la Percée du vin jaune 1samedi, 5 février 2005

Départ à la Percée du vin jaune. Voyage par un soleil radieux qui se couvre de brouillard dès qu’on entre dans le Jura. Le château de Germigney à Port-Lesney, hôtel délicieusement décoré, nous accueille avec le sourire. Nous serrons des mains heureuses de nous savoir là. La belle chambre nous rappelle des souvenirs de bonheur. Tout se présente bien. Nous allons au restaurant de Jean-Paul Jeunet, le deux étoiles d’Arbois. La carte est alléchante et nous choisissons les huîtres Gillardeau à la saucisse de Morteau ainsi que le homard, ayant en tête un accord possible avec les vins de la région. Il est assez étonnant d’ailleurs de constater que presque toutes les tables de ce restaurant ont choisi un vin local. Proportion qu’on ne retrouverait pas certainement ailleurs. Dans la généreuse carte des vins, j’opte pour un vin jaune de l’Etoile du Château de l’Etoile 1986, domaine JH. Vandelle et fils. Le sympathique et compétent sommelier, que j’avais affronté il y a deux ans dans des enchères toniques pour capter quelques trésors, approuve et commente intelligemment mon choix. Les amuse bouche sont de remarquable qualité et le vin jaune colle à la queue de bœuf tandis qu’il ignore une coque goûteuse. Le mariage de l’huître avec la saucisse ne me convainc pas. Et le vin de l’Etoile semble de mon avis : il reste dans son coin. Quand le homard arrive, il sort une trompette de son étui et se met à improviser comme le plus fou des jazzmen. Ce vin doré, cuivré, aux senteurs d’une lourdeur de flamboyant a une présence immense. En le dégustant je me voyais bien planter ma tente dans cette région, pour me rassasier de saveurs qui me contentent au-delà de l’imaginable. Aimant foncièrement qu’un vin m’attaque, me dérange, pousse mes papilles dans leurs retranchements, j’ai avec les vins jaunes une complicité coupable. Le homard fut fort bon et copieux, traité pour flatter le vin jaune. On devrait arrêter de boire le vin jaune quand le plat est fini, car le bonheur qu’il procure s’éteint avec les desserts. Il vaudrait mieux finir le repas sur un comté que sur ces douceurs complexes et audacieuses.

Pour notre jour d’arrivée dans le Jura, j’avais choisi une perle, un de ces vins dont je n’arrête pas de jouir, conquis par leur brutale et arrogante complexité. La Percée du vin jaune démarrait le lendemain. Son récit, ainsi que celui du séjour en Jura se lira dans le prochain numéro.