buveur d’étiquettes ou non ? lundi, 21 janvier 2008

Un correspondant d'un forum me suggérant de répondre à une question posée sur un autre forum, j'y suis allé. Et, comme cela arrive souvent, je fais l'objet de critiques sur ce que je bois.

Une critique souvent exprimée est que je serais un buveur d'étiquettes. Alors, j'ai voulu explorer cette notion.

Il faut d’abord définir ce qui est « vin d’étiquette ». J’ai retenu les vins suivants, sachant que la liste est très imparfaite, mais comporte du « lourd » :

Pétrus, Yquem, Cheval Blanc, Latour, Haut-Brion, Mission Haut-brion, Laville Haut-Brion, Château Margaux, Lafite-Rothschild, Mouton-Rothschild, Domaine de la Romanée Conti, Domaine Armand Rousseau, Coche-Dury (Grands Crus), Henri Jayer, Comtes Lafon (GC), Domaine de Vogüé (GC), quelques vins de Bouchard d’avant 1870, Trimbach (uniquement Clos Sainte Hune) Harlan Estate, Penfold Grange, Vega Sicilia Unico, Constantia d’Afrique du sud d’avant 1900, champagnes Krug (millésimé) et Salon, trois Côtes Rôties de Guigal, Rayas rouge, Hermitage La Chapelle (seulement 1929, 1961 et 1978), Chave rouge, Beaucastel (seulement Hommage).

Avec cette définition j’ai exploré mon fichier des vins dégustés sur les sept dernières années, qui comprend 5.357 vins. J’ai bu 1.056 « vins d’étiquette » (VE) et 4.301 vins « normaux » (VN). J’ai bu chaque semaine presque 3 vins d’étiquette. A ce titre, je pourrais être buveur d’étiquettes. Mais comme j’ai bu près de 12 vins « normaux » par semaine, cela fait de moi un non-buveur d’étiquettes.

Dans les dîners officiels que j’ai faits, il y a eu 973 vins, dont 236 VE et 737 VN. Il y a eu 24% de VE dans mes dîners contre 19% de VE dans tout ce que j’ai bu. L’écart n’est pas flagrant. Je ne fais donc pas de dîners où on ne tape que dans le clinquant si tant est que des grands vins soient clinquants.

Si l’on regarde les VE pour quelques groupes d’années :

1928 + 1929 : 16 VE sur 172 vins bus

1945 + 1947 : 24 VE sur 180. La somme des deux fait 40 VE sur 352 vins bus.

1989 + 1990 : 83 VE sur 353 vins bus.

A ce propos, quand on pense que je bois surtout des vins anciens, on peut remarquer que j’ai bu autant de vins de 1989 + 1990 que je n’ai bu de 1928 + 1929 + 1945 + 1947.

Regardons un instant les vins « normaux » que j’ai bus de 1928 et 1929 :

Anjou  "Rablay" Caves Prunier  1928 - Anjou « Maison Prunier » - 1928 - Anjou Caves Prunier - 1928 - Anjou Caves Prunier 1928 - Anjou Rablay Maison Prunier 1928 - Banyuls Brut de l’Etoile - 1928 - Beaune Avaux Bouchard Père et Fils - 1928 - Beaune Camille Giraud - 1928 - Beaune Camille Giroud 1928 - Champagne Veuve Clicquot rosé R.D. - 1928 - Château Beychevelle - 1928 - Château Carbonnieux 1928 - Château Carbonnieux 1928 - Château Carbonnieux rouge 1928 - Château Carbonnieux, Graves - 1928 - Château Carbonnieux, Graves - 1928 - Château Carbonnieux, Graves - 1928 - Château Carbonnieux, Graves rouge en magnum - 1928 - Château Chalon Jean Bourdy 1928 - Château Chalon Jean Bourdy 1928 - Château Chalon, Bourdy  - 1928 - Château Climens - 1928 - Château Cos d’Estournel 1928 - Château Desmirail Margaux - 1928 - Château Filhot - 1928 - Château Filhot - 1928 - Château Filhot - 1928 - Château Gruaud Larose - 1928 - Château Gruaud Larose Saint Julien - 1928 - Château Gruaud Larose Sarget 1928 - Château Gruaud-Larose 1928 - Château Junayme - 1928 - Château Junayme - 1928 - Château La Gaffelière - 1928 - Château La Gaffelière Saint-Emilion - 1928 - Château La Lagune - 1928 - Château La Tour Blanche, sauternes 1928 - Château Lafaurie Peyraguey - 1928 - Château Lagrange - 1928 - Château Léoville Las Cazes Saint Julien - 1928 - Château Loubens Sainte Croix du Mont 1928 - Château Millet Graves blanc - 1928 - Château Palmer - 1928 - Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande - 1928 - Château Sigalas Rabaud Sauternes 1928 - château Suduiraut - 1928 - château Suduiraut - 1928 - château Suduiraut - 1928 - Château Suduiraut 1928 - Coteaux du Layon - 1928 - Côtes d'Agly - Roussillon - hôtel Claridge - 1928 - Gevrey Chambertin « Clos Saint-Jacques » - 1928 - Gruaud Larose Faure-Bethmann 1928 - Hermitage blanc Paul Etienne - 1928 - Maury Domaine et Terroirs du Sud 1928 - Meursault Fortier-Picard maison Bichot 1928 - Montrachet Chauvenet - 1928 - Montrose - 1928 - Morey Saint Denis Chauvenet et Fils - 1928 - Moulin à Vent Coron Père et Fils - 1928 - Musigny Chevillot 1928 - Musigny Chevillot 1928 - Musigny Coron Père & Fils - 1928 - Richebourg Noëllat - 1928 - Tokay Hugel 1928 - Volnay Coron Père et Fils - 1928 - Volnay Faiveley - 1928 - Banyuls Grand Sivir - 1929 - Beaune Clos du Roi Bouchard Père & Fils - 1929 - Beaune Marconnets Nicolas - 1929 - Beaune Masson - 1929 - Cahors Clos de Gamot (Jouffreau) 1929 - Chablis Maison Bichot 1929 - Chambertin Clos de Bèze Corcol - 1929 - Chambertin Clos de Bèze Joseph Drouhin - 1929 - Champagne Pommery Brut - 1929 - Champagne Roederer - 1929 - Château Bouscaut blanc  - 1929 - Château Bouscaut en magnum - 1929 - Château Caillou, Barsac, crème de tête 1929 - Château Calon, Montagne Saint Emilion - 1929 - Château Carbonnieux rouge - 1929 - Château Chalon Bourdy et Fils - 1929 - Château Chalon, Bourdy  - 1929 - Château Chauvin - 1929 - Château Chauvin Saint Emilion - 1929 - Château Chauvin Saint Emilion - 1929 - Château Climens - 1929 - Château Climens - 1929 - Château Climens 1929 - Château d’Issan - 1929 - château de Tastes Ste Croix du Mont - 1929 - Château du Peyrat Capian - 1929 - Château Fanning La Fontaine - 1929 - Château Filhot - 1929 - Château Filhot - 1929 - Château Filhot - 1929 - Château Filhot 1929 - Château Gadet Médoc - 1929 - Château Gadet Médoc 1929 - Château Galan «Land limited by Saint-Julien » Vve Bordessoulles 1929 - Château Haut-Bages Averous - 1929 - Château La Gaffelière - 1929 - Château La Gaffelière Naudes 1929 - Château Léoville Poyferré - 1929 - Château Lynch-Bages  - 1929 - Château Pape Clément - 1929 - Château Petit Gravet 1929 - Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande - 1929 - Château Raymond Lafon Sauternes - 1929 - Château Suduiraut 1929 - Clos Capitoro blanc – Ajaccio - 1929 - Clos de Vougeot Château de la Tour Morin Père & Fils - 1929 - Clos Saint-Robert Barsac - 1929 - Clos Saint-Robert Barsac - 1929 - Cognac Adet - 1929 # - Corton "cuvée B" Brossaud - 1929 - Corton L. Soualle et E. De Bailliencourt - 1929 - Corton L. Soualle et E. De Bailliencourt - 1929 - Côte Rôtie Paul Etienne - 1929 - Côtes du Jura blanc, Bourdy  - 1929 - Crémant de Cramant Pierre Gimonod  - 1929 - Fleurie Domaine Poncié - 1929 - Grand Anjou - 1929 - Grand Chambertin domaine Régnier de Sosthène de Gravigny - 1929 - Grand Chambertin domaine Régnier de Sosthène de Gravigny - 1929 - Jurançon Le Trouilh Paul Roustille - 1929 - Jurançon Nicolas 1929 - Jurançon sec Nicolas - 1929 - Jurançon sec Nicolas - 1929 - Langoiran - 1929 # - Langoiran - 1929 # - Langoiran - 1929 # - Mercurey « Clos du Roy » Coron - 1929 - Monbazillac 1er Grand Cru Domaine Theulet et Marsallet - 1929 - Montrachet Maxim’s - 1929 - Montrose - 1929 - Musigny "Grand Vin de Bourgogne" 1929 - Musigny « grand vin de Bourgogne » négoce AMG (fondé en 1862) 1929 - Pommard " Grand vin d'origine " 1929 - Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929 - Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929 - Pommard Rugiens Bouchard Père & Fils - 1929 - Pouilly Fuissé Colcombet - 1929 - Pouilly Fuissé de Joncq - 1929 - Quarts de Chaume Beaulieu Vins Fins à La Membrolle Sur Choisille 1929 - Rauzan-Ségla 1929 - Richebourg Charles Noëllat - 1929 - Richebourg provenance inconnue - 1929 - Saint-Nicolas de Bourgueil Nicolas - 1929 - Santenay Louis Grivot - 1929 - Sauternes générique 1929 - Sauternes générique appellation contrôlée - 1929 - Volnay Caillerets ancienne cuvée Carnot Bouchard Père & Fils 1929 - Vouvray d’origine 1929 - Vouvray d'origine – 1929.

