Déjeuner de famille mardi, 4 avril 2023

Ma fille cadette vient déjeuner avec ses enfants. Le choix des vins est un exercice que j’aime, car je cherche ce qui peut faire plaisir. J’ai mis au frais un Champagne Egly-Ouriet dont la personnalité plaira à ma fille. Et en cave, je vois un Château LaGaffelière Naudes 1953 qui devrait convenir car je l’ai bu de nombreuses fois et toujours aimé.

Lorsque je prends en main, je constate que le niveau est entre mi-épaule et basse épaule. Nous verrons.

J’ouvre le vin quatre heures à l’avance et le bouchon se brise en deux mais rien ne tombe dans la bouteille. Le parfum est riche et fort et ne montre aucun signe de déviation.

Juste après j’ouvre le champagne qui a un beau bouchon et fait un beau pschitt. Tout va bien.

L’apéritif sera simple : chips à la truffe, gouda au cumin et mimolette. Le Champagne Egly-Ouriet 100% Grands Crus sans année a vieilli 48 mois sur lattes et a été dégorgé en juillet 2002. Il est d’un or légèrement ambré et la bulle est abondante. Il est impressionnant par sa personnalité et son originalité. C’est un seigneur. Le mot qui me vient spontanément est : champagne en habit de soirée. Car il en impose. Il est vif, viril, tranchant, et la largeur de sa palette aromatique mérite le respect. C’est un grand champagne aux mille évocations.

Ma fille qui adore les champagnes Selosse est aux anges car on est face à des complexités de même amplitude.

Le plat principal est un poulet avec un gratin dauphinois. Le Château LaGaffelière Naudes 1953 a une couleur foncée très intense. Le nez est aussi intense, percutant et n’a pas le moindre défaut. Le niveau relativement faible n’a eu aucune influence, ce qui est une leçon à retenir sans qu’on puisse en faire un dogme.

Le vin est riche, au grain de grande densité. Et sa longueur est belle. Je demande à ma fille de deviner son année. Elle propose 1983 alors que le vin a trente ans de plus. A soixante-dix ans, il est d’une jeunesse insoupçonnable. Ce vin est un beau témoignage à opposer à tous ceux qui doutent de la vitalité des vins. Que d’erreurs ont été commises par ceux qui n’ont pas confiance dans leurs vins.

Sur un Brillat-Savarin le Saint-Emilion fait belle figure, mais aussi sur un camembert. Qui l’eût cru ?

La tarte aux pommes convient au champagne.

Quand les vins se montrent au-dessus de mes attentes, je suis un homme heureux.

Préparation d’un dîner avec Arnaud Donckele samedi, 1 avril 2023

Dans environ un mois un déjeuner se tiendra au restaurant Plénitude Arnaud Donckele de l’hôtel Cheval Blanc Paris. Selon la tradition ce repas se tiendra sur la « table François Audouze », table que j’ai fait construire, avec l’accord d’Arnaud Donckele, pour accueillir une douzaine de personnes et me permettant de parler à tout le monde, de la forme d’une ellipse.

Selon la même tradition je viens préparer le menu avec Arnaud Donckele, avec Bertrand Noeureuil le chef de cuisine de Plénitude, Alexandre Larvoir, le directeur de Plénitude et Emmanuel Cadieu le sommelier chef, en charge de la sommellerie de tous les restaurants de l’immeuble de la Samaritaine.

Avant même que la réunion ne commence, une sirène envahit l’espace sonore et on demande à tout le personnel de l’immeuble de descendre dans la rue pour un exercice de simulation d’une alerte incendie. Je descends donc avec toute l’équipe de cuisine, alors que, fort curieusement, les clients de l’hôtel ne sont pas obligés de le faire. Je fais des photos de l’équipe de cuisine sous la gigantesque et éphémère statue de l’artiste japonaise Yayoi Kusama. Je rencontre des membres de la direction des restaurants dont plusieurs me connaissent parce que l’on s’est rencontrés dans d’autres lieux comme le Meurice ou le Crillon.

