Le Ban des Vendanges au domaine de Chevalierdimanche, 15 septembre 2013

Lorsque l’on est invité au Ban des Vendanges à Léognan, on ne peut pas s’asseoir dessus, car c’est sans C. C’est par un jeu de mots orthographique bien innocent que commence mon week-end à Bordeaux.

A l’aéroport, j’inaugure la dépose des bagages que l’on fait soi-même. Obligé de m’y reprendre à deux fois j’ai pu recueillir la confidence du préposé qui oriente ou repousse les voyageurs : il se fait agresser des centaines de fois par jour par des mécontents et a décidé d’adopter une zen attitude. On fait la queue en zigzag pour passer le contrôle des bagages à main. Dans l’avion de 13 heures, le repas qui est servi fait 18 grammes et 74 calories, c’est ce qui est écrit sur le sachet.

L’attente au comptoir du loueur de voitures est d’une durée égale à celle du vol. On finit par se demander si la notion de client existe encore dans ce qui est organisé en transport de masse, sans âme.

C’est un tout autre monde à mon arrivée au château Malartic-Lagravière où je suis accueilli par la charmante Michèle Bonnie, maîtresse des lieux. On me donne la chambre jaune, qui est sans mystère.

Lorsqu’on arrive au Domaine de Chevalier, une immense tente est éclairée par des spots surpuissants. La gestion du parking nécessite une organisation importante. Des petits trains conduisent jusqu’à l’entrée. Ce sont 1.030 personnes qui vont participer au Ban des Vendanges qui revêt cette année un caractère particulier puisque c’est le 60ème anniversaire du classement des Graves, le 40ème anniversaire de l’Union des Grands Crus de Bordeaux et le 30ème anniversaire de l’achat du Domaine de Chevalier par la famille Bernard. Olivier Bernard qui dirige le domaine est aussi le président de l’Union des Grands Crus, ce qui fait que l’événement est de grande importance pour la famille Bernard représentée ce soir par 80 de ses membres.

Lors de la cérémonie d’intronisation à la Commanderie du Bontemps, qui se déroule avant le dîner, le nombre des Bernard intronisés est significatif. Comme il se doit, de forts contingents d’intronisés viennent d’Extrême Orient. Rien de tel pour fidéliser les relations commerciales.

Pendant que la cérémonie se déroule, on peut goûter les vins de 2010 des membres de l’Union des Crus classés de Graves, Sauternes, Barsac. Je suis frappé par le Château La Mission Haut-Brion 2010 dont la puissance et la force de conviction dépassent de loin celles des autres vins. Par comparaison, le Château Haut-Brion 2010 brille par sa délicatesse. Ces deux vins sont aux antipodes l’un de l’autre. On comprend que certains palais habitués aux vins modernes préféreront le Mission, car il est gourmand. Mon inclination personnelle est pour le Haut-Brion auquel je prédis un avenir glorieux.

Le Château Haut-Bailly 2010 est plein de charme et d’une élégance toute féminine. Le Domaine de Chevalier 2010 est conquérant. Ce qui me frappe, c’est que tous ces 2010 montrent des qualités et des précisions qui sont remarquables. C’est de la belle ouvrage !

On peut déguster à profusion des huîtres, du jambon de Bayonne excellent, des toasts au foie gras et mille autres petits canapés délicieux pendant que la pluie tombe et retombe ! C’est un déluge qui interdit de s’éloigner des allées couvertes.

Il est temps d’aller dîner et placer 1.030 personnes n’est pas une mince affaire. La tente gigantesque est si haute qu’il n’y a pas à redouter que la température ne devienne étouffante. C’est même le contraire qui se produira et les jolies épaules largement dénudées d’une myriade de jolies femmes se cacheront rapidement sous des châles. L’un des vignerons a invité Adriana Karembeu qui dépasse de la tête et des épaules toute cette assemblée et ne peut pas passer inaperçue tant sa beauté illumine l’espace. Elle vole facilement la vedette à Alain Juppé qui fera un discours de circonstance, aux compliments savamment dosés.

Il y aura beaucoup de discours, fête officielle oblige, et celui d’Olivier Bernard sera enflammé, son cœur débordant de générosité.

Le repas est conçu et réalisé par Jean Coussau, le magicien du foie gras qui a deux étoiles à Magescq. Le menu : foie gras de canard des Landes chaud, aux raisins / suprême de canard, réduction aux épices, mousseline de pomme de terre et céleri, cèpes et girolles à la Bordelaise, mini-légumes étuvés / dégustation de fromages des Pyrénées / dessert au buffet avec de nombreuses délicatesses.

Ce repas est magnifique, les plats servis à l’anglaise étant à températures et cuissons parfaites. Jean Coussau venu à notre table est chaudement félicité.

Les vins blancs et rouges sont ceux de l’Union des Grands Crus classés de Graves. Ils varient à chaque table sauf deux vins qui seront servis à toutes les tables.

Le Château Malartic Lagravière blanc 2008 est généreux et fruité. Il est gouleyant et de belle charpente, mais il faudrait l’attendre encore quelques années pour profiter de sa sérénité. A côté de lui le Château Olivier blanc 2009 a une acidité citronnée et un goût de fruits verts qu’il m’est difficile d’aimer tant il est jeune. Le foie gras magistral s’accorde bien avec le 2008.

Le Domaine de Chevalier rouge 1983 est servi à toutes les tables. On mesure le supplément d’âme qu’apportent trente ans de cave. Ce vin est élégant, délicat, manque un peu de force, mais nous ravit.

Le Château Malartic Lagravière rouge 2003 est fortement charpenté, aux lourds tanins. Il a beaucoup de charme. Le Domaine de Chevalier rouge 2003 est plus intense que le Malartic, avec une longueur respectable. Les deux vins se comportent très bien sur le canard à la cuisson parfaite.

C’est un peu dommage que le plus grand vin de la soirée offert à toutes les tables soit servi sur le fromage. Car ce vin gastronomique mériterait d’être provoqué dans une joute gustative. Le Château La Mission Haut-Brion 1998 est spectaculaire. Il est jeune bien sûr. Mais il a déjà un équilibre et une maturité qui lui donnent un haut niveau de plaisir. On en reprend sans cesse tant il est bon. C’est un très grand vin promis à l’éternité.

Le dessert est servi à des buffets dont certains sont dressés dehors maintenant que la pluie a cessé. Le Château Guiraud offre à goûter plusieurs millésimes de son sauternes, présentés en impériales, ce qui est impressionnant. Je bois le Château Guiraud 2003 très riche mais encore très jeune, qui s’anime bien sur les desserts.

Un feu d’artifice éclate dans le ciel, la sono monte ses décibels et les jolies femmes sont entraînées sur la piste de danse. C’est aussi l’occasion de discuter avec des vignerons et des personnalités du monde du vin, en dégustant un Bas Armagnac Darroze « les grands assemblages » 60 ans d’âge de belle patine, profond, mais de relativement faible longueur. Le Bas Armagnac Darroze « les grands assemblages » 40 ans d’âge a moins de maturité mais plus de longueur. Je le préfère.

Le retour aux voitures est assez mouillé. Cette soirée de grand prestige, remarquablement organisée, soude la communauté des vignerons de l’Union des Grands Crus dont la génération montante est particulièrement présente en nombre. La présence asiatique est aussi très développée ce qui montre l’importance qu’accorde le vin de Bordeaux à l’exportation. Bordeaux et la famille Bernard savent recevoir. Quand en France un secteur est aussi dynamique, généreux et amical, on ne peut que s’en féliciter.

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avec Olivier Bernard, maître de cérémonie

Olivier Bernard & Audouze