Si l’on lit cette liste, peut-on réellement considérer que je suis un buveur d’étiquettes ? J’ai la faiblesse de penser que non.

Pour 1989 + 1990, la liste des vins normaux (271) serait trop longue. Elle est extrêmement diversifiée avec un nombre de vins différents considérable et toujours supérieur au nombre de vins d’étiquette. Pour Bordeaux, 64 VN contre 28 VE, pour Bourgogne, 42 VN contre 12 VE, pour le Rhône, 27 VN pour 10 VE et pour les liquoreux, 20 VN pour 11 VE.

Voici seulement la liste des vins dits normaux de Bourgogne de 1989 et 1990 :

Bâtard Montrachet Antonin Rodet - 1989 - Bâtard Montrachet Antonin Rodet - 1989 - Bâtard Montrachet Sauzet - 1989 - Chambertin Grand Cru Camus Père & Fils - 1989 - Chambertin Grand Cru Camus Père & Fils - 1989 - Chevalier Montrachet Bouchard Père & Fils - 1989 - Chevalier Montrachet Bouchard Père & Fils - 1989 - Mazoyères Chambertin Grand Cru Camus Père et Fils 1989 - Mazoyères-Chambertin Camus - 1989 - Meursault Perrières Domaine Jacques Prieur - 1989 - Nuits-Saint-Georges Clos des Forêts Saint Georges Domaine de l’Arlot 1989 - Pommard " Les Rugiens " Hubert de Montille 1989 - Saint Véran maison Bichot 1989 - Saint-Véran Bichot - 1989 - Saint-Véran, Bichot - 1989 - Volnay Cailerets Ancienne cuvée Carnot Bouchard Père & Fils - 1989 - Vosne Romanée Cros Parantoux Emmanuel Rouget - 1989 - Vosne Romanée Cros Parantoux Méo Camuzet - 1989 - Vosne Romanée Mugneret Gibourg - 1989 - Bâtard Montrachet Blain Gagnard 1990 - Beaune du Château Bouchard Père & Fils 1990 - Beaune Grèves Vigne de l'Enfant Jésus Bouchard Père & fils - 1990 - Chambertin Clos de Bèze Faiveley 1990 - Chassagne Montrachet Fontaine Gagnard - 1990 - Chevalier Montrachet Bouchard Père & Fils 1990 - Clos de Tart - 1990 - Corton Bouchard Père & Fils 1990 - Corton Charlemagne Bouchard Père & Fils - 1990 - Corton Charlemagne Bouchard Père & Fils - 1990 - Corton Charlemagne Domaine Bonneau du Martray - 1990 - Corton Renardes Michel Gaunoux - 1990 - Côtes de Beaune Maranges Gilles Gaudet - 1990 - Griottes Chambertin Domaine Ponsot en magnum - 1990 - Meursault Perrières Coche-Dury - 1990 - Meursault Santenots Marquis d’Angerville - 1990 - Montrachet Bouchard Père & Fils 1990 - Musigny G. Roumier - 1990 - Pommard premier cru Michel Gaunoux - 1990 - Pommard-Rugiens 1er cru JM Boillot en magnum 1990 - Ruchottes-Chambertin Grand Cru Domaine Mugneret - 1990 - Volnay Caillerets Ancienne cuvée Carnot Bouchard Père & Fils - 1990 - Vosne Romanée Cros Parantoux Emmanuel Rouget – 1990.

Tout porte à croire que la variété des vins bus interdit de me classer comme un adorateur des seuls vins d’étiquettes. Je parle quatre fois plus souvent de vins normaux que de vins d’étiquette. Mais la mémoire ne conserve sans doute que les plus prestigieux d’entre eux. Or mon univers est peuplé de quatre fois plus de vins en dehors des vins phare.

L'intérêt de ces questions est de me pousser à analyser un peu plus précisément ce que je bois. A ce titre, cette étude était intéressante.

une belle verticale de Pommard Epenots Parent samedi, 19 janvier 2008

Il y a quelques mois, j’avais été logé chez un couple de vignerons bourguignons qui ont choisi de s’évader les week-ends au milieu de vignes rhodaniennes. Nous avions parlé vin, comme font les cul-de-jatte entre eux quand ils se rencontrent dans la chanson. Un rendez-vous a été mis au point par mon cousin ami des vignerons, pour que nous goûtions ensemble quelques antiques flacons.

Ma femme et moi arrivons le vendredi après-midi chez mon cousin et je vais déposer mes vins chez les vignerons. François Parent me montre un nombre invraisemblable de bouteilles de tous formats et me dit : « toutes ces bouteilles de la cave familiale ont leur bouchon d’origine. J’ai prévu des bouteilles de secours en cas de madérisation ou de défaut ». Il se trouve que François, qui ouvre de temps en temps un ou deux vieux flacons, fera seulement la troisième grande verticale des vins de son domaine. La première se fit avec Robert Parker au début des années 80, la deuxième se fit il y a trois ans avec Allen Meadows, l’homme qui, sans doute, connaît le mieux les vins de Bourgogne comme Richard Juhlin connaît les champagnes,  et la troisième se fait en la présence de quelques amis et moi-même, ce que je ressens comme un honneur. Une marque supplémentaire d’estime est que François me laissera ouvrir moi-même les vins, opération qu’il n’a jamais confiée à quelqu’un d’autre. Par bravade ou par encouragement, sans avoir vu les vins, je lance : « demain il n’y aura pas de déchet ».

Nous retournons chez mon cousin  pour dîner et nous commençons par un champagne pur Chardonnay, Lady de N de Le Brun de Neuville. Il se boit fort agréablement et s’adapte bien au foie gras fait par son gendre que l’on poivre légèrement. Sur une soupe à la châtaigne et un toast à la châtaigne, mon cousin ouvre un Vin jaune d’Arbois de Rolet Père & Fils 1995. Le vin est très puissant. L’accord est suave, confortable. Tout en ce vin jaune me ravit, le nez impérieux, le goût viril et envahissant et un final talentueux. Nous avons peur qu’un vin aussi dominateur ne porte ombrage au vin qui va suivre, mais nous nous lançons. Sur un cabillaud à l’orange, le Clos de la Coulée de Serrant de Mme Joly 1983 est divinement approprié car son acidité citronnée élégante épouse la préparation du poisson. Ce qui me frappe, c’est la précision de la trame de ce vin. J’apprécie beaucoup ce vin de la période qui précède celle du pape de la biodynamie, Nicolas Joly. Il montre à l’évidence qu’il ne faut boire ce vin que lorsqu’il est adulte. L’acidité de la tarte à la rhubarbe et aux groseilles refuse tout vin.

