne is already gently mature, lacks a little power and body, but is truly appropriate, and very flexible with the imaginative tastes of the food.

The champagne Louis Roederer 1959 has a very unfriendly smell, but in mouth if one enters in its logic, it plays like a toboggan : you let yourself be conducted by it, and you feel good. If one is not too impressed by a small bitterness, it becomes passionating. I am absolutely impressed by the farm caviar from California, as it deserves respect. It is certainly of the quality of a Russian caviar. With the Roederer, the combination works splendidly. It is not the case for the Montrachet Domaine Ramonet in magnum 1996 which refuses to play with the caviar. It works much more with the lobster, and makes a beautiful combination. I find this Montrachet a little scholar, smart, but with no outrageous appeal.

What is interesting in such a meeting of collectors is that every one of us is largely more in favour of his own wines. This is purely normal as each of us wanted to present a wine to please the others. So it is normal that he loves what he wanted to offer. My attitude is absolutely not different from the others. I am in love with the Château Palmer 1947 which I find completely extraordinary. It seems to me that it is impossible to dream of something better. With the boneless quail, it is perfect. I have encountered very perfect 1947 with Cheval Blanc, and more with Latour. This Palmer 1947 belongs to the top few of what 1947 can offer.

I nearly faint with pleasure when I am served with the Château Mouton-Rothschild 1928 because it is even greater than the Palmer. It has more personality. The colour is very young, as it was for the Palmer, and the taste is fantastic, very typed among the greatest Mouton. It is under the 1945 and the 1900, but it is a wine which could make me have tears. It is unbelievable. Perfect, balanced, with salt and pepper, it has a deepness which touches me. It is a total happiness. It will belong to my Pantheon of Bordeaux wines.

The Château Latour 1926 is highly impressive, as it looks like it would need some more years to reach its total performance. It is a promising wine, which is incredible for a 1926, a very special year for me, which my friend chose on purpose. The wine has an enormous potential to live for ever, and requires truffle, to create a perfect match. Fruity, good with foie gras, but limited on venison, it has a strength which is impressive. It is a solid young wine.

The Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1985has a very DRC smell. It evokes for me stones boiled by a volcano. The Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1964 has a more tired smell. The 1985 is peppery, salty. Its seduction appears only when one tries to find it. It goes very well with a salty cheese. The 1964 is quieter, lighter. The Epoisses softens the 1985 and enlarges the 1964. The 1964 has more seduction. It has an exciting finish. What is pleasant is that the two versions of the DRC Richebourg are incredibly dissimilar and raise our interest.

The Château Climens 1937 is very opposite to the Suduiraut 1929 of yesterday. It has tones of coffee, tea and tobacco, which is the contrary of tastes of tropical fruits. It is an expression which is less sunny than others, but which is adorable too.

My friend has added a wine which is not on the menu, a surprise. We drink it blind, and it is something that none of us has already drunk. The image which comes to me is a sugar which would be wet with a syrup of blackberry. It is a Tokaji Essencia 1856. I have already drunk very old Essencias, but this one is completely out of this world. There is no reference. It is so sweet that this wine will live for ever. The alcohol is very weak, and the taste in mouth cannot disappear. It is heavy as lead. It lets a trace in mouth for ever.

All of us, we are so happy with the performances of our wines that we vote with pleasure. We do not forget to vote for our own wines. Among six voters, the Mouton 1928 gets three votes of number one, and this helps me to forget the bad appearance of the Carbonnieux. Latour 1926 gets two votes as first, and the Tokaji 1856 gets one vote as first.

The average vote would be : 1 – Mouton 1928, 2 – Latour 1926 and Richebourg DRC 1985, 4 – Palmer 1947.

My vote has been : 1 – Mouton 1928, 2 – Palmer 1947, 3 – Louis Roederer 1959, 4 – Latour 1926.

The service was excellent; the cook was very original, very precise and adapted. The atmosphere was friendly.

I am happy to have met this so incredibly generous friend. We plan to make a tour in Burgundy in February, before our annual dinner in Paris which will be in April.

We have spent time visiting San Francisco and we met another friend who is a wine lover and was gentle enough to open an Yquem for my wife.

All that combined made this trip to SF be a complete friendly success.