Déjeuner de famille avec des comparaisons de vins lundi, 5 octobre 2020

Malgré la mauvaise réputation que l’on donne aux réunions de famille, qui seraient des sources de contamination très fortes, nous organisons un déjeuner avec mes deux filles, et deux petites-filles. Nous serons sept. J’ai eu l’envie de faire deux confrontations de vins. J’ouvre quatre heures à l’avance deux bourgognes, chacun de l’année de naissance d’une de mes filles. Un des bouchons, celui du 1967 vient en charpie tant il s’effrite, tout en restant collé au goulot. C’est une véritable dispersion. Il faut dire que la capsule du vin est en plastique et lorsque j’ai enlevé le haut de la capsule on voit que le bouchon a dû être attaqué par de minuscules parasites, qui ont provoqué cet égrenage. Le nez à l’ouverture est absolument superbe. Le bouchon du 1974 au contraire vient entier, sans aucune difficulté. Le parfum moins fort est tout aussi prometteur.

La première comparaison se fera entre deux champagnes Salon, le 1997 et le 1999. Selon une habitude persistante, le bouchon du 1997 est impossible à retirer à la main tant il est coincé dans le goulot. Il faut un casse-noisettes pour y arriver alors que celui du 1999 vient normalement. Les deux pschitt sont de belle énergie. Les champagnes ont été ouverts deux heures avant d’être servis.

L’apéritif consiste en des gougères faites par ma femme et des palets au parmesan aussi faits par elle, qui ont embaumé la maison de bon matin. Il y a aussi un saucisson de canard, de la tête de moine et des petites galettes goûteuses apportées par les enfants.

Le Champagne Salon 1999 est très clair, comme d’ailleurs le 1997. La bulle est abondante et assez grosse. Le vin est droit et linéaire.

Le Champagne Salon 1997 a la bulle plus fine. En bouche il est vif et large, gourmand et de belle personnalité. Au premier abord, la cause semble entendue, le 1997 est plus généreux et riche que le 1999. Mais il faut regarder plus loin. Le 1999 est très précis et il me semble qu’il est à maturation plus longue que le 1997. Je pense que dans dix ans il exprimera beaucoup mieux une personnalité plus complexe et profonde. Le 1997 est brillant maintenant et va le rester longtemps. Les deux ont un bel avenir devant eux.

Le plat principal est une pièce de veau qui est entaillée de tranches de lard et de parmesan. De petites pommes de terre en robe des champs complètent le plat. Le Chambolle-Musigny Coron Père & Fils 1967 a une couleur très foncée, un niveau parfait et un parfum intense et envoûtant. Il est riche large et gourmand. C’est un Bourgogne accompli qui n’a pas d’âge tant il est à maturité idéale.

Le Pommard Grands Épenots Michel Gaunoux 1974 au niveau aussi parfait a une couleur extrêmement claire. Le parfum de ce vin de la Côte de Beaune est excitant mais moins exubérant que celui du vin de la Côte des Nuits. En bouche, le goût est à l’opposé de celui du 1967. C’est un vin de belle râpe, sans concession, dont le côté salin évoque celui des vins de la Romanée Conti. Les deux vins sont parfaits et si dissemblables qu’il est difficile de dire lequel on préfèrerait. J’ai malgré tout une tendance à aimer les vins terriens qui ne veulent pas séduire et j’ai donc un petit faible pour le Pommard, sachant que le caractère gourmand du Chambolle-Musigny le met à quasi égalité.

Il faisait soif aussi ai-je ouvert sur l’instant un Château Mouton-Rothschild 1978 absolument superbe, le jeune premier conquérant doté aussi d’une belle sagesse qui a brillé sur les fromages, surtout sur un beau chèvre, et a accompagné poliment la divine tarte aux quetsches de ma femme.

Près de sept mois sans se voir, ce déjeuner était un besoin qu’il fallait combler. Ce fut un grand bonheur.

souvenir d’un Madère du 18ème siècle

Déjeuner au restaurant Lucas Carton mercredi, 30 septembre 2020

Charles, un ami fidèle de mes dîners, a convié des amis à l’un de mes dîners. Comme pour le 244ème dîner, ce dîner était prévu au deuxième trimestre 2020 et a dû être reporté au deuxième semestre, confinement oblige. Le dîner sera la semaine prochaine. Charles a envie de partager une belle bouteille avec moi au restaurant Lucas Carton. Il me suggère d’apporter un de mes vins. Nous nous retrouvons à deux dans le magnifique décor de Majorelle.

Charles a prévenu le chef Julien Dumas de notre présence et convenu avec lui que le menu serait fait en fonction des vins. Nous prenons un des champagnes servis au verre qui est un Champagne Pommery Cuvée Louise 2004. Il est extrêmement confortable. Droit, simple et lisible il offre un charme et une sérénité bien sympathiques.

Nous ne saurons rien à l’avance du repas, dont voici le menu : amuse-bouche à l’étrille / amuse-bouche au champignon et calamar / maigre, poire et moutarde / thon rouge, prune / Culoiselle, tournesol, pourpier / chocolat vinaigre / petits fours.

J’ai apporté une bouteille que je chéris particulièrement, un Corton-Charlemagne Jean-François Coche-Dury 2003. La couleur du vin est très claire, presque verte de jeunesse. Le parfum est un envoûtement. Il est si complexe et si fort. En bouche, le choc est extrême. On se sent projeté au Paradis. Ce vin est la perfection même, malgré sa jeunesse, car il offre des complexités infinies. Il y a des notes de citron de Menton, d’eau fraîche de montagne qui rebondit sur des pierres rondes, des touches de soleil et ce sentiment qu’il hésite entre joie profonde et stricte retenue. Il est insaisissable et si plein. Il est à l’aise avec tous les plats, devenant très large sur les champignons, et tranchant sur le thon. Ce vin parfait est un miracle.

