Romanée Conti et Yquem pour Lise mardi, 3 juillet 2007

Je remonte à Paris pour aller voir la petite Lise, nouveau membre de la famille. L’avion a une heure de retard, la circulation parisienne est bloquée et la température quasi polaire quand on la compare à l’éden du Sud. Mon gendre a ouvert Château Laville Haut-Brion 1979 pour trinquer à la beauté de Lise, mais ce vin est extrêmement sensible à la température de service. C’est lorsqu’il fut bien froid que sa grâce se révéla, les trois quarts de la bouteille ne nous ayant montré qu’une pâle image de ce vin que j’adore. Un Riesling Domaine Weinbach, Faller frères 1979 ouvert pour se consoler des prémices du Laville, lorsqu’il fut bien froid lui aussi, révéla un talent alsacien très sympathique, sans trace d’âge et un beau fruit. La vedette est évidemment la petite Lise, qui connaîtra le 22ème siècle, si les errements de l’espèce humaine ne conduisent pas à des dérèglements irrémédiablement mortels.

Le lendemain, je reviens chez ma fille, avec des munitions cette fois. On ne dira jamais assez à quel point les tirebouchons sont cruciaux. N’ayant pas mes instruments, j’ouvre le Château d’Yquem 1976 avec un limonadier à un seul levier. Le bouchon de très grande qualité se brise net et je vois le reste du bouchon jouer les grands jaunes et non pas les grands bleus, succombant à l’appel des abysses, et j’assiste impuissant à cette plongée. Lorsque je découpe la capsule de la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1980, il y a très peu de poussière noire sur le bouchon. L’odeur est terreuse, comme d’habitude, mais discrète cette fois. Ayant réussi à trouver un autre ustensile, je lutte avec le magnifique bouchon sans pouvoir trouver de prise, car il est fort serré dans sa gaine, mais au bout de vingt minutes je réussis à extraire un beau bouchon entier, qui libère l’odeur du vin la plus romantiquement bourguignonne qui soit. Il reste environ quatre heures avant que je ne puisse mettre mes lèvres à ce grand vin, mais j’ai le sourire, car je sais qu’il sera grand.

Entre temps, passant à ma cave pour préparer les vins d’un futur dîner, je repère un Château L’Evangile 1964 qui a perdu du volume. Je le prends avec moi pour ce soir, pensant que démarrer le dîner sur la Romanée Conti serait brutal, mais mon raisonnement est idiot, car lorsque j’ai ouvert le vin à l’odeur fort désagréable, j’ai compris que le vin ne renaîtrait qu’après plusieurs heures, ce qui rendait illusoire qu’il serve de mise en bouche. Il fut donc laissé sur la touche. Je ne connaîtrai pas son retour à la vie. Ce fut donc un champagne Dom Pérignon 1998 qui débuta la célébration de Lise. Pas assez froid, il ne déploya son charme qu’en fin de bouteille, lorsqu’il fut suffisamment frappé.

Sur un gigot d’agneau du pays d’Oc et des pommes de terre en robes des champs, la Romanée Conti DRC 1980 nous transporte sur des territoires émotionnels infinis. Elle décide de parler la langue de l’agneau. Quand la viande montre une trace d’amertume, le vin prend la même. Quand la viande suggère un goût salin, le vin fait de même. Ce mimétisme est passionnant, mais le vin vaut plus que cela. Son parfum est austère, subtil, ascétique puis se fait matois, enjôleur, cajoleur. En bouche, c’est une montée au ciel. C’est la Bourgogne telle que je l’aime, terrienne, travailleuse, qui expose les souffrances du travail bien fait.  On n’est pas du tout sur le terrain de la séduction mais sur un exposé de toutes les facettes de la grandeur du vin de Bourgogne. On boit ce vin comme on visite un musée de la perfection vinicole. Je suis aux anges, cherchant à capter à chaque gorgée de nouvelles subtilités. Les premières gouttes versées étaient plus claires, les dernières plus foncées, et en mangeant la lie dont la mâche est la même que celle d’une myriade de pastilles de zan, je croque un morceau de bonheur. Ce vin est-il à mon goût ? Assurément et je me complais de ses complexités bourguignonnes. Suis-je influencé par le nom du vin pour le trouver bon ? Assurément aussi, et alors ! Le plaisir d’ouvrir ce vin devenu quasiment inaccessible participe au panorama général. Quand la bouteille est finie, c’est un vide qui se fait tant on est triste que ce moment soit terminé. Mon gendre est subjugué, tétanisé et sans voix par la découverte de sa deuxième Romanée Conti.

Lorsque le Château d’Yquem 1976 est servi, il remet toutes les pendules à l’heure. Yquem, c’est le David de Michel-Ange. On peut le regarder sous tous les angles, l’aborder sous tous les aspects, il est toujours parfait. Ce vin a la couleur d’un abricot doré, et en bouche, il est abricot. Ne cherchons pas ailleurs, il est abricot. Avec un stilton bien mûri, l’Yquem révèle toutes les facettes de son charme, la suavité étant exacerbée par la salinité du Stilton. Nous allons nous livrer à une expérience passionnante. Sur des tranches de mangue crues, l’Yquem est un fruit. La continuité est spectaculaire. Il renie à peine son abricot pour devenir lentement mangue. Et avec des tranches de mangue juste poêlées, qui fondent dans la bouche avec une incroyable douceur, l’Yquem devient thé, Yquem sec, et l’accord est diabolique. C’est ce deuxième accord que je préfère.