De retour, et encore une fois selon la tradition, j’ai apporté un vin pour que mes interlocuteurs puissent approcher des goûts qu’ils ne côtoient quasiment jamais. J’ai apporté une bouteille de Champagne Krug Private Cuvée années 60. Lorsque je l’ouvre, le fil du muselet se casse à la torsion et le bouchon remonte tout seul tant il s’est recroquevillé dans le goulot. Un tel comportement m’indique que le champagne est plutôt des années 50. Il n’y a aucun pschitt et je suis obligé de nettoyer le goulot pour éviter que des poussières ne tombent dans le vin.

La couleur est d’un ambre plutôt clair. Il n’y a aucune bulle mais d’emblée on constate que le pétillant est bien présent. Ouvert au dernier moment le champagne présente des amertumes qui vont rapidement s’estomper. Arnaud Donckele, qui nous a rejoints alors qu’une partie du menu avait été mise au point, dit que beaucoup de gens ne verraient que de la fatigue dans le message de ce champagne qui offre des complexités qu’aucun champagne jeune ne pourrait offrir.

Petit à petit le champagne s’élargit et montre à quel point ce Private Cuvée peut être complexe, riche, entraînant et convainquant. C’est la noblesse pure du champagne.

La complicité entre Arnaud Donckele et Bertrand Noeureuil me fascine toujours. Ils « voient » le plat de la même façon. Arnaud souhaite que des essais soient faits pour certains plats et me demande de venir les vérifier en pensant aux vins qu’ils accompagneront.

C’est Arnaud lui-même qui me conduit et m’accompagne au restaurant Langosteria, le restaurant italien du Cheval Blanc Paris. Lorsqu’on arrive avec Arnaud Donckele, l’accueil est évidemment très chaleureux.

On me propose des calamars grillés fort agréables et je choisis une sole de petit bateau qui sera accompagnée d’une sauce tomate très italienne.

Cette collation me permet de finir le champagne Krug qui devient de plus en plus agréable, large et gourmand.

Les préparations de repas avec Arnaud Donckele sont un exercice que j’adore.


la salle du restaurant

L’exercice d’alerte avec l’équipe de cuisine

Langosteria

Déjeuner à l’Automobile Club de France samedi, 1 avril 2023

Jean est un ami à qui je dois le privilège d’avoir fait trois dîners au château de Saran, la demeure de réception de Moët & Chandon, portant les numéros 100, 150 et 250. Il est très impliqué dans le milieu de l’automobile et notamment à l’Automobile Club de France où il me reçoit à déjeuner.

Nous allons au bar où l’on nous demande ce que nous voulons boire. Le champagne s’impose et fort curieusement on nous apporte des coupes remplies, sans nous avoir proposé de choisir un champagne au verre ou en bouteille. Cela m’a rappelé que du temps où j’étais membre de ce club prestigieux, le sympathique et compétent barman avait gardé une réserve secrète de vieux Mumm, car j’étais un des seuls membres qui trouvaient un intérêt aux champagnes anciens.

On nous sert un Champagne Laurent Perrier Brut sans année solide et goûteux, un peu trop dosé à mon goût mais très agréable.

Nous passons à table dans le restaurant des membres où de beaux souvenirs reviennent à ma mémoire. Par une petite erreur du serveur j’ai deux entrées au lieu d’une. Je ne m’en plaindrai pas. L’œuf fermier mimosa à la crème aux herbes est très bien fait et les croquettes de pied de cochon sauce tartare sont gourmands.

Le vin du repas est un Châteauneuf-du-Pape Château de Beaucastel 2011 qui est dans un bel état de grâce. Très équilibré, généreux il a atteint une sérénité qui le rend séduisant. Il est carré, abouti. Un vin de pur plaisir.

Le tajine d’agneau à la coriandre, semoule aux épices permet au vin de briller, mais il aurait été aussi à son aise sur n’importe quel plat.

Nous avons bavardé de vin, bien sûr, mais aussi d’automobile, et ce fut un heureux et amical déjeuner.

Déjeuner aux Crayères de Reims dimanche, 26 mars 2023

Le climat social en France est tellement désespérant, avec les rendez-vous que l’on est obligé de reporter, les voyages que l’on annule, que j’ai envie de faire plaisir à mon épouse en l’invitant à l’hôtel Les Crayères à Reims pour déjeuner. Elle adore cet endroit.