L’un des sommeliers que je connais depuis des années m’a reconnu, ce qui a permis de discuter de la préparation du Chambertin Domaine Armand Rousseau 2015. J’ai souhaité que la bouteille ne soit ouverte qu’au moment où le vin doit entrer en scène, pour que nous profitions de l’éclosion du vin dans nos verres. C’est ce qui fut fait. Le résultat me plait énormément, car aux premières gorgées, le vin est fragile, délicat, subtil et ce n’est que plus tard qu’il s’élargit. Et ces premiers moments sont divins.

Le vin est grand, aux muscles longs comme ceux d’un coureur de marathon. Il est brillant, conçu pour un avenir radieux mais déjà joyeux et généreux. Toutes ses subtilités sont cohérentes. Il est fin et tranchant, avant de s’élargir et offrir une palette large. La poularde est divine pour le vin.

Nous avons goûté deux des vins phares de la Bourgogne, faits par des vignerons parmi les plus grands des plus grands. Chaque gorgée était un régal de raffinement.

Dès la première bouchée des petites préparations d’amuse-bouche, on sait que le chef a du talent. Tous les plats sont cohérents, même lorsqu’ils sont très osés comme les champignons présentés avec de fines tranches de calamar. Il y avait du raifort avec le maigre, et ça se concevait. Je crois n’avoir pas souvent vu un tel esthétisme dans le choix des assiettes qui portent les plats. Les subtiles couleurs sont idéales pour chacun des plats. Cette cuisine intelligente est aussi une cuisine de goût.

Julien Dumas est venu s’asseoir à notre table en fin de repas. Je lui ai dit que sa cuisine a beaucoup de points communs avec celle du Clos des Sens de Laurent Petit. C’est évidemment un compliment. Dans ce lieu chargé d’histoire nous avons passé un déjeuner de grande qualité dans une ambiance amicale et avec des vins d’exception.

Repas de famille à la maison dimanche, 27 septembre 2020

Depuis le début du confinement, il y a presque six mois et demi, une de mes petites-filles est la seule de nos six petits-enfants que nous ayons reçue. Aujourd’hui enfin, c’est le premier déjeuner de famille avec ma fille cadette et ses deux enfants. C’est important que la vie familiale reprenne.

L’apéritif consiste en Cecina de Léon, Pata Negra, une rillette et une délicieuse terrine, des têtes de moines, des crackers et des amandes. Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou magnum 1979 avait été ouvert il y a un peu plus d’une demi-heure et avait offert un pschitt significatif, même si discret. Le bouchon est d’une grande beauté, au cylindre parfait. La couleur du champagne est d’un or très clair, beaucoup plus jeune que ce que son âge offrirait normalement. Le premier mot qui vient à l’esprit est « épanoui ». Ce champagne est brillant, large, confortable et je ressens pleinement l’influence du format de la bouteille. Le format magnum donne de la largeur et de la sérénité. C’est un très grand champagne que nous buvons, gastronomique et vif, de forte personnalité. A table, le champagne accompagne la tarte aux oignons. Le caractère sucré de l’oignon convient bien au champagne qui devient plus vif.

Pour le poulet, je sers un Châteauneuf-du-Pape « Le Père Caboche » Théophile Boisson 1943. Le vin a été ouvert quatre heures avant d’être servi. Il est d’une belle couleur foncée, jeune. Son nez est très engageant et en bouche, il est d’un charme rare. Il est impossible d’imaginer qu’il a 77 ans tant il est vif et plein. C’est un vin équilibré, gourmand, riche. Un véritable plaisir. Alors qu’il est résolument rhodanien, je lui ai trouvé parfois des accents bourguignons. Il a une persistance en bouche remarquable. Il accompagne aussi un camembert et un comté d’aimable façon.

N’ayant pas de mangues disponibles, ma femme a préparé des pamplemousses roses en suprêmes. Le Château de Fargues Sauternes 1950 avait attiré mon attention car il a une couleur incroyablement foncée pour ce millésime. A l’ouverture, le vin avait offert il y a plus de cinq heures un parfum d’une rare délicatesse. La première impression est qu’il a « mangé » une partie de son sucre, mais on ressent qu’existe encore le gras qu’offre un sauternes généreux. Lorsqu’il est servi, la couleur dans le verre est d’un bel or beaucoup plus clair que sa couleur en bouteille. Le nez combine le sec et l’onctueux. En bouche c’est un régal. C’est probablement une des formes les plus abouties du sauternes car son élégance est impressionnante. Il est magnifiquement équilibré, entre le vif et le gras. Les pamplemousses roses l’excitent sans le rétrécir. C’est un régal.

Un moelleux au chocolat préparé par ma femme selon une recette de Pierre Hermé est dégusté sans vin. Les trois vins de ce repas se sont montrés au sommet de leur art. Tant mieux.

244ème dîner au restaurant Taillevent samedi, 26 septembre 2020

 

Le 244ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent. Le menu a été élaboré il y a trois jours avec le directeur, le chef et la responsable de la sommellerie. Dès 16 heures, je suis sur place pour ouvrir les vins du dîner. La table a été dressée, d’une taille plus grande qu’à l’accoutumée, pour permettre une distanciation covidienne. Il doit y avoir un phénomène météorologique particulier puisque la majorité des bouchons sont sortis en lambeaux, certains étant particulièrement difficiles à lever, parce que le cylindre intérieur du goulot est resserré en haut de bouchon, ce qui rend impossible de lever sans déchirer.

