Dîner à l’hôtel de Mougins vendredi, 18 septembre 2015

Les Etoiles de Mougins sont un grand festival de la gastronomie internationale. L’un des organisateurs m’a demandé, à l’occasion du dixième anniversaire de ce festival d’organiser l’un de mes dîners à Mougins. Ce sera au restaurant Paloma (rappelons-nous que la ville a logé pendant de nombreuses années Pablo, père de…) dont le chef a une étoile. J’étais venu il y a plusieurs mois en reconnaissance pour étudier la cuisine du chef et mettre au point le menu de ce qui sera le 191ème de mes dîners.

J’arrive la veille pour livrer les vins au restaurant afin qu’ils se reposent, verticaux, un jour complet avant d’être ouverts. Je loge à l’hôtel de Mougins, qui, sur la carte, paraît proche du Paloma, mais les sites sont si vallonnés et tortueux qu’il faut se méfier des distances à vol d’oiseau que l’on multiplie en fait de nombreuses fois. Deux américaines qui avaient assisté à l’un de mes dîners et qui avaient été conquises, se sont inscrites. L’une vient de Miami exprès pour ce dîner, ce qui montre son enthousiasme. Elles logent toutes deux au même hôtel et nous décidons de dîner ensemble.

Lorsque j’arrive au bar, elles ont déjà bu une coupe de champagne dont elles ne connaissent pas le nom et qui ne leur a fait aucun effet et me proposent de trinquer. Je commande non pas un verre mais une bouteille et l’on me dit que le seul champagne disponible est un Champagne Pommery Brut sans année. Faute de grive c’est lui que nous boirons. C’est du champagne, mais sans véritable émotion. Le fait que ce soit une carte forcée joue peut-être dans notre appréciation.

Nous montons au premier étage pour dîner. Il y a un écart majeur entre le service et le repas. J’ai pris des fleurs de courgettes fourrées à une sorte de brandade de cabillaud puis un saint-pierre aux artichauts et ces deux plats se sont révélés goûteux et précis.

Le service en revanche est assez surprenant. On a l’impression d’avoir à faire à des novices. Le pompon a été qu’en pleine discussion en fin de repas, on nous a demandé de descendre au rez-de-chaussée, au bar. Pourquoi nous chasser ? Nous avons voulu partager la note et ce n’était pas possible car elle était déjà affectée à une seule chambre. Tout cela est agaçant comme le fait que dans ma chambre la climatisation est en panne alors qu’il fait un temps lourd, humide et orageux.

La carte des vins est étique. Et il n’y a pas d’ « h » à rajouter à ce qualificatif. J’ai choisi un Domaine de Trévallon rouge 2001 qui a le mérite de nous faire oublier les imperfections du service. Ce vin a un nez très expressif et profond évoquant des fruits noirs subtils. En bouche ce qui frappe, c’est le velours. Ce vin qui respire gentiment la garrigue est tout en douceur et en subtilité, tout en ayant une grande force de caractère, mais maîtrisée. Ses 14 ans lui vont à ravir. Nous avons longuement bavardé, en haut puis en bas, rejoints par un ami fidèle qui sera du dîner de demain.

Mougins est en effervescence, car les nombreux stands s’installent partout. Une bonne nuit s’impose pour être d’attaque pour le grand jour.

DSC02612 DSC02611

DSC02610

DSC02606 DSC02608 DSC02614 DSC02615

Dîner chez des amis avec un beau 1966 dimanche, 25 janvier 2015

Après une prudente sieste nous allons dîner chez des amis. Le Champagne Cristal Roederer 2004
est extrêmement accueillant. Mais après les deux Krug, surtout le si original rosé, il se montre presque trop prudent et trop conventionnel. Il est agréable sur d’originaux toasts au Tamara truffé.

Sur une délicieuse soupe à la crevette épicée, le Domaine de Trévallon blanc 2011 affiche une belle personnalité. Il est peut-être un peu écrasé par les épices mais on sent qu’il a du caractère et s’épanouira avec quelques années de plus. C’est un vin typé très prometteur.

Sur un osso-buco aux petits légumes le Château Gruaud-Larose 1966 est d’une grande sérénité. Il est difficile de lui donner un âge, car tout en lui est équilibré et serein. De belle mâche, raffiné, il est bien présent. Il est très à l’aise et parle juste, sans élever la voix.

