La Dame de Pic à Parismercredi, 6 mars 2013

Jonathan, ami français vivant en Australie est de passage en France. Nous le retrouvons, ma femme et moi au restaurant La Dame de Pic avec sa ravissante fiancée et une amie néozélandaise qui est cuisinière de son état. La décoration du lieu est très délicate et féminine. C’est très réussi. Les cartes des menus sont présentées comme des cartes à jouer, dame de pic oblige. Les menus sont conçus d’après des impressions olfactives que l’on peut figurer en sentant des petits cartons parfumés comme ceux que l’on trouve dans des parfumeries. J’avoue qu’en sentant ces cartons, ce n’est pas très convaincant. Nous sommes une majorité à prendre le menu de truffes, intitulé ainsi : les berlingots, chèvre frais, truffe noire, menthe et asperges vertes de Mallemort / les rougets de Méditerranée, safran, truffe, café Blue Mountain / la poularde de Bresse, fine farce à la truffe noire et foie gras légèrement fumé / le brie de Meaux truffé / la bière et le caramel, blanc mousseux à la truffe noire et cazette.

La carte des vins n’est pas facile d’emploi, car les cartes sont rivetées et doivent pivoter pour qu’on puisse les lire. Le choix est assez faible, avec une grande diversité de prix, parfois chers. Le Champagne Krug 2000 dont j’ai senti un court instant que le maître d’hôtel, qui a connu mes goûts en un autre endroit, voulait me déconseiller, est vraiment trop vert. C’est un Krug bien sûr, mais qui mange l’intérieur des joues. Il sera beaucoup plus rond sur la nourriture et notamment le délicieux et original plat de raviolis en berlingots.

L’Y d’Yquem 2008 est charmant. Il est lui aussi très vert, mais on lui pardonne, car il raconte des choses. Il est dans la jeunesse mais une jeunesse qui parle. Il est gastronomique. J’aime beaucoup sa sérénité aromatiques faite de citron vert et de fruits blancs.

Le vin phare du repas, c’est le Domaine de Trévallon 2009. Ce vin a tout pour lui, l’aisance, la joie de vivre, la plénitude d’un fruit magistral. Ce vin n’est que de plaisir et ne se pose pas de question, on en jouit. Le buvons nous trop tôt dans sa jeunesse, la question n’a pas d’intérêt car il est parfait comme cela. Il est délicieux avec le rouget, riche avec la poularde. C’est la vedette de ce dîner.

Que dire du restaurant ? J’avoue que je suis embarrassé pour exprimer un avis pertinent. Les menus se présentent de façon compliquée, comme les beurres que l’on peut tartiner sur des pains différents. Trop de complexité, c’est trop. Le service est prévenant, parfait lorsqu’on donne à choisir les verres pour le champagne, parfois pesant et parfois imparfait tant les serveurs sont capables de déambuler sans jamais regarder ce qui se passe autour d’eux. On peut cependant dire qu’il y a une grande motivation à bien faire. La cuisine est d’une grande dextérité et d’un haut niveau technique, mais ma poularde était trop lourde et saturante. Les deux plus beaux plats sont les raviolis très originaux et le dessert lui aussi original et bien exécuté. Si je suis embarrassé, c’est qu’il est difficile de juger un chef trois étoiles qui ne veut pas faire du trois étoiles. On est donc un peu en porte-à-faux. Ce restaurant est indéniablement agréable par son atmosphère, par la qualité d’exécution de la cuisine qui trouvera ses adeptes. Mais quand on connaît l’original, on a du mal à positionner la variante qui a visé plus bas. Ce que je recommande en tout cas, c’est d’en faire l’essai, car mon attitude vis-à-vis de ce restaurant est trop lié à l’admiration que je porte à Anne-Sophie Pic. J’ai eu beaucoup de mal à admettre quand Joël Robuchon ne faisait pas du Robuchon pur jus. J’ai aussi un peu de mal quand Anne-Sophie Pic ne fait pas du ASP pur jus. Ce sentiment n’appartient qu’à moi. D’autres gourmets n’auront pas les mêmes réactions. Qu’ils en fassent l’essai !

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