Lorsque nous arrivons, nous sommes accueillis comme si j’étais le Roi Charles III avec son épouse. La France n’a pas pu les recevoir. Nous les remplaçons.

Nous avons une très jolie table dans la belle salle du restaurant, joliment décorée. Martin Jean, l’excellent sommelier nous dit que le champagne de bienvenue qui est offert est un Champagne Pascal Agrapart Minéral Extra Brut 2016.

La carte des vins est faite de deux livres, l’un pour les champagnes et l’autre pour les vins. En les voyant, ma femme me dit qu’elle aurait le temps d’aller prendre le thé. J’essaie d’aller au plus vite mais la carte des champagnes est particulièrement fournie et alléchante. Je choisis un champagne déjà ancien grâce aux indications de Martin, mais on vient de nous apporter la carte des menus et je repère un menu au caviar. Je vais changer : qui dit caviar dit Dom Pérignon aussi mon choix sera Champagne Dom Pérignon P2 1998.

Des amuse-bouches de grand talent et gourmands accompagnent le Champagne Pascal Agrapart Minéral Extra Brut 2016 au nez très incisif et tranchant. La bouche confirme le message du parfum. Ce champagne est puissant, viril et de grande personnalité. Il me semble qu’il pourrait accompagner tout un repas avec bonheur, car son énergie n’exclut pas le charme et la convivialité. C’est un grand champagne.

Le menu caviar et champagne proposé par le chef Philippe Mille est ainsi rédigé : caviar d’Aquitaine et champagne pinot noir, royale de poireaux, miroir de caviar / caviar osciètre et noix de Saint-Jacques, jus de barbe au champagne pinot meunier perlé de fenouil / caviar sélection et carré de veau de Nicolas Petit, asperge verte et champagne de garde / chariot de fromages affinés / banane ‘Frécinette’ et vanille du Mexique, croustillant de banane, crème fouettée vanillée.

Tout dans ce menu est réussi. L’accord du caviar avec le poireau est une vraie gourmandise. Le caviar avec le carré de veau est d’une cohérence absolue et d’une belle pertinence. Et la plus belle réussite est celle de l’asperge verte avec le caviar, un mariage superbe.

Le Champagne Dom Pérignon P2 1998 offre un parfum en complète opposition à celui de l’Agrapart. Ici, tout est charme et séduction. On est sur un nuage de bonheur, qui n’enlève rien au plaisir de l’Extra Brut 2016.

Le champagne est large, opulent, d’une structure parfaite. L’âge a manifestement donné une sérénité impressionnante. Quand le 1998 était paru, il suivait le brillantissime 1996 et il n’a peut-être pas eu l’attention qu’il méritait. Aujourd’hui il est de pleine maturité, un grand Dom Pérignon. Tant d’équilibre est un plaisir.

J’ai été surpris de la pertinence de l’accord entre un chaource et le Dom Pérignon. Ils sont si complémentaires.

Les accompagnements du dessert et les mignardises sont nombreux et de grand talent. Mais comme ils sont bons, on les mange et c’est un peu excessif.

Ce déjeuner est de haut niveau, le service est attentif et souriant. Nous avons passé un excellent moment en un bel endroit. Au retour, j’ai regardé la jauge d’essence. La pause de bonheur était finie. On revenait sur terre…

274ème dîner au restaurant Pages vendredi, 24 mars 2023

Jean-Baptiste a assisté à la dernière séance de l’Académie des Vins Anciens. Il me contacte en me disant qu’il sera sur Paris avec ses deux frères et son père et serait heureux que je dîne avec eux. Il y aura dans la liste de ses apports un Rayas blanc 1959 qui suffit à lui seul pour me convaincre d’accepter de les rejoindre.

Je propose pour ce diner que nous allions au restaurant Pages. Le matin même, Jean-Baptiste m’informe que son père ne pourra pas venir du fait de la grève de la SNCF. J’appelle un ami qui se libère pour le dîner pour que notre table soit de cinq.

J’arrive peu après 16 heures au restaurant Pages pour ouvrir mes vins. Je serai rejoint par Jean-Baptiste vers 17h30. J’ai le temps de composer le menu avec le chef Ken. Ken écrit le menu sur une ardoise murale et nous aurons plusieurs fois l’occasion d’effacer des lignes et de recommencer.

