Deuxième journée à Fontjoncouse à l’Auberge du Vieux Puitssamedi, 1 juin 2019

Après une nuit de repos bien nécessaire, tant nous avions festoyé hier, nous prenons le petit déjeuner dans une salle proche de la piscine de l’Auberge du Vieux Puits. Le personnel officie dans une cuisine ouverte. On les voit préparer des œufs brouillés au bacon absolument délicieux et, oh surprise, c’est la première fois de ma longue vie que je mange du cassoulet au petit déjeuner. Il est magiquement fait. Elsa qui nous sert est charmante et tentatrice, au point que l’on mange plus que de raison. Tout est bon et nous met de bonne humeur. Les croissants et les confitures sont de niveau trois étoiles. Une belle journée s’annonce.

A Fontjoncouse il fait beau. Nous avons pris un petit-déjeuner copieux dont le point culminant est un diabolique cassoulet, ce qui nous permettra de sauter le déjeuner, car ce soir, nous allons à nouveau dîner à l’Auberge du Vieux Puits de Gilles Goujon. Pendant la journée nous alternons des promenades dans les environs de la ville où la nature est sauvage et belle avec des promenades en ville où des vestiges du passé montrent que cette petite ville a dû être riche dans le passé. Cela se mesure à l’importance des caveaux dans le cimetière. De courtes siestes sont des points de suspension entre les balades.

Nous sommes fins prêts pour dîner, accueillis par Gilles Goujon tout souriant. Pour l’apéritif je voulais commander un Comtes de Champagne 2006 de Taittinger mais il ne reste plus que du 2007. Mon regard sur tourne alors vers le Champagne Cuvée des Caudalies de Sousa et Fils 2006. Les amuse-bouches sont les mêmes qu’hier et nous sommes capables de citer ce qu’ils sont à la charmante personne qui nous les présente. Le champagne a un nez puissant et ce qui frappe tout de suite, c’est la force de ce champagne plein et généreux, très pénétrant. Ce blanc de blancs est dominant.

D’emblée nous ressentons que le service est beaucoup plus attentif et souriant que la veille. La jeune et charmante Louise-Anne fait un service plaisant.

A table, nous choisissons le menu « quelques pas dans la garrigue » avec quelques ajoutes du chef, qui est ainsi composé : vrai faux couteau de Charly le pêcheur en coquille comme un sandwich / courgette fleur fourrée d’une mousseline en coquillage en crème légère d’oursin / très belle queue de Langoustine, noix de Saint –Jacques et morille fourrée en mousseline de crustacée, purée d’artichaut à la truffe, un bouillon de Poule à la réglisse et polypode / aiguillettes de filet de barbue de Petit Bateau aux artichauts de « Mijo » en baréjade de légumes du printemps au Fetge sec, à l’huile d’olive et « pain con tomate » / tous les morceaux du chevreau de l’ami Jean-Ba, l’épaule en longue cuisson, le gigot simplement rôti, côtelette à la plancha, brochette de béatilles, risotto aux morilles en blanquette printanière, jus à la fleur de thym / chariot de fromages, affinés des Corbières surtout… mais aussi d’ailleurs / sorbet de clémentine en peau semi-confite, suprêmes en tartare, feuillantine de chocolat et crème pralinée pistache / les mignardises du Vieux Puits.

Je bavarde avec Gianni le sommelier sur les vins de Peyre Rose qui pourraient se marier au chevreau et nous décidons que ce sera le Marlène n° 3 Coteaux du Languedoc Peyre Rose de Marlène Soria 2003. Gianni suggère de le carafer mais j’ai envie qu’il soit ouvert au dernier moment pour que l’on profite de son éclosion.

Pour le début du repas, nous aurons le champagne et des restes du chablis et du Winston Churchill.

Gilles Goujon adore recomposer, recréer la nature. Ainsi le couteau ressemble à s’y méprendre à un couteau de mer, mais tout est du vrai faux comme le dit le titre de ce plat. La composition du couteau est superbe mais la mâche croquante de la fausse coquille me gêne un peu, car j’aurais préféré avoir une mâche douce de la chair de ce coquillage si intense. Le goût est évidemment excellent et le champagne de Sousa est le plus adapté.

La courgette est un plat magistral et le Chablis Grand Cru Moutonne Long-Dépaquit Albert Bichot 2015, qui a profité d’un jour d’aération est un partenaire du plat hautement sensuel. Le plat est gourmand.