Alors, que conclure ? L’Yquem, c’est la solidité la plus affirmée, la plénitude du charme assumé. La Romanée Conti, c’est la folie du charme énigmatique et romantique, qui requiert une attention de chaque instant pour ne rien perdre du drame qu’elle nous joue. Mais Lise s’adresse à nous, en quête de lait maternel. Son insistance nous rappelle que la vraie vedette de cette émouvante soirée, c’est bien elle.

Vinexpo : Chateau de Fargues et Chateau d’Yquem le même soir ! mercredi, 20 juin 2007

C’est une nouvelle journée de repos ponctuée de longueurs de piscine. Est-ce un hasard, est-ce une nécessité, le Château de Fargues et le Château d’Yquem reçoivent l’un et l’autre le 20 juin, jour de l’été.

Je suis le premier à me présenter au château de Fargues où Alexandre de Lur Saluces me reçoit avec un large sourire.

je suis vraiment le premier !

Il me montre les transformations récentes d’un goût exquis. François Amiraut travaille encore dans un bureau somptueux d’où l’on voit tout et je plaisante en lui disant qu’il aura du mal à aller là où le vin se fait s’il dispose d’un bureau aussi luxueux. Alexandre a envie de restaurer l’immense château médiéval qui domine le site d’exploitation.

Est-ce raisonnable ? On sait qu’Alexandre est capable de transformer les rêves les plus fous en réalités et réussites. Je serai bien curieux de voir ce qu’il fera de ce vestige.

Les invités arrivent sous un ciel bien sombre et Alexandre me présente à beaucoup de personnalités bordelaises du monde des arts, de l’éducation, de la recherche et de l’armée. Je reconnais des universitaires qui avaient organisé et participé au colloque sur le verre et le vin, et je salue le sourire de ce jeune normalien qui avait réuni Alexandre et moi-même pour une soirée vineuse à l’école Normale Supérieure. Andrée Médeville et son mari propriétaires de Gilette sont venus en voisins et nous évoquons leur fille qui gère de façon tonique le Château Les Justices. May Eliane de Lencquesaing est une fois de plus tout sourire et l’atmosphère de cette réception est à la bonne humeur et aux échanges policés et raffinés. Un champagne Bollinger glisse en bouche pour faciliter les discussions et un Château de Fargues 2002 me plait beaucoup. Son nez est incisif et sa trace en bouche présente et confortable.  Je cherche en mémoire le goût de l’Yquem 2002 pour peser les similitudes. Je serais tenté de préférer le Fargues mais l’expérience est faussée car je bois ce Fargues sans référence aux années voisines alors que l’Yquem 2002, coincé entre un 2001 himalayesque et un 2003 follement romanesque se fait discret et timide alors qu’il est un Yquem serein. On ne tranchera donc pas, mais je signale toutefois la réussite de ce Fargues.

Heureux de l’ambiance qui a le raffinement de l’hôte des lieux je me rends au château d’Yquem sous une pluie qui commence à devenir insistante. Lorsque l’on veut m’orienter vers un parking, je cite un nom qui sonne comme un sésame, ce qui me permettra de garer mon véhicule non loin du château.

La pluie a regroupé tous les invités dans les salons du château. Nous serons quelques fanatiques à aller admirer le soleil tardif qui sous la pluie rase les vignes d’Yquem. Dans le compte-rendu que j’avais fait du même cocktail lors de Vinexpo 2001, j’avais signalé ce moment magique où le soleil de solstice, pour son coucher le plus lointain vers le nord,  envoie des rayons perpendiculaires aux  vignes qui caressent le vert des feuilles d’un rose rare. Aujourd’hui, le ciel plombé d’humidité est d’une couleur envoûtante qui évoque des fleurs carnivores prêtes à dévorer mon cœur.

Une coupe de Dom Pérignon 1999 est nécessaire pour toaster avec les personnes présentes. Je suis plus réservé que Richard Geoffroy sur ce millésime qui n’a pas encore décidé de se livrer. Sandrine Garbay est plus ravissante que jamais, Valérie est souriante, et les personnes qui ont contribué au succès du récent dîner que j’avais organisé à Yquem en ont encore un frais souvenir. Je vais saluer Marc Demund, le traiteur d’Yquem qui a concocté des canapés très adaptés à Château d’Yquem 1996 au nez précis, à la belle présence, mais qui n’a pas l’excitation des plus séducteurs. Nous en parlons avec Francis Mayeur qui aime beaucoup ce millésime et dit fort justement qu’il prendra sa place dans l’histoire comme celle d’un Yquem dans la définition d’Yquem. Je rencontre avec un infini plaisir Bérénice Lurton, propriétaire de Château Climens pour lequel j’ai les yeux de Chimène. Je pourrais aussi écrire « pour laquelle », car notre conversation fut certainement la plus plaisante de toutes celles que j’ai eues durant cette semaine. Nous avons parlé liquoreux bien sûr mais aussi longuement de gastronomie et nous avons commenté Yquem 1954 généreusement offert par Pierre Lurton. Ayant eu vent de ce choix j’étais allé voir Pierre pour lui dire : « tu prends un risque avec ce 1954 qui n’est pas facile à comprendre ». J’avais hélas pressenti ce qui se passerait car des distributeurs étrangers d’Yquem ont dit à Pierre que ce 1954 était passé, alors qu’il s’agit d’un cadeau du ciel. L’attaque de ce vin en bouche est très fluide, aqueuse, comme l’eau d’un ruisseau qui rebondit sur des pierres qu’elle lèche. Puis le vin s’installe en bouche et ne veut plus la quitter, avec un final renversant et pénétrant. Et ce qui est passionnant, c’est que l’on hésite entre les évocations de fruits oranges bruns et celles de thé, d’infusion, de feuilles trempées dans une concoction d’alchimiste. Ce vin extrêmement typé envoûte par son charme énigmatique et j’étais ravi que nous le comprenions, Bérénice et moi, avec la même grille de lecture. La pluie insistait et servait à tous d’excuse pour rester un peu plus longtemps. Sur le chemin du retour, la trace indélébile de l’Yquem 1954 est le plus précieux des réconforts.