Le Château Trotanoy 1er Cru de Pomerol 1926 a un bouchon parfait qui vient entier. Le parfum à l’ouverture est jeune et vibrant. Le vin est prometteur.

Le Château Rayas Blanc 1959 a une couleur ambrée. Le bouchon vient bien et le parfum est généreux, vif et lui aussi prometteur.

Jean-Baptiste n’avait pas inclus dans son mail le Château Gilette Doux 1950 qui change tout ce que nous avions conçu pour le dessert. Le pâtissier va changer de plat avec une faculté d’adaptation qui mérite les compliments.

Les autres ouvertures sont sans histoire. Ouvertures faites, nous allons au bistrot 116 pour boire une bière et sucer les cosses d’édamamés selon la tradition qui ponctue les séances d’ouverture des vins.

Le menu mis au point avec le chef, dans lequel j’ai voulu faire quelques extravagances, est :

Velouté de brocolis et crème d’anchois / tartelette de céleri & pomme granny Smith / roulé truite & betterave / Sashimi de bar et huile d’olive / Saint Pierre et coques, bouillon Pages / Queue de homard, bisque au vin jaune et comté / Bouillon de volaille en trou normand / Poularde, œuf 65°, écume d’épeautre & gnocchis de cresson / Asperges croquantes en trois façons (crues/tempura/vapeur), condiment gribiche / Saint Nectaire / Suprêmes d’agrumes, voile au thé Earl Gray.

Les amuse-bouches se prennent avec le Champagne Dom Pérignon 2008 commandé sur place par mon ami qui nous a rejoints. Ce champagne est large, solide, serein et de bel équilibre. Mais j’ai l’impression qu’il faudrait le laisser tranquille quelques années pour qu’il atteigne un autre niveau de maturité. Ce champagne est promis à un très grand avenir.

Le bar cru à l’huile d’olive est associé au Château Chalon Bourdy 1942 que j’avais apporté au château de Louvois. Il est toujours aussi fringant, puissant, au parfum fort. L’accord est splendide.

Le parfum du Château Trotanoy 1926 est probablement le plus extraordinaire parfum qu’un vin de Bordeaux puisse offrir. Il est au niveau du parfum de Margaux 1900 ou Pétrus 1950. Il est au sommet et tellement envoûtant que l’on n’a pratiquement pas envie de boire le vin tant on est enivré par ces fragrances douces et raffinées. En bouche, la surprise est la même que pour le nez. Le vin n’a pas d’âge, riche, avec ce grain de truffe et de charbon si caractéristique des grands Pomerols. Nous sommes tous comme tétanisés par tant de perfection. L’année 1926 est une grande année et je me souviens que Pétrus 1926 est un monument. On est à ce niveau.

L’accord avec le saint-pierre est pertinent. J’ai servi à l’équipe de cuisine un verre de ce vin et quand le chef Ken est venu nous saluer en fin de repas, il nous a dit qu’il a essayé de vérifier l’accord du poisson avec le vin et il a été convaincu alors qu’il n’était pas nécessairement sûr que mon choix fût le bon.

Pour le homard, le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape Blanc 1959 nous est servi. Sa couleur est un peu ambrée mais acceptable. Son parfum est riche, conquérant, large, et montre sa puissance. En bouche c’est un régal. C’est un fonceur qui veut envahir le palais pour imposer sa vision du vin. Il est là, « je suis Rayas et aimez-moi ». L’accord avec la bisque de homard est d’anthologie. Ce vin puissant et riche est vraiment plaisant. On se régale et sa réputation n’est pas usurpée. Il est au sommet de ce qu’on pourrait attendre.

Le plat de poularde, avec ses trois parties est un régal pur. L’œuf est une grande réussite. Le Corton Rapet Père et Fils 1969 présente tous les signes de la délicatesse bourguignonne. C’est un vent de fraîcheur très agréable. Et l’accord avec la chair douce de la poularde est de grand bonheur. Mais curieusement, ce vin ne va pas tenir la longueur, ce qui est rare, et son parfum va lentement s’éteindre. C’est dommage, car la première sensation était d’un grand plaisir.