Les odeurs sont toutes rassurantes. Les plus belles sont celles du Meursault 1960, du Rauzan-Gassies 1921, du Richebourg 1971, de l’Hermitage 1952 et du Vega Sicilia Unico de la décennie 60. Le Rauzan Gassies a connu un accident de bouchon, car lorsque j’ai pointé le tirebouchon, le bouchon a été comme aspiré vers le bas. Il est tombé dans le vin. Heureusement Anastasia, chef sommelière, a utilisé un outil pratique qui lui a permis d’extirper le bouchon. Cet épisode n’a eu aucune incidence sur le vin comme on le verra dans les votes.

Eric, commanditaire de ce dîner, a invité dix personnes de ses amis ou relations professionnelles. Il avait participé au déjeuner préparatoire. Il me rejoint pendant la séance d’ouverture des vins. Lors de la séance de préparation du menu, nous avions eu un petit différend, Jocelyn Herland le chef et moi, car Jocelyn défendait la fourme d’Ambert pour l’accord avec les sauternes, alors que je défendais le stilton. Je suis donc allé en cuisine saluer le chef et je lui ai proposé que nous comparions ces deux fromages en prélevant un peu du Bastor La Montagne 1929. L’expérience faite lorsque tous les vins ont été ouverts montre clairement que la fourme est trop puissante et heurte le sauternes alors que le stilton crée une continuité qui donne de la longueur au sauternes et le prolonge. Eric et Anastasia ont pu le vérifier eux aussi. Il nous reste du temps avant l’arrivée des invités aussi je propose à Eric de boire un champagne. Ce sera un Champagne Agrapart Minéral Blanc de Blancs 2005 dégorgé en 2013. Cet extra-brut provenant de vieilles vignes d’Avize a une vivacité et une personnalité qui sont impressionnantes. Il arrive même à accompagner sans faiblesse aussi bien la fourme que le stilton, l’accord se trouvant plus sur la fourme. C’est un champagne qui a besoin de se confronter à des mets pour exprimer sa noblesse.

Alors que nous devisons, Eric et moi, une jeune et jolie femme dont la beauté est cachée par un masque entre dans le salon et nous propose de descendre dans une des salles du restaurant, car elle présente des champagnes à un groupe de personnes qui ont demandé une dégustation. C’est Charline Drappier qui fait déguster les champagnes de la maison Drappier. Nous nous joignons au groupe et goûtons un brut sans année et un millésimé de la maison Drappier. J’avais rencontré Charline lorsqu’elle présentait des champagnes de sa maison qui avaient été immergés en mer pendant un an.

Nous remontons et les convives sont tous à l’heure. Nous sommes douze dont onze hommes et la femme d’Eric. Pour des raisons de Covid l’apéritif se prend assis. Le Champagne Bollinger Grande Année magnum 1989 avait été ouvert une heure avant. La bulle est très fine, la couleur très claire. Pour beaucoup, le goût de ce champagne de 31 ans est une heureuse découverte. Il est vif, rond, large et se marie bien aux gougères. Des trois petits amuse-bouches, c’est la petite tartelette à l’épeautre qui lui convient le mieux.

Le menu créé par le chef Jocelyn Herland est : gougères et mises en bouche / langoustines en consommé / daurade, champignons de Paris, sauce matelote / foie gras poché au bouillon / canard colvert sauce salmis en deux services / stilton affiné / cheesecake à la mangue.

Sur la langoustine se présentent deux blancs. Le Bourgogne Blanc domaine Comte Georges de Vogüé 1994 est en fait le Musigny que le domaine n’a pas nommé Musigny tant que les vignes replantées n’ont pas atteint un âge suffisant. Le Musigny se doit d’être « Vieilles Vignes ». Le vin est droit, strict, fort, mais il a du mal à soutenir la confrontation avec le Meursault du Château de Meursault maison de Moucheron négociant 1960. Le parfum de ce vin est incroyable de persuasion. Le vin est riche, ample et complexe et se marie divinement avec la langoustine parfaitement cuite, plus qu’avec le bouillon. La palette de ses arômes est impressionnante.

La daurade accueille deux bordeaux. Le Château Camensac Haut-Médoc 1928 est presque clairet, en contraste fort avec le Château Rauzan-Gassies Margaux 1921 à la couleur noire d’encre. Le margaux a un parfum envoûtant où la truffe abonde. Le Camensac s’il était servi seul aurait pu nous charmer tant il est féminin et subtil, mais le Rauzan-Gassies est si envoûtant et parfait, riche guerrier, qu’on succombe à son pouvoir magnétique.

Le plat suivant est une double audace. C’est de présenter ensemble un grand bordeaux et un grand bourgogne, et de les goûter avec un foie gras poché servi sans son bouillon. Le Pétrus Pomerol 1967 est un très beau Pétrus, orthodoxe, mais peut-être un peu trop bon élève, et pas assez canaille. Il est bon, avec ses notes de truffe, mais il n’explose pas. Alors qu’à côté de lui se présente un immense Richebourg Charles Noëllat 1971. Ce vin est à se damner tant il explose de complexités. C’est la Bourgogne glorieuse d’une incroyable intensité qui me conquiert. Quel grand vin. Le foie gras poli avec le Pétrus se marie avec bonheur au Richebourg. Je crois que ce Richebourg fait partie des plus grands bourgognes que j’ai bus.

