dégustation de Châteauneuf-du-Pape à Mechelen (Belgique)mardi, 30 janvier 2007

Voici les photos de l’un des participants de ce dîner :

http://www.pixagogo.be/7870934100

Voici mon compte rendu :

Un habitué du forum de Robert Parker lance l’idée d’un dîner avec de vieux Châteauneuf-du-Pape. L’idée m’excite. Nous échangeons des mails. Je sais que je vais rencontrer deux ou trois personnes qui assistaient au très agréable dîner organisé à Anvers où j’avais apporté un Chypre 1845. Les mails s’échangent. Je ne lis pas beaucoup toutes ces mises au point. Je capte au passage un mail où l’un des participants annonce un vin du 19ème siècle dont il ne veut pas dévoiler le nom. Tout cela sent bon.

En fait, la notion de « vieux » n’est pas la même pour tout le monde, et celui qui avait proposé une bouteille du 19ème siècle ne vint pas. La définition n’était plus la même. Ce qui n’empêcha pas que je passe une bien agréable soirée avec des passionnés.

Arrivant en avance, j’ouvre les vins dans le restaurant Folliez à Mechelen au nord de Bruxelles, restaurant à la délicieuse décoration comme seuls les belges savent le faire, et doté d’une étoile Michelin qui sera confirmée dans l’assiette intelligente.

Nous démarrons par le champagne Dom Pérignon 1998 qui est parfait, fait de fleurs et fruits frais. Le Condrieu La Bonnette Rostaing 2005 est fait d’épices, de bacon, de litchi et de légume vert sec comme l’artichaut. Le Condrieu Les Terrasses de l’Empire de Georges Vernay 2005 est plus souple, doté d’une fin poivrée. Il est très différent, et sent la fleur d’oranger. Le Rostaing est plus brutal, le Vernay plus fluide. Je préfère le plus brutal mais le fluide est joli. Le Vernay s’ouvre sur le thon presque cru, s’épanouit. Ce sont deux grands vins à qui un peu d’âge ira bien.

Nous avons ensuite des rouges par séries de trois. Un Châteauneuf-du-Pape Arthur Barolet négociant à Beaune 1979, un Châteauneuf-du-Pape Raymond Usseglio 1986 et un Châteauneuf-du-Pape Château de la Gardine 1973. Le 1986 a un nez de pétrole. Le 1979 fait bourguignon ancien, avec des pruneaux, des fruits rouges brûlés. Son alcool est fort. Le 1973 que j’ai apporté est déjà un vin ancien. Je l’aime beaucoup sur le flétan. Je classe en tête le 1979, puis le 1973 et enfin le 1986 dans cette série peu convaincante.

Viennent ensuite un Châteauneuf-du-Pape La Bernardine Chapoutier vers 1960 (année illisible), le Châteauneuf-du-Pape J. Mommessin 1933 que j’ai apporté (il s’agit de la maison bourguignonne fondée en 1865, célèbre pour son Clos de Tart) et un Châteauneuf-du-Pape Domaine de Beaucastel rouge 1954 dont la bouteille soufflée à la main et lourde est très ancienne. Le Chapoutier est très beau. Toute cette série est vraiment très belle. On attend très longtemps que le plat arrive, et le 1933 est éblouissant, nettement plus jeune que le 1954. Son niveau parfait et son bouchon remarquablement intact impressionnent mes convives.

Nous avons ensuite trois Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes, le 1988, le 1983 et le 1985. Le 1988 est un peu strict, limité, sévère. Le 1983 est brillant. Le 1985 est entre les deux, puis me plait plus. Les trois sont assez âpres, au goût de poivre et de tabac. Ils représentent le Châteauneuf-du-Pape dans sa maturité.

Nous suivons avec trois Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau Cuvée Laurence, le 1983, le 1995 et le 2001. Ce Châteauneuf-du-Pape est extrêmement célèbre et à la mode sur tous les forums. J’avais eu extrêmement de mal avec son da Capo 2003, vraiment loin de tout vin habituel. La densité du 1983 est superbe. C’est beau, dense, franc, fait de poivre, de cassis, de tabac et de bois. Le 1995 est strictement identique avec simplement un peu plus de fruit rouge. Le 2001 est une promesse de grand vin, mais pour mon palais, c’est encore trop jeune. Le 1983 est éblouissant sur la viande de veau.

La dernière série est : Châteauneuf-du-Pape Bonneau 1996, Châteauneuf-du-Pape Beaucastel 1989 et Châteauneuf-du-Pape Clos du Caillou 1998. Le 1996 est un peu coincé, le 1989 n’est pas encore ouvert et le 1998 est magnifique, d’une structure précise. C’est un beau vin. Quand le 1989 s’ouvre, il prend le pas sur les deux autres. Je fais mon classement et l’un des convives demande qu’on fasse notre tiercé.

Le 1933 Mommessin obtient 3 places de premier, 2 places de second et 2 places de troisième. Le 2001 Pegau emporte 3 places de premier et 1 place de troisième. Le 1983 Pégau reçoit 1 place de premier, 2 places de second et 2 places de troisième. Le 1989 Beaucastel gagne 1 place de premier, 1 place de second et 1 place de troisième. Le classement final des huit convives dont deux britanniques, cinq belges et un français est : Mommessin 1933, 2001 Pégau et 1983 Pégau. Je suis assez content que mon vin, le plus ancien de la soirée, ait été apprécié par des palais plus enclins à boire des vins jeunes, et placé en vainqueur. Le plus ancien et le plus jeune ont été couronnés. Une belle prestation de vins de Châteauneuf-du-Pape de grand talent qui démentrent qu’ils savent braver le temps. On était loinde ma définition des vins « vieux ». L’ambiance fut amicale, décontractée, sans étalage d’érudition. Une soirée épuisante, car il me fallait rentrer à Paris, mais réussie, dans un restaurant qui mérite le détour.

J’ajouterai deux remarques : le Mommessin 1933 plaisait tellement à tous que nous avons dit, à titre de plaisanterie : "il doit y avoir du bourgogne dans ce Chateauneuf pour qu’il soit si bon !", ce qui est amusant, car à l’époque, les baptêmes se faisaient plutôt dans l’autre sens. Et la deuxième est que je pensais que dans l’engouement pour Pégau, il y avait un peu un effet de mode ou un effet Parker. Or, si un 1983 est aussi bon, c’est la preuve irréfutable que ce domaine a une grande valeur, au delà des effets de mode. Et ça m’a plu.