Avec une tarte au citron réalisée par le maître de maison, nous goûtons un Riesling Schlossberg Cuvée Sainte-Catherine, L’inédit Clos des Capucines domaine Weinbach 2012. Si le riesling est de belle pureté, il est encore trop jeune pour affronter un dessert aussi fort. Il est donc difficile de le juger. J’ai apporté un Château Pageot, premier cru Loupiac 1943 au niveau bas de goulot d’une bouteille reconditionnée. C’est sans doute cette opération qui a donné une léger goût de bouchon et de poussière au vin dont on peut mesurer le fruité élégant et la douceur complexe sous ce voile. Même si le défaut s’est estompé, le plaisir n’était pas au rendez-vous.

La cuisine raffinée de nos amis a révélé la grâce sereine du Gruaud-Larose et la promesse du Trévallon blanc.

2015-01-25 00.02.07 2015-01-25 00.02.18

2015-01-24 22.29.40

2015-01-24 22.28.50 2015-01-24 22.28.53

2015-01-24 23.43.42 2015-01-24 23.43.50 2015-01-24 23.44.58

2015-01-24 23.46.11 2015-01-24 23.45.45

2015-01-25 00.00.12 2015-01-25 00.00.24

2015-01-24 21.38.05 2015-01-24 22.00.33 2015-01-24 23.14.53

Déjeuner au restaurant Le Villaret mercredi, 21 janvier 2015

Le restaurant Le Villaret est connu pour sa cave remarquable, constituée par un amoureux du vin. On peut y faire de bien belles pioches. La décoration a été refaite ce qui rend le site plus pimpant. La cuisine est traditionnelle, roborative et rassurante. Le menu truffe est tentant : croquemonsieur à la truffe / le petit salé, œuf poché, jus de veau à la truffe / le poulet fermier des Landes à la truffe, purée truffée / la glace à la truffe et sa tranche de pain perdu, sucs de Porto.

Le Domaine de Trévallon Vin de Pays 2009 est joyeux, d’un beau velours. Si la complexité n’est pas extrême, l’équilibre du vin compense largement. Ce vin est fait pour la truffe et l’accompagne généreusement. Les plats sont solides, pour des Obélix affamés. La truffe brille surtout sur l’œuf poché et sur la purée, car il n’y a rien de mieux que pomme de terre et truffe. Le Villaret est une adresse à recommander chaudement.

DSC00357

DSC00366

DSC00356 DSC00358 DSC00359 DSC00361 DSC00362 DSC00363 DSC00365 DSC00368

Nouvelle belle expérience au restaurant Garance mercredi, 11 décembre 2013

Un journaliste ami, se fondant sur mes écrits, éprouve de la curiosité, voire de l’intérêt pour le restaurant Garance. Il me propose que nous allions déjeuner ensemble en ce lieu. La carte des vins est extrêmement riche à tous les niveaux de vins, dont certains sont normalement inaccessibles dans les grands restaurants.

Nous prenons le menu à cinq plats auxquels Guillaume Iskandar fera de petites ajoutes. Ce sera : tartare de mulet noir, oseille et sauce gribiche / croustillant de Tête de veau sauce gribiche / Foie gras poché, petits pois, groseilles, bouillon de langoustine / Bonite, courgette et olive noire / Poitrine de veau, céleri et cèpes / Marshmallow au thym.

A chaque expérience dans ce restaurant, je constate que la maturité progresse. Tout est bon. Mon préféré de ce jour, le foie gras poché, vaut bien une étoile.

Le Domaine de Trévallon Vin de Pays des Bouches du Rhône 2003 est d’une grande précision. C’est sur le croustillant de tête de veau et sur la poitrine de veau qu’il exprime toute sa richesse. Il se montre beaucoup plus subtil par un temps redevenu frais que lorsqu’il est bu par un chaud soleil. Mais je le préfère quand il est vin d’été.

Mon ami a apporté un Pacherenc de la Saint-Albert, Pacherenc du Vic Bilh moelleux 1992. Le temps l’a oxydé, lui donnant une patine de vin ancien, mais le rendant moins nerveux. Il est original mais limité. Le journaliste reviendra pour analyser à nouveau la cuisine du lieu. Je le sens déjà conquis.