Pour les asperges en trois façons, quoi de mieux que de revenir au si généreux Château Chalon Bourdy 1942 ? Le traitement des asperges est original et l’accord est naturel. Un grand moment.

J’avais choisi de séparer les deux bordeaux pour qu’il n’y ait pas de confrontation directe et je crois avoir bien fait, car le Château Canon Saint-Emilion 1966 est superbe. L’idée qui me vient à l’esprit est que ce vin est le gendre idéal. Il a tout pour lui, la rondeur, l’élégance, le charme et l’absence de défaut. Rond et ensoleillé il est parfait, mais presque trop. Ce ne sont pas toujours les éphèbes parfaits qui sont les plus grands séducteurs. En tout cas, avec ce vin, on prend du plaisir.

Le Château Gilette Doux 1950 est une merveille. Et contrairement à ce que je viens d’exprimer pour le Saint-Emilion, sa perfection est de totale séduction. J’aime beaucoup les sauternes qui ne sont pas trop botrytisés et ce Gilette est idéal. Le dessert créé à la dernière minute par le pâtissier correspond tellement au vin ! C’est un accord d’une subtilité totale. Le plus bel accord du repas même si d’autres ont été exceptionnels. Le Gilette dans cet état, c’est-à-dire moins puissant que la crème de tête, est un régal absolu.

Tant de perfection nous donne le tournis. Je suis si fier d’avoir composé le menu avec le chef Ken pour un repas de grande cohérence et de belles inventions que je compterai ce repas parmi les repas de wine-dinners. Il portera le numéro 274.

Nous sommes cinq à voter pour les cinq vins que nous préférons parmi les sept. Le Trotanoy 1926 reçoit quatre votes de premier, et le Gilette 1950 un vote de premier. Quatre vins ont des votes de tous. Le Corton ne reçoit qu’un vote, mais de second et le Dom Pérignon 2008 n’a pas de vote ce qui est compréhensible car un vin jeune a toujours du mal à trouver sa place dans un repas de vins anciens.

Une fois n’est pas coutume, le vote global est le même que mon vote : 1 – Château Trotanoy 1926, 2 – Château Gilette Doux 1950, 3 – Château Rayas Blanc 1959, 4 – Château Chalon Jean Bourdy 1942, 5 – Château Canon Saint-Emilion 1966, 6 – Corton Rapet Père et Fils 1969.

Pour mémoire, pour tous mes repas seulement 22 d’entre eux ont eu des votes où les trois premiers du vote global ont été les mêmes que mes trois premiers. Voici donc le 23ème.

Nous nous connaissions à peine et nous avons passé un repas mémorable dans une ambiance de grande complicité.

Déjeuner de famille avec un beau Haut-Brion mercredi, 22 mars 2023

Ma fille cadette vient déjeuner à la maison avec son compagnon et ses enfants. Ma femme a prévu des gougères selon une recette dont elle a le secret. Mais le secret s’est éventé car les gougères sont devenues plates comme des bérets basques. Heureusement le goût et là.

Le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en mai 2017 est un des préférés de ma fille. Il est d’une personnalité conquérante. C’est un fonceur, sans concession. Il est puissant et de grande complexité. C’est un champagne que l’on respecte, long et imprégnant.

Un gouda au cumin élargit agréablement le champagne en créant une belle continuité. On se régale.

Le plat principal est de filets de poulets accompagnés de pommes de terre cuites avec des copeaux de citron, détail que je n’avais pas enregistré, et qui se sont révélés accueillants pour le vin rouge.

Le Château Haut-Brion rouge 1966 a un beau niveau dans la bouteille. Le bouchon tiré il y a quatre heures est d’une parfaite qualité. Le parfum à l’ouverture était prometteur. Il est maintenant épanoui et élégant. Le mot qui s’impose immédiatement à la première gorgée est : « velours ». Ce vin est tout en velours. Racé, noble, élégant il est raffiné. Quel grand vin ! On se régale et tout semble si facile pour ce vin d’un équilibre absolu.

Une tarte au citron cohabite aimablement avec le champagne Substance.

Agréable déjeuner de famille où le Haut-Brion 1966 fit merveille.

