Deux vins sublimes avec mon fils mercredi, 16 mars 2022

J’avais prévu d’ouvrir une grande bouteille pendant le séjour de mon fils à Paris. C’est un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1952 qui a perdu son étiquette. Le vendeur en qui j’ai confiance a fendu légèrement la coiffe de la bouteille, ce qui permet de lire clairement le mot Richebourg et l’année. Le niveau est assez bas, comme cela se produit fréquemment pour les vins du Domaine de cette époque. Le verre de la bouteille est très lourd et épais, d’une fabrication sans doute plus ancienne.

Trois heures avant le repas j’enlève le haut de la capsule et je retire le bouchon qui n’a aucune noirceur qui aurait empêché de lire des inscriptions. Le bouchon est beau. Le nez est typique des vins du Domaine, marqué par une légère trace de sel. Il est très prometteur. Je suis heureux.

Une heure avant l’arrivée de mon fils j’ouvre une bouteille de Krug Private Cuvée des années 60 ou 70 qui, elle aussi, a perdu son étiquette. Il ne reste aucune marque de la maison Krug. Seul le très beau bouchon indique clairement Krug et Private Cuvée. Un pschitt est présent ce qui est assez rare.

Les deux bouteilles étant sans aucun indice, mon fils devra trouver à l’aveugle de quels vins il s’agit. Mon fils arrive et j’ouvre une boîte de caviar osciètre prestige Kaviari qui me semble tout indiquée pour démarrer le repas.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 60/70 a une couleur étonnamment claire. La bulle est active. Le champagne est divin, si grand, si on le compare au Krug Grande Cuvée étiquette crème de la veille. On change de dimension. Le champagne est à la fois émouvant et viril. C’est un champagne de rêve, combinant énergie et velours. Nous sommes aux anges. Mon fils ne reconnait pas Krug, mais ça n’a pas d’importance.

Nous poursuivons la dégustation du champagne avec une rillette qui met en valeur d’autres facettes. Il est éblouissant de sensibilité. C’est un rêve qui nous enveloppe. Ce Private Cuvée est probablement le plus grand des « jeunes » Private Cuvée que j’aie bus. On ne peut pas comparer à ceux des années 40 qui sont dans une autre dimension.

Il suffit de mettre son nez au-dessus du verre pour que l’on sache que le vin est du domaine de la Romanée Conti. Mon fils ne demande même pas confirmation de son hypothèse, il sait. Le parfum est à la fois puissant et riche en alcool et en même temps subtil et complexe. Le vin paraît si grand que mon fils pense que c’est une Romanée Conti. Je lui dis que s’il en a la complexité, la puissance de ce vin ne correspond pas à une Romanée Conti. C’est un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1952. Mon fils situe l’année dans la décennie soixante. Son choix est compréhensible du fait de la vigueur du vin.

Sur un pâté en croûte le vin est fort civil, nous délivrant des subtilités infinies. Quel grand vin. Nous sommes sous son charme. Des tranches de viande rouge froides ont des gouttes de sang qui trouvent avec le vin un accord merveilleux. Nous savons que nous vivons un moment exceptionnel.

Tout-à-coup, est-ce sur la viande rouge ou est-ce sur un Mont d’Or, je ne sais, mais je ferme les yeux et je mets mes mains sur les yeux, me recueillant pour jouir de l’apparition d’un vin brusquement parfait, intemporel, incommensurable. L’émotion, le choc durent quelques secondes. Quel bonheur.

Mais ce qui est encore plus extraordinaire, c’est que mon fils me dit qu’il vient d’avoir le même choc, le même sentiment de perfection absolue. Est-ce la transition entre le sang de la viande rouge et la douceur crémeuse du fromage, je ne sais pas, mais il est sûr que nous avons eu un déclic qui a fait naître cet instant unique.

J’ai bu la fin de la bouteille, devenant de plus en plus noire, et chaque petite gorgée de ce liquide noir est apparue comme un bonheur de plus. Ma femme nous a vus assommés de bonheur, si heureux de ce partage avec des sensations vécues en simultanéité. Ce Richebourg fait partie des plus grands que j’aie eu le plaisir de boire, presque au même niveau que les sublimes Richebourg préphylloxériques des années 30.

Le champagne s’est révélé délicieux sur une tarte aux poires, le fruit épousant le champagne pour le rendre plus doucereux.

Les moments de communion avec mon fils pour déguster des vins exceptionnels sont des plaisirs qui enchantent ma vie.