Le lendemain matin un chaud soleil illumine le Vaucluse. Mon cousin part plumer les grives, François Parent et Anne-Françoise Gros sont affairés. Dans quelques heures j’irai ouvrir les vins accompagné d’un de mes plus fidèles compagnons de dîners de vins anciens et nos épouses. Tout bruisse du recueillement d’avant match.

J’arrive un peu en retard, à 17h30 au lieu de 17h00 et je suis un peu nerveux car je voudrais que la démonstration de ma méthode d’ouverture soit la plus éclatante possible, mais François Parent est aussi nerveux que moi, car il n’ouvre jamais aussi tôt des flacons aussi antiques. François ouvre tous les flacons postérieurs à 1947 et j’ouvre tous les plus anciens. Les bouchons d’origine ont le haut qui est très sec et se brise comme la croûte d’un lac asséché. Mais le bas des bouchons est très souple. Les bouchons collent aux parois et s’enlèvent avec difficulté mais viennent entiers, sauf celui du Pommard 1886 qui se déchire en morceaux. François s’étonne que nous trouvions très bons des vins aux odeurs désagréables, mais il accepte l’expérience. Anne-Françoise me montre le menu et me demande comment je répartirais les vins pour des plats qui n’ont pas tous été conçus pour eux, puisque les vins de mon ami et les miens n’étaient pas annoncés.

Le menu élaboré par Anne-Françoise Gros est le suivant : terrine de poisson, coquilles Saint-Jacques sur lit de Vosne-Romanée / les grives du Vaucluse à la broche / le rôti de biche, purée de céleri, pomme de terre et truffes sauvages / plateau de fromages de Bourgogne / tarte aux pommes et coings de Pommard / ananas rôti, brochette de citronnelle, crème au gingembre.

Nous prenons l’apéritif devant la cheminée où une compagnie de grives tourne à la broche, chaque volatile étant séparé des autres par des tranches de lard, deux demi-pains placés sous les grives recueillant les suintements de cuisson. Le champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1983 que j’ai apporté est de belle acidité, de grande fraîcheur, qui remplit agréablement la bouche. On n’a pas la densité ou la complexité de champagnes typés comme Salon ou Krug, mais on a une expression très confortable d’un beau champagne. Il faut s’accoutumer au champagne Mahu blanc de blancs 1952 apporté par mon ami, car il a perdu sa bulle, a une couleur ambrée, et offre un vin très prononcé qui évoque un peu les vins du Jura, avec moins de force. Tout le monde étant amateur, le vin est très apprécié. Il a toutefois plus vieilli qu’il n’aurait dû, ce qui n’enlève rien à son intérêt.

Nous passons à table et sur la terrine sont prévus deux vins : un Echézeaux domaine Gustave Gros en demi-bouteille 1976 et un Pommard Chaponnières en magnum domaine Parent 1990. Le Pommard est d’une jeunesse joyeuse, avec un beau fruit et mon cousin l’adore et ne cessera de le répéter. Le 1976 est d’une grande personnalité, ne montre aucune sécheresse, et ne souffre pas du format de son flacon. Nous en boirons deux, de très belle qualité. Les deux vins sont dissemblables mais cohabitent bien et l’accord avec le plat est pertinent. J’aime beaucoup le message du 1976.

Sur les grives, j’ai voulu associer le Pommard Epenots domaine Parent en Jéroboam 1964 avec le Pommard Epenots domaine Parent 1933. Et ça marche très bien. On est frappé par la similitude du goût entre les deux, qui sont l’expression du terroir du domaine Parent. Le 1964 est épanoui, un peu amer et le 1933, année que mon ami et moi aimons particulièrement, se montre d’une très belle complexité pour l’année, la plus belle des années 30, sans être une année de grand rayonnement. Le 1933 nous plait beaucoup.

Sur le rôti de biche nous aurons deux séries des vins des plus beaux millésimes. La première série comporte le Pommard Epenots domaine Parent 1959 et le Pommard Epenots domaine Parent 1947. Le plus jeune est d’une grande élégance et d’une légèreté qui trace un long parcours en bouche. Le contraste est saisissant avec le 1947 plus rond, plus plein, plus complexe, de plus grande richesse. Je suis assez abasourdi par la perfection du 1947 alors que mon cousin ne voyait pas tant de différence avec le 1959. François Parent constate qu’une ouverture faite plusieurs heures avant arrondit les vins et que le vin est bon de la première gorgée à la dernière, puisqu’il a profité longtemps de son aération.

La deuxième série comprend le Pommard Epenots domaine Parent 1928 et le Pommard Epenots domaine Parent 1915. Pourrait-on imaginer deux vins plus dissemblables et aussi parfaits, chacun dans son registre ? Le 1928 est dans la lignée du 1947, mais il a tout en plus. Mon ami et moi disons immédiatement que pour un 1928, il a tout de 1928. Mais il a plus que cela. Il est puissant, solide, charpenté, complexe, d’une présence en bouche spectaculaire. On dirait que c’est le Pommard parfait, qui paraît plus joyeux que les Pommard du début de repas. Anne-Françoise dit en buvant le 1915 : « c’est de la rose ». Et je raconte l’anecdote du premier repas que j’avais partagé avec Alain Senderens pour lequel j’avais apporté mon chouchou Nuits-Saint-Georges les Cailles Morin 1915. Alain l’avait adoré et avait demandé à un maître d’hôtel de chercher des pétales de rose. Et nous avions mâché des pétales de rose et bu le 1915 pour un accord divin. Anne-Françoise venait de retrouver la même évocation qu’Alain sur un vin de la même année. Le 1915 est un vin d’une sensualité invraisemblable. Il est sexy, déroutant, aguichant, et nous entraîne sur des pistes gustatives que nous n’aurions pas imaginées. Il y a quelques similitudes entre le 1915 et le 1933, le plus vieux ayant un charme très nettement supérieur. Nous étions assez impressionnés que l’on puisse avoir ensemble le 1928 sûr de lui et dominateur et le 1915 romantique, panier de roses d’un charme féminin.

Je souhaitais que les deux plus vieux vins se dégustent sans plat, mais nous avons picoré du fromage, le chambertin se prêtant bien à la mise en valeur de ces deux ancêtres. Le Pommard Epenots domaine Parent 1904 a une couleur assez ahurissante que François connaît bien, très rouge sang ce qui est presque invraisemblable pour cette année. Le vin est bon, agréable, typé, expressif, mais on commence à ressentir les effets de l’âge même si le vin est ingambe. Le Pommard Epenots domaine Parent 1886 est émouvant. Il provient de vignes pré phylloxériques qui ont été arrachées en 1895. Le vin qui était d’un niveau bas est encore vivant et François constate avec plaisir son agilité. Mais on le boit plus comme une relique émouvante que comme un grand vin. Un détail m’a frappé : François connaît tout de l’histoire de chaque année et explique le goût de chaque vin par la climatologie et les décisions qui en découlent.

Nous allons sur le fromage faire une constatation percutante de précision. Le Pommard Epenots domaine Parent en magnum 1985 et le Pommard Epenots domaine Parent en magnum 1978 sont des vins qui font un saut de presque un siècle avec le vin que nous avions quitté. Et si la jeunesse est belle, les vins nous apparaissent à ce moment comme trop jeunes, pas assez structurés, pas assez assemblés, pas assez homogènes. Des vins qui ont plus de vingt ans semblent des gamins comme des vins de l’année.

Mon ami est bien triste, car son Vouvray Clos du Bourg Huet 1959 est agréable, mais à cent coudées de ce qu’il peut montrer, comme s’il avait un rhume. J’ai apporté deux liquoreux. Le Domaine du Pin 1ères Côtes de Bordeaux 1937 que j’ai annoncé comme étant un sauternes, et de 1941, car la bouteille n’avait pas d’étiquette a un nez joliment agrume. En bouche, les agrumes sont présents, mais le vin manque un peu de coffre. Le Château Rayne-Vigneau 1936, très ambré a un nez de caramel. Anne-Françoise y voit du chocolat que j’ai du mal à trouver. En bouche c’est très caramel et s’harmonise bien avec la sauce de l’ananas confectionné par le couple de convives hollandais qui participe au repas. Ce vin sera très favorisé dans les votes, mais je trouve que les deux liquoreux que j’ai apportés, tout comme le Huet, jouent petit bras lors de cette soirée.