Déjeuner au restaurant Procope samedi, 18 mars 2023

Nous avons l’habitude de nous retrouver mon frère, ma sœur et moi trois fois par an à l’invitation tournante de chacun d’entre nous.

Mon frère nous reçoit au restaurant Procope le plus ancien restaurant parisien datant de 1686. La décoration est fort belle et comme dans toutes les meilleures brasseries parisiennes le service est efficace, même s’il est moins souriant que dans d’autres endroits.

Nous commençons par un Champagne Jacquart assez standard qui n’est pas déplaisant.

Chacun commande ses plats. Pour moi ce sera 12 escargots et sur le conseil de l’amie de mon frère, la joue de bœuf. Que peut-on trouver de meilleur que ces escargots ? Chaque fois que j’en trouve sur la carte d’un restaurant, je succombe, quelles que soient les réprimandes de ma balance le lendemain.

Mon frère a commandé un Mercurey Maison Chanzy 2019 de belle énergie qui est le compagnon idéal des escargots du fait de sa fraîcheur et de sa belle acidité.

La joue de bœuf est fondante à souhait et ma sœur m’entend faire des « hum » « hem » de satisfaction. Les énormes nouilles épaisses bien cuites sont un bon compagnon de la viande si plaisante et gourmande.

Une nouvelle bouteille arrive de Mercurey Maison Chanzy 2020. Le serveur n’a pas changé les verres car il n’a pas remarqué que le millésime est différent. Tant pis. Le 2020 est plus large et typé que le 2019 mais les deux sont fort bons et de beau caractère sur le plat délicieux.

Mes convives ont le courage d’affronter des profiteroles pudiquement commandés en moitiés, pendant que je prends une glace vanille.

Le Procope est incontestablement une table à recommander, pour plonger dans la cuisine traditionnelle française.

Déjeuner inhabituel au Yacht Club de France samedi, 18 mars 2023

Aucune réservation n’avait été faite au Yacht Club de France pour la traditionnelle réunion de notre club de conscrits. Nous ne pouvons pas déjeuner à la bibliothèque, mais surtout Thierry Le Luc le directeur n’a pas pu préparer les plats dont il a le secret.

Ainsi, les pantagruéliques amuse-bouches ne sont pas à l’ordre du jour. Nous mesurons ainsi à quel point nous sommes choyés quand nous venons déjeuner en ce lieu en ayant réservé.

Les jeunes serveurs vont appeler au téléphone Thierry Le Luc qui n’est pas présent pour qu’il improvise un déjeuner. Ce ne sera pas comme d’habitude, mais nous avons bien déjeuné.

L’ami qui invite est marri mais tout s’est bien passé. Nous commençons par un Champagne Taittinger Brut sans année fort agréable qui est suivi par un champagne qui m’est inconnu et que j’ai oublié de photographier pour m’en souvenir, plus vif mais avec moins de corps.

Les choses sérieuses viennent avec un Meursault Vieilles Vignes Buisson-Charles 2016 de Catherine Buisson et Patrick Essa, généreux et fort agréable à boire. Sur des tranches de foie gras juste tièdes posées sur une omelette, le vin se montre ensoleillé et le foie gras l’accepte aimablement.

Le clou du repas est un Château Beychevelle Saint-Julien 2009 dans un total état de grâce à la mâche lourde et conquérante. Un Bordeaux avec tout ce qui fait sa force convaincante. Le plateau de fromages a permis de profiter d’une deuxième bouteille. Le dessert sur des bases de fraises et de crème Chantilly conclut un repas qui somme toute aura été plaisant.

Dégustation de 7 itérations de Laurent Perrier Grand Siècle mercredi, 15 mars 2023

Le lendemain matin, avec Lucie Pereyre de Nonancourt et Edouard Cossy nous nous rendons au siège de la maison de champagne Laurent-Perrier. Après une visite des caves et des chais nous entrons dans la très jolie salle de dégustation pour un voyage dans le monde du Grand Siècle, guidé par Maximilien Bernardeau.

Nous allons boire sept Itérations portant les numéros 24, 23, 22, 21 en bouteilles et les numéros 20, 17 et 15 en magnums.