Repas de famille avec des vins de tous horizons dimanche, 13 mars 2022

C’est un déjeuner en famille avec mon fils venu de Miami, ma fille cadette et son compagnon, ses deux enfants et sa nounou qui a logé chez nous toute la semaine pour nous régaler avec une cuisine forte d’émotion et de sentiment.

J’ai choisi des vins pour ce déjeuner en mêlant des bouteilles de belle maturité et des bouteilles qui ont un risque possible d’avoir été affaiblies par le temps ou sont en grand danger. Vers 10 heures, je commence à ouvrir un Meursault de 1942 au niveau bas dans la bouteille et à la couleur du vin qui paraît sombre. En déchirant la capsule, je vois un trou béant : le bouchon est tombé dans la bouteille. Il est difficile d’imaginer situation plus horrible. Je carafe le vin au teint un peu grisé et le nez me semble possible. Nous verrons.

J’avais pris une bouteille de Johannisberg de Sion 1962, vin présenté dans une jolie bouteille de forme alsacienne. C’est en fait un vin suisse sec dont, hélas, le parfum annonce qu’il est mort, ayant perdu le tiers de son volume. J’avais gardé la bouteille de Beaucastel Vieilles Vignes 2010 bue en partie hier au restaurant Langosteria. Il y aura donc un blanc de secours.

Le Pommard 1961 au beau niveau a un parfum idéal. Le Châteauneuf du Pape 1970 au niveau correct a un nez relativement neutre qui ne m’a pas interpellé outre mesure. J’ai ouvert suffisamment de bouteilles pour que nous trouvions notre compte, c’est du moins ce que je pense.

Mon fils a apporté des victuailles, des crèmes aux diverses saveurs et épices, du saumon fumé délicieux et surtout des bulots fantastiques. On mange généralement les bulots sur des plateaux de fruits de mer et les bulots sont posés sur des glaçons, ce qui neutralise leur goût. Alors que ces bulots, à température ambiante, sont parfaits. Avec le Champagne Dom Pérignon 1980 que j’ai ouvert il y a deux heures, l’accord est magique. Le champagne a une couleur d’un ambre profond et orangé. La bulle est faible mais le pétillant est motivant. Le champagne est large et grand, au sommet de son art. C’est un champagne superbe et glorieux.

J’avais gardé trop longtemps un saint-nectaire qui avait pris des couleurs foncées. Je me suis dit que ces saveurs avancées ressusciteraient peut-être les vins blancs fatigués. Nous mangeons ce fromage et il joue effectivement un rôle diplomatique pour adoucir le Meursault Patriarche 1942 qui à ma grande surprise se révèle plus sympathique que ce que je craignais. Il a même quelques accents charmants, au point que ma fille classera ce vin premier des vins du repas. J’en suis content car cela prouve – une fois de plus – que tous les vins méritent qu’on leur donne une chance.

Evidemment cela ne se produit pas toujours comme nous le démontre le Johannisberg de Sion 1962 qui est mort et imbuvable, ce que l’on reconnaît à un parfum qui semble définitivement bloqué. C’est donc le moment de servir le Châteauneuf-du-Pape Vieilles Vignes Château de Beaucastel 2010. Il est beau, fruité, juteux, joyeux et en même temps frais aux accents aqueux. Un vrai bonheur naturel. 24 heures de plus lui ont donné une belle largeur.

Sur deux poulets délicieux, le Pommard Naigeon-Chauveau 1961 qui avait le plus beau nez à l’ouverture montre à quel point il est velouté et charmant. C’est l’amour courtois d’un vin féminin au final riche. L’année 1961 est décidément une grande année.

Le Châteauneuf-du-Pape Clos Saint-Marc A. Estevenin 1970 a une odeur extrêmement désagréable qui ne m’avait pas frappé à l’ouverture. Le vin est désagréable et repoussant. Nous n’insistons pas. Il faut donc ouvrir un autre vin rouge pour les fromages dont un Mont d’Or séduisant. Jamais je n’aurais pensé devoir ouvrir une nouvelle bouteille.

C’est donc sur l’instant que se présente un Clos de Vougeot Méo-Camuzet 1992 qui est le vin qui, le premier, m’a fait apprécier les immenses qualités de ce domaine. Ce 1992 se présente un peu plus mature que ce que j’attendais, ayant perdu un peu de fraîcheur pour de la rondeur. C’est un vin que j’adore, aristocrate, qui profite du crémeux du Mont d’Or.

Le dessert est de sorbets qui n’appellent aucun vin.