Le canard cohabitera avec deux vins du Rhône. Le vin d’Espagne apparaîtra sur le deuxième service du canard. L’Hermitage Monier de la Sizeranne M. Chapoutier 1952 est une surprise au moins aussi grande que celle du Richebourg. Ce vin est d’une jeunesse incroyable alors qu’il a 68 ans. Il est riche, joyeux, facile à vivre mais aussi complexe et la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1973 est un peu trop discrète à ses côtés. C’est un bon vin, mais pas flamboyant.

Le Vega Sicilia Unico Reserva Especial (produit en 1975 sur base de 1962, 1964 et 1968) a un superbe parfum et des notes de folle jeunesse. Il est mature, bien sûr mais comme un cinquantenaire bondissant. J’ai hésité au moment des votes pour la deuxième place entre l’Hermitage et le Vega. J’avais mis d’abord l’Hermitage puis corrigé au profit du Vega. Les deux sont des vins exceptionnels.

Le Château du Breuil Beaulieu Coteaux du Layon 1922 est un Coteaux du Layon très subtil, discrètement doux, et agréablement gastronomique. Sa délicatesse est extrême. A côté de lui, le Château Bastor La Montagne Sauternes 1929 à la couleur très foncée dans la bouteille mais d’un or solaire dans le verre, est un superbe sauternes qui a un peu « mangé » son sucre mais offre aussi un gras agréable. C’est un sauternes racé et de belle longueur. L’accord avec le stilton est évident et se trouve bien aussi avec le délicieux cheesecake.

C’est le moment des votes. Les douze participants votent pour leurs cinq vins préférés. Tous les vins ont eu au moins un vote ce qui me comble d’aise. Cinq vins ont été nommés premiers : le Richebourg 4 fois, l’Hermitage 3 fois, le Meursault et le Rauzan-Gassies 2 fois et le Vega Sicilia une fois.

Le classement global est : 1 – Richebourg Charles Noëllat 1971, 2 – Hermitage Monier de la Sizeranne M. Chapoutier 1952, 3 – Château Rauzan-Gassies Margaux 1921, 4 – Meursault du Château de Meursault de Moucheron 1960, 5 – Vega Sicilia Unico Reserva Especial (base de 1962, 1964 et 1968), 6 – Pétrus Pomerol 1967.

Mon classement est : 1 – Richebourg Charles Noëllat 1971, 2 – Vega Sicilia Unico Reserva Especial (base de 1962, 1964 et 1968), 3 – Hermitage Monier de la Sizeranne M. Chapoutier 1952, 4 – Meursault du Château de Meursault 1960, 5 – Château Bastor La Montagne Sauternes 1929. J’aurais volontiers ajouté le Rauzan-Gassies, si belle surprise.

Jocelyn Herland a fait une cuisine très adaptée aux besoins des vins anciens, en privilégiant la lisibilité des plats. C’est tout à son honneur. Le service des plats et le service des vins ont été à la hauteur de la réputation du Taillevent. Je suis heureux que les convives aient pu constater sur chacun des vins la pertinence de ma méthode d’ouverture des vins qui permet à chaque vin d’être servi sur table dans un état de plénitude absolue. Ils ont été souvent subjugués de constater que des vins très anciens peuvent être aussi jeunes. L’atmosphère du dîner fut particulièrement chaleureuse et nous a conduits au-delà d’une heure du matin. Ce fut un grand dîner.

Champagne Bollinger Grande Année magnum 1989

Bourgogne Blanc domaine Comte Georges de Vogüé (Musigny) 1994

Meursault du Château de Meursault Hospices du Beaune 1960

Château Camensac Haut-Médoc 1928

Château Rauzan-Gassies Margaux 1921

Pétrus Pomerol 1967

Richebourg Charles Noëllat 1971

Hermitage Monier de la Sizeranne M. Chapoutier 1952

Côte Rôtie La Mouline Guigal 1973

Vega Sicilia Unico Reserva Especial (produit en 1975 sur base de 1962, 1964 et 1968)

Château du Breuil Beaulieu Coteaux du Layon 1922

Château Bastor La Montagne Sauternes 1929

les bouteilles rangées pour leur ouverture au restaurant Taillevent

après ouverture, nous goûtons avec le chef le Sauternes et une fourme d’Ambert et un stilton

en attendant les invités …

le repas

Quelques couleurs

la table en fin de repas

les votes :

Lunch at restaurant Taillevent mardi, 22 septembre 2020

With my wife, we are back in the Paris region. The garden has suffered, plants are under hydration while televisions show areas devastated by torrential rains. Climate madness joins the madness of government instructions to deal with the pandemic. The world is nervous.

Just after the day of our arrival, I have lunch at the Taillevent restaurant to prepare the menu for the 244th dinner which will be held there in four days. It was a dinner that was scheduled for March, just a week after Covid lockdown began. It is planned this week. The Taillevent restaurant having a new chef, Jocelyn Herland, who has worked in great restaurants, including Le Meurice, I want to study his cuisine to prepare with him the menu for the next dinner.

In my mind, I was considering having lunch alone. An organizer of trips to France for foreigners wanted to meet me. Why not have lunch together? A regular at my dinners wanted to see me again after these months of barrier distances, why not include her in this lunch? The instigator of the 244th dinner having known that I was making this lunch of exploration of the chef’s cuisine asks me if he can follow my step, why not be four instead of one? The table is set up.

I arrive at the restaurant at 10:30 am to open the wines I have planned for lunch, which also allows me to deliver the wines for the dinner which will be held four days later. By the way, I note that the discipline of wearing a mask is very strongly respected. The opening of the wines is done without my usual tools but with less efficient backup tools. The corks do break, but I manage to collect the crumbs and broken pieces without them falling in the wines. The openings being made, I have time to go and greet the members of the Pages restaurant teams, all smiling and ready to bring Parisian gastronomy back to life.