Avec un ami collectionneur d'Yquem.

séance de l’académie des vins anciens le 12 juin mardi, 12 juin 2007

La nouvelle séance de l'académie des vins anciens se tiendra le 12 juin au Cercle Suédois.

Les conditions de participation sont les mêmes que pour la précédente séance du 29 mars (voir à cette date).

Informations :

Lieu de la réunion : Restaurant Rivoli du Cercle Suédois à Paris, 242, rue de Rivoli, 75001 PARIS, escalier de gauche dans le hall d'entrée, 2ème étage (à noter) 

TEL: 01 42 60 40 22,

Date de la réunion : c'est le 12 juin à  19 heures, heure absolument impérative.

Coût de la participation : 120 € pour un académicien qui vient avec une bouteille ancienne. 240 € pour les académiciens sans bouteille. Chèque à adresser dès maintenant à l'ordre de "François Audouze AVA" à l'adresse suivante : François Audouze société ACIPAR, 18 rue de Paris, 93130 Noisy-le-Sec.

Nota du 4 juin : n'envoyez plus aucun règlement : vous paierez sur place en espèces ou chèque au nom de "François Audouze AVA"

Dates limites : envoi du chèque : le 5 juin. Livraison des vins : le 1er juin.

Livraison des bouteilles : Au bureau de la maison de champagne Henriot 5 rue la Boétie 75008 PARIS - tél : 01.47.42.18.06. C'est au deuxième étage.

Indiquez bien votre nom sur votre paquet, mais surtout, n'écrivez rien sur les bouteilles et ne collez rien sur les bouteilles.

Compte tenu de la chaleur ambiante, me prévenir de la livraison afin que j’aille chercher les bouteilles pour les mettre en cave.

Vous pouvez vous informer sur les précédentes réunions en regardant sur le blog.

Merci de vous inscrire en utilisant mon mail (indiqué ci-dessus dans la rubrique "comment me joindre") pour une séance qui – je l’espère – sera aussi brillante que la dernière réunion qui fut un succès total.

Voici les vins annoncés :

Vouvray le Haut Lieu moelleux Domaine Huet 1924 - Maury La Coume du Roy de Volontat 1925 - Maury La Coume du Roy de Volontat 1925 - Meursault maison Bichot 1928 - Château Petit Gravet 1929 - Cru Laneré Sauternes 1931 - Château Doisy Daëne 1934 - Château Phelan Segur, mise negoce, avant guerre (39/45), bouteille soufflée (niveau HE)  - Vosne Romanée Les Suchots Louis B?? 1945 - Corton Clos du Roi Prince de Mérode Joseph Drouhin 1949 - Domaine de Chevalier rouge 1952 - Mercurey Caves de la Reine Pédauque 1952 - Château la Dame Blanche 1953 - Sauterne-Barsac Doisy-Daëne 1953 - Larrivet Haut-Brion rouge (bas) 1955 - Torres Coronas Gran Reserva 1955 - Cos d'Estournel 1955 - Chinon Couly 1958 - Corton Charlemagne Nicolas 1959 - Branaire Ducru 1959 - Château Pontet St Emilion 1959 - Santenay Clos de Tavanne 1959 - Meursault blanc Jaboulet-Vercherre 1961 - Château Petit Faurie de Soutard 1961 - Sylvaner Trimbach 1962 - Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1967 - Château Giscours 1967 - Nuits Saint-Georges Les Cailles Remoissenet P&F 1969 - Château Filhot 1969 - Château Pouget Margaux 1970 - La Passion Haut-Brion 1971 - Côte Rôtie de Vallouit 1976 - Champagne Mumm cuvée René Lalou magnum 1979 - Champagne Georg coop de Vertus 1979 - Château Gazin 1979 - Champagne Grand Blanc Philipponat 1980 - Champagne Napoléon 1982 - Champagne Napoléon 1982 - Château Carbonnieux rouge 1982 - Clos de la Coulée de Serrant Nicolas Joly 1983 - Champagne Delamotte 1985 - Krug Grande Cuvée vers 1985 - Château Grand Mayne 1987 - Hermitage rouge « Le Gréal » Sorrel 1990

Académie des vins anciens – 6ème séance – 12 juin 2007 mardi, 12 juin 2007

Voici l'ordre de service des vins, l'ensemble des bouteilles étant réparties en trois groupes de dégustateurs :

Groupe 1 :

Champagne Besserat de Bellefond - Champagne Napoléon NM (1996) - Champagne Mumm cuvée René Lalou magnum 1979 - Champagne Napoléon 1982 - Champagne Grand Blanc Philipponat 1980 - Sylvaner Trimbach 1962 - Meursault maison Bichot 1928 - Château Petit Faurie de Soutard 1961 - Larrivet Haut-Brion rouge 1955 - Château Pontet St Emilion 1959 - Château Phelan Segur, mise negoce, vers 1934 - Château Petit Gravet 1929 - Santenay Clos de Tavanne 1959 - Corton Clos du Roi Prince de Mérode Joseph Drouhin 1949 - Cru Laneré Sauternes 1931 - Château Doisy Daëne 1934 - Vouvray le Haut Lieu moelleux Domaine Huet 1924