Le soir, il ne reste que mon fils. J’ouvre une boîte de caviar osciètre de Kaviari pour un Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème qui est de la deuxième génération des Grande Cuvée. La bouteille est d’une beauté splendide. Le champagne est un peu rigide, avec une toute petite acidité, aussi il manque un peu de charme, même si c’est un grand champagne. Aujourd’hui j’ai préféré la rondeur du Dom Pérignon 1980. Ce qui vaut un jour ne vaut pas toujours. Ce qui est plus important c’est d’avoir donné des chances à tous les vins de ces deux repas, et d’avoir eu des moments passionnants.

Mon classement serait : 1 – Pommard 1961, 2 – Dom Pérignon 1980, 3 – Beaucastel Vieilles Vignes 2010, 4 – Clos de Vougeot 1992, 5 – Krug Grande Cuvée étiquette crème.

Ce fut une belle journée en famille.

on voit que le bouchon du Dom Pérignon est beaucoup plus court que celui du Krug

Préparation d’un repas au restaurant Plénitude et déjeuner au restaurant Langosteria dimanche, 13 mars 2022

Un repas prestigieux avec des vins mythiques sera réalisé d’ici une quinzaine de jour au restaurant Plénitude Arnaud Donckele à l’hôtel Cheval Blanc Paris. Nous privatiserons le restaurant au moment du déjeuner et bénéficierons d’une table construite selon mes recommandations. J’ai rendez-vous avec Arnaud Donckele pour concevoir le menu. Se joignent à nous le directeur du restaurant ainsi que le chef qui travaille avec Arnaud.

Comme le repas va commencer avec deux champagnes de 1943, un Dom Pérignon et un Salon, j’ai eu l’envie de donner aux chefs l’idée du goût des champagnes de plus de 70 ans en apportant une demi-bouteille de Champagne Pol Roger 1949. Le champagne est d’une bouteille au tout petit bouchon très lisse ; Il n’y a pas de pschitt. Le nez montre un peu d’âge mais promet. La couleur a quelques nuances de gris, qui pourraient laisser penser que le champagne est un peu usé, mais en fait je constate avec un infini plaisir que tout le monde comprend ce champagne aux suggestions subtiles. Arnaud cherche les goûts qui sont suggérés. Je pense au kaki, mais il n’y a pas que cela.

Nous sommes ravis de ce délicieux et suggestif champagne qui donne immédiatement des idées au chef. Je suis fasciné de voir à quel point le chef a des intuitions de plats qui me paraissent pertinentes. Le travail est vite accompli mais le chef va reprendre toutes les notes pour bâtir le menu final. Nous sommes contents du travail accompli.

J’ai donné rendez-vous en ce lieu à un ami français qui vit à Singapour depuis plus de vingt ans et fait son premier voyage depuis le début du confinement. Il me raconte les contraintes subies à Singapour de quarantaines draconiennes à côté desquelles les mesures françaises paraissent bénignes. Nous allons au restaurant Langosteria au 7ème étage de l’ex Samaritaine, restaurant italien dont le chef est Michel Biassoni qui est venu chaleureusement nous saluer.

L’amuse-bouche est une purée de tomates aux coques. C’est délicieux. J’ai choisi comme plat des Linguines au homard bleu de Bretagne, de très bon goût.

Je consulte la carte des vins qui couvre toutes les cartes de vin de l’immeuble, y compris celle du restaurant Plénitude et je choisis un Vin Jaune d’Arbois Jacques Puffeney 2010. Lorsque je le sens, le mot qui me vient est « verdasse », néologisme qui correspond à une verdeur désagréable et à une impression de lavasse. Je n’ai pas envie de le rejeter mais au bout de deux gorgées je demande à l’excellent sommelier de le reprendre car il est imbuvable.

Je commande un Châteauneuf-du-Pape blanc Vieilles Vignes du Château de Beaucastel 2010. Le boire après le vin d’Arbois le rend encore plus délicieux. Il a tout pour lui, un fruit généreux, une belle largeur et une expression naturelle conquérante. C’est un grand vin qui nous pousse à prendre une assiette de cinq fromages italiens tous pertinents.

Ce restaurant est à recommander.

dommage pour ce vin du Jura

Déjeuner au restaurant du Yacht Club de France vendredi, 11 mars 2022

Notre habituel déjeuner de conscrits se tient au restaurant du Yacht Club de France. Nous sommes seulement quatre, beaucoup d’amis n’étant pas disponibles. Le jeune serveur nous verse un Champagne Charles Collin Cuvée Charles rosé brut sans année. Il est sympathique mais peu fait pour l’apéritif. J’ai plus envie d’un champagne blanc et le Champagne Billecart-Salmon Brut Réserve sans année est plus vif et plus ouvert aux délicieux hors d’œuvre qui incluent des œufs brouillés, de la charcuterie fine et des morceaux de homard trempés dans une crème délicieuse.