20130911_133624 20130911_132822

20130911_133345 20130911_134604 20130911_135724(0) 20130911_141338 20130911_142740 20130911_144149 20130911_145643 20130911_145947

Déjeuner provençal au Yacht Club de France vendredi, 24 mai 2013

Une nouvelle réunion de notre club de conscrits se tient au Yacht Club de France. L’ami en charge du repas a choisi pour thème les produits de Provence.

Les champagnes se prennent avec de la tapenade verte ou noire. Il s’agit du Champagne Reflets d’Antan Bérèche & Fils dégorgé en juin 2010 un peu amer à mon goût et du Champagne Grand Cellier d’Or Vilmart & Cie 2004, plus accessible.

Le menu préparé par l’équipe du Yacht Club est : tarte provençale, aumônière de Chavroux, mini poivrons farcis, anchoïade / agneau de Provence maison Mazard & Roux de Tarascon, tian de légumes et ratatouille / fromages de Provence affinés par Alléosse / café gourmand provençal. Comme toujours Thierry Leluc a soigné les approvisionnements, et l’agneau est délicieusement fondant.

Le Château Simone Grand Cru blanc 2010 est d’une richesse et d’une précision qui portent le plaisir. Ce vin est gourmand. La Brûlade Domaine de la Bégude 2005 est un Bandol puissant, riche en tannins, à la forte empreinte et conquérant. Il passe en force.

A côté de lui le Domaine de Trévallon vin des Alpilles 2009 est une merveille de délicatesse et de subtilité. C’est un vin ensoleillé aux contours précis. Un régal.

Le thème du repas était bien choisi, car il a apporté un peu de soleil dans un Paris qui ne s’en sort pas de ses déluges de pluie.

DSC05083 DSC05082

DSC05084 DSC05089 DSC05088

DSC05087 DSC05086

DSC05090 DSC05091 DSC05092 DSC05093 DSC05094

Dîner au restaurant La Vague d’Or à Saint-Tropez, nouveau trois étoiles mercredi, 1 mai 2013

La Réserve de la Pinède à Saint-Tropez est un coin de paradis. Imaginez un triangle dont les côtés ont des chambres ou des suites face à la baie de Saint-Tropez et dont l’hypoténuse est une délicieuse plage de sable fin. L’intérieur du triangle est une pinède élégante où sont semées de jolies tables et d’attirantes chaises longues. Face à la mer, au soleil couchant, nous prenons un Champagne Dom Pérignon 1996 qui confirme, une fois de plus, qu’il est une réussite majeure. Le champagne est floral, évoque les fruits blancs, mais c’est surtout sa vivacité et sa persistance aromatique qui enchantent.

Les amuse-bouche sont d’inégal intérêt, le tempura de langoustine étant une petite merveille.

Pour choisir ce champagne, j’avais consulté la carte des vins où il est facile de repérer ce qui est prévu pour le touriste russe et ce qui est prévu pour l’amateur de vin. Il y a quelques bonnes pioches, mais la carte des vins n’a pas encore le niveau de variété que doit avoir un restaurant trois étoiles. Car Arnaud Donckele, le jeune chef, vient de décrocher la troisième étoile pour son restaurant La Vague d’Or, niché dans cet hôtel. Trop rapide sans doute, j’ai commandé deux vins rouges. Le très compétent directeur, Thierry di Tullio, aurait dû stopper ma commande, ou le sommelier, car les vins ont joué à contremploi. Mais le caractère décidé et péremptoire de ma commande les en a peut-être dissuadés.

Nous passons dans la grande salle à manger où un peintre expose ses toiles. Tous les goûts sont dans la nature, mais ce n’est pas le mien. Les tables sont espacées et l’atmosphère du lieu est cosy. Le service est impeccable, attentionné et compétent. Lorsque notre compétente et jolie serveuse reprend les ronds de serviette en faïence avec fourchette et cuiller, on ne peut que sourire. Le fait de ramasser les miettes après chaque plat est un plaisir qui devrait être la norme. Bravo.