Au-delà de deux heures du matin, sous un ciel étoilé, les volutes cubains forment les seuls nuages et se marient à une fine de Bourgogne Parent que l’on peut dater entre 1890 et 1904, provenant d’un fût de 228 litres évaporé pour ne laisser que 50 litres environ lors de la mise en bouteilles. De sa naissance à 70°, il reste encore une force alcoolique à percer les murailles. Nous avons voté pour les quatre vins qui ont été les plus appréciés. Malgré de belles disparités, le consensus se fit largement sur les deux premiers. Le vote du consensus serait : 1 - Pommard Epenots domaine Parent 1915, 2 - Pommard Epenots domaine Parent 1928, 3 - Pommard Epenots domaine Parent 1947, 4 - Château Rayne-Vigneau 1936. Mon vote est presque le même, le sauternes étant remplacé par le champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1983.

Je tirerais de cette magnifique verticale les enseignements suivants. La période d’excellence de ce Pommard est entre 1959 et 1915. Les plus jeunes n’ont pas encore atteint la rondeur qui les met en valeur, et au-delà de 1915, les vins plus vieux, même intéressants, sont aujourd’hui des témoignages historiques plus que des sérénités gustatives. Ils ont dépassé leur seuil d’intérêt, alors que le 1928 par exemple montrera une longévité quasi infinie. Le plus grand sujet de fierté pour moi est le succès total de ma méthode d’ouverture. François Parent a constaté que deux vins qu’il aurait écartés, le 1933 et le 1886, ont été à la hauteur de ce qu’il attendait. C’est la première fois que dans ces verticales, il n’a pas été obligé d’ouvrir des bouteilles de secours, et il a constaté que le vin renforcé par une oxygénation lente, se présente sur table dans l’état le plus épanoui qu’il serait capable d’offrir.

Le lendemain midi sous un soleil lourd qu’on ne verrait normalement jamais en janvier, un brunch nous réunit pour commenter le dîner merveilleux de la veille. Le 1990 est toujours aussi joyeux, le 1964 est devenu plus amer et a un peu perdu de sa superbe. Le 1985 est constant, et c’est surtout le 1978 qui s’est amélioré de façon incroyable. N’étant plus confronté au talent des 28 et 47, il montre une joie de vivre et un équilibre qu’il n’avait pas hier, qui nous réconcilie avec les vins de cet âge.

Cette verticale impressionnante, dans une ambiance amicale entre connaisseurs de vins anciens a appris beaucoup de choses à chacun.

Hommage à Jean Claude Vrinat mardi, 8 janvier 2008

Un grand homme vient de nous quitter.

La gastronomie, c’est une affaire d’hommes et de femmes de cœur.

Il y a ceux qui sont derrière les fourneaux.

Il y a ceux qui sont dans la salle.

Le travail de Jean-Claude Vrinat a fait de son établissement la référence absolue en matière de service.

Soucieux de satisfaire le client, l’ami qui vient chez lui, il n’avait de cesse que chaque geste, chaque action soit tournée vers la satisfaction du client.

Il n’aurait sans doute pas dû perdre sa troisième étoile. Cela l’a peut-être déstabilisé. Mais il a vu à quel point la fidélité des clients était importante.

Toutes mes pensées vont à son épouse, que j’ai connue lors d’une des croisières gastronomiques du France où Taillevent a réussi des prouesses de logistique pour servir des plats d’une cuisson parfaite à près de 2000 personnes.

Mes pensées vont aussi à Valérie, qui reprendra les rênes et peut compter sur l’amitié de l’abondante et raffinée clientèle du restaurant.

Mes pensées vont aussi à Alain Solivérès, le chef qui officie dans l’ombre mais sans lequel Taillevent ne serait pas ce qu’il est. Et aussi au personnel engagé dans une recherche d'excellence qui est l'un des succès de la rigueur de Jean-Claude Vrinat.

Nous nous souviendrons longtemps d’une homme d’un raffinement hors du commun, d’un sens de l’accueil unique, d’une volonté de perfection infatigable, qui nous a permis et m’a permis de faire certains des dîners les plus émouvants de ma vie.

Le dernier en date, du 22 novembre 2007 mérite d’être rappelé, en hommage à ce grand homme de la gastronomie :

92ème dîner de wine-dinners le 22 novembre 2007 au restaurant Taillevent

Les vins de la collection wine-dinners en hommage à Joseph Asch

Champagne Dry Monopole, Heidsieck & Co en Magnum 1955

Vouvray sec, clos de Nouys, domaine Maurice Audebert 1966

Pinot Gris Réserve spéciale, Schlumberger 1953

Château Laville Haut-Brion 1948

Vin d’Arbois Vigne de Pasteur 1968

Château Latour 1957

La Tâche, domaine de la Romanée Conti 1955

Nuits Saint-Georges « Les Cailles » Morin Pères & Fils 1915

Anjou Caves Prunier 1928

Château Lafaurie-Peyraguey  Sauternes 1964

Clos du Pape Fargues  Sauternes 1924

Vin de Massandra, Madère, Collection Massandra (19°) 1953

Le menu, créé sous l’autorité de Jean-Claude Vrinat par Alain Solivérès

Rémoulade de tourteau à l’aneth, crème fleurette citronnée

Epeautre du pays de Sault en risotto aux champignons

Viennoise de sole, boutons de guêtre et vieux comté

Palombe rôtie aux légumes d’automne caramélisés

Tourte de lapin de garenne au genièvre

Cristalline aux coings, glace au riz au lait

Croustillant au chocolat et aux fèves de Tonka

Je concluais mon récit par ces mots : Taillevent a fait comme à son habitude une prestation de grande qualité. Le service efficace, la gentillesse de Jean-Claude Vrinat, le menu bien ordonnancé qui a produit quelques accords rares, le salon de toute beauté, tout cela portait au bonheur. Mais ce fut l’ambiance de la table qui a fait de ce dîner un moment d’une intensité exceptionnelle. Un ami de Joseph qui participait au repas au château d’Yquem fit un petit speech pétillant d’esprit sur Joe et Elizabeth, avec sensibilité, exprima tout ce que Thanksgiving Day apportait à la joie amicale et familiale. Tout le monde a communié à l’amitié, à la bonne chère et aux vins anciens. Ce fut l’un des plus enthousiasmants de mes dîners.

Longue vie à son restaurant, pour que son action se prolonge dans la voie qu'il a tracée.

The trip of a wine lover in 2007 dimanche, 6 janvier 2008

As I am retired, I live my passion for wine rather intensely. I have the impression that 2007 represents something which is above my expectation. I had never dreamed of that. Of course, I do not compete with others as I know people who open wines that are not within my reach, but I compete with myself, which means that I will try to drink the wines that I love with the greatest and the most perfect gastronomic atmosphere.

I have looked at what has happened. I have drunk 995 wines in 2007.

It represents 2.73 wines per day, but as I have drunk 185 days and not drunk 180 days, it makes 5.38 wines that I have drunk on the days when I drink.

As my personal consumption has been of 30.9 cl per day, it means that I have drunk 11.33 cl per bottle that I have shared, which means that the average people drinking wine with me were 6.6 people including me.