Groupe 2 :

Champagne Besserat de Bellefond - Champagne Napoléon NM (1996) - Champagne Mumm cuvée René Lalou magnum 1979 - Champagne Napoléon 1982 - Champagne Delamotte 1985 - Meursault blanc Jaboulet-Vercherre 1961 - Château Gazin 1971 - Branaire Ducru 1959 - La Passion Haut-Brion 1971 - Chinon Couly 1958 - Nuits Saint-Georges Les Cailles Remoissenet P&F 1969 - Vosne Romanée Les Suchots Louis B?? 1945 - Côte Rôtie de Vallouit 1976 - Torres Coronas Gran Reserva 1955 - Hermitage rouge « Le Gréal » Sorrel 1990 - Château Filhot 1969 - Château la Dame Blanche 1953 - Maury La Coume du Roy de Volontat 1925

Groupe 3 :

Champagne Besserat de Bellefond - Champagne Napoléon NM (1996) - Champagne Mumm cuvée René Lalou magnum 1979 - Champagne Napoléon 1982 - Krug Grande Cuvée vers 1985 - Corton Charlemagne Nicolas 1959 - Clos de la Coulée de Serrant Nicolas Joly 1983 - Château Carbonnieux rouge 1982 - Château Grand Mayne 1987 - Château Pouget Margaux 1970 - Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1967 - Domaine de Chevalier rouge 1952 - Château Giscours 1967 - Mercurey Caves de la Reine Pédauque 1952 - Cos d'Estournel 1955 - Sauternes-Barsac Doisy-Daëne 1953 - Maury La Coume du Roy de Volontat 1925

Il y a de quoi passer une belle soirée.

Académie des vins anciens – 6ème séance – 12 juin 2007 – compte-rendu mardi, 12 juin 2007

L’académie des vins anciens a tenu sa sixième édition le 12 juin au Cercle suédois. Si le cadre est un des plus ravissants qui soient avec une belle vue qui surplombe le grand bassin du jardin des Tuileries, l’absence de climatisation en cette période est un handicap pour les vins rouges. Et le niveau de la cuisine ne restera pas dans les mémoires. Je visais 32 académiciens pour constituer deux groupes de seize vins. Mais par un prompt renfort, nous nous vîmes 39 avec 45 vins ce qui m’imposa de constituer trois groupes.

Voici ces trois groupes par ordre de service des vins, sachant que plusieurs furent communs lorsque l’on eut deux bouteilles :

Groupe 1 : Champagne Besserat de Bellefon - Champagne Napoléon NM (1996) - Champagne Mumm cuvée René Lalou magnum 1979 - Champagne Napoléon 1982 - Champagne Grand Blanc Philipponat 1980 - Sylvaner Trimbach 1962 - Meursault maison Bichot 1928 - Château Petit Faurie de Soutard 1961 - Larrivet Haut-Brion rouge 1955 - Château Pontet St Emilion 1959 - Château Phelan Segur, mise negoce, vers 1934 - Château Petit Gravet 1929 - Santenay Clos de Tavanne 1959 - Corton Clos du Roi Prince de Mérode Joseph Drouhin 1949 - Cru Laneré Sauternes 1931 - Château Doisy Daëne 1934 - Vouvray le Haut Lieu moelleux Domaine Huet 1924

Groupe 2 : Champagne Besserat de Bellefon - Champagne Napoléon NM (1996) - Champagne Mumm cuvée René Lalou magnum 1979 - Champagne Napoléon 1982 - Champagne Delamotte 1985 - Meursault blanc Jaboulet-Vercherre 1961 - Château Gazin 1971 - Branaire Ducru 1959 - La Passion Haut-Brion 1971 - Chinon Couly 1958 - Nuits Saint-Georges Les Cailles Remoissenet P&F 1969 - Vosne Romanée Les Suchots Louis B?? 1945 - Côte Rôtie de Vallouit 1976 - Torres Coronas Gran Reserva 1955 - Hermitage rouge « Le Gréal » Sorrel 1990 - Château Filhot 1969 - Château la Dame Blanche 1953 - Maury La Coume du Roy de Volontat 1925

Groupe 3 : Champagne Besserat de Bellefon - Champagne Napoléon NM (1996) - Champagne Mumm cuvée René Lalou magnum 1979 - Champagne Napoléon 1982 - Krug Grande Cuvée vers 1985 - Corton Charlemagne Nicolas 1959 - Clos de la Coulée de Serrant Nicolas Joly 1983 - Château Carbonnieux rouge 1982 - Château Grand Mayne 1987 - Château Pouget Margaux 1970 - Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1967 - Domaine de Chevalier rouge 1952 - Château Giscours 1967 - Mercurey Caves de la Reine Pédauque 1952 - Cos d'Estournel 1955 - Sauternes-Barsac Doisy-Daëne 1953 - Maury La Coume du Roy de Volontat 1925.

Les trois premiers champagnes furent servis debout au bar du cercle. Etant dans le groupe 1, voici quelques remarques, sachant que je n’ai pas pris de notes, car j’étais accaparé par des conversations et le devoir de faire semblant que tout procédait de mon organisation.