The lunch table at the Taillevent restaurant is taking shape and we start with a Bérêche & Fils Champagne, Les Beaux Regards Chardonnay disgorged in 2012. The champagne arrives a little warm and, oddly enough, this does not take away the slightest hint of its charm. The nose is intense and marine. The word that comes to mind is: « wild » followed by the word « salt ». This champagne is extremely tense, with a rare personality. Anastasia who brought it from the cellar tells me this is the last bottle of this date of disgorgement. We feast on this vibrant and authentic champagne, marine and salty but above all « wild ». I have an idea that this champagne could advantageously cooperate with the white wine that I brought, the Coulée de Serrant Savennières Madame A. Joly 1970. It is one of the five white wines crowned by Curnonsky, the Prince of Gastronomes, a wine that improves dramatically with age. Its color is pronounced honey, its scent is noble and the purity of its message is extreme. It takes you to territories of tastes that are seldom explored. Drunk alone he is lively and noble. It will change little when paired with champagne, whereas champagne on the other hand becomes much larger when drunk right after Loire wine.

The gougères are as good as ever, the artichoke leaf accompanied by a little cream is ideal for Madame Joly’s wine, while the crunchy little tart goes better with champagne.

We order all different dishes so that I can nibble at other guests’ dishes to get an idea of Jocelyn Herland’s cuisine. My menu will be: wild mushrooms, chestnuts and watercress / breast of lamb Allaiton, artichokes, bulgur and sweet spices. The friends will take lobster sausages, foie gras, a filet of Saint-Pierre and a mallard duck, dishes in which I will take samples at the source, as Bercy does with our taxes. Clos de la Coulée de Serrant is a perfect accompaniment to mushrooms and rather well to lobster. It is a strict wine, of great dignity, which appeals to the intellect to be fully enjoyed. He is tall.

I opened a 1964 Aloxe-Corton Charles Viénot three hours ago. The nose at the opening was a bit ungrateful and uncertain. It is now glorious and much more potent than one would expect from its appellation. The wine is rich and wildly Burgundian, as wild as champagne was earlier. I love this expression of Burgundy, peasant, earthy, with harsh evocations. It is divine on the remarkably executed lamb back.

For dessert, I brought a Tokaji Aszu Eszencia 1988. At first glance, the crêpe Suzette is not the spontaneous friend of this wine, but we choose this dessert, for pure greediness. And the harmony happens to be between the acidity of the orange and the indecent mellowness of this lustful beverage. This Tokaji is pure happiness.

Discussions went well between the four of us, none knowing all the other three. It was a cheerful lunch. The wines, all different, were brilliant. My heart will go to Aloxe-Corton, whose glass with the very concentrated bottom of the bottle has proved to be of exciting richness.

Immediately afterwards, with Baudoin Arnould the director, Jocelyn Herland the chef and Anastasia, head of the sommellerie, we put together the menu for the next dinner. We each have different backgrounds and different tastes but we have come to a synthesis that I hope promises a nice 244th dinner.

 

(the pictures of this lunch can be seen accompanying the report in French, just below)

Déjeuner au restaurant Taillevent lundi, 21 septembre 2020

Nous sommes de retour en région parisienne. Le jardin a souffert, des plantes sont en sous hydratation alors que les télévisions montrent des régions dévastées par des pluies diluviennes. La folie climatique rejoint la folie des instructions gouvernementales pour gérer la pandémie. Le monde est nerveux.

Dès le premier jour suivant notre arrivée, je vais déjeuner au restaurant Taillevent pour préparer le menu du 244ème dîner qui se tiendra en ce lieu dans quatre jours. C’est un dîner qui était prévu en mars, juste une semaine après le début du confinement. Il est reporté cette semaine. Le restaurant Taillevent ayant un nouveau chef, Jocelyn Herland, qui a officié dans de grandes maisons, dont le Meurice, je souhaite étudier sa cuisine pour préparer avec lui le menu du prochain dîner.

Dans mon esprit, j’envisageais de déjeuner seul. Un organisateur de voyages en France pour des étrangers souhaitait faire ma connaissance. Pourquoi ne pas déjeuner ensemble ? Une habituée de mes dîners souhaitait me revoir après ces mois de distances barrières, pourquoi ne pas l’intégrer dans ce déjeuner ? L’instigateur du 244ème dîner ayant su que je faisais ce déjeuner d’exploration de la cuisine du chef me demande s’il peut suivre ma démarche, pourquoi ne pas être quatre au lieu d’un ? La table est constituée.

J’arrive au restaurant à 10h30 pour ouvrir les vins que j’ai prévus pour le déjeuner, ce qui me permet aussi de livrer les vins du dîner qui aura lieu quatre jours plus tard. Au passage, je constate que la discipline du port du masque est très fortement respectée.

L’ouverture des vins est faite sans mes outils habituels mais avec des outils de secours moins performants. Les bouchons se brisent, mais j’arrive à récupérer les miettes et brisures, sans qu’elles ne tombent. Les ouvertures étant faites, j’ai le temps d’aller saluer les membres des équipes du restaurant Pages, tout souriants et prêts pour faire revivre la gastronomie parisienne.