Here are the years that I have drunk in 2007 :

1845 (1)  - 1856 (1)  - 1868 (1)  - 1880 (1)  - 1889 (1)  - 1891 (1)  - 1893 (1)  - 1898 (1)  - 1899 (4)  - 1900 (1)  - 1907 (1)  - 1910 (1)  - 1912 (1)  - 1913 (1)  - 1915 (2)  - 1916 (1)  - 1918 (2)  - 1919 (1)  - 1920 (1)  - 1921 (6)  - 1922 (1)  - 1923 (1)  - 1924 (4)  - 1925 (8)  - 1926 (4)  - 1928 (10)  - 1929 (10)  - 1930 (1)  - 1931 (2)  - 1932 (1)  - 1933 (5)  - 1934 (11)  - 1936 (1)  - 1937 (5)  - 1938 (1)  - 1939 (2)  - 1940 (2)  - 1941 (1)  - 1942 (7)  - 1943 (3)  - 1945 (12)  - 1947 (19)  - 1948 (5)  - 1949 (18)  - 1950 (4)  - 1951 (2)  - 1952 (9)  - 1953 (11)  - 1954 (2)  - 1955 (11)  - 1956 (1)  - 1957 (4)  - 1958 (3)  - 1959 (18)  - 1960 (6)  - 1961 (18)  - 1962 (11)  - 1963 (1)  - 1964 (13)  - 1965 (1)  - 1966 (11)  - 1967 (3)  - 1968 (1)  - 1969 (3)  - 1970 (8)  - 1971 (4)  - 1972 (3)  - 1973 (6)  - 1974 (4)  - 1975 (5)  - 1976 (15)  - 1978 (10)  - 1979 (9)  - 1980 (6)  - 1981 (7)  - 1982 (25)  - 1983 (12)  - 1984 (2)  - 1985 (18)  - 1986 (16)  - 1987 (5)  - 1988 (22)  - 1989 (19)  - 1990 (43)  - 1991 (2)  - 1992 (9)  - 1993 (5)  - 1994 (3)  - 1995 (24)  - 1996 (36)  - 1997 (20)  - 1998 (45)  - 1999 (31)  - 2000 (26)  - 2001 (37)  - 2002 (23)  - 2003 (19)  - 2004 (41)  - 2005 (44)  - 2006 (21)  - NV (73).

There was no special will to explore so many years, but it happens to be so. It represents 100 different vintages excluding the not vintage.

The number of wines before 1990 is 493, with an average age of 48 years. So I have nearly drunk 500 wines having an age of 50 years in average.

The origin of the wines that I have drunk is following :

-Roman"">         producers, who invited me, who made big events, or who participated to fairs represent 401 wines, which is a great number (I have a special thank to Bipin Desai, who organised vertical tastings with the producers themselves)

-Roman"">         family or friends have provided 185 wines

-Roman"">         I have ordered 125 in restaurants, which is rather few, as I am authorised to bring my own wines generally

-Roman"">         From my cellar, 284 wines have been used. With this rhythm, I have more than 100 years of consumption. So, I can invite many friends up to 2120, roughly.

What is interesting is to see what I drank for some wines :

68 wines of  Yquem : 1889 - 1891 - 1893 - 1899 - 1899 - 1912 - 1921 - 1934 - 1937 - 1938 - 1939 - 1945 - 1947 - 1948 - 1949 - 1953 - 1954 - 1955 - 1955 - 1959 - 1961 - 1962 - 1962 - 1967 - 1970 - 1975 - 1976 - 1976 - 1976 - 1976 - 1978 - 1978 - 1982 - 1983 - 1983 - 1984 - 1986 - 1986 - 1986 - 1986 - 1987 - 1988 - 1988 - 1988 - 1988 - 1989 - 1989 - 1990 - 1994 - 1995 - 1996 - 1996 - 1996 - 1997 - 1997 - 1998 - 1998 - 1999 - 2000 - 2000 - 2001 - 2001 - 2001 - 2001 - 2002 - 2002 - 2003 - 2003

It means that I drink, in average, more than one Yquem per week.

48 Cheval Blanc : 1921 - 1934 - 1937 - 1945 - 1947 - 1948 - 1949 - 1949 - 1952 - 1953 - 1955 - 1959 - 1961 - 1962 - 1964 - 1966 - 1970 - 1971 - 1975 - 1978 - 1979 - 1982 - 1983 - 1985 - 1988 - 1989 - 1989 - 1989 - 1990 - 1990 - 1990 - 1994 - 1995 - 1995 - 1996 - 1998 - 1998 - 1998 - 1999 - 2000 - 2000 - 2000 - 2001 - 2001 - 2001 - 2001 - 2003 - 2004

14 Mouton Rothschild : 1918 - 1928 - 1936 - 1945 - 1945 - 1949 - 1964 - 1975 - 1987 - 1998 - 2001 - 2001 - 2005 – 2006

12 Chateau Latour : 1907 - 1916 - 1926 - 1949 - 1957 - 1986 - 1989 - 1990 - 1998 - 2001 - 2001 – 2005

31 wines from Haut-Brion, Mission and Laville : 1926 - 1926 - 1929 - 1942 - 1942 - 1945 - 1947 - 1948 - 1948 - 1949 - 1950 - 1955 - 1957 - 1958 - 1966 - 1979 - 1979 - 1980 - 1981 - 1982 - 1983 - 1983 - 1988 - 1992 - 1998 - 2001 - 2001 - 2003 - 2004 - 2004 – 2004

6 Lafite-Rothschild : 1868 - 1945 - 1949 - 1986 - 1998 - 2001

5 Pétrus : 1934 - 1949 - 1953 - 1974 - 2001

For Burgundy, I selected so : all the Montrachets (being Montrachet) from every domaine, and only three domaines for the other wines : Romanée Conti, Coche Dury, Armand Rousseau. It represents 26 wines : 1939 - 1942 - 1955 - 1962 - 1963 - 1964 - 1964 - 1970 - 1972 - 1980 - 1980 - 1982 - 1985 - 1986 - 1988 - 1990 - 1993 - 1996 - 1997 - 1999 - 1999 - 2001 - 2004 - 2004 - 2004 - 2004

For champagne, if I take only Krug plus Salon, it represents 44 wines : 1979 - 1979 - 1979 - 1981 - 1981 - 1981 - 1982 - 1982 - 1982 - 1982 - 1982 - 1982 - 1982 - 1982 - 1985 - 1985 - 1986 - 1988 - 1988 - 1988 - 1988 - 1988 - 1988 - 1988 - 1988 - 1990 - 1990 - 1990 - 1990 - 1990 - 1990 - 1990 - 1990 - 1995 - 1995 - 1995 - 1995 - 1996 - 1996 - 1996 - NV - NV - NV - NV

If I add all these wines, plus all the wines of the 19th century, it makes a count of “trophies”.

260 trophy wines : 1845 (1)  - 1856 (1)  - 1868 (1)  - 1880 (1)  - 1889 (1)  - 1891 (1)  - 1893 (1)  - 1898 (1)  - 1899 (4)  - 1900 (1)  - 1907 (1)  - 1912 (1)  - 1916 (1)  - 1918 (1)  - 1921 (2)  - 1926 (3)  - 1928 (1)  - 1929 (1)  - 1934 (3)  - 1936 (1)  - 1937 (2)  - 1938 (1)  - 1939 (2)  - 1942 (3)  - 1945 (6)  - 1947 (3)  - 1948 (4)  - 1949 (8)  - 1950 (1)  - 1952 (1)  - 1953 (3)  - 1954 (1)  - 1955 (4)  - 1957 (2)  - 1958 (1)  - 1959 (2)  - 1961 (2)  - 1962 (4)  - 1963 (1)  - 1964 (4)  - 1966 (2)  - 1967 (1)  - 1970 (3)  - 1971 (1)  - 1972 (1)  - 1974 (1)  - 1975 (3)  - 1976 (4)  - 1978 (3)  - 1979 (6)  - 1980 (3)  - 1981 (4)  - 1982 (12)  - 1983 (5)  - 1984 (1)  - 1985 (4)  - 1986 (8)  - 1987 (2)  - 1988 (15)  - 1989 (6)  - 1990 (14)  - 1992 (1)  - 1993 (1)  - 1994 (2)  - 1995 (7)  - 1996 (8)  - 1997 (3)  - 1998 (9)  - 1999 (4)  - 2000 (5)  - 2001 (17)  - 2002 (2)  - 2003 (4)  - 2004 (8)  - 2005 (2)  - 2006 (1)  - NV (4) 

It makes exactly 5 trophy wines per week. Among those trophy wines 133 came from producers, fact which requires my big thanks.

This means that I have drunk 735 wines that – under my definition – are not trophies. Among them, a great lot of them have reached certainly a quality near the one of trophies.

Of course, figures do not represent the sum of emotion that I have had. But as I live an adventure which is rather unusual, I thought that it would be interesting to see what really happened.

I have made a ranking of the best wines of 2007 for me. It is very difficult.