Le Champagne Besserat de Bellefon est le champagne de bienvenue, d’une bonne dizaine d’années, un peu dosé à mon goût, mais de belle générosité. Le Champagne Napoléon 1996 est un champagne de Vertus qui ne peut que me plaire, car le champagne familial depuis mes grands-parents provenait de cette commune. Très pur, précis, il excite gentiment le gosier en cette chaleur.

Le Champagne Mumm cuvée René Lalou 1979 en magnum a un nez renversant. On sait immédiatement que ce sera splendide. La bulle est très vivante, picotant même et le goût est absolument étrange car en milieu de bouche il y a des notes de pierre à fusil, de munition que l’on vient de vider de sa poudre. C’est un champagne envoûtant, d’une maestria rare.

Nous passons à table, avec le champagne Napoléon 1982 qui est non dosé et a été dégorgé il y a trois jours. Il a une belle fraîcheur convaincante. Mais mon goût est plus porté sur la maturité du champagne Grand Blanc Philipponat 1980 qui est absolument séduisant, combinant jeunesse et maturité. Le Krug Grande Cuvée vers 1985 vient troubler mes certitudes, car ce champagne fait avec des vins des années 70 a une noblesse évidente. Mais je garde un petit faible pour le Philipponnat, plus conforme à mes envies de ce soir.

Les surprises commencent pour tous avec le Sylvaner Trimbach 1962 car personne n’attendrait ce vin avec cette vigueur et cette vivacité expressive. C’est un Alsace qui fait honneur à sa région. On m’apporte un verre de Meursault blanc Jaboulet-Vercherre 1961 et là, c’est moi qui suis surpris que ce vin puisse avoir ce talent et une belle définition. Mais le respect s’impose avec le Meursault Fortier-Picard maison Bichot 1928 qui fait voyager dans l’imaginaire pur, tant le rêve côtoie le réel. Il y a à la fois des repères de grands Meursault, et des variations sur le thème de l’âge qui ne me laissent pas indifférent.

Le Château Petit Faurie de Soutard 1961 est un vin fort agréable, qui ne dégage pas une folle émotion mais représente bien la solidité de son année. Le Larrivet Haut-Brion rouge 1955 est d’un niveau bas dans la bouteille, d’une couleur très dense. Le vin fait un peu torréfié, et n’est pas déplaisant, sans plus.

Le Château Pontet St Emilion 1959 est d’une autre stature. Epanoui comme un 1959, il a le charme discret de la bourgeoisie. Le Château Phelan Segur, d’une mise négoce d’avant guerre dans une  bouteille soufflée au cul profond doit être des années 30. Compte tenu de sa belle solidité on pourrait penser à 1934. Un vin solide plein de charme.

Le Château Petit Gravet 1929 que j’avais acheté à la famille propriétaire fait partie de ces vins que je chéris particulièrement car ils montrent à mes convives – et c’est l’objet de l’académie – que des vins qui ne sont pas des appellations les plus prestigieuses savent traverser le temps. Une jeune femme américaine à ma table, dont le vin bu le plus ancien est des années 70 reçoit comme un choc cette information nouvelle : un vin de 78 ans qui ne fait pas la une de tous les journaux peut être vivant, vibrant, excitant et passionnant. Le nez est marqué par les fruits rouges, la couleur est d’une jeune beauté et en bouche, ce Saint-émilion est rassurant de joie de vivre.

Le  Santenay Clos de Tavanne 1959 est un bourgogne solide et sans histoire. L’émotion la plus absolue vient du  Corton Clos du Roi Prince de Mérode Joseph Drouhin 1949 que j’ai apporté. Il a la perfection absolue des bourgognes que l’on aime, sauvages, fous, chantants, intrépides. Un vin à conserver en mémoire comme une chanson entêtante.

Le Cru Laneré Sauternes 1931, aussi de ma cave, d’une propriété qui m’est totalement inconnue, montre une fois de plus qu’un petit sauternes exprime avec l’âge des saveurs d’agrumes délicats et de fruits exotiques comme le font les grands. Ah, bien sûr, quand on a la chance d’avoir ensuite un Château Doisy Daëne 1934 exceptionnel, on mesure qu’un vin plus grand, c’est un vin plus grand. Surtout quand ce sauternes est ici au sommet de son art. Il a l’épanouissement absolu du beau sauternes où citron, pamplemousse ananas et mangues cohabitent avec café, thé et caramel. Sa densité est exceptionnelle.

Le Vouvray le Haut Lieu moelleux Domaine Huet 1924 était fermé d’un muselet comme un vin de champagne. Le niveau du liquide collait au bouchon, car il y avait moins d’un millimètre d’air. A l’ouverture plus de cinq heures auparavant, le bouchon était fort imbibé et le liquide légèrement pétillant. En bouche, l’impression est curieuse, car on ne sait pas bien  dans quelle direction va ce vin curieux mais fort sympathique. Inclassable il dérouta plus d’un.

Certains académiciens étant fort fiers de leurs apports, on m’apporta quelques verres. Le  Chinon Couly 1958 est fort intéressant. Fragile, timide, au goût incertain, il m’attire beaucoup par son envie de plaire. Le Branaire Ducru 1959 est un vin d’un accomplissement absolu, bouteille saine comme on les aime. Le Corton Charlemagne Nicolas 1959 est fatigué malgré une couleur séduisante. Il n’a pas survécu à la chute subite de son bouchon dans le liquide au moment de l’ouverture. Le  Château Pouget Margaux 1970 est fort aimable. On fit fort compliment du Domaine de Chevalier rouge 1952 pris dans ma cave qui est une réussite étonnante de cette année, mais je n’en eus point. Le Cos d'Estournel 1955 est un vin au sommet de son art. De niveau parfait il n’a aucun défaut. Le Maury La Coume du Roy de Volontat 1925 est délicieux et charmeur comme à l’accoutumée.