Le menu du repas est : crème d’asperges vertes, langoustine rôtie et noix de Saint-Jacques / train d’entrecôte de bœuf Salers, gratin aux truffes, sauce poivre / fromages d’Éric Lefebvre / pièce montée du Yacht Club de France.

Le Meursault Buisson-Charles Vigne de 1945 millésime 2015 est une sympathique surprise. Il est large, juteux, plein en bouche et droit. C’est un agréable jeune vin de bonne facture. L’accord avec la langoustine est judicieux.

Le Château Figeac 1989 a un niveau dans le goulot. Le nez est splendide, noble, fin. En bouche, c’est un grand vin, au sommet de son art, abouti. Il est d’une plénitude généreuse. Son équilibre le rend quasiment éternel, au firmament de Saint-Emilion.

La cuisine est extrêmement plaisante car on sent l’implication du chef de cuisine Benoît Fleury et la pertinence des achats réalisés par le directeur, Thierry Le Luc, qui nous a offert un Cognac Godet VSOP Original titrant 40°, point final d’un délicieux déjeuner.

l’argenterie de notre table est un don d’un membre du Yacht Club, en provenance d’un de ses bateaux

Dîner végan à la maison lundi, 7 mars 2022

Pour diverses raisons, ma femme et moi accueillons à notre domicile la nounou des enfants de ma fille cadette. Ma fille est végan et s’est intéressée à faire une cuisine heureuse et goûteuse. Victoire, la nounou, nous a cuisiné végan pendant trois jours et, comme nous allions recevoir notre fille et son compagnon, j’ai eu l’idée de concevoir un dîner selon le principe de mes dîners, en introduisant une majorité de plats végan, pour en faire la surprise à ma fille.

J’ai choisi en cave deux vins, un blanc et un rouge et avec ma femme nous avons réfléchi aux légumes qui seraient pertinents sur ces vins. J’ai bâti l’ordre des plats, validé par ma femme et Victoire. Puis je suis allé avec Victoire faire les emplettes.

La cuisine a été réalisée en recherchant des goûts purs. Le menu est de onze plats, agrémenté de trois pauses hors végan : Chou-fleur cru à la crème d’amande / Poutargue / Tarte à l’oignon / Cabillaud pané / Navets jaunes et violets / Purée de céleri et purée de pomme de terre / Fenouil à la vapeur / Bâtonnets de potimarron / Mont d’Or / Pomme Chantecler au four.

Le Chassagne Montrachet Morgeot Vigne Blanche Château de la Maltroye 1976 a un niveau parfait et une couleur magnifique dorée. La bouteille ouverte cinq heures avant le repas avait un beau parfum. Il s’est amplifié. En bouche le vin est large et généreux, solaire. Il s’accorde très bien avec la poutargue, la purée de pomme de terre et la tarte à l’oignon. Il est très au-dessus de ce que j’attendais.

Le Château Mouton-Rothschild 1974 avait un nez discret à l’ouverture mais prometteur de noblesse. En bouche, on sent qu’il est d’une année peu puissante mais il montre une belle élégance. Il est noble et subtil. A l’aise sur les navets, le fenouil et le potimarron, il devient brillant et glorieux sur le Mont d’Or. C’est spectaculaire.

Pour les pommes au four j’ai envie de servir un Madère sec Joao Marcello Gomes années 50 qui était déjà ouvert. Le dessert sans aucun sucre crée un accord quasi magique avec le madère sec.

Les plus beaux accords sont le Mouton Rothschild avec le Mont d’Or, la pomme au four avec le madère et le Chassagne Montrachet avec la purée de pomme de terre faite avec une magique huile d’olive espagnole. Je voulais montrer à ma fille que j’étais capable d’organiser un dîner à la façon de mes dîners sur un thème majoritairement végan. Je crois que ce fut réussi.

déjeuner au restaurant Garance dimanche, 6 mars 2022

Je vais déjeuner au restaurant Garance. Nous sommes trois. Nous trinquons au verre avec un Champagne Langlet Blanc de Noirs 100% Pinot Meunier Extra Brut sans année. Contrairement au Grand Siècle de la veille, ce champagne jeune peut se boire jeune. J’ai été rebuté par le jeune Laurent Perrier car je sais ce qu’il devient avec l’âge alors que ce Langlet peut se concevoir ainsi. Il a un joli fruit et une belle aptitude à la gastronomie.

