dîner au restaurant Laurent avec quelques beaux vinsvendredi, 20 janvier 2012

Avec Tomo et son épouse, la mienne et trois amis, nous nous retrouvons à dîner au restaurant Laurent. La forme que nous avons choisie est celle des casual Friday, c’est-à-dire que les vins sont apportés par ceux qui en ont envie et le coût des repas est partagé.

Etant arrivé largement en avance, j’ai le temps d’ouvrir mes vins et un vin déjà présent sur place. J’ai apporté quatre vins plus un qui est une inconnue, un Château Ausone 1937 au niveau en vidange. C’est un petit clin d’œil au restaurant Laurent qui en a beaucoup de ce millésime. Le parfum du vin me semble sympathique.

L’apéritif se prend dans le joli salon de réception sur des nems épicés et des sticks au saumon fumé, avec un Champagne Bollinger Grande Année 1999, solide, bien charpenté, fluide, bon à boire, mais peut-être un peu trop classique. Il se boit avec plaisir.

Nous avons la belle table au centre de la rotonde. Tournant le dos à la salle pour que les femmes trônent face à celle-ci, je peux voir les cyclamens mauves et violets aux couleurs intenses. J’ai mis au point le menu avec Philippe Bourguignon peu de temps avant l’arrivée des amis : araignée de mer dans ses sucs en gelée, crème de fenouil / jaune d’œuf coulant sous un « tortelli », bouillon-poulette, truffes noires / caille dorée en cocotte, rôtie aux abats, côtes de céleri mitonnées aux olives noires / lasagne de queue de bœuf braisée au vin rouge, moelle, cœur de sucrine / vieux Beaufort / soufflé chaud à la mandarine.

Sur l’araignée, nous avons simultanément le Champagne Dom Pérignon 1980 et le Chablis Grand Cru Valmur Raveneau 2007. Le Chablis est un vin à la belle couleur claire, au nez plutôt puissant. Il est très jeune et très expressif, mais le pauvre souffre du casting, car l’accord entre le champagne et l’araignée est si grand qu’il le paralyse. Nous décidons de le garder pour le fromage, car le combat est trop inégal. Le Dom Pérignon 1980 a une belle couleur dorée, son nez est charmeur, sa bulle très active, et en bouche, c’est le régal des champagnes déjà mûrs qui ont encore de la jeunesse. Il est rond, plein, fruité, dans des notes exotiques, et il est furieusement gastronomique, car il envoûte l’araignée pour créer un accord de feu.

Le Château Beychevelle 1994 et le Château Pailhas Saint-Emilion 1928 sont associés au plat nouveau à la carte du jaune d’œuf, traité de telle façon qu’il ne rejette pas les vins. Et là aussi, le déséquilibre d’attitude du vin envers le plat est saisissant. Le Beychevelle est un beau vin, plus rond que ce qu’indique son millésime, mais il fait pâle figure devant le plat alors que le 1928 s’approprie le plat et devient brillant, vivant, un très grand saint-émilion. Il est même étonnant qu’il ait tant de présence.

Le Château Ausone 1937 avait son niveau à l’endroit où l’épaule rejoint le cylindre de verre. Le risque était grand que le vin soit mort. Or à l’ouverture le parfum était prometteur. Il sent bon maintenant et il est un Ausone très typé, avec des évocations de truffe. Le plat lui répond bien. Nous avons réussi à profiter de ce vin, dont les blessures ne gênaient pas la dégustation, avant qu’il ne soit trop tard.

Sur les lasagnes de queue de bœuf, une fois encore deux vins, le Vosne Romanée Nicolas 1961 et le Volnay Henri de Villamont, Collection du docteur Barolet 1934. Alors que j’ai une bonne sensibilité au goût de bouchon, j’étais conquis par un nez très viril, costaud, bourguignon dans sa rudesse et je m’en réjouissais, mais ma femme me fit comprendre mon erreur : le vin a un goût de bouchon. Je dois confesser que je ne l’avais pas vu. Et après, bien sûr, on ne voit plus que cela, même si le goût est acceptable. Le Volnay est extrêmement fruité, d’une joie de vivre surprenante de jeunesse. Il a brillé sur l’excellent plat.

Les deux délaissés, le Beychevelle et le Chablis se sont épanouis, avec ou sans fromage. Le Château de la Forêt, Preignac 1923 à la couleur ambrée acajou superbe et au niveau impeccable dans la bouteille a un nez d’agrumes très présent. En bouche il est absolument délicieux, raffiné, élégant. C’est un grand sauternes de plaisir qui se boit tout seul, même si le soufflé lui va bien.

Dans ce lieu que je chéris, au service attentionné, nous avons – pour une fois – parlé plus de sujets hors vins que de vin. Dans les rires et les propos amicaux, nous avons passé une soirée animée d’où émergent deux vins : le Champagne Dom Pérignon 1980 et le Volnay Henri de Villamont, Collection du docteur Barolet 1934.