Si je dois retenir quelques vins de ce que j’ai bu ce sera le Meursault 1928 très pur témoignage des goûts de l’époque, le Petit-Gravet 1929 tout en charme contenu, l’immense Doisy-Daëne 1934 et le spectaculaire Corton 1949. Rien que cela justifie l’académie. Le Mumm René Lalou 1979 en magnum est une merveille. Il y avait vraiment de quoi apprendre le monde des vins anciens. Aux sourires, à l’ambiance enjouée, on mesure que l’académie correspond à une envie d’entrer dans ce monde fascinant.

89ème dîner de wine-dinners au Grand Véfour mardi, 29 mai 2007

A peine revenu du Sud et sa mer agitée, je viens ouvrir les vins du 89ème dîner de wine-dinners au restaurant le Grand Véfour. Patrick Tamisier, facétieux sommelier à l’humour direct et sympathique sait aussi écouter, échanger, et c’est un plaisir toujours renouvelé de construire avec lui. L’opération d’ouverture se passe avec une extrême facilité. Un vin constitue une énigme renouvelée. Alors que le bouchon du Véga Sicilia Unico 1960 est sec, plein, souple et efficace, celui du Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1963, enfoncé de cinq millimètres a produit dans cet espace vide une considérable poussière noire qui sent la terre, la tourbe et le sous-bois feuillu. Le vin lui-même sent la terre acide et je m’imagine que tout client qui commanderait ce vin dans un restaurant le renverrait ad patres. On sait depuis que je le raconte que ces vins reviennent à la vie et sont souvent brillants comme la suite de ce récit le montrera. Mais un tel aspect me surprend toujours, car on le comprendrait d’un vin de trente ans de plus, mais pas de cet âge là. C’est sans souci que j’ai laissé les vins pour aller saluer mes amis des Caves Legrand et pour flâner dans les jardins du Palais Royal. Je suis entré dans le magnifique écrin de la boutique de Serge Lutens où j’ai acheté le parfum Ambre Sultan, un must de ce créateur. Si je cite cette anecdote c’est en rapport avec le vin. Comme c’est la coutume, les parfumeurs ajoutent au petit paquet fort coûteux des échantillons. Peu de jours plus tard, j’essaie « Chypre rouge ». Et ce parfum a des notes prononcées de réglisse ce qui est incroyable, car mes vins de Chypre de 1845 ont une caractéristique fondamentale, c’est une note intense de réglisse. J’aime ces coïncidences, mais revenons à nos convives.

Notre table de huit a été formée par un de mes amis qui invite des clients. Je m’attends donc à ce qu’il y ait des retardataires. Aussi fais-je ouvrir en plus des vins prévus un Champagne Delamotte 1997 qui doit servir d’intermède ou d’ouverture. Le retard est effectivement au rendez-vous, si je peux oser cette image et le Delamotte joue parfaitement son rôle. 1997 est une année très réussie pour Delamotte, et ce que j’apprécie, c’est la claire définition de ce champagne. Agréable champagne de soif, il rassure par la lisibilité de son message.

Guy Martin a composé un menu qui est l’expression de sa personnalité : Pizza d’asperges vertes, crème de coque et caviar / Bouchées de crevettes « bouquet » / Langoustines juste saisies, d’autres crues assaisonnées aux fruits de la passion / Pigeon rôti au sautoir, patate douce et mangue, jus au bois sucré / Comté 16 mois / Compote et émulsion de mangues, sorbet pomelo / Café et mignardises. Certains plats sont véritablement adaptés aux vins, d’autres sont plutôt des créations personnelles où son talent s’expose sans relation réelle avec le vin. On sait que j’aime quand les chefs épurent leurs recettes au service du vin. Mais retrouver le talent de ce chef dans ce lieu chargé d’histoire est un plaisir qui ne se boude pas. Nous avons le joli salon du premier étage parfaitement calibré pour notre table de huit.

Le Champagne Dom Ruinart rosé 1986 a une couleur peau de pêche d’un charme rare. Comme il y a bien longtemps que je n’ai pas cité Laetitia Casta, il faut bien que je le fasse. Cette couleur est aussi belle que la peau de notre idole. Messieurs, en parlant d’elle, c’est de la République que je parle. La pizza complètement réinterprétée par Guy Martin est un cocktail éventail de goûts créatifs, disparates mais délicieux. Aussi, cet immense champagne de gastronomie est parfaitement à l’aise dans tous les compartiments du jeu, même lorsque Guy Martin, à l’instar de Pierre Gagnaire, repousse les limites de son talent. Ce champagne est un des plus grands rosés que je connaisse, car il sublime la notion même de rosé.

Il y a à notre table un grand amateur de Chablis. Le Chablis Grand Cru "Grenouilles" Louis Michel 1984 est subjuguant, car personne ne l’attendrait à ce niveau d’accomplissement. Il faut dire que les cinq heures d’oxygène lui ont donné de l’ampleur et un gras fort sympathique.