J’ai apporté un Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1985 que j’adore. J’aime les vins de ce domaine et j’ai une inclination certaine pour le 1985. Son nez est intense et direct. En bouche il combine une certaine âpreté avec une grande douceur. Il est vif et charmant. C’est un vin accompli extrêmement facile à comprendre.

L’amuse-bouche dont je n’ai pas gardé l’énoncé est divin. Il faut un talent certain pour créer des goûts de cette fluidité. Magnifique. L’entrée originale combine une langoustine crue avec des pieds de cochon. Pour le vin du Rhône nous avons demandé un canard de chair remarquable, à la sauce lourde et goûteuse. L’accord avec le riche vin de 1985 est idéal. La cuisine du restaurant Garance m’a fait forte impression.

Laurence Féraud, la fille du Pape !!!

Au revoir Pullman Bercy dimanche, 6 mars 2022

Pour un déjeuner de travail je suggère l’hôtel Pullman Bercy facilement accessible et bien situé. L’hôtel avait un restaurant vaste et spacieux qui est maintenant affecté aux petits déjeuners. Pour déjeuner on est dirigé vers le bar. Et ce lieu n’est pas fait pour un vrai déjeuner, malgré un service très attentif. C’est dommage, car je ne peux pas inviter des partenaires d’affaires dans ce type de décor. Le vin que nous avons pris est un Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle sans année. Qu’il est jeune ! J’ai du mal avec ces champagnes jeunes, quand je sais à quel point ils peuvent devenir splendides avec trente ans de plus. Ils sont de bon sang, mais en l’occurrence bon sang ne suffit pas.

Déjeuner d’huîtres chez ma soeur mardi, 1 mars 2022

Ma sœur et son mari ont un fournisseur d’huîtres d’une excellente qualité. J’avais pu en profiter lorsque, pendant le confinement, je les avais invités dans ma cave. Ils nous invitent, ma femme et moi, à déjeuner autour d’un plateau de fruits de mer.

Je prends dans ma musette une bouteille de champagne faite pour les huîtres, et mon regard se porte sur une bouteille de Byrrh qui m’évoque un souvenir : ma mère aimait cet apéritif doux, dont elle usait avec modération. J’emporte la bouteille déjà ouverte depuis quelques semaines.

Chez ma sœur nous commençons l’apéritif avec ce Byrrh légèrement éventé mais d’une grâce toujours présente et des souvenirs très anciens me reviennent en mémoire, de douceur et de suavité.

Le plateau de fruits de mer est impressionnant et les huîtres sont d’une fraîcheur idéale. Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 1994 est d’une belle puissance virile mais il sait aussi être courtois. Il est un bon compagnon de l’iode des huîtres. Sur une entrée aux coquilles Saint-Jacques crues assaisonnées d’une forte vinaigrette, c’est beaucoup plus dur de trouver l’accord.

Mon beau-frère vante les qualités d’un Bourgogne Côtes d’Auxerre Philippe Defrance 2013 et il a bien raison de l’aimer car il est frais et franc et joliment fruité. Les crevettes sont merveilleuses, alors que les langoustines cuites pour un plateau sont toujours trop cuites.

Un Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 2005 est de belle structure, promis à un bel avenir. Il est le partenaire des fromages. Ma femme a réalisé un cake au citron qui convient idéalement au Clos du Pape Sauternes 2002
d’un équilibre entrainant.

Nous n’avons pas recréé le monde car nous regardions plutôt dans le rétroviseur des souvenirs d’enfance que nous avons rafraîchis, par un beau samedi ensoleillé d’un hiver qui n’a pas encore montré le bout de son nez.

260th wine-dinner in restaurant Taillevent samedi, 26 février 2022

Since the beginning of my dinners, I have had 27 with the restaurant Taillevent. I want to do a new one in this place that I like, but I don’t know the new chef, Giuliano Sperandio. Director Baudoin Arnould creates contact with the chef so that we can develop the menu for the 260th wine-dinner. Immediately we understand each other. The chef understands and approves the fact that each dish must be consistent for the wine. Hence a search for simplicity that is not a limitation of creativity. On the dishes that I proposed, the chef made relevant additions and suggestions.