Le menu que nous avons choisi est la « balade épicurienne » : sériole et chair d’esquinado marinés à la mandarine Berlugane, feuilles de farigoulette, primeurs et herbacés à cru / langouste puce et saint-pierre, coupés en fines tranches, une gelée abyssale, anglaise de corail au yuzu et mélisse / la pâte zitone de foie gras truffé, gratinée au parmesan, artichauts violets étuvés au basilic / courbine meunière déglacée au jus de vernis et braisée longuement, sabayons d’estragons et sudachi, king-crabe enrobé de ses sucs, asperges fondantes et d’autres croquantes et croustillantes / granité à la fleur de thym, sorbet fenouil de Florence, une flanquée d’absinthe / l’esprit d’un pot-au-feu de volaille et homard, le jardin y distille le parfum de légumes, d’herbes et gingembre rose / lactée de brousse du Rove, caillé de brebis au miel de safran de la Môle, yaourt Caillolais de Marseille, poire en deux textures et huile de bouteillan / accord entre la pomme de Manosque et le combava, l’éphémère d’un soufflé chaud, texture en superposition glacée.

Mon potentiel au Scrabble va s’enrichir d’un coup, car il y a la moitié des mots de ce menu que je ne connais pas. Avant de parler de la cuisine, parlons un peu des vins. J’avais imaginé que le bourgogne viendrait avant le vin rhodanien mais devant la complexité du menu, j’ai demandé que les deux vins soient servis ensemble pour que nous puissions choisir l’un ou l’autre pour chaque plat. Et nous avons pu vérifier ce que je constate souvent, c’est que pour un plat déterminé, c’est un des vins qui est adapté, et jamais les deux. Le Corton rouge Bonneau du Martray 2009 a été brillant pendant toute la première partie du repas alors que le Domaine de Trévallon Vin de Pays des Bouches du Rhône 2001 a ensoleillé la deuxième partie. Inutile de dire que pour certains plats, il a fallu recalibrer le palais en mordant le délicieux pain servi à satiété.

Le Corton 2009 est un vin d’une subtilité rare. Il est soyeux, délicat mais pénétrant en même temps. Il joue en permanence sur son raffinement. Tout en lui est noblesse et j’ai les yeux de Chimène pour ce vin de Corton. Il est jeune bien sûr, mais il est encore dans la période où sa jeunesse triomphe.

Le Trévallon 2001 est nettement moins complexe que le Corton, mais la comparaison n’a pas de sens, car ils ne jouent pas sur le même registre. Ce vin est de soleil, puissant avec ses 14°, direct, s’imposant par sa cohérence. Il est généreux, précis, de belle mâche et emporte nos suffrages par son enthousiasme. Au final, nous classerons, Philippe et moi le Dom Pérignon, puis le Corton puis le Trévallon.

La cuisine d’Arnaud Donckele est résolument tournée vers le produit local de qualité. Il explore des saveurs combinées avec une belle richesse imaginative. L’exécution des cuissons est un modèle du genre. Je serais mauvais juge de cette cuisine car j’attends qu’elle soit tournée vers le vin, ce qui n’est pas le cas de celle-ci. Lorsque je m’en suis ouvert à Arnaud, il m’a dit qu’il a fait immerger dans les eaux d’un banc d’huîtres des bouteilles de vin blanc pour qu’elles captent de l’iode qui s’harmoniserait à sa cuisine. L’intention est louable, mais ne couvrira qu’une facette de sa cuisine. A ce jour, c’est le champagne qui accompagnera idéalement la cuisine d’un chef inventif et créatif.

Je l’aimerai encore plus lorsqu’elle visera la cohérence des plats en pensant aux vins. Il ne fait pas de doute que ce chef est promis à un bel avenir, dans un cadre féerique, avec une équipe dont la compétence et le sens du service est à signaler. Le chef a dédicacé d’un mot charmant nos menus où figurent les noms mais aussi les images des étiquettes des vins. C’est une délicate attention, très représentative de l’esprit du lieu.

DSC04883 DSC04879 DSC04881 DSC04886 DSC04894

DSC04918 DSC04919 DSC04920 DSC04921

 

M11 D M11

DSC04901 DSC04900 DSC04902 DSC04904 DSC04907 DSC04908 DSC04911 DSC04912 DSC04914 DSC04915 DSC04917

La Dame de Pic à Paris mercredi, 6 mars 2013

Jonathan, ami français vivant en Australie est de passage en France. Nous le retrouvons, ma femme et moi au restaurant La Dame de Pic avec sa ravissante fiancée et une amie néozélandaise qui est cuisinière de son état. La décoration du lieu est très délicate et féminine. C’est très réussi. Les cartes des menus sont présentées comme des cartes à jouer, dame de pic oblige. Les menus sont conçus d’après des impressions olfactives que l’on peut figurer en sentant des petits cartons parfumés comme ceux que l’on trouve dans des parfumeries. J’avoue qu’en sentant ces cartons, ce n’est pas très convaincant. Nous sommes une majorité à prendre le menu de truffes, intitulé ainsi : les berlingots, chèvre frais, truffe noire, menthe et asperges vertes de Mallemort / les rougets de Méditerranée, safran, truffe, café Blue Mountain / la poularde de Bresse, fine farce à la truffe noire et foie gras légèrement fumé / le brie de Meaux truffé / la bière et le caramel, blanc mousseux à la truffe noire et cazette.