La langoustine est impressionnante de taille et sa cuisson est idéale. L’imagination du chef est sans limite car le plat est orné d’une coquille de coquille Saint-Jacques qui semble peinte comme un éventail. Et lorsque le maître d’hôtel verse avec force une soupe, la coquille fond et se mêle à la soupe. C’est de la magie et en plus, c’est bon. La morille fourrée est divine. Le Chablis convient mais le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 2008 de la veille est encore meilleur car il a perdu sa bulle et se présente comme un vin vif et délicat.

Le poisson est accompagné d’une myriade de légumes dont chacun se présente à la perfection. J’aurais aimé qu’ils soient un peu plus découpés pour qu’on les croque plus facilement. Le poisson appelle le chablis et les légumes le champagne de Sousa.

Le plat de chevreau est comme un plat de concours. Tous les morceaux sont cuits à la perfection. Le foie est irréellement bon. C’est le moment de goûter le Marlène n° 3 Coteaux du Languedoc Peyre Rose de Marlène Soria 2003 qui titre 14,5°. Le parfum est riche et engageant. En bouche il est évidemment puissant, mais il a une belle tenue, une belle mâche et sait se montrer presque aérien. J’aime l’éclosion d’un vin qui se réveille mais un des amis le préfèrera lorsqu’il sera plus épanoui et plus doucereux. Le risotto est tellement suave que le Winston Churchill l’accueille aussi bien que le vin rouge, plus à l’aise avec les viandes plus marquées.

Ce soir je vais prendre du fromage et je les choisis à la vue, m’étant levé pour regarder cette immense présentation de beaux fromages affinés. Le maître d’hôtel qui les présente a un talent fou. Le vin rouge est le plus souvent le plus à l’aise puisque j’ai choisi les fromages pour lui convenir, mais le de Sousa bien épanoui dans le verre trouve sa place auprès de certains fromages.

Je suis opposé à toute ajoute aux fromages qui doivent se manger seuls, sans rien. Mais ma femme ayant goûté des cerises accompagnées d’un jus de cerise confituré m’ayant dit qu’elle n’a jamais mangé d’aussi bonnes cerises je me suis laissé tenter et j’en ai goûté trois, diaboliques, en respectant ma règle de ne pas prendre en même temps du fromage.

La reconstruction d’une mandarine doit représenter un travail fou à celui qui prélève la peau toute fine pour qu’elle enrobe le sorbet. Ce plat est majeur, et c’est à mon goût le plus beau plat du repas. Quel talent. Faire une sauce au chocolat qui au lieu de l’alourdir rafraîchit le sorbet, c’est du grand art.

Le Peyre Rose s’est montré brillant et bien construit. De temps à autre il a des accents qui rappellent les belles Côtes Rôties de Guigal. Il n’a pas la même complexité mais le vin est joyeux et de bel accomplissement, avec une douceur toute féminine, comme dit Gianni, lorsqu’il s’est épanoui.

En ayant profité de la cuisine de ce grand chef en deux repas, on voit des constantes dans sa cuisine. D’abord l’amour du produit dont la recherche d’excellence est l’attention première du chef. Faire revivre des recettes ancestrales de cette région mérite le respect.  Le talent dans les cuissons est exceptionnel. Et ce qui m’a frappé le plus ce deuxième soir, c’est le génie des sauces.

J’ai personnellement plus d’attirance vers les plats les plus cohérents que vers les plats marqués par une abondance de produits. La diversité des champignons, des légumes ou des morceaux du chevreau me marquent moins que les plats comme le rouget, la courgette ou la langoustine. Mais dans chaque cas, on est au sommet de la création. La coquille Saint-Jacques qui fond, ce sera un souvenir unique. Les desserts ont été légers et parfaits.

Ce soir le service a été chaleureux et attentif. Voilà deux repas d’anthologie.


Notre logis avec des balustrades en ferronerie :

le cassoulet magique du petit-déjeuner

le dîner

peut-on imaginer que la coquille Saint-Jacques va fondre dans le plat ?

magique!

spectaculaire plateau de fromages ou plutôt meuble de fromages

j’ai voulu goûter les cerises seules et le maître d’hôtel a dessiné comme une grappe. Très jolie attention

les vins des deux jours

le lendemain, jour de départ, encore le prodigieux cassoulet du petit-déjeuner