Nous nous rendons au siège de la maison Barbeito. Nous sommes reçus par Ricardo Diogo V. Freitas, qui est le vinificateur de cette maison en 1946. Il nous fait faire une visite très détaillée de ses installations et expose ses réflexions sur la vinification des madères, pour laquelle il a des visées assez avant-gardistes. Il est précis, réfléchi, et ambitieux pour son appellation et pour sa maison. C’est lui-même qui conduit la dégustation. Ses explications ravissent mes amis sommeliers.
Je dois avouer que je suis probablement passé à côté de certains vins de ce domaine, sans doute influencé par le premier vin qui m’a poussé sur de fausses pistes. Les sommeliers ont unanimement célébré la qualité des vins jeunes de cette maison alors que je n’ai apprécié que les vins anciens. On doit donc lire mes notes en sachant que je suis sans doute passé à côté des premiers vins. Je reproduis ici mon ressenti sans le changer, sachant que certaines critiques ne sont pas confirmées par mes amis.
Madère Barbeito Bastardo 2014 Tank 24 Foot treading : ce vin est plus qu’un bébé ! Il a été fortifié il y a deux semaines. Sa couleur est irréellement rose, celle d’un jus de fraise. Le nez évoque un jus de fruit sucré. L’acidité est forte et fait penser à la grenade. Le final est celui d’un bonbon anglais amer. Il n’y a aucune référence pour ce vin
Madère Barbeito Bastardo 2013 Cask 50 Foot treading : nez d’alcool, de camphre et de menthol très frais. Le goût est très curieux. Il y a aussi du bonbon anglais. Le final n’est pas agréable, chimique, avec alcool et amertume.
Madère Barbeito Bastardo 2012 Cask 161 Direct Pressing : nez identique à celui du 2013 médicinal. La bouche est beaucoup plus civilisée. Il y a de la douceur et de l’équilibre. Le final a un peu de médicinal.
Madère Barbeito Malvasia 2012 Cask 155 Lagar + Pneumatic Press : nez de marc, alcool un peu imprécis. Bouche de vin assez calme, final rêche de barbe d’artichaut. Le vin est difficile avec un peu de quinquina.
Madère Barbeito Malvasia 2010 Cask 203 Pneumatic Press : ce vin qui a trois ans de fût a un nez poussiéreux un peu coincé. La bouche est beaucoup plus plaisante. Il y a de la cohérence, avec des notes de gentiane, de pamplemousse confit. Le final est rêche, amer, mais on sent que le vin a un beau potentiel de vieillissement.
Madère Barbeito Sercial 1992 Frasqueira : il a passé vingt ans en fût. Il est aussi sans concession. La bouche est claire, pure, très élégante. On sent les pomelos et les oranges. Le final est plaisant, de très grand longueur. Il est intéressant car énigmatique et sans concession.
Madère Barbeito Verdelho 20 years old, Ribeiro Real. Ce vin a 85% de Verdelho et 15% de Tinta Negra comme le permet la législation. Le nez comme d’autres a de la grappa, mais ici avec des fruits blancs et roses comme litchi et fraise. La bouche est très pleine, bien intégrée. C’est un vin de soleil. De belle mâche il évoque des fruits jaunes. Il a une belle persistance sucrée. C’est un vin élégant.
Madère Barbeito Verdelho 1992 Frasqueira. Le nez évoque l’alcool et les fruits jaunes. La bouche est cohérente mais pas très complexe. Le final est très agréable, pas très long mais intelligent. Il n’y a pas beaucoup d’émotion mais le vin est bien fait.
Madère Barbeito Boal 1992 Frasqueira. La bouche est très épicée. C’est un vin sans concession au final très frais, sans défaut. Vin de grande fraîcheur dont on sent l’alcool et de jolis fruits confits.
Madère Barbeito Boal 20 years old Ribeiro Real. Le vin comprend 85% de Boal de vingt ans et 15% de Tinta Negra de 1952, 1953 et 1954. Pourquoi a-t-on mis des Tinta Negra si vieux ? C’est en fonction du goût recherché. Le nez est flatteur et plus parfumé que les vins précédents. On sent qu’avec ce vin, on franchit une étape. Plus charmeur, plus gras, il a de jolies épices et un beau final de pomelos et de fraîcheur.
Madère Barbeito Malvasia 20 years old Lot 14050 : le nez est monolithique d’alcool et de fruits jaunes. La bouche est très élégante, cohérente, avec un final frais et mentholé et de pamplemousse. Ce vin sans concession est de très grande qualité. Il est gourmand.
Madère Barbeito Malvasia 40 years old Mae Manuela : le vin porte le nom de la mère de Ricardo. Le nez est charmant, floral et menthe. La bouche est complètement intégrée. Encore un saut qualitatif énorme. Le vin est cohérent avec des épices, du caramel, du café, des agrumes. Le final est très long avec des agrumes et des épices. C’est un très grand vin à la persistance infinie.
Madère Barbeito Malvasia 1880 : vin de jeunesse dont l’énergie et la puissance sont incroyables. Le nez est d’alcool et d’un caramel léger. La bouche est grasse, de caramel, café épices. Il est complexe, au final d’une jeunesse folle. L’alcool paraît incroyablement jeune et cela me surprend. Le vin est gourmand avec des notes d’orange confite et de zeste.
A ces treize vins se rajoute un Madère Barbeito Boal 1982 au joli nez calme, intégré, fait d’épices de café et de caramel.
Si je me suis régalé des vins plus anciens, j’ai été plus circonspect sur les vins plus jeunes contrairement à mes amis. J’admets volontiers avoir pu passer à côté. J’ai préféré garder mes notes comme elles étaient. L’accueil de cette maison incarnée par son propriétaire a été l’un des plus chaleureux et complet.
le patron qui nous reçoit, extrêmement brillant
des couleurs parfois surprenantes pour les plus jeunes vins
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