La carte des vins n’est pas facile d’emploi, car les cartes sont rivetées et doivent pivoter pour qu’on puisse les lire. Le choix est assez faible, avec une grande diversité de prix, parfois chers. Le Champagne Krug 2000 dont j’ai senti un court instant que le maître d’hôtel, qui a connu mes goûts en un autre endroit, voulait me déconseiller, est vraiment trop vert. C’est un Krug bien sûr, mais qui mange l’intérieur des joues. Il sera beaucoup plus rond sur la nourriture et notamment le délicieux et original plat de raviolis en berlingots.

L’Y d’Yquem 2008 est charmant. Il est lui aussi très vert, mais on lui pardonne, car il raconte des choses. Il est dans la jeunesse mais une jeunesse qui parle. Il est gastronomique. J’aime beaucoup sa sérénité aromatiques faite de citron vert et de fruits blancs.

Le vin phare du repas, c’est le Domaine de Trévallon 2009. Ce vin a tout pour lui, l’aisance, la joie de vivre, la plénitude d’un fruit magistral. Ce vin n’est que de plaisir et ne se pose pas de question, on en jouit. Le buvons nous trop tôt dans sa jeunesse, la question n’a pas d’intérêt car il est parfait comme cela. Il est délicieux avec le rouget, riche avec la poularde. C’est la vedette de ce dîner.

Que dire du restaurant ? J’avoue que je suis embarrassé pour exprimer un avis pertinent. Les menus se présentent de façon compliquée, comme les beurres que l’on peut tartiner sur des pains différents. Trop de complexité, c’est trop. Le service est prévenant, parfait lorsqu’on donne à choisir les verres pour le champagne, parfois pesant et parfois imparfait tant les serveurs sont capables de déambuler sans jamais regarder ce qui se passe autour d’eux. On peut cependant dire qu’il y a une grande motivation à bien faire. La cuisine est d’une grande dextérité et d’un haut niveau technique, mais ma poularde était trop lourde et saturante. Les deux plus beaux plats sont les raviolis très originaux et le dessert lui aussi original et bien exécuté. Si je suis embarrassé, c’est qu’il est difficile de juger un chef trois étoiles qui ne veut pas faire du trois étoiles. On est donc un peu en porte-à-faux. Ce restaurant est indéniablement agréable par son atmosphère, par la qualité d’exécution de la cuisine qui trouvera ses adeptes. Mais quand on connaît l’original, on a du mal à positionner la variante qui a visé plus bas. Ce que je recommande en tout cas, c’est d’en faire l’essai, car mon attitude vis-à-vis de ce restaurant est trop lié à l’admiration que je porte à Anne-Sophie Pic. J’ai eu beaucoup de mal à admettre quand Joël Robuchon ne faisait pas du Robuchon pur jus. J’ai aussi un peu de mal quand Anne-Sophie Pic ne fait pas du ASP pur jus. Ce sentiment n’appartient qu’à moi. D’autres gourmets n’auront pas les mêmes réactions. Qu’ils en fassent l’essai !