The wines were brought to the restaurant a week in advance. When the day comes, I arrive to open the wines at 4 p.m. By a rare chance, all the corks come out whole, except that of the Chypre 1870 because believing that the cork is short, I did not use the long wick, which resulted in the cork tearing. The aromas of the wines are all promising, the Nénin 1961 needing to blossom. The flavors of sweet wines are by far the most powerful and the one that moves me the most is that of Ausone 1937 with a depth of truffle taste. Having finished at 5 a.m., I have three hours ahead of me to think, meditate and rest, chatting with the friendly sommelier manager Paul Robineau. The chef comes to greet me and we finalize the final adjustments. His suggestions appeal to me. At 6 p.m. I open the magnum of champagne and at 7 p.m. the older champagne.

There will be ten of us, including ten males, which should earn us a heavy fine for not respecting parity. There are six new ones, which I really appreciate.

The aperitif is taken standing up in the beautiful, elegant wood-paneled Saturn lounge. Champagne Veuve Clicquot Ponsardin magnum 1989 has a strong bubble. In my opinion, it is an archetypal champagne because it has everything we love in a balanced and expressive champagne. If we had to define the champagne we would like to drink, it would be this one. It is consensual and pleasant. The truffle gougères are powerful and the relatively soft ham highlights this beautiful champagne.

To show that the chef wanted to cook for wine, here is how he worded his menu: appetizer / scallops / turbot / lobster / pigeon / stilton / mango / rose financier. I love the intentions expressed in this clean presentation.

Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966 has a pretty color of pink amber. The palate is round, consistent, very smooth. The evocations of pink citrus fruits are of a certain charm. It is a great champagne from a year that I consider to be one of the greatest of the century. I read on the faces of my guests the astonishment to see that a 56-year-old champagne can be so lively and brilliant.

The pairing of the turbot with the two whites is spectacular. The Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992 is a marvel of white, complex, noble racy. This white is at the top of its game. It is the most subtle of the wines of this meal logically crowned with the place of first.

If the Ramonet is Louis XV, the Château Rayas Châteauneuf du Pape white 1985 is Usain Bolt, because this wine is a bomb of energy, but of subtle energy. This Rayas is joyful and lively and it goes best with turbot. Rayas knows how to combine power and complexity.

The lobster is truffled which will create a bridge with the Château Ausone Saint-Emilion 1937 whose nose and mouth exude truffles. This wine which cannot hide that it is old is of a rare subtlety. To many around the table, it’s a surprise that an 85-year-old wine can have this energy and refinement.

As soon as I raise the glass of Château Nénin Pomerol 1961 to my lips, I know that I am in front of a perfect wine. Its structure is so well assembled that it is in perfect condition. He will no doubt improve further with time, but he is already in ideal shape. It does not have the charm of Ausone, but it is large. The pairing of simple, cooked-to-the-second lobster is perfect with both wines.

The Nuits-Saint-Georges Clos des Corvées General Gouachon 1945 Tasteviné 1950 is a wine full of subtlety and velvet. The year 1945 gave him a solid balance. It is the expression of a refined Burgundy. It’s Lamartine or Chateaubriand. He’s got everything.

While I had feasted on the promise of La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992 when I smelled it more than five hours ago, I find this wine too discreet. It is subtle but it does not have the aura of La Tâche, such a noble and conquering wine. Should it have been opened several hours before, it is possible, because this wine has no faults, it is just a little too timid. The rich pigeon failed to tickle him as he found the right partner with the elegant 1945 Burgundy.

When I announced that we were going to drink Château Climens Barsac 1949 first with stilton and then with a mango dessert, I saw the astonishment of the guests that one could look for such opposite pairings. Their astonishment will be even greater when they have found that these agreements are of absolute relevance. The Climens is quite simply the perfect wine, dynamic, powerful but charming like the snake which knew how to push Eve to eat the apple. Everything about this Barsac is luxury, pleasure, refinement. It is drunk greedily.

The financier with the rose is one of my coquetries and it is remarkably executed. And this is the first time that I feel as strongly that the Vin de Chypre 1870 tastes of rose. This heavy, powerful, high-alcohol wine is both sweet and dry, with strong spice. It has an inextinguishable length.

We are all amazed because no wine was weak, even though La Tâche lacked its usual prestige, and all the pairings were brilliant.

I don’t think I’ve ever seen such diversity in the votes. It’s incredible. If some imagine that I influence the votes, they will see that they are wrong. Let us judge: we are ten to vote for the five best of ten wines. All the wines had at least two votes, which is very rare because very often there are one or two wines that do not receive any votes. Then six wines were named first, which is really rare. Rayas had three first votes, Ramonet and Climens each had two first votes and Ausone, Nuits-Saint-Georges and La Tâche each had one first vote. Such a diversity of votes is hard to imagine.