La table du déjeuner au restaurant Taillevent se forme et nous commençons par un Champagne Bérêche & Fils, Les Beaux Regards Chardonnay dégorgé en 2012. Le champagne arrive un peu chaud et fort curieusement cela n’enlève pas le moindre soupçon de son charme. Le nez est intense et marin. Le mot qui me vient à l’esprit est : sauvage suivi du mot sel. Ce champagne est d’une tension extrême, avec une personnalité rare. Anastasia qui l’a apporté de cave me dit que c’est la dernière bouteille de ce dégorgement. Nous nous régalons avec ce champagne vibrant et authentique, marin et salé mais surtout « sauvage ».

J’ai idée que ce champagne pourrait avantageusement coopérer avec le vin blanc que j’ai apporté, la Coulée de Serrant Savennières madame A. Joly 1970. C’est un des cinq vins blancs couronnés par Curnonsky, le Prince des Gastronomes, vin qui se bonifie spectaculairement avec l’âge. Sa couleur est d’un miel prononcé, son parfum est noble et la pureté de son message est extrême. Il emmène sur des territoires de goûts que l’on explore peu souvent. Bu seul il est vif et noble. Il changera peu lorsqu’il est associé au champagne alors qu’à l’inverse le champagne devient beaucoup plus large lorsqu’il est bu juste après le vin de Loire.

Les gougères sont toujours aussi bonnes, la feuille d’artichaut accompagnée d’une petite crème est idéale pour le vin de madame Joly alors que la petite tarte croquante se plait plus avec le champagne.

Nous commandons des plats tous différents afin que je puisse picorer dans les plats des autres convives pour me faire une idée sur la cuisine de Jocelyn Herland.

Mon menu sera : champignons sauvages, châtaignes et cresson / dos d’agneau Allaiton, artichauts, boulgour et épices douces. Les amis prendront des boudins de homard, du foie gras, un filet de saint-pierre et un canard colvert, plats dans lesquels je ferai des prélèvements à la source, comme le fait Bercy.

Le Clos de la Coulée de Serrant accompagne magistralement les champignons et plutôt bien le homard. C’est un vin strict, de grande dignité, qui fait appel à l’intellect pour qu’on en profite pleinement. Il est grand.

J’ai ouvert il y a trois heures un Aloxe-Corton Charles Viénot 1964. Le nez à l’ouverture était un peu ingrat et incertain. Il est maintenant glorieux et beaucoup plus puissant que ce qu’on attendrait de son appellation. Le vin est riche et follement bourguignon, sauvage comme l’était le champagne tout à l’heure. J’adore cette expression de la Bourgogne, paysanne, terrienne, aux évocations rudes. Il est divin sur le dos d’agneau remarquablement exécuté.

Pour le dessert, j’ai apporté un Tokaji Aszu Eszencia 1988. A priori la crêpe Suzette n’est pas l’amie spontanée de ce vin mais nous choisissons ce dessert, par pure gourmandise. Et l’accord arrive à se trouver entre l’acidité de l’orange et le moelleux indécent de ce breuvage lascif. Ce Tokaji est du bonheur pur.

Les discussions sont allées bon train entre nous quatre, aucun ne connaissant les trois autres. Ce fut un déjeuner enjoué. Les vins, tous différents se sont montrés brillants. Mon cœur ira à l’Aloxe-Corton dont le verre comportant le fond de la bouteille, très concentré, s’est révélé d’une richesse enthousiasmante.

Juste après, avec Baudoin Arnould le directeur, Jocelyn Herland le chef et Anastasia, responsable en chef de la sommellerie, nous avons bâti le menu du prochain dîner. Nous avons chacun des parcours distincts et des goûts différents mais nous sommes arrivés à faire une synthèse qui j’espère promet un beau 244ème dîner.

Déjeuner avec un journaliste vendredi, 11 septembre 2020

Un magazine veut faire un article sur ma façon de penser et de gérer une collection de vins. Un journaliste m’appelle et propose de me rencontrer dans le sud. Compte-tenu de ses horaires de trains, je l’invite à déjeuner dans ma maison du sud. Je ne le connais pas et je ne sais rien de ses goûts.

Il faut un repas qui convienne à tous les goûts possibles et des vins sûrement bons et faciles à comprendre, ce qui ne veut pas dire que les vins ne seront pas complexes.

Pour l’apéritif nous aurons des olives de Kalamata, des dés de mimolette, une rillette de maquereau sur du pain. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998 a une jolie couleur de blé d’été. La bulle est active et le pschitt discret est sympathique. Dès la première gorgée on ressent que ce champagne est accueillant, équilibré, ouvert et très agréable à boire. Les olives lui donnent une tension supplémentaire et le rendent très vif, alors que la mimolette n’apporte pas de valeur ajoutée.

Nous passons à table et sur un goûteux et typé foie gras en tranches l’accord avec le Henriot est d’un classicisme parfait. Le champagne est gourmand et joyeux.

Pour le poulet accompagné d’un gratin de pommes de terre, j’ouvre sur l’instant un Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 2007. Je veux montrer la procédure d’ouverture des vins anciens, mais le bouchon est tellement serré dans le goulot que je ne peux pas tirer avec ma mèche. Il faut utiliser le levier du tirebouchon limonadier. Le vin très foncé est d’une densité extrême. Il est riche, fringant, d’une longueur infinie et en même temps il est accueillant, facile à vivre et cohérent. Avec le poulet, il joue sur du velours. Nous avons pu vérifier que l’ouverture au dernier moment offre sur le premier tiers de la bouteille une vibration délicate et ciselée, alors qu’à la suite, le vin devient plus opulent et construit. J’aime les éclosions des vins jeunes.