DSC04129 DSC04131

DSC04134 DSC04132 DSC04144 DSC04142

DSC04135 DSC04137 DSC04139 DSC04145 DSC04146

restaurant Garance jeudi, 14 février 2013

Nouveau passage au restaurant Garance. Au rez-de-chaussée, saluant Guillaume Iskandar, le talentueux chef, je lui demande quels sont ses beaux produits du jour. Il évoque un risotto à l’ail et un beau ris de veau. Voilà qui pourrait s’accorder avec un aimable vin rouge. Un examen de la carte des vins me pousse vers un Domaine de Trévallon vin de pays des Bouches-du-Rhône 2003. La présentation des plats est élégante dans sa simplicité. Lorsqu’on voit des légumes verts autour du risotto, en feuilles ou en émulsion, on se dit qu’ils ne seront pas l’ami du vin mais en fait, cela fonctionne très bien et j’apprécie les vins qui en sont capables. Le vin est un peu frais et a besoin de s’épanouir. Son nez est profond, de grande sensibilité. Le vin est précis, fin, raffiné, et on serait bien en peine de reconnaître une région. Car sa finesse est celle des grands vins de toutes régions. Rien n’est excessif, et le velouté qui apparaîtprogressivement est très soyeux. Elégance, raffinement, toucher de bouche délicat sont ses caractéristiques. Le ris de veau est d’une très belle qualité et le vin en profite. Guillaume Muller apporte un peu d’un Hermitage de l’union des propriétaires de vins fins à Tain l’Hermitage 1984. A l’aveugle, j’ai beaucoup de mal à imaginer une région. Le vin est assez faible, mais surtout très court. Sa plus belle qualité est de mettre en valeur, s’il en était besoin, un magnifique Trévallon 2003 profond et raffiné. La table Garanceest une belle halte où je reviendrai bientôt.

dîner chez des amis avec Hill of Grace samedi, 3 novembre 2012

Nous nous rendons chez des amis. Elle est passionnée de cuisine et lui de vins. Le Champagne Cuvée Louise Pommery 1995 a un nez épanoui, solide et généreux. En bouche il est serein, de belle facture, très rassurant. De fines tranches d’andouille lui donnent de l’ampleur et des cannelés au chou-fleur et parmesan lui donnent de la longueur. On est bien avec ce champagne raffiné. Son bouchon est curieusement petit et déjà chevillé. Il faut sans doute boire vite ce champagne s’il ne s’agit pas d’une exception, car même si la longévité du vin est loin d’être entamée, il faut éviter des dégradations possibles.

Sur une crème aux châtaignes et écrevisses, le Château Mont-Redon Blanc de Blancs Chateauneuf-du-Pape 2002 servi très froid n’a pas le moindre parfum, ce qui est étrange. En bouche il est plat, mais c’est le froid qui en est la cause, car il va progressivement s’épanouir pour devenir un aimable Chateauneuf-du-Pape. Mais c’est bien tard.

Sans connaître le programme de mon ami, j’ai apporté un Château Ausone 1987, d’une année relativement faible, dont je souhaite vérifier comment il se comporte à 25 ans. A l’ouverture, le parfum est d’une rare délicatesse. Il est subtil, racé, avec des fragrances délicates. En bouche, il garde cette délicatesse et même si le vin manque un peu de coffre, je le trouve charmant et élégant. Mais la vedette est ailleurs, car Bernard a ouvert un Hill of Grace Henschke Australie 1995. Le vin carafé est servi à l’aveugle et Bernard me demande à quoi je pense. Immédiatement, c’est vers les grandes Côtes Rôties de Guigal que mes pensées se dirigent. Et j’aurais dû aussi mentionner Penfolds Grange, car il y a une belle complicité de goût avec cet autre vin australien. Le vin titre 14°, mais ce qui est impressionnant, c’est la fraîcheur mentholée qui accompagne des fruits noirs et rouges. Le vin est riche, dynamique et plus adapté à la joue de porc aux légumes oubliés que le délicat Ausone.

Les fromages sont absolument délicieux et un vin est servi à l’aveugle aussi. Mon palais est tellement pris par les saveurs fortes dont celle d’un fromage qui sent la noix de façon impérieuse que je ne reconnais pas tout de suite le Champagne Dom Pérignon 1990 magnifique et épanoui, meilleur que le souvenir du dernier 1990 que j’ai bu.

Pour le dessert, Bernard a prévu une demi-bouteille de Vin de paille Marsanne Domaine de Trévallon 2007 aux grains séchés trois ans sur paille et mis en bouteille par Antoine Dürrbach en 2010. Le vin titre 15°. Il est très frais et l’on ne sent pas trop de sucre ou de charge alcoolique.