The classification of the whole table is: 1 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 2 – Château Climens 1949, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1937, 4 – Château Rayas Châteauneuf du Pape white 1985, 5 – Champagne Moët et Chandon Brut Imperial 1966, 6 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992.

My ranking is: 1 – Château Climens 1949, 2 – Cyprus wine 1870, 3 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 4 – Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966, 5 – Château Ausone Saint-Emilion 1937.

The six new participants are of a certain enthusiasm and have promised to return to new dinners. As usual at Taillevent, the food and wine service was perfect. The chef gave a performance worthy of all praise because he put his talent at the service of the wine. This 260th was a particularly successful dinner.

260ème dîner au restaurant Taillevent samedi, 26 février 2022

Depuis le début de mes dîners, j’en ai fait 27 avec le restaurant Taillevent. J’ai envie d’en faire un nouveau en ce lieu que j’apprécie, mais je ne connais pas le nouveau chef, Giuliano Sperandio. Le directeur Baudoin Arnould crée le contact avec le chef pour que nous mettions au point le menu du 260ème dîner de wine-dinners. Immédiatement nous nous comprenons. Le chef comprend et approuve le fait que chaque plat doit être cohérent pour le vin. D’où une recherche de simplicité qui n’est pas une limitation de la créativité. Sur les plats que j’ai proposés, le chef a fait des ajoutes toutes pertinentes.

Les vins ont été apportés au restaurant une semaine à l’avance. Le jour venu, je viens ouvrir les vins à 16 heures. Par un hasard rare, tous les bouchons sortent entiers, sauf celui du Chypre 1870 car croyant que le bouchon est court, je n’ai pas utilisé la longue mèche, ce qui a entraîné que le bouchon se déchire. Les parfums des vins sont tous prometteurs, le Nénin 1961 ayant besoin de s’épanouir. Les parfums des liquoreux sont de loin les plus puissants et celui qui m’émeut le plus est celui de l’Ausone 1937 avec une profondeur de goût de truffe. Ayant fini à 5 heures, j’ai devant moi trois heures pour penser, méditer et me reposer, bavardant avec le sympathique responsable de la sommellerie Paul Robineau. Le chef vient me saluer et nous mettons au point les derniers ajustements. Ses suggestions me plaisent. A 18 heures j’ouvre le magnum de champagne et à 19 heures le champagne plus ancien.

Nous serons dix, dont dix mâles, ce qui devrait nous valoir une forte amende pour non-respect de la parité. Il y a six nouveaux, ce que j’apprécie beaucoup.

L’apéritif se prend debout dans le beau salon Saturne lambrissé et élégant. Le Champagne Veuve Clicquot Ponsardin magnum 1989 a une forte bulle. C’est à mon sens un champagne archétypal car il a tout ce que l’on aime dans un champagne équilibré et expressif. Si l’on devait définir le champagne que l’on aimerait boire, ce serait celui-ci. Il est consensuel et agréable. Les gougères à la truffe sont puissantes et le jambon relativement doux met en valeur ce beau champagne.

Pour montrer que le chef a voulu cuisiner pour le vin, voici comment il a libellé son menu : mise en bouche / Saint-Jacques / turbot / homard / pigeon / stilton / mangue / financier à la rose. J’adore les intentions qui s’expriment dans cette présentation épurée.

Le Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966 a une jolie couleur d’un ambre rose. La bouche est ronde, cohérente, toute en douceur. Les évocations d’agrumes roses sont d’un charme certain. C’est un grand champagne d’une année que je considère comme l’une des plus grandes du siècle. Je lis sur les visages de mes convives l’étonnement de constater qu’un champagne de 56 ans peut être aussi vif et brillant.

L’accord du turbot avec les deux blancs est spectaculaire. Le Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992 est une merveille de blanc, complexe, noble, racé. Ce blanc est au sommet de son art. C’est le plus subtil des vins de ce repas couronné logiquement de la place de premier.

Si le Ramonet est Louis XV, le Château Rayas Châteauneuf du Pape blanc 1985 est Usain Bolt, car ce vin est une bombe d’énergie, mais d’énergie subtile. Ce Rayas est joyeux et entraînant et c’est lui qui s’accorde le mieux au turbot. Le Rayas sait combiner puissance et complexité.

