dîner des amis de Bipin Desai au restaurant Laurentdimanche, 30 octobre 2016

Le dîner des amis de Bipin Desai, grand collectionneur de vins et professeur de physique nucléaire à Berkeley est devenu une institution. C’est la seizième année consécutive que je l’organise. Selon la tradition je compte ce dîner dans les dîners de wine-dinners. Ce sera le 204ème. Des vignerons participent et apportent des vins. Nous serons moins nombreux cette année car la date choisie par Bipin est très tôt et ne permet pas à certains vignerons encore en vinification de venir.

Nous serons sept au restaurant Laurent, Caroline Frey de Paul Jaboulet Aîné, Frédéric Barnier de la maison Louis Jadot, Jean-Luc Pépin du domaine Georges de Vogüé, Gilles de la Rouzière de la maison Henriot et de la maison Bouchard Père & Fils, Aubert de Villaine du domaine de la Romanée Conti, Bipin Desai et moi. Richard Geoffroy de Dom Pérignon s’est désisté la veille mais nous a demandé de boire son vin.

J’arrive à 17 heures pour ouvrir les vins. Le bouchon du montrachet va vers le bas lorsque je veux le piquer avec mon tirebouchon. Je suis obligé de pointer sur le bord du bouchon le long du verre pour empêcher tout recul. Le bouchon a souffert sur la moitié supérieure, il est gras sur cette partie. Fort heureusement son parfum ne montre aucune trahison du bouchon. Deux vins ont été reconditionnés, le Richebourg 1954 en 1995 et l’Hermitage Sterimberg 1991 en 2016. Le Beaune 1964 semble avoir son bouchon d’origine, attaqué sur la partie supérieure mais très sain en bas. Aucun vin ne semble avoir un problème. Tout se présente au mieux.

Caroline Frey est arrivée en avance et nous comparons son Hermitage Chevalier de Sterimberg Paul Jaboulet Aîné magnum 1991 avec l’Hermitage Chave blanc 1992 gardé de la veille au restaurant Piège. Caroline avait choisi sa bouteille car une dégustation récente l’avait éblouie. Elle ne reconnaît pas son vin et comme tous ceux qui veulent faire plaisir, elle est furieuse. J’ai beau lui dire que son vin va s’ouvrir et s’épanouir avec le plat prévu, elle n’écoute pas. Or j’aurai raison.

L’apéritif dans la rotonde d’entrée se prend avec le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1959. Sa bulle est très active sa couleur très claire. Le goût est profond, toasté et de pâtisserie. La signature « Enchanteleurs » est très sensible. C’est un très grand champagne de sérénité et d’affirmation. Il est assez incroyable qu’il ait cette vivacité et profondeur à 57 ans. C’est l’une des plus grandes réussite de la cuvée des Enchanteleurs.

Nous passons à table. Le menu créé par Alain Pégouret est : Saint-Jacques marinées, lait crémeux au goût fumé, salade potagère aux noisettes / Langoustines cuites au naturel et servies dans un consommé clair de bonite et d’algues kombu, pleurotes et borage / Ris de veau, poêlée de cèpes / Pièce de bœuf poêlée, servie en aiguillettes, pommes soufflées « Laurent », jus aux herbes / Soufflé chaud au calisson d’Aix.

Les Saint-Jacques sont crues et superbes et accueillent deux vins. Le Montrachet Domaine Louis Jadot magnum 1990 est, « tout simplement », une bouteille exceptionnelle. Ce Montrachet est un soleil radieux. On ne peut pas l’imaginer meilleur et il est très au-dessus du Montrachet Leflaive 1999 bu la veille. On sent quand on est en face de la perfection, alors, on n’analyse plus, on profite du moment et de la longueur incroyable de ce vin. Il a du miel, de la pâtisserie, mais surtout, c’est un vin ensoleillé d’une rare pureté.

Le Musigny blanc Domaine Comte de Vogüé 1987 a un peu de mal à côté du montrachet mais il a beaucoup à dire car il est extrêmement typé et expressif malgré son année. C’est un vin de recueillement, gracile et complexe.

Les langoustines sont goûteuses et le bouillon réveillerait n’importe quel vin. Avec lui, l’Hermitage Chevalier de Sterimberg Paul Jaboulet Aîné magnum 1991 retrouve les qualités que ce vin doit avoir, avec cette amertume si caractéristique qui m’évoque celle de l’olive. Le plat est exceptionnel et met en valeur les trois blancs, avec la langoustine presque sucrée et le bouillon multiplicateur des goûts.

Le ris de veau est très nettement plus gourmand que celui mangé hier au « grand restaurant » de Piège. Il convient à merveille pour faire apparaître la délicatesse du Richebourg Domaine de la Romanée Conti magnum 1954. Aubert de Villaine sait que pour moi la signature des vins du domaine est le sel. Aubert est plus sensible au cuir, mais je ne le suivrais pas dans cette direction. Le vin est d’une rare subtilité, pour moi marquée par le sel. Tout est suggéré et le vin est d’un charme rare. Son fruit est délicat. Il y a de la truffe, presque charbonnée dans la lie. Ce vin est tout en évocation.

La pièce de bœuf accueille deux vins. Le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils magnum 1964 contraste avec le Richebourg. C’est un vin solide, carré, assis, fort sur ses assises. Il a une plénitude certaine, une belle mâche et le fait que son bouchon soit d’origine lui donne une authenticité et une grande pureté. J’adore son équilibre et une grande vivacité pour 52 ans.

Le Musigny rouge Domaine Comte de Vogüé 1986 me gêne un peu et on le sent un peu liégeux. Je ne serais pas éloigné de penser que son bouchon probablement changé récemment ait entraîné ce petit défaut. On sent malgré tout une belle personnalité un peu masquée par les deux vins précédents.

Le Champagne Dom Pérignon P3 magnum 1973 est une merveille. Le champagne est plus jeune que son âge du fait du dégorgement tardif, mais il combine parfaitement la puissance de la jeunesse avec l’accomplissement d’un champagne ancien. Sa bulle est vive, et son romantisme est là, vivant, expressif. C’est un très beau champagne, même si j’ai une tendresse pour les dégorgements d’origine.

Tous les vins donnés généreusement ont été grands. Trois ont mes faveurs, le montrachet Jadot 1990 exceptionnel, le Richebourg de la Romanée Conti 1954 d’une immense émotion et le Dom Pérignon 1973 au romantisme qui n’exclut pas la puissance de persuasion. Les autres ont été grands.

Dîner à sept permet des discussions auxquelles tout le monde participe. La générosité de tous est sans limite. Mais il convient de donner la palme à la cuisine d’Alain Pégouret. La justesse des plats, la cohérence des goûts qui apportent une plus-value aux vins a atteint ce soir un niveau exceptionnel. Le bouillon des langoustines a sublimé les blancs, le ris de veau parfait a projeté le Richebourg à des sommets, les pommes soufflées magiques ont fait briller les vins rouges. Alain s’est surpassé ce soir.

Le service des vins et des plats a été parfait. Philippe Bourguignon pourra se féliciter que l’esprit Laurent se perpétue aussi bien.

J’ai l’habitude de garder les bouteilles vides de mes repas. Ce soir, les magnums n’ont pas tous été finis. Ma fille est venue le lendemain dîner à la maison. Nous avons pu rendre hommage à ces vins splendides qui ont confirmé toutes leurs qualités. Ce dîner d’amitié avec des vignerons talentueux rassemblés autour de Bipin Desai est un des grands moments de bonheur dans mon parcours dans le monde du vin.

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