L’Itération 24 est faite de l’assemblage de 2007, 2006 et 2004 dans les proportions 60 – 20 – 20 %. Le champagne est salin, frais, large et un peu court. Ce champagne a été commercialisé en 2019.

L’Itération 23 est faite de l’assemblage de 2006, 2004 et 2002 dans les proportions 60 – 25 – 15 %. Le champagne a été dégorgé en 2022. Il est en bouteille et nous l’avons bu en magnum hier à Louvois. Il est plus riche que le précédent et on sent la craie. Il est plus strict que le n° 24. Le n° 24 est plus gourmand et le n° 23 est plus dynamique.

L’Itération 22 est faite de l’assemblage de 2004, 2002 et 1999 dans les proportions 55 – 30 – 15 %. Il a un nez très expressif. Il est large, agréable, accueillant, salin. Il se boit avec plaisir. Dégorgé en 2017, il est plus gourmand et d’une couleur plus dorée.

L’Itération 21 est faite de l’assemblage de 2002, 1999 et 1997 dans les proportions 60 – 25 – 15 %. Il a une extrême fluidité, une belle clarté. Ce champagne dégorgé en 2017 est noble et très grand.

Nous passons maintenant aux Grand Siècle présentés en magnums.

L’Itération 20 est faite de l’assemblage de 1999, 1997 et 1996 dans les proportions 60 – 20 – 20 %. Il a été dégorgé en 2019. Le nez est fabuleux, incomparable aux nez précédents. Le vin est très affirmé, large et gras tout en ayant un trajet très affuté.

La bulle est de belle énergie et le finale est superbe. Il a une belle fraîcheur. Il est grand. Il devient de plus en plus large et charmeur lorsqu’il s’échauffe dans le verre.

L’Itération 17 est faite de l’assemblage de 1995, 1993 et 1990 dans les proportions 60 – 20 – 20 %. Ce sont les premières ‘Les Réserves’ de Grand Siècle. Sa couleur est encore très claire et le parfum est discret. La largeur à l’attaque est saisissante. Ce champagne est absolument parfait et je trouve en lui le romantisme que j’adore.

Ce champagne très équilibré est parfait, gourmand et grand.

L’Itération 15 est faite de l’assemblage de 1990, 1988 et 1985 dans les proportions qui sont probablement de 60 – 20 – 20 %. Il a été dégorgé en 2021. Le nez est superbe et expressif, l’attaque est gourmande. Le vin est plein. Je ressens un peu de pain d’épices. Il est profond, très cohérent, superbe. Je le sens gastronomique et assez viril. Le finale est beau et très long. C’est un vin vif, équilibré et salin.

Que dire de cette dégustation ? Elle est faite en salle dans une atmosphère sérieuse, et nos émotions ne sont pas comparables à celles que nous avons eues au château. C’est un exercice plus chirurgical.

Tous les champagnes sont grands et l’on voit l’influence du vieillissement. Plus ce champagne vieillit et plus ses qualités s’élargissent ainsi que sa personnalité. Les trois préférés sont les plus anciens servis en magnum car l’effet du volume du flacon est déterminant. J’ai un faible pour le numéro 20, puis le 15 et enfin le 17 trois vainqueurs si différents.

Le Champagne Grand Siècle est un grand champagne qui mérite de vieillir dans la cave de celui qui en a acquis, car l’effet du temps est magique. J’ai découvert sur ces deux événements que le Grand Siècle qui correspond à une volonté d’excellence est capable d’une variété d’expression que je n’attendais pas, montrant que l’assemblage de trois millésimes n’exclut pas la diversité.

Voilà, au château et en cave, deux grands moments d’immersion dans le monde du Grand Siècle.

En cave :

vers la dégustation

Dîner au château de Louvois pour une expérience Grand Siècle mercredi, 15 mars 2023

Je suis invité par Lucie Pereyre de Nonancourt et Edouard Cossy au Château de Louvois pour un dîner et une expérience autour du Champagne Grand Siècle de Laurent Perrier. Au moment où je sonne au portail du château, avant même que je ne dise un mot, on me dit : « bonjour M. Audouze », ce qui fait plaisir à entendre.