Ce n’est pas le cas avec l’Elixir Végétal de la Grande Chartreuse fabriqué à Voiron par les Pères Chartreux et qui titre 69°. Que cet alcool est traître ! Car le côté végétal, très Grande Chartreuse, pousse à y revenir, ce qui est tout simplement mortel. C’est de l’au-delà que je termine ce rapport d’un dîner amical dont les saveurs culinaires furent parfaites et les vins éclectiques passionnants.

dîner au restaurant L’Air du temps avec un accord d’anthologie dimanche, 23 septembre 2012

Le dîner se tient au restaurant L’Air du temps, tenu par Sang-Hoon et Carine Degeimbre. San est un adepte du food pairing qui conduit à imaginer des accords saisissants sur la base de compatibilités génétiques des ingrédients. Le tout est revisité avec sa culture liée à ses origines coréenne et belge. Passionné par les plantes qu’il cultive et par les saveurs qu’il rapporte de ses voyages à travers le monde, il produit un cuisine inspirée, étonnante et le plus souvent passionnante, car il y ajoute sa connaissance des vins, ce qui apporte encore plus de pertinence à ses plats.

Voici ce que nous avons mangé : snacking : chips soufflé canard laqué /carotte laquée au vinaigre d’ail noir / escargot dans sa coquille / cigarette de pomme de terre, chocolat blanc, wasabi.

Bouchées : moules frites / œuf coque, mousse de saumon fumé, mouillette au fenouil.

Dégustation : homard breton en sushi décomposé / céviche, couteaux, courgettes jaunes, leche de tigre /jardin de Liernu : nos tomates, crevette de Zeebrugge, jus de crevettes, baume de Galaad / ferme de la Tour à Gismes : foie gras rôti au four, anguille fumée, ananas / volaille Oméga 3,coq des prés, rôtie, tendre avec un consommé acidulé, oignons / bœuf Wagyu, boulette de furikaké, carpaccio de bœuf, quinoa soufflé, jus de crabe, physalis, anchois / pigeonneau de Waret, crêpe de pomme de terre au fromage frais, pattes confites à l’orange et muscovadi, jus de pigeonneau, fève tonka / carottes pairing, purple haze confites à la citronnelle, gourmandises en lacets, sorbet à la violette / caramel au beurre salé, en sorbet, au café, à la vanille et potiron.

Le fourmillement inventif est spectaculaire. Nous commençons par un Champagne "les Carelles" Grand Cru de Mesnil-sur-Oger Jacques Selosse sans année. Il est d’une tension extrême. Sans concession, il claque sur la langue et nécessite des plats agressifs pour s’exprimer. Mon gendre n’aime pas. J’aime le côté rebelle qui est d’un grand intérêt. Nous poursuivons avec le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1998. Il est nettement plus confortable, rassurant par sa structure d’un grand équilibre. Carré, solide, il montre un dosage un peu fort par comparaison au Selosse. Il est très gastronomique, mais sur les tomates, c’est le Selosse qui est plus pertinent, alors que sur le jus de crevettes, c’est le Pol Roger.

Nous cherchions un vin blanc sur la carte et je demande à Maxime, le compétent sommelier, s’il n’a pas un vin caché, hors carte, de grand intérêt. Il nous présente un Riesling Grand Cru Brand Turckheim domaine Zind Humbrecht 1990 qui est une merveille absolue. Un vin d’une complexité incomparable avec des notes citronnées et de fruits jaunes, mais aussi d’épices innombrables. Il est lourd, imposant et entraînant. C’est alors que se produit avec le plat d’anguille et foie gras un accord qui nous laisse tous abasourdis. Nous tenons là un accord d’anthologie et plusieurs autour de la table répètent à l’envi : "c’est l’accord de l’année". Le fait est que la symbiose d’un plat incroyablement multiforme avec un vin qui l’est tout autant donne des variations gustatives d’une justesse infinie. C’est beau. Le vin est certainement le meilleur de notre voyage en Belgique. Sur le bœuf Wagyu, nous goûtons un Domaine de Trévallon Coteaux d’Aix 1990 qui d’emblée nous asphyxie par ses notes végétales à dominante de poivron mais aussi de fenouil. Le tout se domestique quand le vin s’ouvre, et c’est un vin de message simple, délicieusement goûteux, presque velouté, serein et apaisé. Il est aussi à l’aise sur le pigeon.

Cette table est d’une qualité de recherche exceptionnelle. San est venu discuter avec nous et nous a parlé de ce qui conduit ses recherches, expliquant le cheminement de quelques plats. On ne peut que recommander cette table de très haut niveau ou l’expérience gastronomique est exceptionnelle.