J’avais choisi pour le fromage un époisses et un fromage au lait de chèvre recouvert de fleurs comestibles qui m’est inconnu. En les regardant, je sens que ce sera le chèvre qui conviendra et effectivement l’accord est subtil et frais, alors que l’époisses rend le vin un peu pataud. Le vin du Rhône est d’un charme extrême et d’une densité remarquable. C’est un pur plaisir.

Le dessert est une salade de fruits qui n’appelle aucun vin. Nous avons longuement discuté, le journaliste étant très intéressé à comprendre par quel cheminement le désir d’une collection a pu naître. Ce fut un déjeuner sympathique et les vins que j’avais choisis ont parfaitement joué le rôle que j’imaginais.

Magnifique Coulée de Serrant 1976 samedi, 5 septembre 2020

Des amis nous rendent visite. Ma femme, qui avait adoré la cuisine d’Alexandre Mazzia, a envie de cuisiner en reproduisant le lait fumé qu’elle avait aimé. Elle veut l’associer à du cabillaud. Souvent, sur du cabillaud, je sers un vin rouge. Mais avec du lait fumé, que faire ? Aussi, la veille de l’arrivée des amis, ma femme a préparé des langoustines cuites à la perfection, avec du lait fumé qui a été fait en infusant du lard fumé dans le lait pendant des heures. Immédiatement j’ai pensé à un Clos de la Coulée de Serrant.

A l’apéritif, nous partageons un délicieux cou d’oie farci et des chips à la truffe. Le Champagne Pommery 1989 à l’ouverture avait produit un pschitt particulièrement dynamique. Le bouchon est beau. La robe est d’un or encore clair et la bulle est présente mais discrète. Le champagne est généreux, accueillant, complexe mais gourmand. Il forme avec le cou d’oie un accord superbe. C’est un très beau champagne. J’avais ouvert il y a peu un Pommery 1964 majestueux. Celui-ci à 31 ans montre une belle vivacité et une acidité charmante. C’est un grand champagne d’une belle année épanouie.

L’entrée est de dés de coquilles Saint-Jacques sur une crème de basilic et une crème de tomate très douce. La tomate n’est généralement pas l’amie des vins. Le Clos de la Coulée de Serrant Madame A. Joly Savennières 1976 a un bouchon dont le bas est imbibé et se brise à la montée. Le niveau est parfait. La couleur du vin est superbe d’un or très clair, comme celle d’un vin jeune. Le nez est intense. En bouche le vin est magique. Il a une acidité marquée, mais il a des intonations solaires d’été. Avec la crème à la tomate, l’accord est inouï. Ce vin qui faisait partie des cinq plus grands vins blancs français de Curnonsky est dans une forme éblouissante. Jusqu’alors, je considérais que le plus grand était le 1967 fait par la mère de Nicolas Joly, mais là, je suis ébloui par ce vin que je mettrais en tête du classement des Savennières de la famille Joly. Alors que ce vin est assez strict, il arrive sur le cabillaud très typé à devenir gourmand. L’accord se trouve grâce au lait fumé qui se confronte à l’acidité du vin.

Nous avons conclu le repas sur une tarte aux quetsches. La Coulée de Serrant a illuminé ce beau repas.

L’essai de lait fumé la veille :

la délicieuse tarte aux quetsches

déjeuner au restaurant Alexandre Mazzia mercredi, 2 septembre 2020

Nous allons déjeuner au restaurant Alexandre Mazzia à Marseille, qui a obtenu deux étoiles au guide Michelin. Dans une rue discrète, avec une façade elle-même discrète, nous entrons dans une salle petite, à la décoration minimaliste. L’accueil est chaleureux, tout le personnel de service portant des masques en plastique transparent permettant de voir les visages. Seuls le chef et le personnel de cuisine portent un masque noir. Le chef est présent dans l’espace entre la salle et la cuisine et suit avec attention le ballet des serveurs qui distribuent un nombre incroyable de plats différents.

Nous choisissons le menu le plus complet des trois possibles, dont les intitulés ne sont pas communiqués. Voici le texte très long de la très grande succession de plats : algues cristallisée, patate douce, poutargue / courgette fumée en aigre-doux, feuille d’amidon / crousti-galanga, bœuf limousin, Campari / crevettes grises, Katsubushi / baudroie, levure de bière, voile de bonite / chou cristallisé, poutargue de caviar / parmesan, pistache, grenade / œufs de truite et saumon sauvage, noisette, lait fumé / biscotte végétale / anguille fumée et chocolat / chair d’araignée de mer, denti mariné betteraves-saké / semoule aux épices et fleur d’oranger, raifort, garum / moules, hareng, maquereau, betterave, noix de coco, eau de tomate / langoustine, popcorn d’algue, condiment citron-géranium / langoustine, carotte, manioc, lait de poule, texture herbacée / trompettes, beurre blanc safran, jus de queue de bœuf / haricots verts, suc d’oignons grillés, cerise pimentée / épinards, jus vert satay, jus de betterave, vermicelle de légumes au curry / chénopodes en tempura-vodka, œufs de brochets fumés, piment / fleur de courgette, fruit de la passion, noix de cajou / glace confiture de lait et thé vert Matcha / texture de brioche cannelée, abricot verveine, tamarin-hibiscus / banane, mangue, riz soufflé, kumquats, cacahuète.

La carte des vins est assez modeste pour un deux étoiles, mais on peut y trouver de belles choses. Le Champagne Mailly Bérêche et fils, blanc de noirs 2013 est d’une grande puissance, fort comme un roc, et offre une des plus belles expressions du blanc de noirs. Racé, tranchant, il va accompagner avec bonheur les plats extrêmement variés du menu. C’est un champagne vif et très imprégnant.