1 – Champagne Moët & Chandon 1945

2 – Chateau Mouton Rothschild 1945

3 - Chateau Mouton Rothschild 1928

4 – Chateau d’Yquem 1899

5 – Champagne Pol Roger 1921

6 – Château Latour 1947

7 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1949

8 – Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1959

9 - Champagne Dom Pérignon rosé in magnum 1990

10 – Hermitage Chave Cuvée Cathelin 1998

11 - Chateau Mouton Rothschild 1918

12 – Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915

13 – Château d’Yquem 2001

14 – Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1989

15 – Pétrus 1934

I do not know if I am able to do the same in the future. I would be happy if I could be sort of a “memory” for old wines put in a situation of dinner. Some people like John Kapon will represent the Bible for precious wines, with his very valuable notes. I would be happy if I can add another perspective for the amateurs interested in old wines, of every level.

Salon 1990 sur camembert et truffe, à comparer au 1988 lundi, 31 décembre 2007

Les enfants arrivent avec la petite dernière – six mois déjà – dans notre maison du Sud. Ils se joindront à nous pour le réveillon qui aura lieu chez des voisins amis. Catherine, notre voisine, m’a déjà annoncé le menu du soir et j’ai apporté de Paris des vins pour composer un beau réveillon. Je vais avec mon gendre chercher quelques victuailles pour le premier jour de l’An, nous achetons quelques fleurs pour nos épouses respectives, et nous voilà proches du déjeuner. Je risque un : « qu’est-ce qu’on boit ? » immédiatement contré comme en un passing-shot de revers par la mère et la fille : « ce midi, que de l’eau ». Guillaume ne s’en laisse pas compter et exhibe un torchon en forme de bourse qu’il nous fait sentir. Même un anoure de l’appendice nasal aurait reconnu le parfum de la truffe. Je jette un œil dans le réfrigérateur et j’extirpe un flacon qui ne se peut refuser.

Nous tranchons quelques parcelles de poutargue, et le champagne Salon 1990 s’ébroue. On sent instantanément que ce champagne de grande noblesse n’aura pas l’épanouissement du Salon 1988. Il va compenser par une hauteur de vue assez rare. Intéressant mais sans plus sur la poutargue qui le titille gentiment, le Salon sera le compagnon poli de coquelets qui avaient été prévus. Comme il faut quand même provoquer ce Salon, Guillaume va chercher deux petites truffes, fait toaster un pain biologique, l’inonde d’huile d’olive, et lorsqu’on a pris soin de recouvrir de noir toute trace de pain, on a une bouchée royale qui tire du Salon des chants d’amour. Quel grand champagne. Le mot qui me vient est « noble ». C’est effectivement un champagne racé. On n’a pas du tout l’émotion qu’a créée le Salon 1988, d’un romantisme inoubliable, mais on a la pureté du blanc de blancs, avec cette patte qui n’appartient qu’aux plus grands. Le camembert de Noël a fait ses classes. Il vibre avec le Salon d’un unisson que l’on ne trouverait avec aucune autre saveur. Lorsqu’on essaie ensuite avec un peu de foie gras, juste pour voir, on prend conscience que rien ne vaut le champagne sur le foie gras. Mais on est loin de la vibration du camembert avec le champagne. L’histoire de ce repas de midi s’arrête là. Dans à peine deux heures j’apporterai chez ma voisine les vins du réveillon. Le Salon 1990, que j’ai encore en bouche est un champagne noble, quand le Salon 1988 est un jeune premier.

Le Salon du lendemain samedi, 29 décembre 2007

Reprise du combat par un chaud soleil. Nous déjeunons dehors. Sur le faux-filet seul, le reste du Salon 1988 est un interlocuteur poli. Je verrais très bien ces dames qui accompagnent les visites privées d'un musée confidentiel. Il y a la délicatesse et la connaissance, mais la situation ne brille pas par une sensualité débridée.

Sur des fettucini que ma femme a cuits sans aucun adjuvant et sans contact avec la truffe qui est en lamelles dans un petit bol, le Salon, qui a perdu à peine de sa bulle, mais suffisamment pour le faire paraître un peu plus âgé, gagne en noblesse. Je le verrais bien déambuler dans les salles capitulaires de l'Escurial, comme toute la noblesse espagnole. Car il est noble le gaillard, avec toujours des évocations florales et fruitées, mais devenues plus raffinées et strictes. Et quand le camembert arrive, avec un jour de plus qui lui va à merveille, le Salon devient le loulou de banlieue. Ça surine sec à Noisy-le-Sec. Ça danse la java dans mon palais et je suis aux anges. Il reste dans mon verre quelques gouttes pendant que j'écris, et le champagne est fruité, a gardé son teint de rose et des évocations florales et de fruits blancs, roses et rouge pâle. Il est vineux bien sûr mais avec un romantisme certain.

Mon Dieu que c'est beau.

L’appel du cigalon jeudi, 20 décembre 2007

Les yeux encore éblouis par le dîner au restaurant Laurent avec de grands vignerons, je mets cap sur le Sud avec mon épouse. Un coup de fil : « j’ai deux kilos de cigalons. Ça te tente ? ». La réponse fuse : « nous arrivons ». Par une journée où l’air frais est réchauffé par un soleil intense, il fait bon contempler une mer qu’un vent d’Est fait frissonner. Nous commençons par des crevettes roses qu’il faut manger avec la carapace, car le jus de cuisson d’Yvan Roux lui a donné un parfum d’herbes provençales. C’est avec des doigts tout entachés de mes décorticages que je saisis le verre du champagne Laurent Perrier Grand Siècle, indispensable outil de notre bonheur.

Ce sont ensuite des bébés seiches qui n’ont pas encore eu le temps de se fabriquer l’os plat crayeux que l’on connaît. On les croque et la sensation lorsque l’on casse leurs yeux globuleux est étrange. Il faut faire le vide dans son esprit. Le jus d’encre, d’une encre fragile, est délicat.

Lorsqu’arrivent les cigalons, c’est une véritable bouffée de bonheur. La chair est ferme, typée, subtile, d’une profondeur remarquable. Il faudrait évidemment un vin rouge. Yvan m’entend et apporte un magnum de Château Lamarque, cru bourgeois de Médoc 2002. Il arrive à me convaincre que prendre un verre n’empêchera pas de le servir le lendemain pour des clients qu’il connaît. J’accepte donc. L’accord de ce vin rouge avec les cigalons est pertinent. Mais quel vin ! Ce vin représente tout ce que Parker souhaitait et que je ne désire point. Il a en lui toutes les tendances modernes qui ne conduiront nulle part. Or c’est bon, car c’est flatteur. Mais ce vin que l’on aurait pu faire à Cape Town, à Camberra ou à Napa, c’est une forme de vin que je refuse, malgré la séduction primaire, car c’est la négation de l’histoire. Comme il n’était pas question de refaire le monde, je croque les cigalons sur de belles lampées de ce vin nommé bordelais. A la réflexion, cette chair est extrêmement typée, mais n’a pas la subtilité de la langoustine. Plus virile, plus intense, mais moins charmeuse que la princesse des crustacés.

Nous goûtons ensuite des seiches d’un calibre plus élevé dont la chair du crâne est doucereuse dans son encre prononcée. Une gousse d’ail vient attendrir le goût pour notre plus grand bonheur. Une nouvelle lampée de Lamarque se boit avec un plaisir immédiat et un dédain d’esthète.

Une daurade rose pêchée à trois cent mètres de profondeur, cuite sans aucune ajoute, juste accompagnée d’une aubergine coiffée de tomates cerise, c’est un grand plat. Le Laurent Perrier accompagne parce qu’il est poli, mais il eût été opportun d’ouvrir un rouge en mettant de côté les tomates.

Le repas se conclut par un soufflé à la lavande, subtil, romantique, beau comme l’onde qui frissonne à nos pieds. J’aime l’appel du cigalon, le soir auprès de chez moi.

my best wines in 2007 lundi, 17 décembre 2007

This question is asked every year on the forum of Robert Parker. In order not to forget my answer, here it is :

I will try to give my best wines of the year. First of all, I am amazed by the number of incredible wines that I have drunk this year. It is above every possible dream that I would have made before the year began.

