Dîner de folie au domaine de La Janasselundi, 16 janvier 2012

Nous sommes accueillis au domicile privé des propriétaires de La Janasse par Christophe Sabon et sa sœur Isabelle, qui font les vins du domaine et par leurs parents. Les jeunes enfants de Christophe et Céline passent des plats de petits amuse-bouche truffés. Georges, le marchand de vin, a apporté un délicieux jambon espagnol et découpe des fines tranches avec une dextérité spectaculaire, et nous explique les zones de la patte qui sont les plus goûteuses. Commence alors une folie, une débauche de générosité qui nous entraînera tard dans la nuit.

L’Hermitage blanc Chave 1996 est joyeux et très pur. C’est un grand vin. L’Hermitage blanc « Velours » Chapoutier 1982 est hyper sucré. Il est plus dans la catégorie vin de paille que dans celle des Hermitage blancs. Le Chablis 1er cru Côte de Lechet Defaix 1991 est d’une très belle minéralité mais manque de corps.

Le Champagne Joseph-Perrier rosé magnum années 50 est joli, mais comme il est gastronomique, on ressent qu’il n’est pas mis en valeur par un plat adapté et en souffre. Le Champagne Victor Clicquot 1959 est absolument superbe. Il a le charme des beaux champagnes évolués.

Le reste du magnum de Château Canon 1955 montre que le vin n’a pas évolué. Il reste imparfait.

Le Crozes Hermitage Albert Bégot magnum 1985 a un nez superbe. Frais, fruité, il est très jeune et même un peu vert. La crème de céleri n’est pas très propice aux vins.

Nous passons maintenant aux bécasses, dont la sauce lourde est à se damner. La Côte Rôtie La Turque Guigal 1991 sur la bécasse est une folie totale. Quel mariage ! Le vin est un monument. Le Beaune Clos des Mouches Darvil 1993 est fort délicat et se place bien après le colossal vin qui le précède.

L’Hermitage La Chapelle Jaboulet 1990 est superbe de jeunesse, moins puissant que La Turque mais plus profond. Lui aussi est un immense vin.

Georges, en plein tourbillon de générosité ouvre un Cos d’Estournel magnum 1961 contre ma suggestion, car nous étions déjà dans l’excès le plus déraisonnable. Evidemment, verre en main, je ne regrette pas sa générosité, car le vin est tout simplement parfait. C’est un vin géant, d’une rectitude absolue.

Le Châteauneuf-du-Pape Rayas 1992 est un très grand vin à la subtilité raffinée. Le Gevrey-Chambertin En Champ, vieilles vignes Denis Mortet 1996 est génial, très bourguignon.

Le Château Mouton-Rothschild 1942 est une grosse surprise car je n’aurais jamais imaginé qu’il puisse être aussi bon. Si des signes de fatigue existent, paradoxalement c’est sa vigueur qui surprend. C’est un très beau vin.

Le Château Haut-Bailly magnum 1934 est merveilleux, avec la classe naturelle de ce château. Il est impressionnant de sérénité. Il n’est pas flamboyant, mais il est là. Pureté et rectitude sont ses qualités. Pendant que nous suivions la valse des flacons, un sanglier superbe à la sauce très lourde que l’on sauce au pain, comme pour l’oiseau, nous ravit par sa gourmandise, qui s’adapte aux vins des différentes régions.

Le Coteaux du Layon Sauvion 1947 est très joli et crée un accord étonnant de pertinence avec des sorbets. Le bouchon du Château Filhot 1935 que j’avais ajouté sans le dire à mes apports était tombé dans le vin sans que je ne fasse rien, et Georges s’en gausse. Mais le vin parle de lui-même. C’est un sauternes de référence, d’un accomplissement qui justifie que l’on goûte les sauternes à un âge canonique.

Le Château de La Roque, sauternes 1931 que j’ai apporté est gentil, mentholé, au caramel un peu fort. Si on l’avait bu seul, il nous eût plu, mais après le Filhot, la tâche est difficile.

Le Madère Bual 1845, solera du centenaire est un magnifique madère à la folle jeunesse. Il est d’une rare complexité avec de l’anis, du poivre. Il est génial.

Il aurait pu servir de point final mais débarque dans nos verres un Cognac Napoléon 1811 dont je ne suis pas sûr que tout soit de ce millésime, même s’il est évident qu’il est du 19ème siècle. Et le coup de grâce est donné par un Cointreau des années 60, véritable bonbon de douceurs câlines.

Le contrecoup de tout cela ne fut pas immédiat, car j’ai rédigé le compte-rendu de la première partie de cette journée à la suite du repas. C’est au matin, après seulement quatre heures de sommeil, que mon corps m’a rappelé la folie que nous avions vécue. Une telle générosité est unique. Vive Rhône Vignobles !