restaurant « Le Bec Fin » à Dôle : y courir !vendredi, 2 février 2007

Départ à la Percée du Vin Jaune où, pour une fois, ma femme et moi serons rejoints par notre fille cadette et son mari. L’hôtel où nous avons nos habitudes, le Château de Germigney à Port-Lesney a pris l’habitude fâcheuse de n’ouvrir que le soir de la Percée. Il nous faut donc nous loger la veille. L’internet nous suggère un hôtel à Dôle. Je réserve près du centre ville. La description parait convenable. La réalité est toute autre. Dans cette jolie ville touristique, j’imagine ce que des touristes étrangers peuvent penser de l’état de sous-développement de notre hôtellerie. Car pour ouvrir et fermer la porte des toilettes de ma chambre, je ne vois que des trapézistes du cirque Bouglione. Si l’on décide de rester debout, c’est le couvercle métallique du distributeur à papier qui vous sectionne les jambes quand on veut sortir. Si on décide de monter sur la lunette pour ouvrir la porte, à quel étage va-t-on tomber ? Et si l’équipement doit s’appeler décoration, il faut mettre au musée du Louvre les calendriers des pompiers et des postes, car ce sont des œuvres d’art. J’avoue avoir une certaine tendresse pour les paravents de douche qui transforment la salle de bain en une annexe des Niagara Falls.

La ville est sauvée par un restaurant où je vous conseille de courir au plus vite : Le Bec Fin, où Romuald Fassenet, meilleur ouvrier de France, a obtenu une étoile largement méritée, et où Catherine Fassenet, accueillante, a concocté une carte des vins intelligente.  Dans une rue piétonne où Pasteur a vu le jour, c’est une maison ancienne qui nous offre une salle agréable. Je commande un champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1988, champagne de grande qualité que je connais déjà. Je lui associe une noix de Saint-Jacques en croûte de noisette et curry, émincé fin de betterave rouge, vinaigrette au jambon cru du Doubs. L’association terre et mer est aussi un sujet pour Christian Le Squer de Ledoyen, et le champagne s’y complait. Il a une plénitude rassurante, une race évidente. Il fait partie des très grands champagnes de 1988, avec un charme envoûtant, ensoleillé.

L’heure étant de partager avec mon gendre quelques moments de folie, c’est sur un lièvre cuisiné à la royale, pulpe de châtaignes et mousseline de topinambours que nous voulons profiter de l’explosion de joie de la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1999. Quel immense vin. C’est Roger Federer en bouteille. Montée au filet, passing-shot, on a tout cela en bouche. La plénitude gustative sur un fond de simplicité du discours est totale.

Sur un moelleux noisette de ma maman (c’est le titre), crème glacée vin jaune curry, un Marc du Chapitre  des Caves des Echansons offert par le chef est fort agréable, avec ce râpeux propre aux marcs virils. Romuald est venu bavarder avec nous. Il a les pieds sur terre, sait ce qu’il veut. Ce sera l’un des grands chefs de demain. Courez-y. Mais volez une tente Delanoë à un SDF. C’est plus sûr.