Here is a try of 15 best wines in order of quality :

1 – Champagne Moët & Chandon 1945

2 – Chateau Mouton Rothschild 1945

3 - Chateau Mouton Rothschild 1928

4 – Chateau d’Yquem 1899

5 – Champagne Pol Roger 1921

6 – Château Latour 1947

7 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1949

8 – Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1959

9 - Champagne Dom Pérignon rosé in magnum 1990

10 – Hermitage Chave Cuvée Cathelin 1998

11 - Chateau Mouton Rothschild 1918

12 – Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915

13 – Château d’Yquem 2001

14 – Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1989

15 – Pétrus 1934

le 7ème dîner des amis de Bipin Desai vendredi, 14 décembre 2007

Deux jours après le dîner à Fargues, le 7ème dîner des amis de Bipin Desai, que je comptabilise parmi les dîners faits « à la façon wine-dinners » ce qui lui donne le numéro 94, se tient au restaurant Laurent, à la même date et au même lieu que le 6ème. Chacun des convives a apporté un vin ou un peu plus. Les participants sont Jean Berchon des champagnes Moët & Chandon, Alfred Bonnie du Château Malartic-Lagravière, Didier Depond des champagnes Salon et Delamotte, Bernard Hervet du domaine Faiveley, Jean-Nicolas Méo du domaine Méo-Camuzet, Etienne de Montille du domaine de Montille, Jean-Charles le Bault de la Morinière du domaine Bonneau du Martray, Alexandre de Lur Saluces du Château de Fargues, Aubert de Villaine du domaine de la Romanée Conti, Bipin Desai et moi.

Je viens ouvrir les vins dès 16h30, avec la ferme intention de montrer à ces prestigieux vignerons l’intérêt de ma méthode d’ouverture. Les odeurs les plus belles sont celles du Haut-Brion blanc 1966, de La Tâche 1962 et du Fargues 1947. Pour attendre les convives nous buvons un champagne Laurent-Perrier Grand Siècle NM qui glisse en bouche avec facilité. C’est la meilleure façon possible de se préparer à ce grand dîner.

Nous passons à table et voici le menu conçu par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret : Rouelles de pied de porc / Huîtres spéciales « Gillardeau » N° 2 lutées dans leurs coquilles, bouillon de mousserons citronnés / Homard cuit dans un beurre mousseux, pleurotes et trompettes de la mort / Foie gras de canard rôti posé sur une cracotte, truffes noires / Lièvre à la cuiller / Râble de lièvre saisi en cocotte, salsifis et jus court / Risotto à la truffe blanche d’Alba / Mille-feuille gaufrette à la mangue / Petits financiers aux noix.

Le Champagne Dom Pérignon Œnothèque en magnum 1973 est imposant. Son style est d’une noblesse rare. Le nez est de truffe, de brioche, la bulle est fine et distinguée, mais c’est surtout la trace en bouche qui m’impressionne, déterminée, gaillarde, qui bouscule tout sur son passage. La rouelle de porc est idéale pour mettre en valeur ce champagne d’immense raffinement.

Les huîtres lutées sont marines et délicieuses. Leur originalité plait à tous les convives et c’est le partenaire idéal pour le Champagne Salon 1979 sur lequel j’ai peu d’objectivité tant son goût m’est connu, confortable, rassurant sur sa conformité à son image d’excellence. C’est un grand champagne typé, peut-être moins fou que certains autres millésimes de Salon. Tout le monde se plait à dire que les associations mets et vins démarrent de belle façon.

Sur le homard, nous avons deux vins. Le Château Haut-Brion blanc 1966 se présente au premier abord avec une légère fatigue qui disparaît très vite. A ma surprise nous allons nous livrer avec un de mes amis bourguignons à une joute verbale – heureusement amicale – sur les vertus de ce vin que j’ai apporté. Il dit que ce vin est d’une simplicité affligeante que l’on ne devrait pas associer au nom de Haut-Brion qui ne devrait pas faire de blanc. Je raccourcis le propos bien sûr, en poussant le trait. Bipin vient à mon aide en disant que 1966 est une très grande année pour Haut-Brion blanc et je trouve dans ce vin de plus en plus de charme, de complexité et de subtilité. Alors que j’avais connu cet ami d’une rare ouverture lorsque nous avons dégusté ensemble des vins dont certains n’avaient plus grand-chose à dire, il adopte ici un rejet qui m’était inconnu. Est-ce parce qu’il a un goût fait au vin blanc de Bourgogne qu’il est peu flexible à d’autres orientations ? Tout cela n’est pas bien grave car à côté de ce verre nous avons le Corton Charlemagne Bonneau du Martray en magnum 1969 aux tons dorés qui nous comble d’aise. Cette date a beaucoup de signification pour Jean-Charles qui le boit avec un supplément d’émotion. Le vin est extrêmement surprenant, énigmatique et d’un charme rare. Il est très inattendu et loin des acceptions actuelles du Corton Charlemagne. Le Haut-Brion a bien réagi à la sauce du homard et c’est sur les champignons que le bourgogne blanc crée un accord exceptionnel. Un grand blanc émouvant.

Alfred Bonnie devait se sentir un peu seul à représenter les bordeaux rouges face à l’armée bourguignonne. Mais son Château Malartic-Lagravière 1947 a les armes qui conviennent. Ce n’est pas le plus puissant des Graves, mais il a une subtilité, une élégance qui révèle le foie gras. La petite cracotte est trop sucrée pour le vin et c’est sur la chair délicieuse du foie que ce vin brille de façon convaincante.

Le lièvre à la cuiller est particulièrement fort et goûteux, et l’on aurait peut-être dû concevoir un plat plus calme pour le Pommard Rugiens Domaine de Montille en magnum 1978, mais il s’en tire avec plus que les honneurs. Ce qui frappe immédiatement, c’est un nez spectaculairement joyeux et expressif. Ce nez annonce un grand vin et la bouche confirme. Etienne est heureux que le vin se présente si bien. Le vin se boit avec une rare facilité, glisse en bouche en laissant une trace de bonheur.

Le râble est absolument délicieux et joue juste pour les deux vins que j’ai associés, le Chambertin Clos de Bèze Faiveley 1978 et le Corton Clos Rognet Méo-Camuzet 1959. Philippe Bourguignon avait pensé mettre les deux 1978 ensemble, mais cela aurait créé une compétition non souhaitable alors qu’ici les deux vins sont tellement dissemblables que cela ne suscite aucun challenge. Le chambertin est un vin très précis, clair, droit, qui réagit fort bien sur le salsifis alors que le corton se délecte du râble qui met en valeur sa personnalité affirmée. Ce 1959 que j’avais déjà dégusté en cave avec Jean-Nicolas est une merveille de densité, de puissance et de maturité.

Ce sont maintenant deux exquises expressions de la Bourgogne qui vont accompagner un risotto qui ne met aucun facteur multiplicateur aux deux vins qui sont capables de jouer leur partition tous seuls. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1962 arrive porteur d’une réputation solide, car c’est une année exceptionnelle pour ce vin. Cette aura n’est pas usurpée car il est splendide. Il est d’un équilibre parfait, d’une précision extrême et ce qui me frappe c’est que je ressens son parcours à l’inverse de celui du Dom Pérignon. Le champagne s’affirmait longitudinalement. La Tâche lance des milliers de flèches gustatives latéralement. Il emplit la bouche en complexifiant son trajet et c’est merveilleux. Fin, racé, élégant et précis sont les caractéristiques que je perçois. Le vin que j’ai apporté, le Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929 est, quelle coïncidence, le même que celui que j’avais apporté un an plus tôt au même dîner des amis de Bipin Desai. Il y aurait donc un tropisme qui me pousse vers ce vin qu’Aubert de Villaine trouve excellent. Il a le charme que j’ai déjà décrit, qui me fait l’aimer et me presse inconsciemment de le choisir. Bien sûr, comme il est puissant, les vignerons bourguignons présents se demandent s’il a été un peu aidé. Force est de constater qu’un nez aussi pur et ce goût si bourguignon ne peuvent appartenir qu’à un vrai Pommard. Sa jeunesse pour 78 ans est remarquable. 

Le dessert réalisé par Alain Pégouret a la justesse qui sied au Château de Fargues 1947 éblouissant que nous dégustons sourire aux lèvres. Bipin dit qu’il le trouve supérieur à Yquem 1947. Je n’irais sans doute pas jusque là, car l’oxygénation que j’ai donnée à ce vin ouvert sept heures avant l’arrondit et l’épanouit. Mais ce qui est sûr, c’est que nous goûtons un immense sauternes, doré, joyeux, ensoleillé, plein en bouche, d’un vrai plaisir.