Lorsque je gare ma voiture, David vient m’accueillir et me dit : « lorsque vous étiez venu, vous aviez apporté un Côtes du Jura de 1959 ». Ceci remonte à 2014. Quelle mémoire !

A l’heure de l’apéritif on sert à Lucie, Edouard et moi le Champagne Grand Siècle Laurent Perrier Itération n° 23 Magnum. Le champagne Grand Siècle est fait de l’assemblage de trois millésimes dont la participation dans l’ensemble est pensée pour essayer d’atteindre un champagne parfait dont la somme des qualités sera supérieure à celles de chacun des trois vins. Cette philosophie déterminée par Bernard de Nonancourt, le dirigeant iconique de Laurent Perrier, exprime une volonté absolue d’excellence.

Le numéro 23 est gracieux et élégant et profite des petits amuse-bouches élégants.

Le sujet de ce soir est de prendre connaissance du Champagne Grand Siècle Laurent Perrier ‘Les Réserves’ Itération n° 20 Magnum. ‘Les Réserves’ indique que le Grand Siècle Itération n° 20 a été gardé pendant vingt ans en cave. C’est donc une édition faite de vins qui ont mûri plus longtemps. Elle est destinée à des amateurs de champagnes anciens.

Nous allons goûter Les Réserves mais aussi l’Itération n° 20 d’origine et aussi goûter les trois vins qui font partie de l’assemblage de cette Itération, les 1996, 1997 et 1999.

A mon arrivée j’ai apporté en cuisine deux vins, dont un à ouvrir tout de suite, un Château Chalon Jean Bourdy 1942 et une autre bouteille qui sera ouverte en fin de repas.

Le menu créé par Valérie Marchandise est : bisque de langoustines / tourte de tartoufle et truffes noires / entre la poire et le fromage.

Le Champagne Grand Siècle Laurent Perrier Itération n° 20 d’origine est d’une fraîcheur de folie. Il a l’esprit Grand Siècle, champagne que je considère comme romantique.

Le Champagne Grand Siècle Laurent Perrier ‘Les Réserves’ Itération n° 20 Magnum est imposant, avec un nez confondant de puissance. Le champagne est éclatant, immense, glorieux.

Le Champagne Laurent Perrier 1999 est atypique, hors norme, ne faisant rien pour être aimé et donc on l’aime pour son côté fugueur rebelle. J’adore quand un vin ou un champagne me surprend par son côté sauvage, pirate, hors norme.

Le Champagne Laurent Perrier 1997 est tout en puissance et sans défaut, mais contrairement au pirate, il offre moins d’émotion.

Le Champagne Laurent Perrier 1996 est d’un équilibre total, d’une réussite absolue.

Le Château Chalon Jean Bourdy 1942, d’une grande année, est large et profond, intense et gastronomique. Il a bien accompagné les champagnes, mais n’a pas eu l’effet fécondant que je rencontre assez souvent dans ces associations, peut-être parce que j’étais concentré sur la compréhension des champagnes si variés.

La bisque de langoustines a été parfaite pour mettre en valeur les deux Itération n° 20. La tourte est tellement gourmande et la truffe tellement intense que tous les champagnes et le vin du Jura en profitent amplement, trouvant des largeurs nouvelles.

Ce qui est particulièrement intéressant, c’est à quel point les deux Itération 20 sont des champagnes différents. L’un est dans la grâce pure et le charme et l’autre, le ‘Les Réserves’ est en puissance glorieuse. Ils ont donc deux vies différentes et peuvent se compléter. C’est une incitation à les ouvrir ensemble.

J’ai classé les champagnes dans cet ordre : l’Itération 20 en premier, suivi du 1999 si hors norme, puis le ‘Les Réserves’ pour sa complexité, ensuite le 1996 si parfait et le 1997 complexe mais moins charmeur que les autres.

J’ouvre en cuisine le Vin de Chypre 1869 au bouchon court, au parfum diabolique et au goût de poivre, de sel, de réglisse et d’agrumes sagement acides, vin d’une intensité infinie.

Notre dîner au château de Louvois a été particulièrement agréable. Nous avons parlé de mille et une choses et j’ai été heureux de l’honneur qui m’a été fait de goûter ces champagnes nobles.

la lettre d’invitation portait un timbre particulièrement chic !