Le homard est truffé ce qui va créer un pont avec le Château Ausone Saint-Emilion 1937 dont le nez et la bouche exsudent la truffe. Ce vin qui ne peut pas cacher qu’il est ancien est d’une subtilité rare. Pour beaucoup autour de la table, c’est une surprise qu’un vin de 85 ans puisse avoir cette énergie et ce raffinement.

Dès que je porte le verre du Château Nénin Pomerol 1961 à mes lèvres, je sais que je suis en face d’un vin parfait. Sa structure est tellement bien assemblée qu’il est dans un état parfait. Il va sans doute s’améliorer encore avec le temps, mais il est déjà dans une forme idéale. Il n’a pas le charme de l’Ausone, mais il est grand. L’accord du homard simple et cuit à la seconde près est parfait avec les deux vins.

Le Nuits-Saint-Georges Clos des Corvées Général Gouachon 1945 Tasteviné 1950 est un vin tout en subtilité et en velours. L’année 1945 lui donne un équilibre solide. Il est l’expression d’un Bourgogne raffiné. C’est Lamartine ou Chateaubriand. Il est tout en mesure.

Alors que je m’étais régalé des promesses de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992 au moment où je l’ai senti il y a plus de cinq heures, je trouve ce vin trop discret. Il est subtil mais il n’a pas l’aura de La Tâche vin si noble et si conquérant. Aurait-il fallu l’ouvrir plusieurs heures avant, c’est possible, car ce vin n’a pas de défaut, il est juste un peu trop timide. Le pigeon riche n’a pas réussi à le titiller alors qu’il a trouvé le bon partenaire avec l’élégant bourgogne de 1945.

Lorsque j’ai annoncé que nous allions boire le Château Climens Barsac 1949 d’abord avec du stilton puis avec un dessert à la mangue, j’ai vu l’étonnement des convives que l’on puisse chercher des accords aussi opposés. Leur étonnement sera encore plus grand quand ils auront constaté que ces accords sont d’une pertinence absolue. Le Climens est tout simplement le vin parfait, dynamique, puissant mais charmeur comme le serpent qui a su pousser Ève à manger la pomme. Tout dans ce Barsac est luxure, plaisir, raffinement. Il se boit goulûment.

Le financier à la rose est une de mes coquetteries et il est remarquablement exécuté. Et c’est la première fois que je ressens aussi fort que le Vin de Chypre 1870 a un goût de rose. Ce vin lourd, puissant et fort en alcool est à la fois doux et sec, avec de fortes épices. Il a une longueur inextinguible.

Nous sommes tous émerveillés car aucun vin n’a été faible, même si La Tâche n’avait pas son prestige habituel, et tous les accords ont été brillants.

Je crois n’avoir jamais vu une telle diversité dans les votes. C’est incroyable. Si certains imaginent que j’influence les votes, ils verront qu’ils sont dans l’erreur. Qu’on en juge : nous sommes dix à voter pour les cinq meilleurs de dix vins. Tous les vins ont eu au moins deux votes, ce qui est très rare car il y a très souvent un ou deux vins qui ne recueillent aucun vote. Ensuite, six vins ont été nommés premiers, ce qui est vraiment rare. Le Rayas a eu trois votes de premier, le Ramonet et le Climens ont eu chacun deux votes de premier et l’Ausone, le Nuits-Saint-Georges et La Tâche ont eu chacun un vote de premier. Une telle diversité de votes est difficile à imaginer.

Le classement de l’ensemble de la table est : 1 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 2 – Château Climens 1949, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1937, 4 – Château Rayas Châteauneuf du Pape blanc 1985, 5 – Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966, 6 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992.

Mon classement est : 1 – Château Climens 1949, 2 – Vin de Chypre 1870, 3 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 4 – Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966, 5 – Château Ausone Saint-Emilion 1937.

Les six nouveaux participants sont d’un enthousiasme certain et se sont promis de revenir à de nouveaux dîners. Comme à l’accoutumée au Taillevent le service des plats et des vins a été parfait. Le chef a fait une prestation digne de tous les éloges car il a mis son talent au service du vin. Ce 260ème fut un dîner particulièrement réussi.

Champagne Veuve Clicquot Ponsardin magnum 1989

Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966

Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992

Château Rayas Châteauneuf du Pape blanc 1985

Château Ausone Saint-Emilion 1937

Château Nénin Pomerol 1961

Nuits-Saint-Georges Clos des Corvées Général Gouachon 1945

La Tâche Domaine de la Romanée Conti   1992

Château Climens 1949

Vin de Chypre 1870

je n’ai jamais vu des verres aussi vides en fin de repas !