D’une façon assez générale, les vins de Mouton Rothschild ne laissent pas indifférent et il est de bon ton de le toiser dans les milieux de la critique du vin. Je me souviens que mes voisins de table à la dégustation des 1949 hésitaient avant de se rendre compte de la réussite extrême de Mouton 1949. Ici, le Château Mouton Rothschild 1975 est très au dessus de toute image que l’on aurait de ce vin. Là aussi l’oxygène joue un rôle crucial, épanouissant des arômes timides. Il s’agit d’un vin franc, aimable, subtil, dans le pur style de Mouton. A côté de lui le Château Grand La Lagune 1934 est une belle surprise pour mes convives, comme cela arrive souvent, car il brise tous les schémas convenus sur l’âge du vin. La majorité d’entre eux ne pouvait pas soupçonner qu’un vin de 73 ans puisse avoir une telle couleur de jeunesse et un tel allant en bouche. Les détails qui trahissent son âge sont infimes. C’est un vin fort agréable à boire qui confirme une fois de plus que 1934 est une année taillée pour une garde encore longue.

Patrick me donne à goûter le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1963. J’ai dans mon verre la partie la plus pâle du vin et lorsque Patrick a fait son tour de table je lui demande de me resservir un peu « pour homogénéiser ». Cette expression fait rire l’ami qui a organisé cette table. Dès le premier nez, je sais que c’est gagné. Ce vin qui aurait été refusé à son ouverture a retrouvé sa beauté première. Très bourguignon, subtil comme pas deux, ce vin m’enchante par ses complexités sous-jacentes. Il forme un contraste particulièrement intéressant avec le Vega Sicilia Unico 1960 qui est un vin d’un ravissement absolu. Puissant, clair, droit dans ses bottes, ce vin expose directement son message et s’y tient alors que le 1963 minaude. Je deviens de plus en plus amoureux de ces Vega Sicilia Unico anciens. Vins de soleil et de plaisir premier. J’apprécie d’avoir face à moi deux tendances qui m’enchantent : le vin pur apparemment simple mais complexe sous son message franc et le vin qui se drape dans des voiles de séduction, qu’il faut déchiffrer à chaque mouvement de ses graciles épaules. La confrontation méritait d’être faite. Ce Grands Echézeaux est délicat et envoûtant.

Le plus gradé des invités de mon ami avait clairement annoncé son manque d’intérêt pour les vins du Jura, aussi me fallut-il prodiguer des conseils précis pour que le Vin Jaune Arbois Bouvret Père & Fils 1967 soit correctement apprécié. J’avais fait changer le Comté pour un plus jeune, car les 16 à 18 mois sont idéaux et je demande à chacun de mâcher ostensiblement le Comté en secrétant un excès de salive. Ensuite il s’agit de boire le moins possible du vin afin que l’alcool ne domine pas. Cela donne une autre perspective à la combinaison, qui fut agréée par le plus grand nombre.

Le Château d'Yquem 1939 a un nez qui se suffit à lui-même. Il fait partie de ces vins dont le parfum tétanise. Le plaisir du nez est si grand que le bras est paralysé et l’on n’éprouve pas le besoin de boire le vin. Les plus anciens lecteurs se souviennent sans doute de ce Suduiraut 1928 que nous avions gardé en main plus de dix minutes lorsqu’il nous fut servi en compagnie de Guy Savoy assis à notre table, tant l’odeur était paralysante. Nous sommes ici dans le même cas avec des évocations de pamplemousse, de mangue et d’ananas. Tous les fruits de la même gamme de couleur que l’or serein de ce vin sont appelés à s’exprimer dans nos narines. Je fus bien inspiré de faire orienter le dessert vers la mangue, car ce fruit merveilleusement traité fit chanter cet Yquem immense. Je n’aurais jamais soupçonné que le 1939 d’Yquem ait ce charme là. Il n’a pas la solide présence du 1955 récent, mais il a un équilibre de ses composantes qui est assez spectaculaire car ici aucun trait n’est forcé. Yquem sait jouer de son charme dans ces années moins tonitruantes.

La beauté du lieu et l’envie de parler nous poussèrent à goûter un original Rhum du Venezuela Santa Teresa (Ron Antiguo de Solera) pendant que  nous votions. Tous les vins ont eu au moins un vote à l’exception du vin d’Arbois, sans doute à cause de sa position dans le repas entre deux vedettes. L’Yquem 1939 a reçu cinq votes de premier sur huit votants, le Vega Sicilia Unico 1960 a eu deux votes de premier et le Mouton 1975 a eu un vote de premier. Le vote du consensus serait : 1 – Yquem 1939, 2 - Vega Sicilia Unico 1960, 3 – Mouton Rothschild 1975, 4 - Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1963.

Mon vote a été : 1 – Yquem 1939, 2 - Vega Sicilia Unico 1960, 3 – Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1963, 4 - Mouton Rothschild 1975.

Egoïstement, je serais heureux que la mise au point du menu donne l’occasion d’un échange avec le chef ou que nous fassions une analyse a posteriori pour orienter de nouvelles pistes. Car si tout fut marqué d’un grand talent, il est des goûts qui s’accordent moins naturellement avec les vins anciens. Mais le charme du lieu, l’extrême implication d’une équipe motivée par l’excellence, ont fait de ce dîner un grand dîner. La mangue avec cet éblouissant Yquem et le pigeon avec le Vega Sicilia forment des souvenirs impérissables. Ce fut un grand dîner.

dîner wine-dinners du 29 mai 2007 – les vins lundi, 28 mai 2007

Champagne Dom Ruinart rosé 1986

Chablis Grand Cru "Grenouilles" Louis Michel 1984

Château Mouton-Rothschild 1975

Château Grand La Lagune 1934

Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1963

Vega Sicilia Unico 1960

Vin Jaune Arbois Bouvret Père & Fils 1967

Château d'Yquem 1939

 

Curieux habillage de cet Yquem 1939 qui a pourtant une capsule qui provient de l'embouteillage au château.