Le Blanc fumé de Pouilly Silex Louis-Benjamin Dagueneau 2017 est un blanc sans concession, lui aussi tranchant, qui s’associe bien avec les plats les plus marins et iodés du repas. Il est moins à l’aise sur les saveurs douces. C’est un grand vin au finale très long et je le trouve plus civilisé que les Silex du temps de Didier Dagueneau. C’est peut-être le fait de sa jeunesse.

Quand arrive le délicieux bouillon, je ressens l’envie d’un vin rouge et le sommelier conseille un Clos Rougeard Saumur Champigny Le Clos 2014. Ce vin a un nez discret mais raffiné. La bouche n’est pas puissante mais élégante et raffinée comme le nez. Ce vin est extrêmement gastronomique. Ce qui le caractérise, c’est l’élégance. Les trois vins se sont montrés cohérents avec l’ensemble du repas.

Venons-en aux plats. On est émerveillé de voir qu’une cuisine qui semble petite puisse émettre autant de plats différents. Quelle logistique ! Et la plus belle surprise, c’est de constater qu’Alexandre Mazzia est un magicien des saveurs. Toutes les bouchées de tous les plats ont des goûts cohérents. Ce qui veut dire que le chef ne fait pas des plats pour ajouter des complexités et des ingrédients nombreux, mais pour que le goût final soit abouti et donne du plaisir.

La cohérence de la cuisine est saisissante. De plus, le chef compose des plats colorés de grande beauté. Tout au long du repas, chaque saveur est d’une exactitude parfaite, ce qui est rare. Si le cadre le permettait, Alexandre Mazzia pourrait briguer les trois étoiles. Il me fait penser à la cuisine de Laurent Petit, le chef trois étoiles du Clos des Sens, près d’Annecy qui maîtrise ses plats de façon spectaculaire.

Les épices sont très présentes ainsi que les fleurs comestibles. Tout est léger, à tel point que nous avons ajouté au menu le comté de 24 mois, associé à du caviar et à du chocolat blanc. Une réussite.

Nous avons passé un excellent repas avec des saveurs excellentes, complexes et cohérentes formant une cuisine gourmande et raffinée. On ne peut que recommander ce restaurant de haute qualité.

la façade discrète

Krug Clos du Mesnil 1998 lundi, 31 août 2020

Dans mes caves, lorsque je cherche les vins d’un repas, il y a une catégorie de vins que j’appelle les « pas ce soir ». Car lorsque l’on reçoit des amis, il y a des bouteilles que l’on estime ne pas pouvoir être ouvertes : « pas ce soir ». Ce n’est pas de la pingrerie, c’est que les conditions ne me semblent pas réunies pour que ce vin soit bu.

Ce soir, pour honorer nos amis, j’ai envie d’ouvrir un « pas ce soir ». Le programme sera conçu autour de ce vin. Nous aurons un apéritif pendant lequel nous grignoterons poutargue, saucisson, chips à la truffe et autres petits biscuits. L’entrée sera un foie gras mi-cuit, le plat sera un bar suivi d’un fromage Jort, le dessert une tarte au citron.

J’ai ouvert les deux champagnes une heure avant l’apéritif et les deux ont eu des explosions gazeuses énergiques et sympathiques. Les bouchons sont de qualité parfaite. Le champagne d’apéritif est un Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2005. Tout en lui est soleil. Ce champagne est joie de vivre. Il est généreux, facile à comprendre. C’est un marchand de bonheur. L’année 2005 n’est pas l’une des plus grandes, entourée d’années glorieuses comme 2002, 2004 et 2008, mais elle a produit ce prodige, le Comtes de Champagne. Tout en lui est positif et gourmand.

Nous passons à table et je sers le Champagne Krug Clos du Mesnil 1998. Le nez est saisissant. On ressent des tout petits fruits jaunes et rouges lancés en un bouquet comme un feu d’artifice. En bouche, tout est complexité, subtilité et raffinement. Ce champagne est immense. J’aurais préféré un foie gras en terrine, mais je n’en avais pas trouvé. Le foie gras mi-cuit est bon, mais un peu fort pour le champagne romantique et aérien, ce qui n’exclut pas la puissance, car il s’impose en conquérant. Nous vivons un moment important avec un champagne qui est au sommet de l’aristocratie champenoise. Le festival de petits fruits qui illuminent le goût précis du champagne est enthousiasmant.

Pour les bars, j’ai ouvert il y a plus de quatre heures un Château Le Caillou Pomerol 1953. Le bouchon de belle qualité était venu entier sans difficulté, et dès l’ouverture, un parfum intense et truffé avait envahi la pièce. Ce vin est l’expression d’un beau pomerol, peut-être pas aussi dense que les plus grands pomerols, mais extrêmement riche et profond. L’accord avec le poisson juste cuit en papillote est d’une rare pertinence. Ce vin de 67 ans est d’une énergie peu commune, à la trace persistante.

Et ce vin rouge va se montrer absolument adapté au camembert Jort à boîte bois, la perfection typée du camembert. Comme quoi le Vega Sicilia Unico n’a pas le monopole de l’accord avec le camembert Jort. Ce pomerol montre une étonnante flexibilité.

La tarte au citron a été choisie plus pour faire plaisir à ma femme qui adore ce dessert que pour les vins. C’est le Comtes de Champagne 2005 qui se montre le plus adapté.

Il reste dans nos verres suffisamment de Clos du Mesnil 1998 pour que nous puissions méditer et deviser sur la grandeur de ce champagne exceptionnel.

la lie du pomerol