Le Vin de paille Jean Bourdy 1921 que j’ai inséré à la fin du dîner est pour moi comme un bonbon délicieux, évocateur de fruits bruns et de raisins secs. Il est élégant, sans force excessive, et ponctue très bien le parcours que nous avons fait.

Quand je demande que l’on vote, comme à chaque fin de dîner, l’opposition est unanime car l’exercice est jugé trop difficile devant les vignerons eux-mêmes. Je sens que cet exercice modifierait l’ambiance aussi nous ne votons pas. Comment vais-je faire pour archiver ce dîner s’il n’y a pas de vote ? J’en risque un, fait le lendemain : 1 - La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1962, 2 - Château de Fargues 1947, 3 - Champagne Dom Pérignon Œnothèque magnum 1973, 4 - Corton Clos Rognet Méo-Camuzet 1959. Je n’ai pas inclus le Pommard 1929 que j’avais mis en première place l’an dernier, car ce vote fait le lendemain ne doit pas inclure mes vins, et je suis heureux de mettre en évidence des vins brillants parmi les vins exceptionnels que nous avons bus hier soir. Ces votes, comme je l’ai maintes fois dit, ne portent pas sur la valeur qualitative intrinsèque de chaque vin mais sur le plaisir de l’instant qu’ils ont créé.

Chacun des vignerons était heureux de se retrouver avec ses pairs, Bipin Desai était ravi de se voir fêté par une si prestigieuse assemblée. Il eut à mon égard des mots de reconnaissance qui m’ont particulièrement touché, car je considère Bipin comme l’un des plus grands  ambassadeurs du monde des vins anciens. La brigade du restaurant Laurent ausculte toujours les convives qui sortent de la salle. Ils m’ont confirmé que chacun semblait heureux, réjoui, prêt à recommencer un dîner aussi magnifique. Tous ont vanté le talent d’Alain Pégouret, le service efficace de Denis et de tout le personnel de ce restaurant, sans doute le plus attachant de tout Paris. Une anecdote pour finir : le chef d’Etat Kadhafi avait envoyé ce matin un de ses conseillers pour occuper ce soir la totalité du restaurant Laurent, en promettant d’indemniser tous les clients, quel qu’en soit le prix. Merci Philippe et Patrick de l’avoir renvoyé sous sa tente, car nous aurions perdu un moment irremplaçable de nos vies.

Le Grand Tasting, deuxième jour samedi, 1 décembre 2007

Le deuxième jour du Grand Tasting débute sur une « Master Class » consacrée à Moët & Chandon présenté par Benoît Gouez, le chef de cave qui fait l’assemblage du champagne le plus diffusé dans le monde. D’un discours très clair nous apprenons que « la grande maison » comme on l’appelle possède mille hectares dont 600 de grands crus, et achète les raisins de 2500 hectares supplémentaires, ce qui fait 200 crus différents dont la diversité requiert du talent à l’assemblage. La vision de Benoît est « d’être sur le fruit », comme il l’explique. Sa mission est de concilier qualité et quantité.

Le champagne Moët & Chandon Brut Imperial nous est servi en magnum, comme les quatre de cette réunion. Dans l’odeur, l’alcool domine. La bulle est bien dosée. Le non millésimé doit avoir de la constance. Il est frais, bien servi. On sent qu’il y a du vin de réserve plus mûr : du 2004 essentiellement et 30% de 2002 . C’est sans doute cela qui donne un petit goût toasté. Il y a 20 à 30% de chardonnay, 30 à 40% de pinot noir et 30 à 40% de pinot meunier. Le dosage de cette cuvée est de 11 grammes. L’assemblage est au cœur de l’action.

Le champagne Moët & Chandon rosé Brut Imperial en magnum est pour moi plus rosé que champagne. Je ne l’aime pas trop. Benoît dit qu’il a une suavité anachronique dans le monde des rosés. Il y a 50% de pinot noir et 50% de pinot meunier. C’est effectivement assez confortable, mais je préfère d’une façon générale le picotement du champagne blanc à la douceur du champagne rosé.

Le champagne Moët & Chandon Grand Vintage 2000 a un nez très minéral. Ce qui frappe c’est sa douceur. Il est charmeur comme pas deux. Benoît Gouez est présent chez Moët depuis 1998 et 2000 est son premier millésime. C’est un champagne de rêve, bien fait. Il est romantique, pamplemousse et ananas et d’une belle longueur. J’ai pensé à des plats qui doivent respecter sa douceur, son charme et son romantisme, comme le ris de veau ou la coquille Saint-Jacques.

Le champagne Moët & Chandon rosé 2000 a une magnifique couleur saumon ou pèche. Le nez est assez discret. C’est un rosé bien agréable,  mais je préfère dix fois le blanc, brillant compagnon de gastronomie.

C’est intéressant de passer ensuite à la Master Class où Vianney Fabre, responsable de l’exportation, présence trois vins de Bollinger. Il raconte l’histoire de la famille et les choix très précis. Le raisin vient à 70% de vignobles de la maison qui possède 180 hectares de vignes. La maison Bollinger entretient encore à plein temps un tonnelier pour réparer les vieux tonneaux de mûrissement, puisque l’on n’utilise jamais de fût neuf, les plus vieux ayant jusqu’à quatre-vingts ans. Bollinger entretient une « librairie », que Vianney compare à une boîte à épices, de 500.000 magnums avec sucre et levure pour donner un quart de mousse. Ces magnums servent à l’assemblage des non millésimés.

Le champagne Bollinger spécial cuvée est le non millésimé de la maison. Il est particulièrement doré. Il y a plusieurs millésimes car l’assemblage comporte plus de 50% de vins de réserve. Le nez est très pur, intense. La bulle est belle. Le vin est fumé, toasté, pain d’épices. J’aime sa forte personnalité et sa grande élégance. Le final est léger, comme un coup de fouet sur la langue. Le dosage est de 7 à 9 grammes. Sa force permet d’en faire un vin de gastronomie.

Le champagne 2003 by Bollinger a été déjà décrit lors de la Master Class d’hier. Je peux vérifier que les informations données sont les mêmes ! Le nez est un peu dur. En bouche, c’est un champagne de fleurs blanches, élégant et romantique. Il est très suggestif, doux et discret. Il est très orienté chardonnay, ce qui n’est pas le style habituel Bollinger mais on sait les problèmes climatiques que cette année a connus. Il n’y a que 3,1 g de dosage. Ce vin a été vinifié à 100% en barriques et son vieillissement en bouteilles avec bouchons naturels explique la forme du haut de la bouteille, car le dégorgement est fait à la main. C’est un vin très frais, à la bulle noble.

Le champagne Bollinger Grande Année 1999 est la cuvée de prestige. Il y a 63% de pinot noir et 37% de chardonnay. Le champagne est composé de 82% de grands crus et la totalité est élevée en barrique. On sent une grande noblesse et une forte personnalité. Fort en bouche, il plombe le palais ce qui ne l’empêche pas d’évoquer des fleurs blanches. Le final est noble. Je le vois très bien être le champagne de tout un repas, car il autorise toutes les audaces culinaires. Vianney dit qu’il est féminin quand le 1997 est masculin. De bien beaux champagnes.  

Ces salons étant très fatigants par les allées et venues que l’on fait entre les stands, par les sautes de température et par de vilains rhumes qui se propagent comme les mauvaises nouvelles à la Bourse, c'est-à-dire à la vitesse de l’éclair, je suis allé déjeuner avec ma fille aînée en dégustant un Beaune Clos des Mouches rouge Maison Chanson 2005 que m’a gentiment donné l’excellent sommelier qui a réglé avec une minutie digne d’éloge le service des vins de toutes les Master Class. Le vin est joyeux et intense comme cette rencontre avec ma fille.

Je garde le souvenir d’un Grand Tasting efficace, où des vignerons de grande qualité font goûter leurs vins à un public nombreux et connaisseur. C’est pour moi l’occasion d’être proche de Michel Bettane ou Bernard Burtschy dont la connaissance du vin, de sa géographie et de son histoire ne cessent de m’émerveiller. C’est aussi l’occasion de rencontrer des vignerons que j’apprécie pour parler des plaisirs que procurent leurs chefs-d’œuvre.