Clos Sainte Hune 1976 et Bienvenue Bâtard Montrachet 1999 mercredi, 23 mai 2007

I had met the director of a magazine specialised in wine, and he had considered the idea that I could write in it on old wines as I do regularly in a Swedish magazine. He had insisted that we have lunch together and the day before, his secretary calls me and says : “Mr XX is happy to have lunch with you. Has the place been decided between you ?”. I say no, and she proposes to reserve in a restaurant, and asks me if there is a place where I feel well. I say “Laurent”, and she sends me an email confirming that she has booked.

This morning, the lady calls me and says that Mr XX wants to talk with me. He says that he is happy that we meet, but says : “I would be happy to know who invites whom. Because if it is you, I will be happy to go to Laurent, but if it is me, I will have to choose another place, as we have rules and budgets for invitations”. I say that there is no problem and I invite him.

I arrive first, and I ask Ghislain to prepare a Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1976, a year that I specially love, and we will choose the other wine with the menu.

I suggest that we have crab with the Sainte Hune, and I propose an unconventional try, which is to associate a pigeon to white wine. Philippe Bourguignon, the remarkable director of the place smiles and says that it should be interesting, and I take a Bienvenue Batard Montrachet Domaine Leflaive 1999.

The Sainte Hune appears a little too cold, so the first sip has citrus and a disagreeable taste of glycerine. But the colour is so nice, of prune gold, that it promises a lot. And the wine expands in the glass and broadens with air and becomes ageless, completely balanced and logically structured. It is a wine of perfection. And the crab enlarges even more the wine.

We are happy.

The Bienvenue has a more pale and green yellow colour, has a smell with a fantastic complexity, and on the taste of the meat of the pigeon, it gains a complexity which is my complete pleasure. My guest is not so much at ease with this association, but personally, I find it quite exciting. The wine has a complexity that is above the one of many Montrachet. It has not the body, the power of a Montrachet, but it compensates it by this extreme variety of directions of tastes. It is obviously a great wine. It is elegant, romantic, playing on its subtlety.

We finish the two wines with cheese and some mignardises.

The restaurant Laurent is obviously a fantastic place which should never had lost one star. We were in the garden and it was delightful. The service is perfect and the food was great. Philippe had added morels to the pigeon to go with the Burgundy.

This was happiness. Will I write in the magazine ? I have probably built the first subject of a future paper, if I forget the beginning of my story.

déjeuner au restaurant Laurent avec un patron de presse mercredi, 23 mai 2007

En plusieurs occasions, j’avais rencontré le directeur de l’une des plus grandes revues du vin en France. Nous trouvant voisins de table au dernier dîner au château de Beaune où furent servis des vins légendaires de la cave de Bouchard Père & Fils, nous convînmes de nous revoir. Je l’invite au restaurant Laurent. Arrivant, comme souvent, très largement avant mon convive et ayant le choix des armes, je cherche dans la belle carte des vins de quoi faire une expérience intéressante. Je demande à Ghislain de préparer un Clos Sainte Hune, riesling Trimbach 1976, d’une année que j’affectionne, et nous déciderons du deuxième vin quand mon invité sera là.

Je propose que nous prenions l’araignée qu’Alain Pégouret prépare si élégamment, et que nous fassions l’expérience d’associer un pigeon avec  des vins blancs. Philippe Bourguignon, le remarquable directeur de cet endroit sourit de l’essai que je veux faire et dit : “ça peut marcher”. Je choisis un Bienvenue Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 1999.

Le Sainte-Hune apparaît un peu trop froid, aussi le premier contact est acide et glycériné. Mais la couleur est tellement belle, de prune dorée, que ce vin promet d’être grand. Et quand il s’épanouit dans le verre, il devient intemporel, d’un équilibre rare et d’une structure d’une logique profonde. C’est un vin de perfection que l’araignée élargit encore. A ce stade, nous sommes heureux.

Le Bienvenue a une couleur plus pâle tendant vers le jaune citron. Son nez est d’une complexité fantastique. En bouche, sur le pigeon, il trouve un accélérateur de complexité ce qui me comble d’aise. Mon camarade d’essai n’est pas aussi convaincu de la pertinence de la combinaison, mais à mon goût, c’est une association osée que j’adore. Ce Bienvenue a une complexité qui est très supérieure à celle de beaucoup de Montrachet. Il n’a pas le corps et la puissance d’un Montrachet, le sommet de la gamme des blancs de Bourgogne, mais il compense par l’extrême variété des directions gustatives explorées. C’est manifestement un très grand vin, élégant, romantique, jouant sur sa subtilité.

Nous finissons les deux vins sur des fromages et sur des mignardises. Le restaurant Laurent est un endroit au confort naturel. Il est évident qu’il n’eût jamais dû perdre sa deuxième étoile. Nous étions dans le jardin au charme rare. Le service est parfait, l’équipe souriante. Une attention qui montre où nous sommes : sachant que le pigeon serait goûté sur des blancs, Philippe Bourguignon a fait ajouter des morilles au plat. C’est au guide de s’apercevoir qu’on est là au paradis.